Intervention de Akli MELLOULI

Réunion du 7 décembre 2023 à 10h30
Loi de finances pour 2024 — Demande de priorité

Photo de Akli MELLOULIAkli MELLOULI :

À chacun des nombreux mouvements sociaux qui touchent les territoires d'outre-mer, on retrouve les mêmes revendications en faveur d'une augmentation généralisée des salaires, des minima sociaux, des allocations chômage et des pensions de retraite. L'augmentation des prix provoque en effet un véritable ras-le-bol, comme l'illustrent les mobilisations de collectifs d'associations devant les supermarchés en Guyane.

Monsieur le ministre, malgré la récurrence et la dureté de ces mouvements sociaux, malgré les alertes des élus locaux et des parlementaires des Drom et des COM, malgré le dernier rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese), malgré les conclusions de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur le coût de la vie outre-mer et malgré l'Oudinot du pouvoir d'achat, organisé par votre ministère, le mal-être est là. Le mal-être perdure, le mal-être s'aggrave, à l'heure où l'inflation frappe tout particulièrement les produits alimentaires et de consommation courante.

Non seulement les prix sont de plus en plus élevés, mais l'écart avec l'Hexagone s'est encore creusé en 2022 : les prix sont 10 % à 15 % plus élevés dans les départements et régions d'outre-mer, 30 % à 40 % plus élevés en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie.

Les écarts sont plus grands encore si l'on ne considère que les produits alimentaires, qui sont vendus environ 30 % plus cher dans les Drom. Or l'alimentation est l'un des premiers postes de consommation des familles. D'après le Cese, 55 % des Ultramarins avouent même renoncer régulièrement à des dépenses du quotidien afin de pouvoir assurer l'essentiel. Au total, 900 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté en outre-mer. Voilà qui n'est pas digne de notre pays.

Répondre rapidement et efficacement aux difficultés de pouvoir d'achat que rencontrent nos compatriotes d'outre-mer est bien sûr un enjeu de cohésion sociale. Mais, au-delà, la réduction des fractures systémiques entre la métropole et les territoires d'outre-mer est au cœur de la promesse républicaine d'égalité.

L'égalité n'est pas un supplément d'âme, elle n'est pas de l'ordre des bons sentiments : elle est une garantie de l'État. Nous devons garantir aux outre-mer l'égalité sociale et territoriale : c'est notre devoir !

J'y insiste, il s'agit là d'un enjeu de cohésion nationale ; et, pour maintenir la cohésion entre l'Hexagone et l'outre-mer, il faut enrayer les mécanismes de ce fort et légitime sentiment d'injustice.

Des dispositions pragmatiques, non partisanes, peuvent d'ores et déjà être adoptées au titre du projet de loi de finances pour 2024.

Face aux situations de rente et de quasi-monopole dans certains secteurs, le Gouvernement a créé en 2007 des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR). Ces établissements ont pour mission d'analyser le niveau et la structure des prix et des revenus et de fournir aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution.

Les OPMR donnent notamment un avis consultatif préalable à la phase de négociation des prix des produits composant le bouclier qualité-prix. Mais ils sont contraints par le faible niveau de leur dotation, qui est d'environ 100 000 euros par an, et par la grande variété de leurs missions.

Monsieur le ministre, dans l'intérêt du pouvoir d'achat de nos compatriotes d'outre-mer, je vous propose d'augmenter significativement la dotation des OPMR. La diminution des inégalités et la maîtrise des prix doivent en effet compter parmi les piliers de notre politique d'outre-mer.

En parallèle, il faut œuvrer au développement économique local et faciliter l'accès à l'emploi de qualité. Ces efforts sont seuls à même d'enclencher une dynamique vertueuse pour les outre-mer.

Monsieur le ministre, il faut travailler au développement d'une économie plus dynamique et durable, véritablement ancrée dans les territoires et plus respectueuse de son environnement, permettant une hausse du pouvoir d'achat des Ultramarins.

Par leurs amendements – je n'en doute pas –, mes collègues de tous bords politiques mettront en lumière l'ensemble des facteurs concourant à la crise du pouvoir d'achat outre-mer, parmi lesquels les surcoûts liés aux importations ; la concentration des principaux importateurs et distributeurs ; la taille des marchés locaux ; la fiscalité locale assise sur les importations ; le manque d'emplois locaux et la faiblesse des revenus ; ou encore l'insuffisance des productions locales, y compris pour les produits frais.

Au regard de ces différents facteurs, du contexte de tension sociale et de l'urgence de la situation, les soixante-douze mesures annoncées par le comité interministériel des outre-mer le 18 juillet 2023 ont cruellement déçu les élus. Ces derniers déplorent le manque d'ambition du Gouvernement en matière de résorption de la fracture sociale et de réduction des inégalités.

Ni la réforme de l'octroi de mer, qui pèse sur le prix des biens, ni la régulation des prix n'ont fait l'objet de la moindre annonce concrète.

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