Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires résultant mécaniquement de l’application de dispositions prévoyant des dégrèvements, des remboursements et des restitutions d’impôt. Le caractère mécanique de ces dépenses implique – ce n’est pas un détail – que les crédits de la présente mission sont évaluatifs.
Par ailleurs, cette mission est la première en volume de crédits, tous budgets confondus. Ses crédits s’élèvent en effet à plus de 140 milliards d’euros. Ils ont augmenté en vingt ans de 76 milliards d’euros, soit une hausse de 117 %, ce qui s’explique par la hausse des recettes fiscales brutes de l’État, mais surtout par les modifications des politiques fiscales, qui, au gré de la multiplication des exonérations, contribuent à la perte de recettes fiscales.
Concernant les remboursements et dégrèvements d’impôts, les dépenses sont évaluées, pour 2024, à 135, 9 milliards d’euros, soit une hausse de 8, 9 milliards d’euros sur un an.
On assiste à une hausse des restitutions de TVA, qui devraient atteindre plus de 79 milliards d’euros en 2024. En dix ans, les remboursements de TVA ont augmenté de près de 32 milliards d’euros. Si le contexte inflationniste explique cette augmentation, ce niveau historiquement haut doit conduire à des interrogations sur le niveau de fraude. Certes, des avancées notables sont constatées dans la lutte contre ce fléau, mais il est nécessaire d’aller plus loin, alors que la TVA finance différentes politiques publiques – la sécurité sociale, l’audiovisuel public et, largement, les collectivités territoriales, à hauteur de 55 milliards d’euros en 2024.
À l’inverse, le niveau des remboursements d’impôt sur les sociétés baisse de 3 milliards d’euros, ce qui résulte d’une prévision d’accélération du bénéfice fiscal en 2023. L’imposition des bénéfices semble en berne, même si, dans un contexte inflationniste incertain, il convient d’être prudent sur ces prévisions. L’année dernière, j’avais déjà alerté sur le fait que le niveau des remboursements d’impôt sur les sociétés pourrait s’avérer supérieur à la prévision. L’inflation des profits de quelques grands groupes doit être mise en regard de la dette privée, qui explose pour atteindre 162 % du PIB.
Par ailleurs, les remboursements liés à des contentieux de série continuent de peser lourd, ce qui appelle à renforcer les moyens de la direction générale des finances publiques (DGFiP).
Les remboursements liés à des politiques publiques enregistrent pour leur part une baisse de l’ordre de 800 millions d’euros. Cela s’explique par le fait que la montée en puissance du crédit d’impôt contemporain est beaucoup plus lente que prévu. En revanche, le montant du crédit d’impôt recherche (CIR) continue à croître, pour atteindre 7, 6 milliards d’euros. Malgré cette hausse continue, les dernières évaluations de ce dispositif datent de 2021 et se basent sur des données allant jusqu’en 2018. Or le CIR, première niche fiscale, doit être, sinon révolutionné ou repensé, au moins réformé pour en réduire le coût et s’assurer de son utilité sociale, au service d’une recherche stimulée et orientée vers les grands défis du siècle.
Concernant les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux, les crédits pour 2024 s’élèvent à 4, 3 milliards d’euros, soit une baisse de 6, 45 % par rapport à la loi de finances pour 2023. Cette diminution poursuit la tendance entamée depuis 2021 en raison de la suppression de la taxe d’habitation, de la réforme des impôts dits « de production » et de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Les remboursements et dégrèvements d’impôts économiques enregistrent quant à eux une baisse de près de 20 %, pour se limiter à 1, 6 milliard d’euros. Cette baisse s’explique par la suppression partielle en 2023, puis totale en 2027, de la CVAE, compensée, comme d’autres suppressions d’impôts locaux, par l’allocation d’une fraction du produit de la TVA. Je m’interroge sur les baisses de ressources pour les collectivités territoriales qui résulteraient d’une baisse du produit de la TVA une fois l’inflation revenue à la normale.
De manière plus générale, chaque suppression d’impôt est désormais compensée par le versement d’une fraction du produit de la TVA aux collectivités territoriales. Cette pratique pose, d’une part, la question de l’autonomie fiscale de ces dernières et, d’autre part, celle de la pérennité de ce système de financement. En effet, le Gouvernement ne peut pas continuer à diminuer ses propres ressources et à exposer les collectivités territoriales à des retournements de conjoncture.
Enfin, les remboursements et dégrèvements de taxe foncière augmentent chaque année, de sorte que, entre 2018 et 2024, ils ont enregistré une hausse de 707 millions d’euros, soit près de 66 %. La hausse des taux appliqués par les collectivités territoriales explique une partie de cette évolution, qui résulte surtout de la revalorisation des valeurs locatives cadastrales. Cette tendance est assez révélatrice de la perte d’autonomie fiscale des collectivités territoriales. Ces dernières utilisent leur dernier levier fiscal, avec pour conséquence une hausse des taxes annexes à la taxe foncière, comme la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom), fortement affectée par l’inflation.
Il me paraît donc nécessaire de mener une réflexion plus profonde sur le financement des collectivités territoriales et sur les marges de manœuvre qu’elles ont dans leurs ressources.
Cela étant dit, je vous propose d’adopter ces crédits.