Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur les crédits dédiés au numérique.
Si, à première vue, les objectifs du plan France Très Haut Débit semblent pouvoir être atteints, la généralisation de l’accès à la fibre optique d’ici à 2025 rencontre encore des obstacles.
Tout d’abord, le ralentissement des déploiements dans les zones les plus denses et dans les zones d’appel à manifestation d’intérêt (AMI) se confirme. Les engagements pris par les opérateurs de télécommunications ne sont pas toujours respectés. En témoigne la récente sanction de 26 millions d’euros prononcée par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) à l’encontre d’Orange.
Ensuite, nous confondons vitesse et précipitation, ce qui nuit à un déploiement durable et de qualité de nos réseaux. Pour des raisons économiques, l’aérien est privilégié par rapport à l’enfouissement terrestre, accentuant la vulnérabilité des réseaux aux aléas climatiques, comme l’on a malheureusement encore pu s’en rendre compte lors des récentes tempêtes qui ont éprouvé notre pays. C’est d’autant plus problématique que les réseaux de télécommunications ne bénéficient pas d’un raccordement prioritaire au réseau de transport d’électricité en cas de coupure.
Par ailleurs, de fortes inégalités de déploiement perdurent. La situation du département de Mayotte est particulièrement préoccupante à cet égard. Alors que le conseil départemental a lancé un appel d’offres pour déployer son réseau d’initiative publique sur cinq ans, estimant les besoins de financement de l’État à 60 millions d’euros, seulement 4, 5 millions d’euros sont prévus dans le PLF 2024. Si le projet doit effectivement être précisé, l’enveloppe allouée ne permet pas un amorçage suffisant, monsieur le ministre. Néanmoins, il semblerait que vous en soyez conscient, puisque vous seriez prêt à modifier votre position en portant l’autorisation d’engagement à 50 millions d’euros. Si c’est le cas, je modifierai notre amendement en séance.
Enfin, les objectifs ne seront pas atteints tant que la question du financement des raccordements complexes, sur les domaines public et privé, ne sera pas réglée. L’appel à projets de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) s’est clos avec quarante et une demandes de financement, mais la consommation de l’enveloppe de 150 millions d’euros n’est toujours pas précisée. Je constate avec inquiétude que cette enveloppe n’est même pas reconduite en 2024 et qu’aucune proposition opérationnelle n’est présentée par le Gouvernement pour permettre de réaliser ces raccordements absolument essentiels en 2024.
Pour conclure, j’attire votre attention sur le financement des 3 600 conseillers numériques dans les maisons France Services.
Ce dispositif de lutte contre l’illectronisme est aujourd’hui une source de préoccupation majeure pour les élus locaux, inquiets de devoir porter l’intégralité de la charge financière de ces postes. Nous suivrons donc avec attention la consommation de l’enveloppe de 250 millions d’euros mobilisée dans le cadre du plan de relance et nous nous assurerons d’un financement adéquat après 2025.
Les objectifs de numérisation des services publics ne sauraient se faire en laissant de côté les plus vulnérables et les plus isolés : c’est un point sur lequel le Sénat demeurera très vigilant.
J’aurai l’occasion de revenir sur les services publics postaux et le fonctionnement de l’Arcep lors de la présentation des amendements de la commission, qui est globalement favorable à l’adoption de ces crédits.