Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, 3 000 milliards d’euros de dettes : voilà ce que nous allons examiner en moins de deux heures. C’est dire l’importance du sujet. Si je devais résumer en quelques mots ce qui caractérise ces crédits, je dirais que c’est le coût de l’accoutumance à une dépense publique qui n’est pas maîtrisée, et à des comptes publics qui ne sont pas équilibrés.
C’est bien ce que montre l’évolution des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État ». Malheureusement, le Gouvernement n’arrive pas à sortir de la politique du « quoi qu’il en coûte », ce qui se traduit par un alourdissement de la dette publique en 2022, qui se confirme en 2023 et devrait se poursuivre au cours des prochaines années.
Pour 2024, les crédits de la mission devraient s’élever à 60, 8 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) et à 54, 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE). En apparence, ces montants sont stables par rapport à 2023, mais ils se maintiennent à un niveau historiquement élevé.
L’absence totale – je pèse mes mots – de maîtrise de la dépense publique par le Gouvernement a donc un coût, qui reflète le niveau abyssal de la dette de l’État. Celle-ci atteindra 2 560 milliards d’euros en 2024 ; plus largement, la dette publique dépassera 3 000 milliards d’euros.
Alors que les crédits de cette mission représentent aujourd’hui le deuxième poste de dépenses du budget de l’État, après ceux de la mission « Enseignement scolaire », ils pourraient devenir le premier poste d’ici à 2027. Cela signifierait que la totalité du produit de l’impôt sur le revenu servirait uniquement à payer les intérêts de notre dette. On se rassure souvent en se disant qu’on ne remboursera jamais le capital, mais il s’agit là des intérêts seulement…
Le temps des taux d’intérêt négatifs est malheureusement révolu ; c’est sans doute une des principales causes de cette situation alarmante. Tous instruments confondus, à l’exception des titres indexés, le taux moyen de financement de l’État est passé de –0, 3 % en 2021 à +3, 1 % pour les dix premiers mois de 2023. Pendant six ans, en tant que rapporteur général de la commission des finances, je n’ai eu de cesse d’avertir du risque d’un accident. Bruno Le Maire en riait et se moquait de moi, arguant que nous empruntions à des taux de plus en plus bas.
Malheureusement, l’accident est arrivé, avec la hausse brutale des taux. De ce fait, le coût de gestion de la dette devrait s’élever à 50, 86 milliards d’euros en 2024. En incluant la dette de SNCF Réseau reprise par l’État, soit 800 millions d’euros, la charge de la dette représentera 51, 7 milliards d’euros en 2024, soit 8, 9 % des dépenses du budget général.
Il y a bien une avancée, certes partielle, concernant le périmètre de la mission, avec l’intégration du programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État », précédemment rattaché à la mission « Écologie ». Nous avions dénoncé cet artifice budgétaire. Un autre subsiste, le maintien du programme 369 « Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 », avec 6, 5 milliards d’euros de CP. Aucun argument économique ne justifie le maintien d’une prétendue « dette covid ». Le Gouvernement cherche simplement à donner l’impression qu’il gère la dette. La commission des finances vous proposera donc d’amender les crédits de la mission afin de supprimer ce programme artificiel.
Nous avons appris hier soir, vers 23 heures, le maintien de la note de la dette française au niveau AA par Standard and Poor’s. Mais l’agence l’assortit d’une perspective négative, « dans un contexte de déficit budgétaire élevé […] et d’une dette publique élevée ». On ne peut être plus clair ! Quoi qu’il en soit, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 3 000 milliards d’euros de dette !
D’ailleurs, les hypothèses très optimistes sur lesquelles le Gouvernement fonde ses projections pourraient être remises en cause, notamment s’agissant des perspectives de croissance.
Les incertitudes pesant sur l’évolution de la conjoncture économique invitent à la vigilance quant aux crédits appelés en garantie, dont le montant est censé diminuer. Nous devons porter la plus grande attention aux prêts garantis par l’État (PGE), dont l’encours s’élève toujours à 76, 5 milliards d’euros, soit 53 % du montant total octroyé.
À la lumière de ces différentes observations, la commission propose d’adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », sous réserve de l’adoption de son amendement n° II-1, et d’adopter sans modification les crédits des comptes spéciaux « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », rattachés à la mission.