Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra de voter les crédits de cette mission.
Nous soulignons tout d’abord la pertinence des programmes d’investissements d’avenir. Il s’agit d’outils puissants et de véritables leviers pour qui veut replacer l’État stratège au centre des politiques industrielles. Mais le caractère hors norme de ce processus extrabudgétaire pose la question du contrôle démocratique. La complexité des programmes est telle qu’il est impossible d’en rendre compte correctement devant les parlementaires.
C’est d’ailleurs ce qu’a relevé, en avril 2023, la Cour des comptes, qui estime, en substance, qu’aucun des documents proposés sur les PIA ne présente une analyse consolidée et transversale des investissements effectivement réalisés ou en cours, pas plus qu’une évaluation de leurs conséquences pour l’économie nationale. En démocratie, ce n’est pas normal !
C’est pourquoi nous soutenons la proposition faite en commission des finances d’adopter une démarche annuelle de revue de portefeuille afin de décider des réallocations en fonction du résultat des évaluations. Évaluer, ce n’est pas un gros mot ! Au contraire, c’est un impératif au fondement de tout contrôle démocratique.
Je soulèverai également la question de la pertinence de l’orientation des crédits. Les investissements retenus sont-ils susceptibles de permettre à la France de relever les défis auxquels elle est confrontée ? Je pense en particulier aux enjeux de politique industrielle et de transition écologique.
On constate d’abord un phénomène de saupoudrage, plusieurs de mes collègues l’ont dit avant moi.
Ensuite, le plan France 2030 n’apparaît pas comme un réel outil de planification écologique, voire industrielle. Il élude en effet la question de la sobriété énergétique ; il ne questionne pas directement nos modes de consommation ; il n’alimente aucune réflexion stratégique sur les filières industrielles. Autrement dit, le plan France 2030 est un guichet à subventions.
Ce programme soutient l’innovation – le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires est pour l’innovation –, encore faut-il se mettre d’accord sur les innovations dont on parle !
Je dis cela parce que l’histoire démontre qu’une innovation technologique vertueuse peut aussi porter en elle des effets pervers, notamment en matière environnementale. Comment mieux intégrer les enjeux liés à l’eau, à la terre, au vivant dans les programmes ?
Ainsi, les crédits des programmes visent principalement à atteindre la décarbonation. Malheureusement, ce n’est pas si simple. Par exemple, investir dans le nucléaire permet de décarboner la production d’électricité, mais cela pollue également pour plusieurs siècles. Or l’eau, la terre, le vivant doivent également être au cœur de la réflexion sur l’avenir.
En définitive, le Gouvernement prévoit avec ces programmes de continuer à aider massivement des entreprises dont certaines ont largement les moyens de financer leurs projets. Le rôle de l’État est-il de concentrer les crédits sur les grands groupes qui versent parfois des dividendes astronomiques, alors même qu’ils sont déjà les premiers bénéficiaires du crédit d’impôt recherche (CIR) ? Je pense à Engie, à TotalEnergies ou encore à ArcelorMittal, qui perçoit 850 millions d’euros de subventions ; or ces crédits n’ont fait l’objet d’aucun contrôle ni d’aucune évaluation écologique !
En un mot, ces groupes émargent massivement et en subventions et en crédit d’impôt recherche, alors même qu’ils seront moins taxés en 2024, à l’image de TotalEnergies, à la suite de la suppression de la taxe sur les raffineries.
Selon nous, distribuer des subventions pour préparer l’avenir et diffuser le progrès est utile. Mais pour qu’il y ait progrès, encore faut-il définir un sens ! Nous ne remettons pas en cause la pertinence des outils ni même celle de certains projets soutenus, mais nous soulignons avec force que la seule politique financière de soutien à l’innovation ne fait pas une politique économique.
Nous avons besoin de lignes directrices et d’objectifs discutés et partagés démocratiquement. Dans ce texte, il n’y a pas d’objectifs clairs ; il ne peut donc pas y avoir d’évaluation solide.
Oui, à l’outil que sont les PIA, oui à l’innovation, …