Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission que nous examinons s’inscrit dans un budget placé sous le signe de la volonté de décarbonation de notre industrie et du désendettement de l’État.
Le Gouvernement prévoit donc de réaliser 16 milliards d’économies, mais, dans le même temps, il continue de réduire les impôts tout en favorisant les grandes entreprises.
Baisser les recettes, c’est désarmer l’État et condamner les Français à subir les effets d’une politique d’austérité - réforme des retraites et de l’assurance chômage, coupes budgétaires dans les services publics. La recette est toujours la même et touche toujours les mêmes : les plus fragiles.
Pourtant, nous devons massivement investir pour faire face aux transitions présentes et futures – la transition environnementale, la transition énergétique, et bien d’autres. Nous devons mobiliser les moyens nécessaires et les rendre socialement inclusifs.
Or, si l’on soustrait les crédits exceptionnels de soutien aux entreprises face à la hausse des prix de l’énergie, il reste une mission « Économie » dans la continuité des précédentes, c’est-à-dire insuffisante pour répondre aux enjeux que j’ai cités. Comme le soulignent les rapporteurs, cette mission illustre l’absence de lisibilité de la politique économique du Gouvernement. Elle ne rassemble qu’une part infime des dépenses en faveur de l’activité économique, de plus en plus intégrées dans le plan France 2030.
Face à ce flou, je me réjouis de l’amendement de la commission des affaires économiques que défendra notre collègue Franck Montaugé visant à demander un rapport récapitulant l’ensemble des actions menées par l’État en faveur de la politique industrielle. Nous avons absolument besoin de clarté dans ce domaine.
La mission « Économie » est une mission hétéroclite, dispersée, peu lisible ; aussi, je ne reviendrai que sur certaines des thématiques qu’elle aborde.
En ce qui concerne le budget de La Poste, si je salue le renouvellement des compensations budgétaires pluriannuelles, je partage l’avis des rapporteurs quant à la nécessité de les revoir à la hausse. La Poste assure un rôle de service public indispensable dans tous les territoires. Or la présence postale est aussi menacée qu’elle est nécessaire, en particulier dans les zones rurales.
Dans un tout autre domaine, la baisse des recettes fiscales des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) ne doit pas se faire au détriment des entreprises artisanales. Celles-ci contribuent à l’attractivité et au rayonnement des territoires. Des dispositifs doivent donc permettre de compenser la réduction de 60 millions d’euros du plafond de la taxe pour frais de chambres affectée aux CMA d’ici à 2027.
J’en viens à deux points plus spécifiques de cette mission.
En premier lieu, le renforcement des investissements de l’État dans le plan France Très Haut Débit et l’ouverture d’appels à projets complémentaires en 2021 et 2022 est une excellente chose. Il doit permettre de nous rapprocher de l’objectif ambitieux de déployer le très haut débit pour tous et d’assurer une couverture générale en fibre optique du territoire d’ici à 2025.
La raréfaction des services publics dans la ruralité rend en effet l’accès à internet incontournable. Cependant, relier toutes les habitations n’est pas facile. Jean-François Fallacher, nouveau directeur général d’Orange, a d’ailleurs qualifié de « chimère » cet objectif. Aussi, où en sommes-nous ? Les moyens sont-ils à la hauteur de nos ambitions ?
La dégradation des réseaux de fibre optique doit aussi être traitée. Le Sénat a entamé une utile réflexion sur le sujet. Je pense notamment à la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des raccordements aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique de Patrick Chaize.
La filière s’est d’ailleurs engagée dans un plan d’action visant à améliorer les pratiques des agents d’intervention. Pour l’heure, les résultats ne sont pas encore visibles. Notre vigilance est donc de mise.
En second lieu, je veux aborder la question de l’économie sociale et solidaire. L’ESS a démontré sa résilience pendant la crise de la covid-19. Ce secteur joue un rôle primordial dans la transition sociale et écologique. Pourtant, les soutiens qui lui sont accordés dans cette mission sont faibles : ils s’élèvent à seulement 20 millions d’euros contre 120 milliards d’aides recensés pour les entreprises classiques.
L’ESS ne saurait être le parent pauvre de ce budget quand on sait qu’elle représente 10 % du PIB et 14 % des emplois privés. La sous-estimer, c’est la mettre en péril, tout autant que les valeurs qui devraient être au cœur de toutes les entreprises.
Mon groupe et moi-même déplorons la stagnation des budgets des pôles territoriaux de coopération économique, dont le rôle est fondamental.
L’ESS doit donc être dotée de moyens conséquents. Elle est un outil indéniable pour faire face aux crises sanitaire, énergétique et écologique que nous vivons. Résilience et innovation en sont ses maîtres mots.
Ce budget ne répond pas à l’urgence. Les entreprises de l’ESS méritent d’être traitées à l’égal de leurs homologues de l’économie classique. Elles auraient sans doute plus leur place dans le programme 134 « Développement des entreprises et régulations ».
L’an dernier, le groupe socialiste, par l’intermédiaire de Florence Blatrix Contat, avait déposé plusieurs amendements pour conforter ce secteur. Aussi, sous réserve de l’adoption des amendements qui seront examinés, nous voterons les crédits de cette mission « Économie ».