Séance en hémicycle du 7 décembre 2023 à 10h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • continuité
  • eau
  • logement
  • outre-mer
  • ultramarin

La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 127, rapport général n° 128, avis n° 129 à 134).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

seconde partie

Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et articles 55 et 55 bis).

Debut de section - PermalienPhoto de Micheline Jacques

Monsieur le président, je demande l’examen en priorité de l’article 55, ainsi que des amendements portant article additionnel qui s’y rapportent.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, je suis donc saisi par Mme Micheline Jacques d’une demande de priorité sur l’article 55 ainsi que sur les amendements portant article additionnel qui s’y rapportent, afin qu’ils soient examinés avant les crédits de la mission.

Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Mes chers collègues, je vous rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.

Je mets aux voix la demande de priorité.

La demande de priorité est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le principal objectif des crédits de la mission « Outre-mer » est le rattrapage des écarts existant entre les territoires d’outre-mer et la métropole. Ces écarts, déjà forts et persistants, ont de surcroît tendance à s’accroître, et ce dans nombre de domaines : PIB, chômage, illettrisme, illectronisme ou encore espérance de vie.

En outre, de nouveaux enjeux se font jour pour les territoires d’outre-mer, dont les crédits de la mission devront tenir compte à l’avenir.

En effet, la crise sanitaire a souligné la très grande dépendance des territoires ultramarins aux importations alimentaires, tandis que la crise économique et l’inflation ont mis en exergue leur dépendance énergétique. Aussi l’autonomie alimentaire et la transition écologique constituent-elles, pour les outre-mer, deux défis majeurs de plus à relever dans les années à venir.

À cet égard, les annonces faites à l’issue du comité interministériel des outre-mer (Ciom) de juillet 2023 représentent une avancée notable, sans répondre néanmoins à toutes les attentes. Reste surtout à les concrétiser par des moyens budgétaires et par un réel suivi, régulier et exhaustif.

La question d’une réforme institutionnelle, ou d’une évolution statutaire, demande prégnante dans certains territoires d’outre-mer, n’a pas été abordée dans le cadre du Ciom, alors même que le Président de la République s’était déclaré ouvert à la discussion.

Par ailleurs, les enjeux sécuritaires, qui sont pourtant au cœur des préoccupations ultramarines, n’ont pas non plus été traités.

La tenue d’un « Oudinot du pouvoir d’achat » avait aussi été évoquée en septembre 2022. Force est cependant de constater que, si des annonces ont été faites en ce sens lors du Ciom, aucune mesure d’ensemble sur le pouvoir d’achat n’a été actée.

Ces remarques étant faites, je salue la hausse des crédits budgétaires de la mission : c’est un pas important qui est franchi en vue de la mise en œuvre des annonces du Ciom.

Pour ce qui est du programme 123, qui recense les crédits des politiques publiques en faveur de l’amélioration des conditions de vie dans les outre-mer, cette hausse porte sur trois domaines fondamentaux pour nos territoires.

Tout d’abord, un effort notable de près de 50 millions d’euros est consenti afin de poursuivre la dynamique lancée par le plan Logement outre-mer en développant et en rénovant l’habitat, mais aussi en résorbant l’habitat indigne.

Ensuite, les moyens alloués à la continuité territoriale sont renforcés de 22 millions d’euros.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2024 maintient et renforce l’aide ciblée en direction de certains territoires au travers des contrats de redressement en outre-mer (Corom), pour 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et 16 millions d’euros en crédits de paiement.

Toutefois, il me semble nécessaire de renforcer encore ce dispositif, au regard du nombre de communes en difficulté. En effet, sur les cent vingt-neuf communes que comptent les départements et régions d’outre-mer (Drom), trente sont inscrites dans le réseau d’alerte sur les finances locales de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

C’est pourquoi nous vous proposerons, mes chers collègues, d’augmenter par amendement les crédits alloués aux Corom de 18 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 6 millions d’euros en crédits de paiement, en sus de la hausse déjà votée par l’Assemblée nationale de 9 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 3 millions d’euros en crédits de paiement.

Il convient également de souligner que le soutien exceptionnel de l’État à la collectivité de Guyane est prolongé en 2024, à hauteur de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

En revanche, les crédits alloués à l’appui à l’accès aux financements bancaires et au soutien en ingénierie diminuent, alors même que le besoin de financement des acteurs économiques locaux pourrait augmenter en 2024, dans un contexte de crise économique.

C’est pourquoi nous vous soumettrons, sur l’initiative de mon collègue Teva Rohfritsch, deux amendements visant à augmenter de 3 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 1 million d’euros en crédits de paiement, d’une part, les crédits alloués à la société de gestion des fonds de garantie d’outre-mer (Sogefom), qui garantit les crédits en faveur des TPE et PME intervenant dans les collectivités du Pacifique, d’autre part, les crédits alloués au fonds outre-mer aux fins de développer le soutien à l’ingénierie des communes et intercommunalités de Polynésie.

Ce second point comptait du reste au nombre des préconisations de notre rapport sur les Corom.

Quant au programme 138 « Emploi outre-mer », qui rassemble les crédits des politiques publiques en faveur de la compétitivité des entreprises, de l’amélioration de l’employabilité des jeunes et de la qualification des actifs ultramarins, il enregistre également une hausse substantielle. Cette hausse résulte essentiellement de celle des crédits consacrés aux exonérations de charges sociales, dans un contexte où la masse salariale en outre-mer augmente régulièrement depuis 2022 et la fin de la crise sanitaire.

Ces exonérations sont un outil indispensable au maintien et à la création des emplois.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposerons d’adopter les crédits de la mission « Outre-mer ».

Pour ce qui concerne l’article 55 rattaché, qui a suscité ces derniers jours de nombreuses réactions, nous nous montrerons ouverts à la discussion s’agissant de rechercher et de trouver des voies d’amélioration consensuelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue bien entendu, comme mon collègue Georges Patient, la hausse des crédits de la mission « Outre-mer ».

Il convient également de rappeler que ces crédits ont, de surcroît, été augmentés par plusieurs modifications apportées par l'Assemblée nationale.

Je pense notamment à la hausse du fonds exceptionnel d'investissement de 50 millions d'euros, dont 10 millions pour les investissements liés à la distribution de l'eau à Mayotte, mais aussi à l'abondement de 5 millions d'euros du fonds de secours pour l'outre-mer, qui prend partiellement en charge l'indemnisation des dégâts causés par les catastrophes naturelles, à l'ouverture de 10 millions d'euros de crédits destinés à l'Agence française de développement ou encore de plus de 2 millions d'euros destinés à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom).

L'impact total de ces mouvements de crédits s'établit à 89 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 34 millions d'euros en crédits de paiement.

En sus des crédits budgétaires, les dépenses fiscales contribuent à la dynamisation de l'économie, à l'attractivité des territoires et à l'effort général de rattrapage de l'écart de niveau socioéconomique entre l'outre-mer et la métropole.

Les dépenses fiscales associées aux deux programmes de la mission devraient s'établir, en 2024, à plus de 5 milliards d'euros, soit deux fois plus que les crédits budgétaires portés par la mission elle-même.

Dans la loi de finances pour 2023, plusieurs modifications bienvenues étaient intervenues pour prolonger, jusqu'en 2029, des dépenses fiscales dont le fait générateur allait s'éteindre. Je me souviens également d'un amendement adopté par le Sénat qui étendait le bénéfice de ces dispositions aux collectivités du Pacifique.

Nous estimons que ces dépenses fiscales sont un outil indispensable pour l'économie ultramarine, tout en reconnaissant qu'il est nécessaire de mieux les évaluer et, au besoin, de les modifier.

Dans ce contexte, les démarches entreprises ces dernières années vont dans le bon sens et doivent être poursuivies. Les évolutions envisagées devront néanmoins s'effectuer en concertation avec les acteurs et avec les élus locaux, mais aussi sur la base de consultations et à la lumière d'une évaluation préalable, et non à l'aveugle.

L'acceptabilité et la pertinence de ces réformes dépendront du dialogue qui sera mis en place. Les débats intervenus dans notre assemblée en première partie, notamment sur l'article 7 ter, témoignent de la nécessité d'adapter la méthode.

De surcroît, en complément des crédits portés par la mission « Outre-mer » et des dépenses fiscales associées, les territoires d'outre-mer bénéficient de crédits en provenance d'autres programmes du budget général. Ainsi le montant total des contributions budgétaires s'élève-t-il, dans le projet de loi de finances pour 2024, à 21 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 29 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 195 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 648 millions d'euros en crédits de paiement.

Ces crédits pluriministériels permettent, notamment, le financement de plusieurs plans thématiques importants pour nos territoires d'outre-mer : le plan d'actions pour les services d'eau potable et d'assainissement, le plan Séisme Antilles, le plan Sargasses, le plan Logement outre-mer et le plan Chlordécone. Nous saluons donc leur augmentation.

Enfin, les territoires d'outre-mer bénéficient des crédits du plan de relance et du fonds vert. Pour ce qui concerne le plan de relance, 1 milliard d'euros d'autorisations d'engagement environ avaient été consommés en outre-mer à la fin de 2022, soit 500 millions d'euros de moins que le montant d'ouverture initialement annoncé.

Cette sous-consommation, en deçà des attentes et en deçà des besoins, s'explique pour partie par la faiblesse de l'ingénierie en outre-mer et par d'autres contraintes locales, comme la difficulté à trouver du foncier disponible.

À titre d'exemple, en Polynésie française, certains dispositifs se sont révélés inadaptés au statut d'autonomie du pays. Faute de satisfaction de certains prérequis, comme la couverture du territoire par le système informatique pour le répertoire des entreprises et des établissements (Sirene), il n'a pas été possible d'y mettre en place le dispositif, pourtant très attendu localement, des conseillers numériques.

S'il en était besoin, la mise en œuvre du plan de relance, comme celle d'autres dispositifs auparavant, met en exergue l'absolue nécessité de tenir compte des spécificités territoriales et de développer des approches différenciées entre la métropole et les territoires d'outre-mer, mais également entre les territoires d'outre-mer eux-mêmes.

En d'autres termes, mes chers collègues, il s'agit tout simplement de tenir compte des lois organiques portant statut de nos territoires respectifs votées par le Parlement national.

Le fonds vert, pour sa part, a été fortement sollicité en outre-mer. Ainsi, 403 dossiers ont été déposés au 20 septembre 2023, le montant total des aides demandées s'élevant à plus de 220 millions d'euros ; 160 dossiers ont été sélectionnés, pour un montant total de 93 millions d'euros.

Au regard de ces chiffres, l'enveloppe budgétaire allouée pour 2023 ne permettra pas l'instruction de tous les dossiers déposés. Les porteurs de projet ont naturellement été invités à présenter leurs dossiers non retenus en 2023 à l'appel à candidatures pour 2024. Vous conviendrez que nous obérons, par ce biais, la mobilisation de nouveaux projets au cours de cette période.

Certes, une telle situation n'est pas propre aux territoires ultramarins : elle atteste l'ampleur des besoins d'investissement en faveur de la transition écologique et de la lutte contre le réchauffement climatique – je sais que vous y êtes sensible, monsieur le ministre.

Les outre-mer sont aux avant-postes de ces bouleversements et méritent un soutien accru sur ces questions.

Ce succès du fonds vert démontre que nos territoires d'outre-mer savent se montrer dynamiques face aux impératifs, dont la résonance est pour eux quotidienne, de transition écologique et de protection de l'environnement.

Comme mon collègue Georges Patient l'a indiqué, nous appelons à voter en faveur des crédits de la mission tout en restant bien entendu attentifs au débat que nous aurons sur l'article 55. §

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Girardin et MM. Bernard Buis et Frédéric Buval applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Micheline Jacques

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a choisi de rendre un avis favorable sur les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2024.

Les crédits dédiés aux territoires ultramarins étant répartis au sein de trente-deux missions budgétaires, c'est peu dire qu'il n'est pas aisé d'apprécier dans sa globalité l'effort consenti par l'État en faveur du rattrapage de nos territoires ultramarins. Pour ce qui est des crédits du très restreint périmètre de la mission « Outre-mer », nous notons avec satisfaction que nombre des recommandations de notre assemblée, portant notamment sur le logement ou sur la continuité territoriale, ont été suivies dans le cadre de ce budget, ainsi que dans celui des annonces issues du comité interministériel des outre-mer.

Naturellement, beaucoup reste à faire ; mais, lorsque le Gouvernement reprend à son compte des propositions qui lui sont faites, il convient de le noter.

Cela dit, pour ce qui concerne la question du logement social, sur laquelle je souhaite insister, les résultats en matière de construction, de réhabilitation et de lutte contre l'habitat indigne demeurent très en deçà des ambitions affichées, année après année, par le Gouvernement.

Avec 2 729 logements livrés en 2022, nous avons atteint un point bas historique de la construction, alors que 80 % des ménages ultramarins sont éligibles au logement social.

Le rythme des réhabilitations, environ 2 000 par an, n'est pas non plus satisfaisant, au regard des besoins observés et du vieillissement de certaines populations que l'on entend maintenir à domicile.

Enfin, que dire de la lutte contre l'habitat indigne ? Près de 150 000 logements indignes sont recensés par la Fondation Abbé Pierre et près de trois Ultramarins sur dix seraient en situation de mal-logement ou confrontés à l'absence de logement personnel, ce qui témoigne, monsieur le ministre, de l'insuffisance de votre politique.

Face à ce constat, la commission note avec satisfaction que les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) augmentent assez substantiellement pour toutes les sous-actions. Il demeure toutefois indispensable d'accroître les moyens qui sont consacrés à la politique du logement.

Nous tenons par ailleurs à souligner l'existence d'un autre puissant frein à cette politique, celui de la mauvaise – pour ne pas dire inexistante – acclimatation des normes hexagonales aux territoires ultramarins.

Je citerai brièvement deux exemples : le sujet du marquage régions ultrapériphériques (RUP), pourtant identifié de très longue date, n'est toujours pas sérieusement traité ; quant au diagnostic de performance énergétique des logements, il se révèle inadapté aux territoires ultramarins, ce qui a pour conséquence très concrète d'exclure nos compatriotes du bénéfice de l'essentiel des aides du dispositif MaPrimeRénov', dont les montants sont pourtant autrement plus importants que ceux des aides financées par les crédits LBU.

Il y a là deux exemples parmi tant d'autres de tout ce qui, en outre-mer, freine la construction et la réhabilitation des logements en augmentant les coûts que doivent supporter les bailleurs, les locataires et les propriétaires.

En conclusion, monsieur le ministre, je dis « oui » aux crédits, ils sont indispensables – et les montants alloués restent probablement insuffisants ; mais il est absolument nécessaire de s'attaquer dans le même temps à la question des normes.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue bien entendu, comme mon collègue Georges Patient, la hausse des crédits de la mission « Outre-mer ».

Il convient également de rappeler que ces crédits ont, de surcroît, été augmentés par plusieurs modifications apportées par l’Assemblée nationale.

Je pense notamment à la hausse du fonds exceptionnel d’investissement de 50 millions d’euros, dont 10 millions pour les investissements liés à la distribution de l’eau à Mayotte, mais aussi à l’abondement de 5 millions d’euros du fonds de secours pour l’outre-mer, qui prend partiellement en charge l’indemnisation des dégâts causés par les catastrophes naturelles, à l’ouverture de 10 millions d’euros de crédits destinés à l’Agence française de développement ou encore de plus de 2 millions d’euros destinés à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom).

L’impact total de ces mouvements de crédits s’établit à 89 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 34 millions d’euros en crédits de paiement.

En sus des crédits budgétaires, les dépenses fiscales contribuent à la dynamisation de l’économie, à l’attractivité des territoires et à l’effort général de rattrapage de l’écart de niveau socioéconomique entre l’outre-mer et la métropole.

Les dépenses fiscales associées aux deux programmes de la mission devraient s’établir, en 2024, à plus de 5 milliards d’euros, soit deux fois plus que les crédits budgétaires portés par la mission elle-même.

Dans la loi de finances pour 2023, plusieurs modifications bienvenues étaient intervenues pour prolonger, jusqu’en 2029, des dépenses fiscales dont le fait générateur allait s’éteindre. Je me souviens également d’un amendement adopté par le Sénat qui étendait le bénéfice de ces dispositions aux collectivités du Pacifique.

Nous estimons que ces dépenses fiscales sont un outil indispensable pour l’économie ultramarine, tout en reconnaissant qu’il est nécessaire de mieux les évaluer et, au besoin, de les modifier.

Dans ce contexte, les démarches entreprises ces dernières années vont dans le bon sens et doivent être poursuivies. Les évolutions envisagées devront néanmoins s’effectuer en concertation avec les acteurs et avec les élus locaux, mais aussi sur la base de consultations et à la lumière d’une évaluation préalable, et non à l’aveugle.

L’acceptabilité et la pertinence de ces réformes dépendront du dialogue qui sera mis en place. Les débats intervenus dans notre assemblée en première partie, notamment sur l’article 7 ter, témoignent de la nécessité d’adapter la méthode.

De surcroît, en complément des crédits portés par la mission « Outre-mer » et des dépenses fiscales associées, les territoires d’outre-mer bénéficient de crédits en provenance d’autres programmes du budget général. Ainsi le montant total des contributions budgétaires s’élève-t-il, dans le projet de loi de finances pour 2024, à 21 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 29 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 195 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 648 millions d’euros en crédits de paiement.

Ces crédits pluriministériels permettent, notamment, le financement de plusieurs plans thématiques importants pour nos territoires d’outre-mer : le plan d’actions pour les services d’eau potable et d’assainissement, le plan Séisme Antilles, le plan Sargasses, le plan Logement outre-mer et le plan Chlordécone. Nous saluons donc leur augmentation.

Enfin, les territoires d’outre-mer bénéficient des crédits du plan de relance et du fonds vert. Pour ce qui concerne le plan de relance, 1 milliard d’euros d’autorisations d’engagement environ avaient été consommés en outre-mer à la fin de 2022, soit 500 millions d’euros de moins que le montant d’ouverture initialement annoncé.

Cette sous-consommation, en deçà des attentes et en deçà des besoins, s’explique pour partie par la faiblesse de l’ingénierie en outre-mer et par d’autres contraintes locales, comme la difficulté à trouver du foncier disponible.

À titre d’exemple, en Polynésie française, certains dispositifs se sont révélés inadaptés au statut d’autonomie du pays. Faute de satisfaction de certains prérequis, comme la couverture du territoire par le système informatique pour le répertoire des entreprises et des établissements (Sirene), il n’a pas été possible d’y mettre en place le dispositif, pourtant très attendu localement, des conseillers numériques.

S’il en était besoin, la mise en œuvre du plan de relance, comme celle d’autres dispositifs auparavant, met en exergue l’absolue nécessité de tenir compte des spécificités territoriales et de développer des approches différenciées entre la métropole et les territoires d’outre-mer, mais également entre les territoires d’outre-mer eux-mêmes.

En d’autres termes, mes chers collègues, il s’agit tout simplement de tenir compte des lois organiques portant statut de nos territoires respectifs votées par le Parlement national.

Le fonds vert, pour sa part, a été fortement sollicité en outre-mer. Ainsi, 403 dossiers ont été déposés au 20 septembre 2023, le montant total des aides demandées s’élevant à plus de 220 millions d’euros ; 160 dossiers ont été sélectionnés, pour un montant total de 93 millions d’euros.

Au regard de ces chiffres, l’enveloppe budgétaire allouée pour 2023 ne permettra pas l’instruction de tous les dossiers déposés. Les porteurs de projet ont naturellement été invités à présenter leurs dossiers non retenus en 2023 à l’appel à candidatures pour 2024. Vous conviendrez que nous obérons, par ce biais, la mobilisation de nouveaux projets au cours de cette période.

Certes, une telle situation n’est pas propre aux territoires ultramarins : elle atteste l’ampleur des besoins d’investissement en faveur de la transition écologique et de la lutte contre le réchauffement climatique – je sais que vous y êtes sensible, monsieur le ministre.

Les outre-mer sont aux avant-postes de ces bouleversements et méritent un soutien accru sur ces questions.

Ce succès du fonds vert démontre que nos territoires d’outre-mer savent se montrer dynamiques face aux impératifs, dont la résonance est pour eux quotidienne, de transition écologique et de protection de l’environnement.

Comme mon collègue Georges Patient l’a indiqué, nous appelons à voter en faveur des crédits de la mission tout en restant bien entendu attentifs au débat que nous aurons sur l’article 55.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Girardin applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » pour l'année 2024 sont en forte hausse par rapport à l'année précédente. Après l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le présent projet de loi de finances, l'augmentation s'élève à 9 % en autorisations d'engagement et à 5 % en crédits de paiement.

Nous nous félicitons de cette augmentation notable des crédits, qui intervient dans un contexte encore incertain pour les territoires ultramarins, marqué par une inflation persistante, une aggravation des inégalités et une multiplication des tensions sociales.

Ces crédits supplémentaires permettront, tout d'abord, de financer la construction de logements et la lutte contre l'habitat indigne, qui constituent un enjeu majeur. Vous le savez, les logements insalubres représentent en moyenne 18 % des logements en outre-mer.

Ces crédits permettront, ensuite, le renforcement de la continuité territoriale, notamment grâce à l'élargissement des publics éligibles à l'aide à la continuité territoriale.

Les ouvertures de crédits ont également vocation à renforcer l'insertion professionnelle, via par exemple la poursuite du déploiement du plan SMA 2025+, qui vise à améliorer le service militaire adapté, dont l'efficacité n'est plus à prouver.

Quant au soutien aux collectivités territoriales, il sera renforcé : en témoignent la pérennisation des contrats de redressement en outre-mer et le financement de nouveaux contrats de convergence et de transformation.

Si cette hausse des crédits est bienvenue, je souhaiterais toutefois insister sur deux points.

Tout d'abord, il est indispensable de poursuivre cet effort budgétaire dans la durée, notamment dans le domaine du logement, afin de fournir un habitat décent à chaque citoyen ultramarin.

Ensuite, le pilotage budgétaire de la mission « Outre-mer » apparaît largement perfectible. Depuis plusieurs années, plusieurs ajustements ont été mis en œuvre pour améliorer ledit pilotage. Toutefois, la gestion de la mission reste marquée par une sous-consommation des crédits, qui concerne notamment la ligne budgétaire unique.

Compte tenu de l'ampleur des enjeux relatifs à l'habitat insalubre en outre-mer, il n'est pas acceptable que les crédits votés par le législateur ne soient pas exécutés en totalité pour améliorer la situation. A contrario, j'ai constaté une importante surexécution des crédits concernant la compensation des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises ultramarines.

Enfin, le volume de restes à payer, qui est très élevé, représente un risque avéré pour la soutenabilité de la mission budgétaire.

La commission des lois appelle donc le Gouvernement à poursuivre l'amélioration du pilotage budgétaire de la mission.

En dépit de ces quelques faiblesses, et compte tenu des éléments positifs qui ont été relevés, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Solanges Nadille. §

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Girardin et MM. Bernard Buis et Frédéric Buval applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Solanges NADILLE

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour 2024, les moyens financiers déployés en faveur de la mission « Outre-mer » s'élèvent à 2, 9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 2, 6 milliards d'euros en crédits de paiement à périmètre constant, soit des hausses respectives de 6, 8 % et de 4, 5 % par rapport à 2023.

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants salue cette augmentation des moyens au service de nos concitoyens.

La mission « Outre-mer » répond à quatre grandes orientations budgétaires de la politique du Gouvernement.

La première a trait aux préoccupations quotidiennes des habitants de ces territoires et s'organise elle-même autour de trois grands axes : le logement, l'accès à l'eau et la lutte contre les sargasses.

Tout d'abord, pour ce qui concerne le logement, l'augmentation de la ligne budgétaire unique permettra de financer les grands défis de nos territoires, à savoir la construction de logements locatifs sociaux, la réhabilitation et l'adaptation au vieillissement du parc locatif privé et du parc locatif social, sans oublier la lutte contre l'habitat indigne.

Concernant ensuite l'accès à l'eau, nous saluons la pérennisation du soutien apporté au syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe, à hauteur de 20 millions d'euros. Nous saluons également tous les efforts qui sont accomplis pour Mayotte.

Un mot, enfin, de la lutte contre les sargasses, phénomène dont pâtissent nos concitoyens antillo-guyanais et qui met à mal certains secteurs de l'économie de ces territoires. Au sein de mon territoire, la Guadeloupe, les îles du sud de l'archipel sont particulièrement touchées.

Les moyens des groupements d'intérêt public dits GIP « sargasses » seront renforcés, l'enveloppe atteignant 1, 4 million d'euros. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous remercier personnellement de votre présence à Dubaï où, en marge de la COP28, vous avez lancé une initiative visant à faire reconnaître cette catastrophe sur le plan international.

Debut de section - PermalienPhoto de Micheline Jacques

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a choisi de rendre un avis favorable sur les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2024.

Les crédits dédiés aux territoires ultramarins étant répartis au sein de trente-deux missions budgétaires, c’est peu dire qu’il n’est pas aisé d’apprécier dans sa globalité l’effort consenti par l’État en faveur du rattrapage de nos territoires ultramarins. Pour ce qui est des crédits du très restreint périmètre de la mission « Outre-mer », nous notons avec satisfaction que nombre des recommandations de notre assemblée, portant notamment sur le logement ou sur la continuité territoriale, ont été suivies dans le cadre de ce budget, ainsi que dans celui des annonces issues du comité interministériel des outre-mer.

Naturellement, beaucoup reste à faire ; mais, lorsque le Gouvernement reprend à son compte des propositions qui lui sont faites, il convient de le noter.

Cela dit, pour ce qui concerne la question du logement social, sur laquelle je souhaite insister, les résultats en matière de construction, de réhabilitation et de lutte contre l’habitat indigne demeurent très en deçà des ambitions affichées, année après année, par le Gouvernement.

Avec 2 729 logements livrés en 2022, nous avons atteint un point bas historique de la construction, alors que 80 % des ménages ultramarins sont éligibles au logement social.

Le rythme des réhabilitations, environ 2 000 par an, n’est pas non plus satisfaisant, au regard des besoins observés et du vieillissement de certaines populations que l’on entend maintenir à domicile.

Enfin, que dire de la lutte contre l’habitat indigne ? Près de 150 000 logements indignes sont recensés par la Fondation Abbé Pierre et près de trois Ultramarins sur dix seraient en situation de mal-logement ou confrontés à l’absence de logement personnel, ce qui témoigne, monsieur le ministre, de l’insuffisance de votre politique.

Face à ce constat, la commission note avec satisfaction que les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) augmentent assez substantiellement pour toutes les sous-actions. Il demeure toutefois indispensable d’accroître les moyens qui sont consacrés à la politique du logement.

Nous tenons par ailleurs à souligner l’existence d’un autre puissant frein à cette politique, celui de la mauvaise – pour ne pas dire inexistante – acclimatation des normes hexagonales aux territoires ultramarins.

Je citerai brièvement deux exemples : le sujet du marquage régions ultrapériphériques (RUP), pourtant identifié de très longue date, n’est toujours pas sérieusement traité ; quant au diagnostic de performance énergétique des logements, il se révèle inadapté aux territoires ultramarins, ce qui a pour conséquence très concrète d’exclure nos compatriotes du bénéfice de l’essentiel des aides du dispositif MaPrimeRénov’, dont les montants sont pourtant autrement plus importants que ceux des aides financées par les crédits LBU.

Il y a là deux exemples parmi tant d’autres de tout ce qui, en outre-mer, freine la construction et la réhabilitation des logements en augmentant les coûts que doivent supporter les bailleurs, les locataires et les propriétaires.

En conclusion, monsieur le ministre, je dis « oui » aux crédits, ils sont indispensables – et les montants alloués restent probablement insuffisants ; mais il est absolument nécessaire de s’attaquer dans le même temps à la question des normes.

M. le ministre hoche la tête en signe de remerciement.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Girardin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Solanges NADILLE

La deuxième orientation du budget vise à accompagner la mobilité des Ultramarins.

Rappelons le contexte : les Ultramarins pâtissent d'une hausse substantielle et continue du prix des billets d'avion depuis deux ans. En effet, l'analyse de l'indice des prix du transport aérien de passagers révèle qu'au cours des dix premiers mois de l'année 2023 le coût des trajets depuis l'Hexagone vers l'outre-mer a augmenté de 22, 3 %, tandis que celui des liaisons entre l'outre-mer et l'Hexagone a progressé de 18, 3 %.

Une augmentation de 57, 5 % du tarif des billets d'avion a même été enregistrée au départ de la Martinique en mars 2023, selon la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

C'est pourquoi le Gouvernement propose une augmentation historique de 22 millions d'euros des moyens consacrés à la continuité territoriale. Merci !

Ces moyens supplémentaires permettront de relever le seuil d'éligibilité aux aides de Ladom – merci pour les étudiants et merci pour tous ceux qui partent en formation !

Il nous reviendra également d'examiner l'évolution des dispositifs d'accompagnement des professionnels à la mobilité. Or je sais pouvoir compter sur l'engagement et la mesure de la Haute Assemblée pour aboutir à la meilleure solution pour nos outre-mer.

La troisième orientation fixée par le Gouvernement pour la mission « Outre-mer » consiste à favoriser le développement économique et la création d'emplois dans chaque territoire. Là encore, l'effort budgétaire consenti par l'État doit être relevé : les moyens alloués aux contrats de convergence et de transformation passent de 1, 9 milliard d'euros pour la génération de contrats conclus entre 2019 et 2022 à 2, 3 milliards d'euros pour ceux qui seront signés entre 2024 et 2027, tous ministères confondus.

Les préoccupations des Ultramarins dans le Pacifique trouvent également un écho dans le présent projet de loi de finances, grâce – par exemple – au financement de dispositifs comme les chantiers de développement local, qui favorisent l'insertion professionnelle en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

Pour ce qui concerne le soutien aux entreprises, les rapporteurs spéciaux Teva Rohfritsch et Georges Patient présenteront, au nom de la commission des finances, un amendement qui vise à renforcer la dotation de la Sogefom, seul instrument de garantie des crédits des TPE et des PME dans les trois collectivités territoriales du Pacifique, amendement que je vous invite à soutenir, mes chers collègues.

J'en viens à la dernière orientation de cette mission, à savoir le soutien aux collectivités territoriales.

Les contrats Corom, qui ont donné entière satisfaction, seront pérennisés via le lancement d'un nouvel appel à candidatures pour la période 2024-2026.

Je note toutefois que ce dispositif n'est pas accessible aux communes dans le Pacifique. C'est pourquoi je salue l'amendement déposé par Teva Rohfritsch pour soutenir les communes polynésiennes.

En outre, dans la continuité de ses efforts budgétaires, l'État poursuit son accompagnement à la collectivité territoriale de Guyane.

Pour ce qui est des moyens du fonds outre-mer, ils sont également augmentés pour financer l'ingénierie nécessaire aux collectivités ultramarines, ce poste de dépenses leur coûtant très cher.

L'État se doit d'être à la hauteur des défis auxquels nos territoires sont confrontés ; dans certains d'entre eux, la situation est tout simplement alarmante.

Aussi, j'appelle à une rapide mise en œuvre des mesures annoncées dans le cadre du Ciom : il faut des résultats – et il faut un contrôle !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera les crédits de cette mission. §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Audrey BÉLIM

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les rapporteurs ayant déjà présenté les crédits de la présente mission et puisqu'ils seront examinés en détail au cours des prochaines heures, je me limiterai, pour ouvrir mon propos, à regretter qu'entre le texte déposé à l'Assemblée nationale et la version transmise au Sénat nos territoires ultramarins aient – fait très rare – perdu des ressources.

En effet, monsieur le ministre, si le Gouvernement a bel et bien retenu, dans le texte issu du 49.3, quelques crédits supplémentaires proposés par nos collègues députés, ces sommes ne suffisent pas à compenser les quelque 150 millions d'euros disparus à la suite de l'adoption de l'amendement du rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, rédigé sur le fondement d'un rapport peu probant, car on ne sait qui, du rapport ou de l'amendement, justifie l'autre.

Quoi qu'il en soit, ce rapport et cet amendement sont malheureusement symptomatiques de la façon dont Bercy considère nos territoires, nos élus et nos acteurs économiques. La réforme des aides économiques engagée dans le PLF pour 2019 était pourtant un cas d'école. Mais la leçon n'a manifestement pas été complètement retenue, et la généralisation du « réflexe outre-mer », évoquée depuis 2017, se fait attendre.

Il importe, monsieur le ministre, de prendre en compte la structure géographique de nos pays, mais aussi d'adapter les normes et les lois à chacun d'entre eux. Le « réflexe outre-mer », c'est considérer l'outre-mer dans sa singularité ; c'est aussi admettre que cette singularité s'apprécie territoire par territoire et non selon une logique globale.

L'éloignement et l'insularité restent des facteurs si aggravants des problèmes structurels de nos territoires que, pour les traiter, la transversalité s'avère primordiale.

Nous devons vous le rappeler, monsieur le ministre, pour qu'inlassablement vous le marteliez auprès de vos collègues du Gouvernement et qu'ainsi s'automatise le réflexe outre-mer.

Comment ne pas être désarçonné à la lecture de l'article 50, qui fait reposer le dispositif MaPrimeRénov' sur un diagnostic de performance énergétique (DPE) strictement hexagonal, quand le Ciom, l'été dernier, a acté la mise en application des DPE ultramarins en 2028 ?

Procéder de la sorte, c'est priver quelque 2 millions de Français d'une aide bénéfique tant pour la transition écologique que pour le logement. MaPrimeRénov' permet en effet de lutter contre la vacance dans le parc locatif privé, contre l'habitat indigne et, in fine, contre la crise du logement. C'est un levier évident ; et pourtant nous ne pouvons en bénéficier.

Les exemples de ce type ne manquent pas. Trop de lois et de décrets sont source de blocages qui entravent le travail de nos collectivités.

Le bâti est souvent vétuste, mais il est impossible de le rénover, car les normes hexagonales résistent mal au climat tropical.

Outre-mer, la loi Littoral s'applique parfois à plus de 2 000 mètres d'altitude, où elle doit donc se conjuguer avec la loi Montagne, quand elle ne la contredit pas.

De même, pour ce qui concerne les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les zonages ultramarins sont bien souvent inadaptés, qu'il s'agisse du logement, de l'enseignement, du sport ou de la santé. C'est l'île de La Réunion toute entière, et même les cinq départements d'outre-mer, qui devraient être classés en QPV, voire bénéficier d'un soutien renforcé.

Le temps me manque pour évoquer les difficultés récurrentes de notre tissu économique. Je songe notamment à nos TPE et à nos PME, qui manquent de trésorerie et sont entravées par les délais de paiement ou par l'absence de capitaux.

En parallèle, nos outre-mer font face aux problématiques liées au choc démographique du grand âge : pour les Antilles ou pour La Réunion, ces bouleversements sont déjà là !

Enfin, il faut aborder avec sagacité et volontarisme la question centrale de la coopération à l'échelle du bassin régional. L'enjeu, à cet égard, est de libéraliser certaines activités et certains marchés pour favoriser la création d'emplois locaux. Il s'agit aussi, à titre expérimental, d'activer de nouveaux leviers pour lutter contre la vie chère.

L'examen des amendements nous donnera l'occasion de revenir plus en détail sur ces sujets et sur bien d'autres encore, je l'espère, comme la protection de la biodiversité.

Mes chers collègues, je sais pouvoir compter sur votre implication et sur votre absence de parti-pris pour lutter contre chaque menace et pour défendre chaque atout ! §

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » pour l’année 2024 sont en forte hausse par rapport à l’année précédente. Après l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le présent projet de loi de finances, l’augmentation s’élève à 9 % en autorisations d’engagement et à 5 % en crédits de paiement.

Nous nous félicitons de cette augmentation notable des crédits, qui intervient dans un contexte encore incertain pour les territoires ultramarins, marqué par une inflation persistante, une aggravation des inégalités et une multiplication des tensions sociales.

Ces crédits supplémentaires permettront, tout d’abord, de financer la construction de logements et la lutte contre l’habitat indigne, qui constituent un enjeu majeur. Vous le savez, les logements insalubres représentent en moyenne 18 % des logements en outre-mer.

Ces crédits permettront, ensuite, le renforcement de la continuité territoriale, notamment grâce à l’élargissement des publics éligibles à l’aide à la continuité territoriale.

Les ouvertures de crédits ont également vocation à renforcer l’insertion professionnelle, via par exemple la poursuite du déploiement du plan SMA 2025+, qui vise à améliorer le service militaire adapté, dont l’efficacité n’est plus à prouver.

Quant au soutien aux collectivités territoriales, il sera renforcé : en témoignent la pérennisation des contrats de redressement en outre-mer et le financement de nouveaux contrats de convergence et de transformation.

Si cette hausse des crédits est bienvenue, je souhaiterais toutefois insister sur deux points.

Tout d’abord, il est indispensable de poursuivre cet effort budgétaire dans la durée, notamment dans le domaine du logement, afin de fournir un habitat décent à chaque citoyen ultramarin.

Ensuite, le pilotage budgétaire de la mission « Outre-mer » apparaît largement perfectible. Depuis plusieurs années, plusieurs ajustements ont été mis en œuvre pour améliorer ledit pilotage. Toutefois, la gestion de la mission reste marquée par une sous-consommation des crédits, qui concerne notamment la ligne budgétaire unique.

Compte tenu de l’ampleur des enjeux relatifs à l’habitat insalubre en outre-mer, il n’est pas acceptable que les crédits votés par le législateur ne soient pas exécutés en totalité pour améliorer la situation. A contrario, j’ai constaté une importante surexécution des crédits concernant la compensation des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises ultramarines.

Enfin, le volume de restes à payer, qui est très élevé, représente un risque avéré pour la soutenabilité de la mission budgétaire.

La commission des lois appelle donc le Gouvernement à poursuivre l’amélioration du pilotage budgétaire de la mission.

En dépit de ces quelques faiblesses, et compte tenu des éléments positifs qui ont été relevés, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Lana Tetuanui applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Malet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder les crédits de la mission « Outre-mer », je tiens à saluer la réévaluation du coefficient géographique pour les établissements de santé réunionnais.

Ledit coefficient est porté de 31 % à 34 % : pour notre centre hospitalier universitaire (CHU), cette mesure compensera les surcoûts subis par rapport à l'Hexagone.

Ce geste fort de l'État doit accompagner le CHU de La Réunion dans son redressement budgétaire, mais il ne sera pas suffisant face aux missions complémentaires qu'assume cet établissement. Je rappelle que notre CHU doit assurer un nombre croissant d'évacuations sanitaires (Evasan) et qu'il abrite diverses spécialités particulièrement exigeantes, comme l'oncologie pédiatrique.

Je note avec satisfaction que le Gouvernement a augmenté le budget initial de la mission « Outre-mer » en reprenant un certain nombre d'amendements discutés en première lecture à l'Assemblée nationale.

Les crédits supplémentaires soutiendront les communes en difficulté – les fonds alloués aux contrats de redressement en outre-mer (Corom) sont ainsi relevés de 10 millions d'euros – et renforceront la continuité territoriale – le budget de Ladom progresse, pour sa part, de 8 millions d'euros.

Je centrerai mon intervention sur les sujets primordiaux pour les populations ultramarines que sont le financement du grand âge et le logement, avant de dire un mot des amendements que je soutiendrai.

Pour ce qui est de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), les particularités démographiques des territoires ultramarins exigent une adaptation de ses paramètres, notamment à La Réunion.

Contrairement à une idée reçue, les collectivités territoriales ultramarines ne sont plus « jeunes » : en moyenne, leur population sera même bientôt la plus âgée de France. À La Réunion, en 2050, un quart de la population aura plus de 60 ans et le taux de dépendance atteindra 12 %, contre 8 % en métropole. De surcroît, dans ce territoire, on entre en dépendance aux alentours de 65 ans, contre 85 ans en métropole, et la plupart des personnes dépendantes souhaitent rester à domicile.

La Réunion s'est fortement impliquée dans la conférence des financeurs associant l'État et les départements, dont les travaux doivent aboutir à une réforme de fond dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Nous espérons un soutien du ministère pour abaisser à 15 % la clause de sauvegarde des concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Monsieur le ministre, le PLFSS pour 2024 octroie 150 millions d'euros aux départements au titre de l'APA : il faudra veiller à ce que les collectivités ultramarines bénéficient de ces crédits, compte tenu de leurs difficultés financières. À cet égard, nous sollicitions votre appui immédiat. De même, nous comptons sur vous au sujet du fonds de sauvegarde des départements.

En matière de logement, les crédits accordés augmentent de 50 millions d'euros, portant l'effort total à 292 millions d'euros. Mais, en 2023 comme lors des années précédentes, on constate une sous-consommation des budgets.

Je préconise une gestion locale plus efficiente pour répondre aux besoins des populations : une gestion locale plus responsable et réactive, sous l'égide du conseil départemental, associant l'État, les intercommunalités et les communes.

La vingt-deuxième des soixante-douze mesures du Ciom engage l'État à conclure, avec le département de La Réunion, une convention pluriannuelle pour le logement des personnes vulnérables. Cette convention doit notamment inclure une révision des modalités d'attribution financière et d'allocation des fonds de la LBU.

C'est un premier pas, que nous saluons. Toutefois, le déficit de constructions est tel qu'une révision générale de la politique du logement doit être entreprise à l'échelle de notre territoire. Ce travail, lui aussi mené en concertation, devra répondre aux besoins de construction et de réhabilitation de logements.

Comme chaque année depuis six ans, je déplore que les propriétaires occupants soient moins bien traités dans les territoires ultramarins que dans l'Hexagone. Les délais d'instruction des dossiers sont trop longs et certaines aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) n'existent toujours pas outre-mer.

Au cours de ce débat, je défendrai un amendement visant à allouer 250 000 euros à la réalisation d'enquêtes locales et au soutien aux associations luttant contre les violences faites aux enfants dans les outre-mer.

Pour ce qui est de l'article 55, il importe de garantir la sélection des projets professionnels en fonction des besoins réels des territoires ; monsieur le ministre, pourriez-vous nous fournir une ébauche d'éléments méthodologiques à ce sujet ?

Concernant la définition du public cible de cette aide à la continuité, je souhaite, comme nombre de mes collègues, que des éléments d'identification de l'attachement à un territoire ultramarin soient inscrits dans la loi : en procédant ainsi, nous ne ferons que suivre l'intention du dispositif.

À cet égard, je salue la méthode consultative retenue par la présidente de notre délégation aux outre-mer : cette démarche a abouti au dépôt de trois amendements, que je voterai.

Enfin, le Gouvernement a prévu de créer des zones franches portuaires combinées à des exonérations fiscales et sociales spécifiques. J'espère être informée de l'avancement de ce projet, qui est susceptible de dynamiser l'industrie dans les DOM.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Solanges Nadille.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Christopher SZCZUREK

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos outre-mer sont la clef de la France de demain. Grâce à eux, à nos 2 millions de compatriotes qui y vivent, à la formidable diversité de leurs ressources et de leurs talents, la France dispose du deuxième espace maritime mondial et d'une présence globale à même d'asseoir son rôle de partenaire incontournable dans un monde changeant.

Nos compatriotes ultramarins devraient bénéficier, de la part de l'État, du même secours et du même engagement que ceux que reçoivent les Français de métropole. Ils subissent les mêmes maux qu'eux, dans des proportions quadruplées ; mais, qu'il s'agisse de l'inflation et de la vie chère ou de l'immigration incontrôlée et de l'insécurité, du manque de services ou de l'abandon par l'État des collectivités territoriales, l'outre-mer appelle au secours et le Gouvernement reste sourd.

Quelle vision l'exécutif nous présente-t-il avec la mission « Outre-mer » ? Aucune. Il persiste dans la voie fatale empruntée depuis maintenant six ans.

Cette mission ne répond pas aux enjeux d'autonomie économique, de développement et de durabilité.

Mes chers collègues, songez à Mayotte : l'île est en proie à la submersion migratoire, laquelle entraîne une pénurie généralisée d'eau.

À La Réunion, la crise du logement est telle que les services de l'État estiment à 40 000 le nombre de logements nouveaux manquants pour nos compatriotes.

En Guyane, l'immigration irrégulière et l'orpaillage illégal terrifient les habitants.

Profitant de l'inflation, le Gouvernement annonce une augmentation minime du budget de la mission « Outre-mer » : dont acte. Mais ces quelques millions d'euros saupoudrés ne permettront en rien d'atténuer le sous-développement structurel de nos territoires ultramarins.

Ainsi, monsieur le ministre, vous ne revenez pas sur le régime de l'octroi de mer, imposition anachronique qui renchérit de 20 % le coût de la vie. Vos efforts en faveur de l'autonomie alimentaire et énergétique de ces territoires ne sont que de vagues promesses. Face à la décrépitude des services publics les plus élémentaires, votre ministre de tutelle invite les Mahorais à faire bouillir l'eau du robinet avant de la boire. Vous faites maintenant rimer incompétence avec indécence.

Un tel budget n'assure ni l'ordre, ni le développement, ni le respect de la dignité de nos départements et territoires d'outre-mer. Les élus du Rassemblement national voteront donc contre les crédits de cette mission.

Nous nous inclinons devant l'infinie patience de nos compatriotes ultramarins devant cette situation indigne cultivée depuis trop longtemps. L'injustice devra un jour être réparée, mais elle ne le sera qu'au prix de l'alternance !

Debut de section - PermalienPhoto de Solanges NADILLE

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour 2024, les moyens financiers déployés en faveur de la mission « Outre-mer » s’élèvent à 2, 9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2, 6 milliards d’euros en crédits de paiement à périmètre constant, soit des hausses respectives de 6, 8 % et de 4, 5 % par rapport à 2023.

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants salue cette augmentation des moyens au service de nos concitoyens.

La mission « Outre-mer » répond à quatre grandes orientations budgétaires de la politique du Gouvernement.

La première a trait aux préoccupations quotidiennes des habitants de ces territoires et s’organise elle-même autour de trois grands axes : le logement, l’accès à l’eau et la lutte contre les sargasses.

Tout d’abord, pour ce qui concerne le logement, l’augmentation de la ligne budgétaire unique permettra de financer les grands défis de nos territoires, à savoir la construction de logements locatifs sociaux, la réhabilitation et l’adaptation au vieillissement du parc locatif privé et du parc locatif social, sans oublier la lutte contre l’habitat indigne.

Concernant ensuite l’accès à l’eau, nous saluons la pérennisation du soutien apporté au syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe, à hauteur de 20 millions d’euros. Nous saluons également tous les efforts qui sont accomplis pour Mayotte.

Un mot, enfin, de la lutte contre les sargasses, phénomène dont pâtissent nos concitoyens antillo-guyanais et qui met à mal certains secteurs de l’économie de ces territoires. Au sein de mon territoire, la Guadeloupe, les îles du sud de l’archipel sont particulièrement touchées.

Les moyens des groupements d’intérêt public dits GIP « sargasses » seront renforcés, l’enveloppe atteignant 1, 4 million d’euros. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous remercier personnellement de votre présence à Dubaï où, en marge de la COP28, vous avez lancé une initiative visant à faire reconnaître cette catastrophe sur le plan international.

M. le ministre hoche la tête en signe de remerciement.

M. le ministre délégué hoche la tête en signe de remerciement.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne BOURCIER

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on dresse parfois un tableau excessivement négatif de nos outre-mer ; cela me dérange.

Bien sûr, ces territoires ont leurs difficultés ; les taux de chômage et de pauvreté y sont plus élevés que dans l'Hexagone ; l'insularité, voire la double insularité, entraîne un certain nombre de problèmes et, de manière générale, l'accès à l'eau y est compliqué.

Je ne nie en rien ces difficultés : elles sont bien réelles. Mais elles ne sauraient, à elles seules, résumer les outre-mer. Ces derniers recèlent aussi de formidables exemples d'initiative citoyenne. Dans certains domaines, ils sont même des modèles d'innovation économique et écologique.

On ne le rappellera jamais assez : les outre-mer se caractérisent par leur diversité ; d'une collectivité à l'autre, les situations sont loin d'être identiques. Cela étant, ils ont aussi des points communs.

L'emploi est l'un des enjeux cruciaux qu'ils ont en partage.

Créer de l'emploi dans les outre-mer : tel est l'objectif que nous devons viser pour endiguer la pauvreté et dynamiser ces territoires économiquement.

À cette fin, le programme « Emploi outre-mer » est doté de 1, 86 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 1, 85 milliard d'euros en crédits de paiement. Ces montants permettent notamment de soutenir les entreprises via des exonérations sociales et d'améliorer l'insertion professionnelle des Ultramarins. Ils progressent de 5 % par rapport à 2023 : c'est une bonne nouvelle.

Nous saluons l'augmentation des crédits du dispositif Cadres d'avenir, qui accorde aux étudiants une aide financière en contrepartie d'un engagement à revenir travailler dans leur territoire d'origine.

Au sein du programme 123, 21, 6 millions d'euros serviront à financer trois nouvelles aides sous forme de passeports : le premier pour l'installation professionnelle en outre-mer ; le deuxième pour la mobilité des actifs salariés ; le troisième pour la mobilité des entreprises innovantes. Nous soutenons évidemment ces dispositifs, qui contribueront très concrètement au renforcement de la continuité territoriale et au développement de l'emploi.

Je tiens d'ailleurs à saluer l'effort global consacré à la continuité territoriale, qui voit ses crédits augmenter de plus de 41 %. C'est un message fort envoyé à nos concitoyens ultramarins, qu'ils soient étudiants ou actifs.

Je l'ai dit, l'emploi est un enjeu majeur ; la lutte contre la vie chère en est un autre. Non seulement les prix sont historiquement plus élevés outre-mer que dans le reste de la France, mais les écarts avec l'Hexagone ne cessent de se creuser, ce qui doit nous inquiéter davantage encore.

L'inflation des dernières années a sûrement aggravé les choses ; mais, en réalité, ce phénomène s'observe depuis longtemps.

C'est en matière d'alimentation que l'écart est le plus flagrant. En Guadeloupe, par exemple, les prix des comestibles sont supérieurs de 40 % à la moyenne française. Si l'on prend comme point de comparaison le panier alimentaire hexagonal, l'écart monte même à 50 %. Et de telles différences se constatent dans d'autres domaines, qu'il s'agisse des soins – l'écart de prix va jusqu'à 17 % –, des communications – il atteint 35% – ou encore des loyers.

Plusieurs dispositifs ont été mis en œuvre pour combattre l'inflation, comme le bouclier qualité-prix, dont le panier a été élargi cette année, ou le filet de sécurité, qui vise à lutter contre la hausse des prix de l'énergie. Ils ont évidemment le mérite d'exister, mais, au regard des chiffres que je viens de citer, on peut regretter leur manque d'efficacité.

La lutte contre l'habitat indigne est renforcée de 16 millions d'euros. Cet effort est absolument nécessaire : les logements insalubres représentent 18 % des habitations dans les outre-mer, contre 1, 2 % dans l'Hexagone. Je rappelle qu'à Mamoudzou 15 000 personnes vivent dans un bidonville.

Debut de section - PermalienPhoto de Solanges NADILLE

La deuxième orientation du budget vise à accompagner la mobilité des Ultramarins.

Rappelons le contexte : les Ultramarins pâtissent d’une hausse substantielle et continue du prix des billets d’avion depuis deux ans. En effet, l’analyse de l’indice des prix du transport aérien de passagers révèle qu’au cours des dix premiers mois de l’année 2023 le coût des trajets depuis l’Hexagone vers l’outre-mer a augmenté de 22, 3 %, tandis que celui des liaisons entre l’outre-mer et l’Hexagone a progressé de 18, 3 %.

Une augmentation de 57, 5 % du tarif des billets d’avion a même été enregistrée au départ de la Martinique en mars 2023, selon la direction générale de l’aviation civile (DGAC).

C’est pourquoi le Gouvernement propose une augmentation historique de 22 millions d’euros des moyens consacrés à la continuité territoriale. Merci !

Ces moyens supplémentaires permettront de relever le seuil d’éligibilité aux aides de Ladom – merci pour les étudiants et merci pour tous ceux qui partent en formation !

Il nous reviendra également d’examiner l’évolution des dispositifs d’accompagnement des professionnels à la mobilité. Or je sais pouvoir compter sur l’engagement et la mesure de la Haute Assemblée pour aboutir à la meilleure solution pour nos outre-mer.

La troisième orientation fixée par le Gouvernement pour la mission « Outre-mer » consiste à favoriser le développement économique et la création d’emplois dans chaque territoire. Là encore, l’effort budgétaire consenti par l’État doit être relevé : les moyens alloués aux contrats de convergence et de transformation passent de 1, 9 milliard d’euros pour la génération de contrats conclus entre 2019 et 2022 à 2, 3 milliards d’euros pour ceux qui seront signés entre 2024 et 2027, tous ministères confondus.

Les préoccupations des Ultramarins dans le Pacifique trouvent également un écho dans le présent projet de loi de finances, grâce – par exemple – au financement de dispositifs comme les chantiers de développement local, qui favorisent l’insertion professionnelle en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

Pour ce qui concerne le soutien aux entreprises, les rapporteurs spéciaux Teva Rohfritsch et Georges Patient présenteront, au nom de la commission des finances, un amendement qui vise à renforcer la dotation de la Sogefom, seul instrument de garantie des crédits des TPE et des PME dans les trois collectivités territoriales du Pacifique, amendement que je vous invite à soutenir, mes chers collègues.

J’en viens à la dernière orientation de cette mission, à savoir le soutien aux collectivités territoriales.

Les contrats Corom, qui ont donné entière satisfaction, seront pérennisés via le lancement d’un nouvel appel à candidatures pour la période 2024-2026.

Je note toutefois que ce dispositif n’est pas accessible aux communes dans le Pacifique. C’est pourquoi je salue l’amendement déposé par Teva Rohfritsch pour soutenir les communes polynésiennes.

En outre, dans la continuité de ses efforts budgétaires, l’État poursuit son accompagnement à la collectivité territoriale de Guyane.

Pour ce qui est des moyens du fonds outre-mer, ils sont également augmentés pour financer l’ingénierie nécessaire aux collectivités ultramarines, ce poste de dépenses leur coûtant très cher.

L’État se doit d’être à la hauteur des défis auxquels nos territoires sont confrontés ; dans certains d’entre eux, la situation est tout simplement alarmante.

Aussi, j’appelle à une rapide mise en œuvre des mesures annoncées dans le cadre du Ciom : il faut des résultats – et il faut un contrôle !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera les crédits de cette mission.

Debut de section - Permalien
Philippe Vigier, ministre délégué

Absolument.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne BOURCIER

En parallèle, le fonds exceptionnel d'investissement est doté de 160 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 87 millions d'euros en crédits de paiement.

Il est indispensable d'aider les collectivités territoriales à développer et à adapter leurs équipements publics, qu'il s'agisse de la gestion de l'eau, du traitement des déchets ou encore du développement durable.

Plus largement, l'aménagement du territoire est un enjeu central dans ces régions, d'autant que certaines d'entre elles sont régulièrement touchées par des catastrophes naturelles, comme les cyclones ou les sargasses. Ces phénomènes, qui transforment des territoires entiers, exigent des aménagements permanents.

Enfin, à l'instar de la Cour des comptes, nous insistons sur l'importance d'un meilleur calibrage budgétaire de cette mission, dont les crédits sont tantôt sous-consommés, tantôt surexécutés. Leur vote n'aura de valeur qu'à la condition d'un déploiement fidèle et concret dans les territoires ultramarins.

Mes chers collègues, en résumé, nous saluons la hausse globale du budget de cette mission, mais rappelons que les crédits ici recensés ne représentent qu'une partie des moyens que l'État alloue aux départements, régions et collectivités d'outre-mer (Drom-COM).

Les élus du groupe Les Indépendants soulignent l'orientation positive de la mission « Outre-mer », dont ils voteront les crédits.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Annick Girardin et Viviane Malet et MM. Marc Laménie et Akli Mellouli applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K. – M. Akli Mellouli applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Audrey BÉLIM

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les rapporteurs ayant déjà présenté les crédits de la présente mission et puisqu’ils seront examinés en détail au cours des prochaines heures, je me limiterai, pour ouvrir mon propos, à regretter qu’entre le texte déposé à l’Assemblée nationale et la version transmise au Sénat nos territoires ultramarins aient – fait très rare – perdu des ressources.

En effet, monsieur le ministre, si le Gouvernement a bel et bien retenu, dans le texte issu du 49.3, quelques crédits supplémentaires proposés par nos collègues députés, ces sommes ne suffisent pas à compenser les quelque 150 millions d’euros disparus à la suite de l’adoption de l’amendement du rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale, rédigé sur le fondement d’un rapport peu probant, car on ne sait qui, du rapport ou de l’amendement, justifie l’autre.

Quoi qu’il en soit, ce rapport et cet amendement sont malheureusement symptomatiques de la façon dont Bercy considère nos territoires, nos élus et nos acteurs économiques. La réforme des aides économiques engagée dans le PLF pour 2019 était pourtant un cas d’école. Mais la leçon n’a manifestement pas été complètement retenue, et la généralisation du « réflexe outre-mer », évoquée depuis 2017, se fait attendre.

Il importe, monsieur le ministre, de prendre en compte la structure géographique de nos pays, mais aussi d’adapter les normes et les lois à chacun d’entre eux. Le « réflexe outre-mer », c’est considérer l’outre-mer dans sa singularité ; c’est aussi admettre que cette singularité s’apprécie territoire par territoire et non selon une logique globale.

L’éloignement et l’insularité restent des facteurs si aggravants des problèmes structurels de nos territoires que, pour les traiter, la transversalité s’avère primordiale.

Nous devons vous le rappeler, monsieur le ministre, pour qu’inlassablement vous le marteliez auprès de vos collègues du Gouvernement et qu’ainsi s’automatise le réflexe outre-mer.

Comment ne pas être désarçonné à la lecture de l’article 50, qui fait reposer le dispositif MaPrimeRénov’ sur un diagnostic de performance énergétique (DPE) strictement hexagonal, quand le Ciom, l’été dernier, a acté la mise en application des DPE ultramarins en 2028 ?

Procéder de la sorte, c’est priver quelque 2 millions de Français d’une aide bénéfique tant pour la transition écologique que pour le logement. MaPrimeRénov’ permet en effet de lutter contre la vacance dans le parc locatif privé, contre l’habitat indigne et, in fine, contre la crise du logement. C’est un levier évident ; et pourtant nous ne pouvons en bénéficier.

Les exemples de ce type ne manquent pas. Trop de lois et de décrets sont source de blocages qui entravent le travail de nos collectivités.

Le bâti est souvent vétuste, mais il est impossible de le rénover, car les normes hexagonales résistent mal au climat tropical.

Outre-mer, la loi Littoral s’applique parfois à plus de 2 000 mètres d’altitude, où elle doit donc se conjuguer avec la loi Montagne, quand elle ne la contredit pas.

De même, pour ce qui concerne les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les zonages ultramarins sont bien souvent inadaptés, qu’il s’agisse du logement, de l’enseignement, du sport ou de la santé. C’est l’île de La Réunion toute entière, et même les cinq départements d’outre-mer, qui devraient être classés en QPV, voire bénéficier d’un soutien renforcé.

Le temps me manque pour évoquer les difficultés récurrentes de notre tissu économique. Je songe notamment à nos TPE et à nos PME, qui manquent de trésorerie et sont entravées par les délais de paiement ou par l’absence de capitaux.

En parallèle, nos outre-mer font face aux problématiques liées au choc démographique du grand âge : pour les Antilles ou pour La Réunion, ces bouleversements sont déjà là !

Enfin, il faut aborder avec sagacité et volontarisme la question centrale de la coopération à l’échelle du bassin régional. L’enjeu, à cet égard, est de libéraliser certaines activités et certains marchés pour favoriser la création d’emplois locaux. Il s’agit aussi, à titre expérimental, d’activer de nouveaux leviers pour lutter contre la vie chère.

L’examen des amendements nous donnera l’occasion de revenir plus en détail sur ces sujets et sur bien d’autres encore, je l’espère, comme la protection de la biodiversité.

Mes chers collègues, je sais pouvoir compter sur votre implication et sur votre absence de parti-pris pour lutter contre chaque menace et pour défendre chaque atout !

Debut de section - PermalienPhoto de Audrey BÉLIM

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les rapporteurs ayant déjà présenté les crédits de la présente mission et puisqu’ils seront examinés en détail au cours des prochaines heures, je me limiterai, pour ouvrir mon propos, à regretter qu’entre le texte déposé à l’Assemblée nationale et la version transmise au Sénat nos territoires ultramarins aient – fait très rare – perdu des ressources.

En effet, monsieur le ministre, si le Gouvernement a bel et bien retenu, dans le texte issu du 49.3, quelques crédits supplémentaires proposés par nos collègues députés, ces sommes ne suffisent pas à compenser les quelque 150 millions d’euros disparus à la suite de l’adoption de l’amendement du rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale, rédigé sur le fondement d’un rapport peu probant, car on ne sait qui, du rapport ou de l’amendement, justifie l’autre.

Quoi qu’il en soit, ce rapport et cet amendement sont malheureusement symptomatiques de la façon dont Bercy considère nos territoires, nos élus et nos acteurs économiques. La réforme des aides économiques engagée dans le PLF pour 2019 était pourtant un cas d’école. Mais la leçon n’a manifestement pas été complètement retenue, et la généralisation du « réflexe outre-mer », évoquée depuis 2017, se fait attendre.

Il importe, monsieur le ministre, de prendre en compte la structure géographique de nos pays, mais aussi d’adapter les normes et les lois à chacun d’entre eux. Le « réflexe outre-mer », c’est considérer l’outre-mer dans sa singularité ; c’est aussi admettre que cette singularité s’apprécie territoire par territoire et non selon une logique globale.

L’éloignement et l’insularité restent des facteurs si aggravants des problèmes structurels de nos territoires que, pour les traiter, la transversalité s’avère primordiale.

Nous devons vous le rappeler, monsieur le ministre, pour qu’inlassablement vous le marteliez auprès de vos collègues du Gouvernement et qu’ainsi s’automatise le réflexe outre-mer.

Comment ne pas être désarçonné à la lecture de l’article 50, qui fait reposer le dispositif MaPrimeRénov’ sur un diagnostic de performance énergétique (DPE) strictement hexagonal, quand le Ciom, l’été dernier, a acté la mise en application des DPE ultramarins en 2028 ?

Procéder de la sorte, c’est priver quelque 2 millions de Français d’une aide bénéfique tant pour la transition écologique que pour le logement. MaPrimeRénov’ permet en effet de lutter contre la vacance dans le parc locatif privé, contre l’habitat indigne et, in fine, contre la crise du logement. C’est un levier évident ; et pourtant nous ne pouvons en bénéficier.

Les exemples de ce type ne manquent pas. Trop de lois et de décrets sont source de blocages qui entravent le travail de nos collectivités.

Le bâti est souvent vétuste, mais il est impossible de le rénover, car les normes hexagonales résistent mal au climat tropical.

Outre-mer, la loi Littoral s’applique parfois à plus de 2 000 mètres d’altitude, où elle doit donc se conjuguer avec la loi Montagne, quand elle ne la contredit pas.

De même, pour ce qui concerne les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les zonages ultramarins sont bien souvent inadaptés, qu’il s’agisse du logement, de l’enseignement, du sport ou de la santé. C’est l’île de La Réunion tout entière, et même les cinq départements d’outre-mer, qui devraient être classés en QPV, voire bénéficier d’un soutien renforcé.

Le temps me manque pour évoquer les difficultés récurrentes de notre tissu économique. Je songe notamment à nos TPE et à nos PME, qui manquent de trésorerie et sont entravées par les délais de paiement ou par l’absence de capitaux.

En parallèle, nos outre-mer font face aux problématiques liées au choc démographique du grand âge : pour les Antilles ou pour La Réunion, ces bouleversements sont déjà là !

Enfin, il faut aborder avec sagacité et volontarisme la question centrale de la coopération à l’échelle du bassin régional. L’enjeu, à cet égard, est de libéraliser certaines activités et certains marchés pour favoriser la création d’emplois locaux. Il s’agit aussi, à titre expérimental, d’activer de nouveaux leviers pour lutter contre la vie chère.

L’examen des amendements nous donnera l’occasion de revenir plus en détail sur ces sujets et sur bien d’autres encore, je l’espère, comme la protection de la biodiversité.

Mes chers collègues, je sais pouvoir compter sur votre implication et sur votre absence de parti-pris pour lutter contre chaque menace et pour défendre chaque atout !

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mmes Viviane Malet, Solanges Nadille et Annick Girardin applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues présents, merci pour nous !

Le rituel annuel que constitue l'examen du PLF a au moins cet avantage qu'il nous permet de dresser un état des lieux des politiques publiques engagées par l'État en faveur de nos outre-mer.

On peut évidemment se réjouir de la hausse des moyens accordés au titre de la mission « Outre-mer » pour 2024. En autorisations d'engagement, ce budget augmente de 7 % par rapport à 2023, pour atteindre 2, 9 milliards d'euros. En crédits de paiement, il progresse plus faiblement, de 4, 5 %, pour s'établir à 2, 66 milliards d'euros.

Je le répète, cette augmentation de crédits mérite d'être saluée ; mais on ne peut que la juger insuffisante quand on connaît les urgences en outre-mer et la forte inflation qui y règne actuellement.

Les efforts de ce budget 2024 portent essentiellement sur le logement – l'habitat insalubre reste bien sûr une priorité, tant le retard est grand dans nos outre-mer – et sur l'accompagnement financier de Mayotte, lequel est bien compréhensible, étant donné la situation sociale alarmante dans laquelle se trouve ce département. Aujourd'hui, les habitants de Mayotte sont contraints de recourir à des bouteilles d'eau en plastique pour leurs usages du quotidien, en l'absence de réhabilitation et d'accord local pour l'implantation d'un réseau rénové et sans fuite ; de tels expédients sont inacceptables.

En dehors de ces situations lourdes et complexes, qui supposent des investissements considérables, nous nous réjouissons du renforcement des crédits dédiés à la continuité territoriale.

On peut remercier les parlementaires associés au ministère des outre-mer, qui, par leurs actions et leurs nombreux rapports, ont permis cette évolution de crédits en faveur des Ultramarins via l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité.

Les crédits affectés au service militaire adapté (SMA) progressent également chaque année. Ce dispositif d'insertion professionnelle de nos jeunes en décrochage scolaire est une belle réussite : à preuve, ses taux d'intégration à un emploi durable restent élevés.

Toutefois, monsieur le ministre, l'appui aux financements bancaires et à l'ingénierie recule de 7 millions d'euros en autorisations d'engagement. Cette diminution n'est, à mon sens, pas opportune, alors que les besoins de financement des acteurs publics pourraient s'accroître en 2024, dans un contexte économique plus difficile.

De même, vous proposez une mesure d'économie de 10 millions d'euros au détriment de la collectivité territoriale de Guyane – les crédits dont il s'agit passent de 40 millions à 30 millions d'euros –, alors que cette dernière doit faire face à la liquidation d'Air Guyane. Or, compte tenu de son enclavement, ce territoire mérite une meilleure desserte aérienne.

Je ne m'attarderai pas sur les mesures de défiscalisation introduites dans ce budget à la hussarde, sans aucune consultation des collectivités concernées. M. le rapporteur général a déposé, à cet égard, un amendement plein de sagesse : merci pour nos outre-mer.

De manière plus générale, monsieur le ministre, vous n'ignorez pas que la vie outre-mer est de plus en plus chère. Le foncier y est de plus en plus rare et, dans certains territoires, comme le mien, la spéculation va croissant. Cette situation doit s'imposer à notre attention, notamment pour nos jeunes, qui ne peuvent plus investir.

Permettez-moi de m'attarder un instant sur les crédits affectés à ma collectivité d'origine : la Polynésie française.

Au titre de la politique de santé, les engagements de l'État demeurent inchangés, alors que le renouvellement de notre convention solidarité-santé est toujours en attente. À ce sujet, une promesse m'avait pourtant été faite l'an dernier dans cet hémicycle par votre prédécesseur, M. Carenco.

Notre protection sociale est en difficulté : il est à souhaiter que toutes les dépenses liées aux soins des victimes du nucléaire, engagées depuis de nombreuses années, soient un jour remboursées. Les comptes de notre caisse locale s'en trouveraient allégés.

Au titre des aides à la reconversion de l'économie polynésienne, on note une stabilité des moyens délégués, dont les dépenses retenues portent sur le désenclavement des îles et sur la prévention des risques.

La dotation globale d'autonomie (DGA), dite dette nucléaire, est financée depuis 2020 par un prélèvement sur recettes de l'État. On évite ainsi toute désindexation : l'engagement pris est bien respecté – merci !

La dotation globale de fonctionnement (DGF) progresse…

Debut de section - Permalien
Philippe Vigier, ministre délégué

Eh oui !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Lana Tetuanui applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Mme Lana Tetuanui. … de 1, 96 %. Cette légère augmentation ne compense pas les effets, bien connus, de l'inflation ; je vous dis merci quand même !

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Malet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’aborder les crédits de la mission « Outre-mer », je tiens à saluer la réévaluation du coefficient géographique pour les établissements de santé réunionnais.

Ledit coefficient est porté de 31 % à 34 % : pour notre centre hospitalier universitaire (CHU), cette mesure compensera les surcoûts subis par rapport à l’Hexagone.

Ce geste fort de l’État doit accompagner le CHU de La Réunion dans son redressement budgétaire, mais il ne sera pas suffisant face aux missions complémentaires qu’assume cet établissement. Je rappelle que notre CHU doit assurer un nombre croissant d’évacuations sanitaires (Evasan) et qu’il abrite diverses spécialités particulièrement exigeantes, comme l’oncologie pédiatrique.

Je note avec satisfaction que le Gouvernement a augmenté le budget initial de la mission « Outre-mer » en reprenant un certain nombre d’amendements discutés en première lecture à l’Assemblée nationale.

Les crédits supplémentaires soutiendront les communes en difficulté – les fonds alloués aux contrats de redressement en outre-mer (Corom) sont ainsi relevés de 10 millions d’euros – et renforceront la continuité territoriale – le budget de Ladom progresse, pour sa part, de 8 millions d’euros.

Je centrerai mon intervention sur les sujets primordiaux pour les populations ultramarines que sont le financement du grand âge et le logement, avant de dire un mot des amendements que je soutiendrai.

Pour ce qui est de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), les particularités démographiques des territoires ultramarins exigent une adaptation de ses paramètres, notamment à La Réunion.

Contrairement à une idée reçue, les collectivités territoriales ultramarines ne sont plus « jeunes » : en moyenne, leur population sera même bientôt la plus âgée de France. À La Réunion, en 2050, un quart de la population aura plus de 60 ans et le taux de dépendance atteindra 12 %, contre 8 % en métropole. De surcroît, dans ce territoire, on entre en dépendance aux alentours de 65 ans, contre 85 ans en métropole, et la plupart des personnes dépendantes souhaitent rester à domicile.

La Réunion s’est fortement impliquée dans la conférence des financeurs associant l’État et les départements, dont les travaux doivent aboutir à une réforme de fond dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Nous espérons un soutien du ministère pour abaisser à 15 % la clause de sauvegarde des concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Monsieur le ministre, le PLFSS pour 2024 octroie 150 millions d’euros aux départements au titre de l’APA : il faudra veiller à ce que les collectivités ultramarines bénéficient de ces crédits, compte tenu de leurs difficultés financières. À cet égard, nous sollicitions votre appui immédiat. De même, nous comptons sur vous au sujet du fonds de sauvegarde des départements.

En matière de logement, les crédits accordés augmentent de 50 millions d’euros, portant l’effort total à 292 millions d’euros. Mais, en 2023 comme lors des années précédentes, on constate une sous-consommation des budgets.

Je préconise une gestion locale plus efficiente pour répondre aux besoins des populations : une gestion locale plus responsable et réactive, sous l’égide du conseil départemental, associant l’État, les intercommunalités et les communes.

La vingt-deuxième des soixante-douze mesures du Ciom engage l’État à conclure, avec le département de La Réunion, une convention pluriannuelle pour le logement des personnes vulnérables. Cette convention doit notamment inclure une révision des modalités d’attribution financière et d’allocation des fonds de la LBU.

C’est un premier pas, que nous saluons. Toutefois, le déficit de constructions est tel qu’une révision générale de la politique du logement doit être entreprise à l’échelle de notre territoire. Ce travail, lui aussi mené en concertation, devra répondre aux besoins de construction et de réhabilitation de logements.

Comme chaque année depuis six ans, je déplore que les propriétaires occupants soient moins bien traités dans les territoires ultramarins que dans l’Hexagone. Les délais d’instruction des dossiers sont trop longs et certaines aides de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) n’existent toujours pas outre-mer.

Au cours de ce débat, je défendrai un amendement visant à allouer 250 000 euros à la réalisation d’enquêtes locales et au soutien aux associations luttant contre les violences faites aux enfants dans les outre-mer.

Pour ce qui est de l’article 55, il importe de garantir la sélection des projets professionnels en fonction des besoins réels des territoires ; monsieur le ministre, pourriez-vous nous fournir une ébauche d’éléments méthodologiques à ce sujet ?

Concernant la définition du public cible de cette aide à la continuité, je souhaite, comme nombre de mes collègues, que des éléments d’identification de l’attachement à un territoire ultramarin soient inscrits dans la loi : en procédant ainsi, nous ne ferons que suivre l’intention du dispositif.

À cet égard, je salue la méthode consultative retenue par la présidente de notre délégation aux outre-mer : cette démarche a abouti au dépôt de trois amendements, que je voterai.

Enfin, le Gouvernement a prévu de créer des zones franches portuaires combinées à des exonérations fiscales et sociales spécifiques. J’espère être informée de l’avancement de ce projet, qui est susceptible de dynamiser l’industrie dans les DOM.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Malet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’aborder les crédits de la mission « Outre-mer », je tiens à saluer la réévaluation du coefficient géographique pour les établissements de santé réunionnais.

Ledit coefficient est porté de 31 % à 34 % : pour notre centre hospitalier universitaire (CHU), cette mesure compensera les surcoûts subis par rapport à l’Hexagone.

Ce geste fort de l’État doit accompagner le CHU de La Réunion dans son redressement budgétaire, mais il ne sera pas suffisant face aux missions complémentaires qu’assume cet établissement. Je rappelle que notre CHU doit assurer un nombre croissant d’évacuations sanitaires (Evasan) et qu’il abrite diverses spécialités particulièrement exigeantes, comme l’oncologie pédiatrique.

Je note avec satisfaction que le Gouvernement a augmenté le budget initial de la mission « Outre-mer » en reprenant un certain nombre d’amendements discutés en première lecture à l’Assemblée nationale.

Les crédits supplémentaires soutiendront les communes en difficulté – les fonds alloués aux Corom sont ainsi relevés de 10 millions d’euros – et renforceront la continuité territoriale – le budget de Ladom progresse, pour sa part, de 8 millions d’euros.

Je centrerai mon intervention sur les sujets primordiaux pour les populations ultramarines que sont le financement du grand âge et le logement, avant de dire un mot des amendements que je soutiendrai.

Pour ce qui est de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), les particularités démographiques des territoires ultramarins exigent une adaptation de ses paramètres, notamment à La Réunion.

Contrairement à une idée reçue, les collectivités territoriales ultramarines ne sont plus « jeunes » : en moyenne, leur population sera même bientôt la plus âgée de France. À La Réunion, en 2050, un quart de la population aura plus de 60 ans et le taux de dépendance atteindra 12 %, contre 8 % en métropole. De surcroît, dans ce territoire, on entre en dépendance aux alentours de 65 ans, contre 85 ans en métropole, et la plupart des personnes dépendantes souhaitent rester à domicile.

La Réunion s’est fortement impliquée dans la conférence des financeurs associant l’État et les départements, dont les travaux doivent aboutir à une réforme de fond dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Nous espérons un soutien du ministère pour abaisser à 15 % la clause de sauvegarde des concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Monsieur le ministre, le PLFSS pour 2024 octroie 150 millions d’euros aux départements au titre de l’APA : il faudra veiller à ce que les collectivités ultramarines bénéficient de ces crédits, compte tenu de leurs difficultés financières. À cet égard, nous sollicitions votre appui immédiat. De même, nous comptons sur vous au sujet du fonds de sauvegarde des départements.

En matière de logement, les crédits accordés augmentent de 50 millions d’euros, portant l’effort total à 292 millions d’euros. Mais, en 2023 comme lors des années précédentes, on constate une sous-consommation des budgets.

Je préconise une gestion locale plus efficiente pour répondre aux besoins des populations : une gestion locale plus responsable et réactive, sous l’égide du conseil départemental, associant l’État, les intercommunalités et les communes.

La vingt-deuxième des soixante-douze mesures du Ciom engage l’État à conclure, avec le département de La Réunion, une convention pluriannuelle pour le logement des personnes vulnérables. Cette convention doit notamment inclure une révision des modalités d’attribution financière et d’allocation des fonds de la LBU.

C’est un premier pas, que nous saluons. Toutefois, le déficit de constructions est tel qu’une révision générale de la politique du logement doit être entreprise à l’échelle de notre territoire. Ce travail, lui aussi mené en concertation, devra répondre aux besoins de construction et de réhabilitation de logements.

Comme chaque année depuis six ans, je déplore que les propriétaires occupants soient moins bien traités dans les territoires ultramarins que dans l’Hexagone. Les délais d’instruction des dossiers sont trop longs et certaines aides de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) n’existent toujours pas outre-mer.

Au cours de ce débat, je défendrai un amendement visant à allouer 250 000 euros à la réalisation d’enquêtes locales et au soutien aux associations luttant contre les violences faites aux enfants dans les outre-mer.

Pour ce qui est de l’article 55, il importe de garantir la sélection des projets professionnels en fonction des besoins réels des territoires ; monsieur le ministre, pourriez-vous nous fournir une ébauche d’éléments méthodologiques à ce sujet ?

Concernant la définition du public cible de cette aide à la continuité, je souhaite, comme nombre de mes collègues, que des éléments d’identification de l’attachement à un territoire ultramarin soient inscrits dans la loi : en procédant ainsi, nous ne ferons que suivre l’intention du dispositif.

À cet égard, je salue la méthode consultative retenue par la présidente de notre délégation aux outre-mer : cette démarche a abouti au dépôt de trois amendements, que je voterai.

Enfin, le Gouvernement a prévu de créer des zones franches portuaires combinées à des exonérations fiscales et sociales spécifiques. J’espère être informée de l’avancement de ce projet, qui est susceptible de dynamiser l’industrie dans les DOM.

Sourires. – Mme Annick Girardin rit.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) voit ses crédits augmenter chaque année pour faire face au traitement des dossiers, de plus en plus nombreux, déposés par les victimes ou par leurs ayants droit. Il est très rassurant de voir l'État assumer ces réparations à un rythme soutenu depuis la mise en place du « 1 millisievert » – les chiffres le prouvent.

Je tiens également à mentionner le fonds intercommunal de péréquation (FIP), dont les ressources sont versées par l'État aux communes : voilà un sujet qui mériterait d'être approfondi pour que la part de l'État progresse. J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens ; nous y reviendrons.

Mes chers collègues, hors du cadre de cette mission, le Gouvernement a introduit dans le présent texte, par voie d'amendement, une réforme de l'indemnité temporaire de retraite (ITR) qui ne m'a pas convaincue.

Comme les organisations syndicales de salariés, je croyais sincèrement que, fidèle à ses promesses d'origine, le Gouvernement déploierait un dispositif correcteur garantissant une réelle compensation. Or il persiste à vouloir supprimer l'indexation sans tenir compte des situations sociales à venir, qu'il s'agisse des fonctionnaires d'État polynésiens ou de nos militaires, qui ont tant servi la Nation. De tels procédés sont on ne peut plus irrespectueux.

Voilà une réforme qui, localement, n'apportera que des déconvenues. Elle amputera le pouvoir d'achat des retraités concernés, entraînant de graves pertes pour l'économie locale. J'ai aussi déposé un amendement tendant à revenir sur cette mesure, en parfaite concertation avec les syndicats.

Louer la stratégie de l'Indo-Pacifique, dire et répéter que nos outre-mer nous permettront d'affronter les grands défis du XXIe siècle, c'est bien ; mais il faudrait leur témoigner un peu plus de considération…

Cela étant, tout en soutenant les amendements de mon collègue de Polynésie Teva Rohfritsch, les élus du groupe Union Centriste voteront sans hésiter les crédits de la mission « Outre-mer ».

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Christopher SZCZUREK

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos outre-mer sont la clef de la France de demain. Grâce à eux, à nos 2 millions de compatriotes qui y vivent, à la formidable diversité de leurs ressources et de leurs talents, la France dispose du deuxième espace maritime mondial et d’une présence globale à même d’asseoir son rôle de partenaire incontournable dans un monde changeant.

Nos compatriotes ultramarins devraient bénéficier, de la part de l’État, du même secours et du même engagement que ceux que reçoivent les Français de métropole. Ils subissent les mêmes maux qu’eux, dans des proportions quadruplées ; mais, qu’il s’agisse de l’inflation et de la vie chère ou de l’immigration incontrôlée et de l’insécurité, du manque de services ou de l’abandon par l’État des collectivités territoriales, l’outre-mer appelle au secours et le Gouvernement reste sourd.

Quelle vision l’exécutif nous présente-t-il avec la mission « Outre-mer » ? Aucune. Il persiste dans la voie fatale empruntée depuis maintenant six ans.

Cette mission ne répond pas aux enjeux d’autonomie économique, de développement et de durabilité.

Mes chers collègues, songez à Mayotte : l’île est en proie à la submersion migratoire, laquelle entraîne une pénurie généralisée d’eau.

À La Réunion, la crise du logement est telle que les services de l’État estiment à 40 000 le nombre de logements nouveaux manquants pour nos compatriotes.

En Guyane, l’immigration irrégulière et l’orpaillage illégal terrifient les habitants.

Profitant de l’inflation, le Gouvernement annonce une augmentation minime du budget de la mission « Outre-mer » : dont acte. Mais ces quelques millions d’euros saupoudrés ne permettront en rien d’atténuer le sous-développement structurel de nos territoires ultramarins.

Ainsi, monsieur le ministre, vous ne revenez pas sur le régime de l’octroi de mer, imposition anachronique qui renchérit de 20 % le coût de la vie. Vos efforts en faveur de l’autonomie alimentaire et énergétique de ces territoires ne sont que de vagues promesses. Face à la décrépitude des services publics les plus élémentaires, votre ministre de tutelle invite les Mahorais à faire bouillir l’eau du robinet avant de la boire. Vous faites maintenant rimer incompétence avec indécence.

Un tel budget n’assure ni l’ordre, ni le développement, ni le respect de la dignité de nos départements et territoires d’outre-mer. Les élus du Rassemblement national voteront donc contre les crédits de cette mission.

Nous nous inclinons devant l’infinie patience de nos compatriotes ultramarins devant cette situation indigne cultivée depuis trop longtemps. L’injustice devra un jour être réparée, mais elle ne le sera qu’au prix de l’alternance !

Debut de section - PermalienPhoto de Christopher SZCZUREK

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos outre-mer sont la clé de la France de demain. Grâce à eux, à nos 2 millions de compatriotes qui y vivent, à la formidable diversité de leurs ressources et de leurs talents, la France dispose du deuxième espace maritime mondial et d’une présence globale à même d’asseoir son rôle de partenaire incontournable dans un monde changeant.

Nos compatriotes ultramarins devraient bénéficier, de la part de l’État, du même secours et du même engagement que ceux que reçoivent les Français de métropole. Ils subissent les mêmes maux qu’eux, dans des proportions quadruplées ; mais, qu’il s’agisse de l’inflation et de la vie chère ou de l’immigration incontrôlée et de l’insécurité, du manque de services ou de l’abandon par l’État des collectivités territoriales, l’outre-mer appelle au secours et le Gouvernement reste sourd.

Quelle vision l’exécutif nous présente-t-il avec la mission « Outre-mer » ? Aucune. Il persiste dans la voie fatale empruntée depuis maintenant six ans.

Cette mission ne répond pas aux enjeux d’autonomie économique, de développement et de durabilité.

Mes chers collègues, songez à Mayotte : l’île est en proie à la submersion migratoire, laquelle entraîne une pénurie généralisée d’eau.

À La Réunion, la crise du logement est telle que les services de l’État estiment à 40 000 le nombre de logements nouveaux manquants pour nos compatriotes.

En Guyane, l’immigration irrégulière et l’orpaillage illégal terrifient les habitants.

Profitant de l’inflation, le Gouvernement annonce une augmentation minime du budget de la mission « Outre-mer » : dont acte. Mais ces quelques millions d’euros saupoudrés ne permettront en rien d’atténuer le sous-développement structurel de nos territoires ultramarins.

Ainsi, monsieur le ministre, vous ne revenez pas sur le régime de l’octroi de mer, imposition anachronique qui renchérit de 20 % le coût de la vie. Vos efforts en faveur de l’autonomie alimentaire et énergétique de ces territoires ne sont que de vagues promesses. Face à la décrépitude des services publics les plus élémentaires, votre ministre de tutelle invite les Mahorais à faire bouillir l’eau du robinet avant de la boire. Vous faites maintenant rimer incompétence avec indécence.

Un tel budget n’assure ni l’ordre, ni le développement, ni le respect de la dignité de nos départements et territoires d’outre-mer. Les élus du Rassemblement national voteront donc contre les crédits de cette mission.

Nous nous inclinons devant l’infinie patience de nos compatriotes ultramarins devant cette situation indigne cultivée depuis trop longtemps. L’injustice devra un jour être réparée, mais elle ne le sera qu’au prix de l’alternance !

Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Bernard Buis applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne BOURCIER

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on dresse parfois un tableau excessivement négatif de nos outre-mer ; cela me dérange.

Bien sûr, ces territoires ont leurs difficultés ; les taux de chômage et de pauvreté y sont plus élevés que dans l’Hexagone ; l’insularité, voire la double insularité, entraîne un certain nombre de problèmes et, de manière générale, l’accès à l’eau y est compliqué.

Je ne nie en rien ces difficultés : elles sont bien réelles. Mais elles ne sauraient, à elles seules, résumer les outre-mer. Ces derniers recèlent aussi de formidables exemples d’initiative citoyenne. Dans certains domaines, ils sont même des modèles d’innovation économique et écologique.

On ne le rappellera jamais assez : les outre-mer se caractérisent par leur diversité ; d’une collectivité à l’autre, les situations sont loin d’être identiques. Cela étant, ils ont aussi des points communs.

L’emploi est l’un des enjeux cruciaux qu’ils ont en partage.

Créer de l’emploi dans les outre-mer : tel est l’objectif que nous devons viser pour endiguer la pauvreté et dynamiser ces territoires économiquement.

À cette fin, le programme « Emploi outre-mer » est doté de 1, 86 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1, 85 milliard d’euros en crédits de paiement. Ces montants permettent notamment de soutenir les entreprises via des exonérations sociales et d’améliorer l’insertion professionnelle des Ultramarins. Ils progressent de 5 % par rapport à 2023 : c’est une bonne nouvelle.

Nous saluons l’augmentation des crédits du dispositif Cadres d’avenir, qui accorde aux étudiants une aide financière en contrepartie d’un engagement à revenir travailler dans leur territoire d’origine.

Au sein du programme 123, 21, 6 millions d’euros serviront à financer trois nouvelles aides sous forme de passeports : le premier pour l’installation professionnelle en outre-mer ; le deuxième pour la mobilité des actifs salariés ; le troisième pour la mobilité des entreprises innovantes. Nous soutenons évidemment ces dispositifs, qui contribueront très concrètement au renforcement de la continuité territoriale et au développement de l’emploi.

Je tiens d’ailleurs à saluer l’effort global consacré à la continuité territoriale, qui voit ses crédits augmenter de plus de 41 %. C’est un message fort envoyé à nos concitoyens ultramarins, qu’ils soient étudiants ou actifs.

Je l’ai dit, l’emploi est un enjeu majeur ; la lutte contre la vie chère en est un autre. Non seulement les prix sont historiquement plus élevés outre-mer que dans le reste de la France, mais les écarts avec l’Hexagone ne cessent de se creuser, ce qui doit nous inquiéter davantage encore.

L’inflation des dernières années a sûrement aggravé les choses ; mais, en réalité, ce phénomène s’observe depuis longtemps.

C’est en matière d’alimentation que l’écart est le plus flagrant. En Guadeloupe, par exemple, les prix des comestibles sont supérieurs de 40 % à la moyenne française. Si l’on prend comme point de comparaison le panier alimentaire hexagonal, l’écart monte même à 50 %. Et de telles différences se constatent dans d’autres domaines, qu’il s’agisse des soins – l’écart de prix va jusqu’à 17 % –, des communications – il atteint 35 % – ou encore des loyers.

Plusieurs dispositifs ont été mis en œuvre pour combattre l’inflation, comme le bouclier qualité-prix, dont le panier a été élargi cette année, ou le filet de sécurité, qui vise à lutter contre la hausse des prix de l’énergie. Ils ont évidemment le mérite d’exister, mais, au regard des chiffres que je viens de citer, on peut regretter leur manque d’efficacité.

La lutte contre l’habitat indigne est renforcée de 16 millions d’euros. Cet effort est absolument nécessaire : les logements insalubres représentent 18 % des habitations dans les outre-mer, contre 1, 2 % dans l’Hexagone. Je rappelle qu’à Mamoudzou 15 000 personnes vivent dans un bidonville.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne BOURCIER

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on dresse parfois un tableau excessivement négatif de nos outre-mer ; cela me dérange.

Bien sûr, ces territoires ont leurs difficultés ; les taux de chômage et de pauvreté y sont plus élevés que dans l’Hexagone ; l’insularité, voire la double insularité, entraîne un certain nombre de problèmes et, de manière générale, l’accès à l’eau y est compliqué.

Je ne nie en rien ces difficultés : elles sont bien réelles. Mais elles ne sauraient, à elles seules, résumer les outre-mer. Ces derniers recèlent aussi de formidables exemples d’initiative citoyenne. Dans certains domaines, ils sont même des modèles d’innovation économique et écologique.

On ne le rappellera jamais assez : les outre-mer se caractérisent par leur diversité ; d’une collectivité à l’autre, les situations sont loin d’être identiques. Cela étant, ils ont aussi des points communs.

L’emploi est l’un des enjeux cruciaux qu’ils ont en partage.

Créer de l’emploi dans les outre-mer : tel est l’objectif que nous devons viser pour endiguer la pauvreté et dynamiser ces territoires économiquement.

À cette fin, le programme « Emploi outre-mer » est doté de 1, 86 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1, 85 milliard d’euros en crédits de paiement. Ces montants permettent notamment de soutenir les entreprises via des exonérations sociales et d’améliorer l’insertion professionnelle des Ultramarins. Ils progressent de 5 % par rapport à 2023 : c’est une bonne nouvelle.

Nous saluons l’augmentation des crédits du dispositif Cadres d’avenir, qui accorde aux étudiants une aide financière en contrepartie d’un engagement à revenir travailler dans leur territoire d’origine.

Au sein du programme 123, il est prévu que 21, 6 millions d’euros servent à financer trois nouvelles aides sous forme de passeports : le premier pour l’installation professionnelle en outre-mer ; le deuxième pour la mobilité des actifs salariés ; le troisième pour la mobilité des entreprises innovantes. Nous soutenons évidemment ces dispositifs, qui contribueront très concrètement au renforcement de la continuité territoriale et au développement de l’emploi.

Je tiens d’ailleurs à saluer l’effort global consacré à la continuité territoriale, qui voit ses crédits augmenter de plus de 41 %. C’est un message fort envoyé à nos concitoyens ultramarins, qu’ils soient étudiants ou actifs.

Je l’ai dit, l’emploi est un enjeu majeur ; la lutte contre la vie chère en est un autre. Non seulement les prix sont historiquement plus élevés outre-mer que dans le reste de la France, mais les écarts avec l’Hexagone ne cessent de se creuser, ce qui doit nous inquiéter davantage encore.

L’inflation des dernières années a sûrement aggravé les choses ; mais, en réalité, ce phénomène s’observe depuis longtemps.

C’est en matière d’alimentation que l’écart est le plus flagrant. En Guadeloupe, par exemple, les prix des comestibles sont supérieurs de 40 % à la moyenne française. Si l’on prend comme point de comparaison le panier alimentaire hexagonal, l’écart monte même à 50 %. Et de telles différences se constatent dans d’autres domaines, qu’il s’agisse des soins – l’écart de prix va jusqu’à 17 % –, des communications – il atteint 35 % – ou encore des loyers.

Plusieurs dispositifs ont été mis en œuvre pour combattre l’inflation, comme le bouclier qualité-prix, dont le panier a été élargi cette année, ou le filet de sécurité, qui vise à lutter contre la hausse des prix de l’énergie. Ils ont évidemment le mérite d’exister, mais, au regard des chiffres que je viens de citer, on peut regretter leur manque d’efficacité.

La lutte contre l’habitat indigne est renforcée de 16 millions d’euros. Cet effort est absolument nécessaire : les logements insalubres représentent 18 % des habitations dans les outre-mer, contre 1, 2 % dans l’Hexagone. Je rappelle qu’à Mamoudzou 15 000 personnes vivent dans un bidonville.

Debut de section - PermalienPhoto de Akli MELLOULI

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous ferai grâce des chiffres – un certain nombre ont déjà été cités et d'autres le seront lors de l'examen des amendements. Je vous rappelle simplement que, depuis de nombreuses années, la vie chère est la préoccupation majeure de nos compatriotes d'outre-mer. Elle est le principal sujet de mécontentement, qui nourrit les tensions et les mouvements sociaux émaillant la vie politique et sociale de ces territoires.

Nous nous rappelons tous de la grève générale de 2009 aux Antilles – le souvenir de ces événements reste vif – ou encore, à La Réunion, de la crise des gilets jaunes

M. le ministre délégué le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne BOURCIER

En parallèle, le fonds exceptionnel d’investissement est doté de 160 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 87 millions d’euros en crédits de paiement.

Il est indispensable d’aider les collectivités territoriales à développer et à adapter leurs équipements publics, qu’il s’agisse de la gestion de l’eau, du traitement des déchets ou encore du développement durable.

Plus largement, l’aménagement du territoire est un enjeu central dans ces régions, d’autant que certaines d’entre elles sont régulièrement touchées par des catastrophes naturelles, comme les cyclones ou les sargasses. Ces phénomènes, qui transforment des territoires entiers, exigent des aménagements permanents.

Enfin, à l’instar de la Cour des comptes, nous insistons sur l’importance d’un meilleur calibrage budgétaire de cette mission, dont les crédits sont tantôt sous-consommés, tantôt surexécutés. Leur vote n’aura de valeur qu’à la condition d’un déploiement fidèle et concret dans les territoires ultramarins.

Mes chers collègues, en résumé, nous saluons la hausse globale du budget de cette mission, mais rappelons que les crédits ici recensés ne représentent qu’une partie des moyens que l’État alloue aux départements, régions et collectivités d’outre-mer (Drom-COM).

Les élus du groupe Les Indépendants soulignent l’orientation positive de la mission « Outre-mer », dont ils voteront les crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Akli MELLOULI

À chacun des nombreux mouvements sociaux qui touchent les territoires d'outre-mer, on retrouve les mêmes revendications en faveur d'une augmentation généralisée des salaires, des minima sociaux, des allocations chômage et des pensions de retraite. L'augmentation des prix provoque en effet un véritable ras-le-bol, comme l'illustrent les mobilisations de collectifs d'associations devant les supermarchés en Guyane.

Monsieur le ministre, malgré la récurrence et la dureté de ces mouvements sociaux, malgré les alertes des élus locaux et des parlementaires des Drom et des COM, malgré le dernier rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese), malgré les conclusions de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur le coût de la vie outre-mer et malgré l'Oudinot du pouvoir d'achat, organisé par votre ministère, le mal-être est là. Le mal-être perdure, le mal-être s'aggrave, à l'heure où l'inflation frappe tout particulièrement les produits alimentaires et de consommation courante.

Non seulement les prix sont de plus en plus élevés, mais l'écart avec l'Hexagone s'est encore creusé en 2022 : les prix sont 10 % à 15 % plus élevés dans les départements et régions d'outre-mer, 30 % à 40 % plus élevés en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie.

Les écarts sont plus grands encore si l'on ne considère que les produits alimentaires, qui sont vendus environ 30 % plus cher dans les Drom. Or l'alimentation est l'un des premiers postes de consommation des familles. D'après le Cese, 55 % des Ultramarins avouent même renoncer régulièrement à des dépenses du quotidien afin de pouvoir assurer l'essentiel. Au total, 900 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté en outre-mer. Voilà qui n'est pas digne de notre pays.

Répondre rapidement et efficacement aux difficultés de pouvoir d'achat que rencontrent nos compatriotes d'outre-mer est bien sûr un enjeu de cohésion sociale. Mais, au-delà, la réduction des fractures systémiques entre la métropole et les territoires d'outre-mer est au cœur de la promesse républicaine d'égalité.

L'égalité n'est pas un supplément d'âme, elle n'est pas de l'ordre des bons sentiments : elle est une garantie de l'État. Nous devons garantir aux outre-mer l'égalité sociale et territoriale : c'est notre devoir !

J'y insiste, il s'agit là d'un enjeu de cohésion nationale ; et, pour maintenir la cohésion entre l'Hexagone et l'outre-mer, il faut enrayer les mécanismes de ce fort et légitime sentiment d'injustice.

Des dispositions pragmatiques, non partisanes, peuvent d'ores et déjà être adoptées au titre du projet de loi de finances pour 2024.

Face aux situations de rente et de quasi-monopole dans certains secteurs, le Gouvernement a créé en 2007 des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR). Ces établissements ont pour mission d'analyser le niveau et la structure des prix et des revenus et de fournir aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution.

Les OPMR donnent notamment un avis consultatif préalable à la phase de négociation des prix des produits composant le bouclier qualité-prix. Mais ils sont contraints par le faible niveau de leur dotation, qui est d'environ 100 000 euros par an, et par la grande variété de leurs missions.

Monsieur le ministre, dans l'intérêt du pouvoir d'achat de nos compatriotes d'outre-mer, je vous propose d'augmenter significativement la dotation des OPMR. La diminution des inégalités et la maîtrise des prix doivent en effet compter parmi les piliers de notre politique d'outre-mer.

En parallèle, il faut œuvrer au développement économique local et faciliter l'accès à l'emploi de qualité. Ces efforts sont seuls à même d'enclencher une dynamique vertueuse pour les outre-mer.

Monsieur le ministre, il faut travailler au développement d'une économie plus dynamique et durable, véritablement ancrée dans les territoires et plus respectueuse de son environnement, permettant une hausse du pouvoir d'achat des Ultramarins.

Par leurs amendements – je n'en doute pas –, mes collègues de tous bords politiques mettront en lumière l'ensemble des facteurs concourant à la crise du pouvoir d'achat outre-mer, parmi lesquels les surcoûts liés aux importations ; la concentration des principaux importateurs et distributeurs ; la taille des marchés locaux ; la fiscalité locale assise sur les importations ; le manque d'emplois locaux et la faiblesse des revenus ; ou encore l'insuffisance des productions locales, y compris pour les produits frais.

Au regard de ces différents facteurs, du contexte de tension sociale et de l'urgence de la situation, les soixante-douze mesures annoncées par le comité interministériel des outre-mer le 18 juillet 2023 ont cruellement déçu les élus. Ces derniers déplorent le manque d'ambition du Gouvernement en matière de résorption de la fracture sociale et de réduction des inégalités.

Ni la réforme de l'octroi de mer, qui pèse sur le prix des biens, ni la régulation des prix n'ont fait l'objet de la moindre annonce concrète.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Annick Girardin et Viviane Malet et MM. Marc Laménie et Akli Mellouli applaudissent également.

Debut de section - Permalien
Philippe Vigier, ministre délégué

Oh !

Debut de section - PermalienPhoto de Akli MELLOULI

Aucune mesure d'ensemble n'a été actée en faveur du pouvoir d'achat.

Nous comprenons la déception de nos compatriotes. La crise du pouvoir d'achat est celle d'un modèle économique tout entier, qui nécessite une plus grande considération de la part du Gouvernement.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mmes Viviane Malet, Solanges Nadille et Annick Girardin applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues présents, merci pour nous !

Le rituel annuel que constitue l’examen du PLF a au moins cet avantage qu’il nous permet de dresser un état des lieux des politiques publiques engagées par l’État en faveur de nos outre-mer.

On peut évidemment se réjouir de la hausse des moyens accordés au titre de la mission « Outre-mer » pour 2024. En autorisations d’engagement, ce budget augmente de 7 % par rapport à 2023, pour atteindre 2, 9 milliards d’euros. En crédits de paiement, il progresse plus faiblement, de 4, 5 %, pour s’établir à 2, 66 milliards d’euros.

Je le répète, cette augmentation de crédits mérite d’être saluée ; mais on ne peut que la juger insuffisante quand on connaît les urgences en outre-mer et la forte inflation qui y règne actuellement.

Les efforts de ce budget 2024 portent essentiellement sur le logement – l’habitat insalubre reste bien sûr une priorité, tant le retard est grand dans nos outre-mer – et sur l’accompagnement financier de Mayotte, lequel est bien compréhensible, étant donné la situation sociale alarmante dans laquelle se trouve ce département. Aujourd’hui, les habitants de Mayotte sont contraints de recourir à des bouteilles d’eau en plastique pour leurs usages du quotidien, en l’absence de réhabilitation et d’accord local pour l’implantation d’un réseau rénové et sans fuite ; de tels expédients sont inacceptables.

En dehors de ces situations lourdes et complexes, qui supposent des investissements considérables, nous nous réjouissons du renforcement des crédits dédiés à la continuité territoriale.

On peut remercier les parlementaires associés au ministère des outre-mer, qui, par leurs actions et leurs nombreux rapports, ont permis cette évolution de crédits en faveur des Ultramarins via l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité.

Les crédits affectés au service militaire adapté (SMA) progressent également chaque année. Ce dispositif d’insertion professionnelle de nos jeunes en décrochage scolaire est une belle réussite : à preuve, ses taux d’intégration à un emploi durable restent élevés.

Toutefois, monsieur le ministre, l’appui aux financements bancaires et à l’ingénierie recule de 7 millions d’euros en autorisations d’engagement. Cette diminution n’est, à mon sens, pas opportune, alors que les besoins de financement des acteurs publics pourraient s’accroître en 2024, dans un contexte économique plus difficile.

De même, vous proposez une mesure d’économie de 10 millions d’euros au détriment de la collectivité territoriale de Guyane – les crédits dont il s’agit passent de 40 millions à 30 millions d’euros –, alors que cette dernière doit faire face à la liquidation d’Air Guyane. Or, compte tenu de son enclavement, ce territoire mérite une meilleure desserte aérienne.

Je ne m’attarderai pas sur les mesures de défiscalisation introduites dans ce budget à la hussarde, sans aucune consultation des collectivités concernées. M. le rapporteur général a déposé, à cet égard, un amendement plein de sagesse : merci pour nos outre-mer.

De manière plus générale, monsieur le ministre, vous n’ignorez pas que la vie outre-mer est de plus en plus chère. Le foncier y est de plus en plus rare et, dans certains territoires, comme le mien, la spéculation va croissant. Cette situation doit s’imposer à notre attention, notamment pour nos jeunes, qui ne peuvent plus investir.

Permettez-moi de m’attarder un instant sur les crédits affectés à ma collectivité d’origine : la Polynésie française.

Au titre de la politique de santé, les engagements de l’État demeurent inchangés, alors que le renouvellement de notre convention solidarité-santé est toujours en attente. À ce sujet, une promesse m’avait pourtant été faite l’an dernier dans cet hémicycle par votre prédécesseur, M. Carenco.

Notre protection sociale est en difficulté : il est à souhaiter que toutes les dépenses liées aux soins des victimes du nucléaire, engagées depuis de nombreuses années, soient un jour remboursées. Les comptes de notre caisse locale s’en trouveraient allégés.

Au titre des aides à la reconversion de l’économie polynésienne, on note une stabilité des moyens délégués, dont les dépenses retenues portent sur le désenclavement des îles et sur la prévention des risques.

La dotation globale d’autonomie (DGA), dite dette nucléaire, est financée depuis 2020 par un prélèvement sur recettes de l’État. On évite ainsi toute désindexation : l’engagement pris est bien respecté – merci !

La dotation globale de fonctionnement (DGF) progresse…

Debut de section - PermalienPhoto de Akli MELLOULI

S'il augmente de 6, 9 % en autorisations d'engagement et de 4, 6 % en crédits de paiement, ce budget est très loin d'être à la hauteur des besoins, des enjeux et surtout de l'urgence…

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Mme Lana Tetuanui. … de 1, 96 %. Cette légère augmentation ne compense pas les effets, bien connus, de l’inflation ; je vous dis merci quand même !

Debut de section - PermalienPhoto de Akli MELLOULI

… sociale et environnementale à laquelle sont confrontés nos compatriotes ultramarins ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – MM. Frédéric Buval et Stéphane Fouassin applaudissent également.)

Sourires. – Mme Annick Girardin rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne CORBIÈRE NAMINZO

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite ouvrir mon propos en paraphrasant notre Président de la République : les aéroports sont les lieux où se croisent les gens qui sont tout et ceux qui ne sont rien.

Ceux qui sont tout bénéficient, entre autres, du privilège d'être nés au bon endroit. Ceux qui ne sont rien, nés à des milliers de kilomètres du continent, sont condamnés au chômage, à la vie chère, à la précarité, à l'eau boueuse et à l'exil.

Réussir pour soi, chez soi, est de plus en plus difficile pour nous, chez nous, au nom du fallacieux argument de la rupture d'égalité, que l'on nous ressort à chaque fois que nous tentons d'obtenir une adaptation.

Comme l'année dernière, le budget de la mission « Outre-mer » a fait l'unanimité à l'Assemblée nationale avant de disparaître par la magie d'un 49.3. Le réflexe outre-mer, vague projet, vague ambition que nous avons, ressemble surtout, traduit par vous, monsieur le ministre, à un réflexe paternaliste.

À l'Assemblée nationale, l'examen de l'article 55 de ce PLF a provoqué beaucoup d'animation. Malgré l'annonce de sa suppression, nous nous retrouvons aujourd'hui au Sénat pour continuer d'en débattre.

N'avons-nous donc rien appris de notre histoire ? Votre politique doit-elle constamment être celle du grand bond en arrière ? Alors que l'outre-mer souffre d'un taux de chômage qui est toujours au moins deux fois plus élevé qu'en Hexagone, vous avez eu l'idée – quelle révélation, quelle révolution ! – d'envoyer des travailleurs hexagonaux abonder nos entreprises et nos services publics.

Qui peut croire qu'avec plus de 150 000 chômeurs nous manquons encore de main-d'œuvre à La Réunion ?

Alors que nos fonctionnaires et nos talents peinent à rentrer chez eux, trouvez-vous vraiment nécessaire que les Hexagonaux bénéficient, eux, d'une aide à l'installation sur nos côtes et sur nos terres ?

S'il y a un dossier de mobilité à propos duquel nous avions des attentes, c'est bien celui de la continuité territoriale. Las ! une nouvelle fois, l'enveloppe allouée à l'ensemble des territoires ultramarins reste bien en deçà desdites attentes ! Elle est du reste bien inférieure à l'enveloppe allouée à la Corse, territoire de seulement 340 000 habitants, qui se situe, de surcroît, à moins de 400 kilomètres du continent. Or la France d'outre-mer, elle, est forte de 2, 7 millions d'habitants, qui doivent parcourir des distances allant de 6 000 à 15 000 kilomètres pour rejoindre le continent français.

Pourtant, avec nos 93 millions d'euros, nous faisons bien pâle figure à côté de la dotation annuelle de 187 millions d'euros allouée à l'île de Beauté.

Les dispositifs mis en œuvre sous l'égide de Ladom ne sauraient suffire, puisque l'aide y reste conditionnée. Le Gouvernement doit engager des mesures fortes pour répondre aux problèmes des dessertes aériennes, maritimes et terrestres.

Au-delà de la question traitée à l'article 55, au-delà, donc, de la discontinuité territoriale, ce budget est décevant à bien des égards.

L'investissement de l'État dans nos infrastructures – je pense en particulier à nos réseaux d'eau – reste insuffisant. Vous pourrez toujours nous dire, monsieur le ministre, que cette compétence relève des collectivités ; nous pourrons toujours vous répondre qu'à Mayotte, où vous assurez la gestion partagée de cette même compétence, votre responsabilité a été pointée du doigt par l'Union européenne dans la crise que traverse le département.

Nous pourrions aussi vous répondre qu'en raison des contraintes imposées par les normes nationales chaque chantier que nous engageons outre-mer est soumis à des coûts exorbitants.

Monsieur le ministre, faire des ajustements budgétaires, c'est faire des choix. Comme le disait Thomas Sankara, « il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l'eau potable pour tous ».

Or le Gouvernement a fait son choix : le choix d'accepter qu'en France, pays des droits de l'homme, 2, 7 millions de personnes, habitant trop loin du continent, soient susceptibles de manquer d'eau potable.

La France est donc ce pays de la civilisation et de l'innovation qui ne respecterait pas la résolution du 28 juillet 2010 de l'Assemblée générale de l'ONU, laquelle reconnaît « l'importance que revêt l'accès équitable à une eau potable salubre et propre et à des services d'assainissement, qui fait partie intégrante de la réalisation de tous les droits de l'homme ».

L'outre-mer représente 80 % de la biodiversité française. L'outre-mer est notre puissance maritime. L'outre-mer est la porte d'entrée de la France vers l'espace. L'outre-mer est un berceau du multiculturalisme et de la laïcité. L'outre-mer est un incubateur de nouveaux talents et d'innovation. L'outre-mer porte en partie la jeunesse et le renouveau du pays.

Mais l'outre-mer, ce sont aussi des hôpitaux laissés à l'abandon ; des populations empoisonnées par la pollution des sols et des nappes phréatiques ; des descendants d'esclavagistes s'octroyant le privilège et les bénéfices d'un monopole sur nos économies.

Dans les débats qui vont suivre, nous verrons que l'outre-mer, c'est aussi la France des inégalités.

La Réunion souffre d'une fracture sociale qui se répercute dans tous les pans de notre vie…

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) voit ses crédits augmenter chaque année pour faire face au traitement des dossiers, de plus en plus nombreux, déposés par les victimes ou par leurs ayants droit. Il est très rassurant de voir l’État assumer ces réparations à un rythme soutenu depuis la mise en place du « 1 millisievert » – les chiffres le prouvent.

Je tiens également à mentionner le fonds intercommunal de péréquation (FIP), dont les ressources sont versées par l’État aux communes : voilà un sujet qui mériterait d’être approfondi pour que la part de l’État progresse. J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens ; nous y reviendrons.

Mes chers collègues, hors du cadre de cette mission, le Gouvernement a introduit dans le présent texte, par voie d’amendement, une réforme de l’indemnité temporaire de retraite (ITR) qui ne m’a pas convaincue.

Comme les organisations syndicales de salariés, je croyais sincèrement que, fidèle à ses promesses d’origine, le Gouvernement déploierait un dispositif correcteur garantissant une réelle compensation. Or il persiste à vouloir supprimer l’indexation sans tenir compte des situations sociales à venir, qu’il s’agisse des fonctionnaires d’État polynésiens ou de nos militaires, qui ont tant servi la Nation. De tels procédés sont on ne peut plus irrespectueux.

Voilà une réforme qui, localement, n’apportera que des déconvenues. Elle amputera le pouvoir d’achat des retraités concernés, entraînant de graves pertes pour l’économie locale. J’ai aussi déposé un amendement tendant à revenir sur cette mesure, en parfaite concertation avec les syndicats.

Louer la stratégie de l’Indo-Pacifique, dire et répéter que nos outre-mer nous permettront d’affronter les grands défis du XXIe siècle, c’est bien ; mais il faudrait leur témoigner un peu plus de considération…

Cela étant, tout en soutenant les amendements de mon collègue de Polynésie Teva Rohfritsch, les élus du groupe Union Centriste voteront sans hésiter les crédits de la mission « Outre-mer ».

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) voit ses crédits augmenter chaque année pour faire face au traitement des dossiers, de plus en plus nombreux, déposés par les victimes ou par leurs ayants droit. Il est très rassurant de voir l’État assumer ces réparations à un rythme soutenu depuis la mise en place du « 1 millisievert » – les chiffres le prouvent.

Je tiens également à mentionner le fonds intercommunal de péréquation (FIP), dont les ressources sont versées par l’État aux communes : voilà un sujet qui mériterait d’être approfondi pour que la part de l’État progresse. J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens ; nous y reviendrons.

Mes chers collègues, hors du cadre de cette mission, le Gouvernement a introduit dans le présent texte, par voie d’amendement, une réforme de l’indemnité temporaire de retraite qui ne m’a pas convaincue.

Comme les organisations syndicales de salariés, je croyais sincèrement que, fidèle à ses promesses d’origine, le Gouvernement déploierait un dispositif correcteur garantissant une réelle compensation. Or il persiste à vouloir supprimer l’indexation sans tenir compte des situations sociales à venir, qu’il s’agisse des fonctionnaires d’État polynésiens ou de nos militaires, qui ont tant servi la Nation. De tels procédés sont on ne peut plus irrespectueux.

Voilà une réforme qui, localement, n’apportera que des déconvenues. Elle amputera le pouvoir d’achat des retraités concernés, entraînant de graves pertes pour l’économie locale. J’ai aussi déposé un amendement tendant à revenir sur cette mesure, en parfaite concertation avec les syndicats.

Louer la stratégie de l’Indo-Pacifique, dire et répéter que nos outre-mer nous permettront d’affronter les grands défis du XXIe siècle, c’est bien ; mais il faudrait leur témoigner un peu plus de considération…

Cela étant, tout en soutenant les amendements de mon collègue de Polynésie Teva Rohfritsch, les élus du groupe Union Centriste voteront sans hésiter les crédits de la mission « Outre-mer ».

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne CORBIÈRE NAMINZO

Sans solution nouvelle pour le logement, sans contrôle ni des prix, ni des monopoles, ni des marges, ce sont des centaines de milliers d'Ultramarins que vous abandonnez à la misère !

Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Bernard Buis applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne CORBIÈRE NAMINZO

Mme Evelyne Corbière Naminzo . Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Akli MELLOULI

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous ferai grâce des chiffres – un certain nombre ont déjà été cités et d’autres le seront lors de l’examen des amendements. Je vous rappelle simplement que, depuis de nombreuses années, la vie chère est la préoccupation majeure de nos compatriotes d’outre-mer. Elle est le principal sujet de mécontentement, qui nourrit les tensions et les mouvements sociaux émaillant la vie politique et sociale de ces territoires.

Nous nous rappelons tous de la grève générale de 2009 aux Antilles – le souvenir de ces événements reste vif – ou encore, à La Réunion, de la crise des gilets jaunes

Debut de section - PermalienPhoto de Akli MELLOULI

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous ferai grâce des chiffres – un certain nombre ont déjà été cités et d’autres le seront lors de l’examen des amendements. Je vous rappelle simplement que, depuis de nombreuses années, la vie chère est la préoccupation majeure de nos compatriotes d’outre-mer. Elle est le principal sujet de mécontentement, qui nourrit les tensions et les mouvements sociaux émaillant la vie politique et sociale de ces territoires.

Nous nous rappelons tous la grève générale de 2009 aux Antilles – le souvenir de ces événements reste vif – ou encore, à La Réunion, de la crise des « gilets jaunes »

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Lucien Stanzione applaudit également.

M. le ministre délégué le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick GIRARDIN

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Outre-mer » bénéficie cette année d'une augmentation de 6, 92 % en autorisations d'engagement et de 4, 65 % en crédits de paiement. L'effort réalisé était nécessaire, il est à saluer.

Pour ce qui concerne le programme 138 « Emploi outre-mer », la progression budgétaire est notamment liée à la hausse de 123 millions d'euros des crédits de l'action n° 01 « Soutien aux entreprises », qui atteignent désormais 1, 54 milliard d'euros. Cet effort résulte de la réforme issue, en 2018, des Assises des outre-mer et de la publication du Livre bleu outre-mer en 2018.

Il fallait donner de la stabilité et de la visibilité aux entreprises ; c'est aujourd'hui chose faite, monsieur le ministre.

Pour ce qui concerne le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », la progression budgétaire est notamment liée à l'accroissement considérable – +49 millions d'euros – des aides au logement, financées via la ligne budgétaire unique, la LBU. S'il s'agit d'une bonne nouvelle en vue de relever le commensurable défi du logement dans les territoires ultramarins, Saint-Pierre-et-Miquelon n'est malheureusement pas concernée, puisque la LBU n'y finance plus d'opérations depuis quelques années.

Beaucoup a déjà été dit sur cette mission « Outre-mer », monsieur le ministre, et je partage pour l'essentiel les propos de mes collègues. Aussi, pour mon premier PLF en tant que sénatrice de Saint-Pierre-et-Miquelon, j'ai fait le choix de vous parler de mon territoire, car je sais qu'il y a non pas l'outre-mer, mais bien des outre-mer.

Mon territoire est confronté à un triple défi, démographique, économique et climatique. Compte tenu de sa position géographique, il s'agit de l'unique territoire français soumis à un climat subarctique.

Ces grands défis se conjuguent au coût explosif de la vie : en 2022, c'est à Saint-Pierre-et-Miquelon que l'inflation a été la plus élevée en France. Les problèmes de logement y amplifient de surcroît le déclin démographique, limitant d'autant les ressources disponibles pour assurer l'avenir de l'archipel et son adaptation au changement climatique.

Pour 2024, le document de politique transversale relatif au budget de l'archipel affiche une augmentation de 1, 522 million d'euros en autorisations d'engagement, soit +2, 63 %. Les crédits de paiement, en baisse, reviennent à leur niveau de 2022, après avoir augmenté en loi de finances pour 2023.

Bien qu'en augmentation, ces moyens devront être complétés pour répondre aux nouvelles difficultés qui se font jour. La négociation du contrat de convergence et de transformation (CCT) vous en offrira sans doute l'occasion, monsieur le ministre. Du reste, je sais pouvoir compter sur vous et sur vos équipes, puisqu'en quelques semaines nous sommes parvenus à trouver des solutions interministérielles sur les dossiers que j'ai portés à votre connaissance.

Il s'agit tout d'abord de l'intégration de Saint-Pierre-et-Miquelon – qui en avait été dans un premier temps écartée – au nouveau dispositif qui remplace l'indemnité temporaire de retraite (ITR) ; je précise qu'il nous faut encore améliorer cette mesure.

Il s'agit ensuite de la sauvegarde de l'antenne saint-pierraise de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), un temps mise sur la sellette.

Il s'agit encore de décorréler le dossier de la démolition de l'ancien hôpital de Saint-Pierre d'avec le projet de construction d'un nouvel Ehpad, afin d'agir immédiatement – et intelligemment – sur un bâtiment qui pose des problèmes de sécurité.

Il s'agit également d'obtenir une réponse définitive de l'État sur le dossier de l'avenir du village de Miquelon ; la réunion de travail qui s'est tenue à l'Élysée le 27 novembre dernier a permis à cet égard d'acter des avancées particulièrement encourageantes.

Il s'agit enfin de l'instruction par les services du ministre chargé du logement de ma demande de rehaussement des seuils des allocations de logement sociales (ALS) et des allocations de logement familiales (ALF), afin de les rendre conformes aux engagements initiaux du Gouvernement.

Au cours des présents débats budgétaires, j'ai eu aussi l'occasion d'aborder les questions de l'extension à l'archipel du dispositif MaPrimeRénov' géré par l'Anah ou de l'autorisation donnée à Action Logement, à la demande du ministre des outre-mer, d'épauler les projets engagés sur le territoire.

La mise en œuvre des dispositifs exigera en tout état de cause des adaptations au contexte statutaire, climatique et météorologique local ainsi qu'aux particularités des conditions de ressources du territoire.

Reste en particulier à rédiger, en redoublant de vigilance, les décrets d'application nécessaires, mais surtout la loi organique que requiert, ainsi que le Ciom l'a établi, l'extension à Saint-Pierre-et-Miquelon du périmètre d'intervention d'Action Logement.

Cette vision long-termiste est à mettre à votre crédit, monsieur le ministre. Mais les projets en cours des collectivités ou des structures locales doivent pouvoir être financés à court terme, dès 2024 !

Le Gouvernement devra mobiliser les crédits du fonds exceptionnel d'investissement (FEI), du fonds vert ou de la LBU pour mener à bien notamment des opérations de résorption de l'habitat insalubre (RHI) ; il lui faudra certainement, dans ce cadre, pallier de prévisibles retards techniques et législatifs.

Monsieur le ministre, votre déplacement à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les prochains jours, sera l'occasion d'aborder de nouveau ces sujets avec les élus et avec les acteurs du monde économique.

L'allusion que je viens de faire à votre déplacement dans l'archipel m'offre une parfaite transition pour aborder un dernier sujet, celui du transport aérien. Monsieur le ministre, au point de vue logistique, votre venue relève de la haute voltige ! Un avant-goût vous est ainsi donné de ce qu'est réellement l'accessibilité de ce territoire.

Si les crédits prévus dans le cadre de l'actuelle délégation de service public (DSP) sont en hausse, le service et l'offre régressent malgré tout fortement !

Il y va non seulement, je le rappelle, d'enjeux économiques et sanitaires, mais également de la souveraineté et de la cohésion du territoire national.

« Mon ennemi, c'est l'assignation à résidence », aime à répéter le Président de la République. À Saint-Pierre-et-Miquelon, ce sentiment d'assignation est quotidien ! Le président-candidat s'était d'ailleurs engagé à augmenter le nombre de vols directs entre Paris et Saint-Pierre.

Monsieur le ministre, vous avez choisi de lancer une étude de marché pour modifier cette DSP. Si je partage avec vous la volonté d'engager un tel travail, qui est au demeurant nécessaire, l'urgence m'oblige à vous dire qu'il faut déverrouiller la situation sans délai, …

Debut de section - PermalienPhoto de Akli MELLOULI

À chacun des nombreux mouvements sociaux qui touchent les territoires d’outre-mer, on retrouve les mêmes revendications en faveur d’une augmentation généralisée des salaires, des minima sociaux, des allocations chômage et des pensions de retraite. L’augmentation des prix provoque en effet un véritable ras-le-bol, comme l’illustrent les mobilisations de collectifs d’associations devant les supermarchés en Guyane.

Monsieur le ministre, malgré la récurrence et la dureté de ces mouvements sociaux, malgré les alertes des élus locaux et des parlementaires des Drom et des COM, malgré le dernier rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese), malgré les conclusions de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur le coût de la vie outre-mer et malgré l’Oudinot du pouvoir d’achat, organisé par votre ministère, le mal-être est là. Le mal-être perdure, le mal-être s’aggrave, à l’heure où l’inflation frappe tout particulièrement les produits alimentaires et de consommation courante.

Non seulement les prix sont de plus en plus élevés, mais l’écart avec l’Hexagone s’est encore creusé en 2022 : les prix sont 10 % à 15 % plus élevés dans les départements et régions d’outre-mer, 30 % à 40 % plus élevés en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie.

Les écarts sont plus grands encore si l’on ne considère que les produits alimentaires, qui sont vendus environ 30 % plus cher dans les Drom. Or l’alimentation est l’un des premiers postes de consommation des familles. D’après le Cese, 55 % des Ultramarins avouent même renoncer régulièrement à des dépenses du quotidien afin de pouvoir assurer l’essentiel. Au total, 900 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté en outre-mer. Voilà qui n’est pas digne de notre pays.

Répondre rapidement et efficacement aux difficultés de pouvoir d’achat que rencontrent nos compatriotes d’outre-mer est bien sûr un enjeu de cohésion sociale. Mais, au-delà, la réduction des fractures systémiques entre la métropole et les territoires d’outre-mer est au cœur de la promesse républicaine d’égalité.

L’égalité n’est pas un supplément d’âme, elle n’est pas de l’ordre des bons sentiments : elle est une garantie de l’État. Nous devons garantir aux outre-mer l’égalité sociale et territoriale : c’est notre devoir !

J’y insiste, il s’agit là d’un enjeu de cohésion nationale ; et, pour maintenir la cohésion entre l’Hexagone et l’outre-mer, il faut enrayer les mécanismes de ce fort et légitime sentiment d’injustice.

Des dispositions pragmatiques, non partisanes, peuvent d’ores et déjà être adoptées au titre du projet de loi de finances pour 2024.

Face aux situations de rente et de quasi-monopole dans certains secteurs, le Gouvernement a créé en 2007 des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR). Ces établissements ont pour mission d’analyser le niveau et la structure des prix et des revenus et de fournir aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution.

Les OPMR donnent notamment un avis consultatif préalable à la phase de négociation des prix des produits composant le bouclier qualité-prix. Mais ils sont contraints par le faible niveau de leur dotation, qui est d’environ 100 000 euros par an, et par la grande variété de leurs missions.

Monsieur le ministre, dans l’intérêt du pouvoir d’achat de nos compatriotes d’outre-mer, je vous propose d’augmenter significativement la dotation des OPMR. La diminution des inégalités et la maîtrise des prix doivent en effet compter parmi les piliers de notre politique d’outre-mer.

En parallèle, il faut œuvrer au développement économique local et faciliter l’accès à l’emploi de qualité. Ces efforts sont seuls à même d’enclencher une dynamique vertueuse pour les outre-mer.

Monsieur le ministre, il faut travailler au développement d’une économie plus dynamique et durable, véritablement ancrée dans les territoires et plus respectueuse de son environnement, permettant une hausse du pouvoir d’achat des Ultramarins.

Par leurs amendements – je n’en doute pas –, mes collègues de tous bords politiques mettront en lumière l’ensemble des facteurs concourant à la crise du pouvoir d’achat outre-mer, parmi lesquels les surcoûts liés aux importations ; la concentration des principaux importateurs et distributeurs ; la taille des marchés locaux ; la fiscalité locale assise sur les importations ; le manque d’emplois locaux et la faiblesse des revenus ; ou encore l’insuffisance des productions locales, y compris pour les produits frais.

Au regard de ces différents facteurs, du contexte de tension sociale et de l’urgence de la situation, les soixante-douze mesures annoncées par le comité interministériel des outre-mer le 18 juillet 2023 ont cruellement déçu les élus. Ces derniers déplorent le manque d’ambition du Gouvernement en matière de résorption de la fracture sociale et de réduction des inégalités.

Ni la réforme de l’octroi de mer, qui pèse sur le prix des biens, ni la régulation des prix n’ont fait l’objet de la moindre annonce concrète.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick GIRARDIN

… en ajoutant, depuis Saint-Pierre, un vol hebdomadaire vers Montréal et deux vols directs vers Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de Akli MELLOULI

Aucune mesure d’ensemble n’a été actée en faveur du pouvoir d’achat.

Nous comprenons la déception de nos compatriotes. La crise du pouvoir d’achat est celle d’un modèle économique tout entier, qui nécessite une plus grande considération de la part du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Conconne

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord souligner que le ministère est parvenu à maintenir ses liens de travail et d'écoute avec les élus de nos territoires, ce dont je me réjouis.

Bien sûr, ces rapports sont parfois tumultueux, mais je sais que nous parviendrons à avancer sur les chantiers qui nous attendent, dans l'intérêt de nos populations.

Je salue évidemment les efforts réalisés sur ce budget. Les crédits de la mission de la dite outre-mer sont en hausse de 6, 9 % en autorisations d'engagement et de 4, 6 % en crédits de paiement. Si certaines interrogations demeurent quant à la répartition de ces crédits, le message envoyé – il faut le reconnaître – est globalement positif. Mes chers collègues, vous le savez, j'essaie toujours d'être juste : quand c'est bien, je le dis !

Debut de section - PermalienPhoto de Akli MELLOULI

S’il augmente de 6, 9 % en autorisations d’engagement et de 4, 6 % en crédits de paiement, ce budget est très loin d’être à la hauteur des besoins, des enjeux et surtout de l’urgence…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Conconne

Ces efforts étaient attendus dans nos territoires, monsieur le ministre, car tous les indicateurs sociaux sont dans le rouge, et les indicateurs démographiques ne le sont pas moins, qui attestent un incontestable déclin. Nous vous soumettrons des propositions sur ces sujets lors de l'examen des crédits, car, au Sénat, nous avons la chance de pouvoir débattre !

La première urgence est d'agir pour changer le quotidien des habitants des territoires ultramarins.

Comme vous le savez, indépendamment du contexte économique actuel, le problème du coût de la vie est structurel et persistant dans nos pays.

C'est pourquoi je m'étonne de constater que, derrière la hausse globale des budgets des programmes, les crédits de l'aide au fret baissent de près d'un tiers. Cette trajectoire s'inscrit à rebours de nos dynamiques locales de développement économique.

Afin d'engager une action résolue contre la vie chère, nous vous proposerons au contraire, lors du débat d'amendements, de renforcer l'aide au fret en la complétant d'un nouveau volet fléché en direction des produits de première nécessité. Ainsi garantirait-on à nos concitoyens des coûts accessibles, à l'heure où les écarts s'accentuent avec l'Hexagone, tirés en premier lieu par les prix de l'alimentation.

Au chapitre des urgences, toujours, je souhaite appeler votre attention sur la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques. Plus encore que dans l'Hexagone, des familles rencontrent les plus grandes difficultés pour trouver un accompagnement. C'est pourquoi nous vous proposerons d'adopter un amendement visant à soutenir les associations œuvrant dans le domaine de la santé mentale et à améliorer l'accompagnement et la formation des aidants.

Le deuxième enjeu majeur de cette mission, c'est bien sûr le déploiement des nouveaux dispositifs relatifs à la continuité territoriale – vous m'en voyez ravie.

Comme vous le savez, je suis particulièrement investie sur ce sujet, puisque Guillaume Chevrollier et moi-même appelions déjà de nos vœux des mesures volontaristes en la matière dans notre rapport de mars dernier.

Je constate que, parmi nos douze préconisations, sept sont déjà appliquées ou en train d'être mises en œuvre, et je m'en félicite.

Mais l'occasion nous est donnée aujourd'hui d'aller plus loin, mes chers collègues, en soutenant, premièrement, ma proposition de doubler le montant du fonds d'échanges à but éducatif, culturel et sportif (Fébecs), qui a vocation à accompagner les mobilités de nos jeunes talents artistiques, sportifs et culturels ; en inscrivant dans ce budget, deuxièmement, une réforme ambitieuse de Ladom, ce à quoi le Gouvernement a tâché de pourvoir.

Il n'aura toutefois échappé à personne que la rédaction actuelle de l'article 55 a soulevé partout des inquiétudes profondes. Il convient de les entendre, monsieur le ministre, et d'y répondre par des garanties concrètes.

C'est la proposition que je veux vous faire, mes chers collègues, par mon amendement de compromis – c'est ainsi que je me suis efforcée de le rédiger –, qui tend à transformer le dispositif de « passeport pour l'installation professionnelle en outre-mer » en une expérimentation d'une durée de trois ans. Ainsi ce dispositif ferait-il l'objet, à l'issue de la deuxième année, d'une évaluation intermédiaire, dont l'objet serait en particulier de déterminer s'il a bien permis de tenir les engagements du Ciom et de répondre aux aspirations de nos concitoyens sur la question du retour au pays.

Vous le savez, je suis particulièrement investie sur cette question. Les dispositifs que j'ai pu contribuer à mettre en place ont déjà permis à un millier de Martiniquais d'être accompagnés au retour chez eux. Voilà la philosophie qui doit guider notre action !

C'est la raison pour laquelle nous réaffirmons que la vocation de ces crédits est de soutenir les mobilités de nos concitoyens, qui sont parfois tenus éloignés de leur territoire et de leurs attaches du seul fait de leur condition sociale. Il y a là une violence que notre République ne saurait tolérer !

Ces 22 millions d'euros de crédits supplémentaires sont une première victoire pour nos populations, qu'il convient de préserver. Si je partage certains des points de vigilance qui ont été évoqués par nos collègues, notre responsabilité, dans pareille situation, est de mobiliser tous les leviers qui sont à notre disposition pour faciliter le retour au pays des Ultramarins qui en ont le plus besoin.

Vous l'avez compris, monsieur le ministre, je défends, avec mon groupe, un certain nombre de propositions utiles, qui vont vous permettre de répondre à certaines situations d'urgence.

Par ailleurs, pour ce qui est de l'article 55, c'est – j'en suis convaincue – dans un esprit de responsabilité partagée que nous parviendrons à un compromis, dans le seul intérêt de nos compatriotes ultramarins. §

Debut de section - PermalienPhoto de Akli MELLOULI

… sociale et environnementale à laquelle sont confrontés nos compatriotes ultramarins ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – MM. Frédéric Buval et Stéphane Fouassin applaudissent également.)

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Petrus

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, gouverner c'est choisir ses combats et c'est établir ses priorités.

La mission « Outre-mer » bénéficie, au sein du projet de loi de finances pour 2024, d'une hausse de ses crédits, dont je me félicite.

Cependant, si cette hausse reflète certains besoins de financement de nos territoires ainsi que les engagements pris dans le cadre du comité interministériel des outre-mer, elle ne constitue qu'une réponse partielle aux retards de développement de nos collectivités ultramarines. Rattraper ce retard doit demeurer une priorité pour la France. Mais, nous le savons, tout ne peut pas se faire en un an.

Le territoire de Saint-Martin, que j'ai l'honneur de représenter à la Haute Assemblée, a besoin de cette solidarité nationale.

Collectivité d'outre-mer de 32 000 habitants et de 53 kilomètres carrés, frappée par deux crises majeures, l'une climatique, en 2017, l'autre sanitaire, en 2020 et 2021, Saint-Martin continue de souffrir d'un trouble post-traumatique !

À cela s'ajoutent des handicaps structurels : une immigration importante, un chômage de masse – plus de 30 % –, une pauvreté endémique. Notre PIB par habitant, qui équivaut à 45 % du PIB par habitant hexagonal, fait de Saint-Martin la troisième collectivité la plus pauvre de France !

Ces réalités sont peu connues, faute de statistiques fiables et actualisées : Saint-Martin se trouve donc trop souvent dans un angle mort de nos politiques publiques – je sais, monsieur le ministre, que vous en avez pleinement conscience.

Mon territoire s'inscrit pleinement dans la logique de rattrapage que j'ai évoquée, qu'il s'agisse des équipements structurants, construits à une époque où notre population était quatre fois moins importante qu'aujourd'hui, ou des politiques de cohésion sociale, c'est-à-dire de l'accès au logement et à l'ensemble des services publics.

De surcroît, les charges transférées n'ont été que peu ou pas compensées par l'État, comme l'a remarqué dans un rapport de mai 2018 la chambre territoriale des comptes, qui a évalué le préjudice financier cumulé sur seize ans à plus de 100 millions d'euros.

Saint-Martin pâtit d'un déficit de logement social comme de logement intermédiaire. Songez qu'aucun logement social n'y a été construit depuis 2016 !

À Saint-Martin, le logement social représente seulement un peu plus de 10 % du parc de logement total, proportion qui reste très inférieure à la moyenne nationale.

Il en résulte que la collectivité reste sous-dotée en matière de logements sociaux : le ratio y est de 5, 2 logements pour 100 habitants, contre 7, 6 logements pour 100 habitants en Hexagone et plus de 10 logements pour 100 habitants chez nos voisins guadeloupéens.

Cette situation n'est pas tolérable pour la population saint-martinoise.

Il est donc nécessaire, j'en suis convaincue, de refonder les cadres d'action de la politique du logement à Saint-Martin, avec l'aide de l'État, par le biais de conventionnements sur des programmes spécifiques.

C'est pourquoi je suis plus que favorable à l'adoption de l'article 55 bis de ce projet de loi de finances, qui permettra l'extension du périmètre d'intervention d'Action Logement à Saint-Martin, conformément aux dispositions de la convention quinquennale 2023-2027 signée le 16 juin dernier entre l'État et Action Logement.

Nous devons également proroger la convention entre la collectivité de Saint-Martin, l'État et l'Anah. En ce domaine, nous aurons besoin de l'ingénierie administrative de l'État, mais aussi de votre appui, monsieur le ministre, pour avancer.

Enfin, notre collectivité pourrait être attributaire, à l'instar de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, elle aussi régie par l'article 74 de la Constitution, de crédits d'État au titre de la RHI. Le problème du logement insalubre à Saint-Martin justifierait cet effort supplémentaire, les besoins étant évalués par la collectivité à 2, 5 millions d'euros par an. Plus de 5 400 résidences principales n'y sont pas raccordées au réseau de tout-à-l'égout, et seulement 39 % des ménages saint-martinois disposent de l'eau chaude.

En outre, afin de garantir un accès à l'eau potable et un traitement des eaux usées dans les normes pour tous les usagers ultramarins, il a été annoncé une révision et un renforcement du plan Eau-DOM d'ici à six mois. Cette nouvelle mouture doit intégrer les nouvelles mesures du plan Eau annoncées par le Président de la République le 30 mars dernier, notamment l'augmentation des moyens dévolus à l'Office français de la biodiversité (OFB), un soutien de 35 millions d'euros par an aux réseaux d'eau outre-mer et le renforcement des aides à l'ingénierie.

Saint-Martin continue de s'inscrire dans une logique de rattrapage et l'établissement des eaux et de l'assainissement de Saint-Martin (EEASM) reste dépendant des subventions publiques pour le financement de ses investissements, lesquels devront être amplifiés durant la prochaine décennie. Certes, dans un contexte très difficile, l'EEASM est parvenue à investir en moyenne 9, 3 millions d'euros par an au cours de la période 2016-2020, mais cet effort devra être renforcé : dans les dix prochaines années, il faudra à tout le moins investir plus de 15 millions d'euros par an. Nous espérons donc la confirmation de l'inclusion de Saint-Martin dans le Plan Eau-DOM.

Je ne dis qu'un mot, pour conclure, de l'extension outre-mer du crédit d'impôt de rénovation des logements sociaux hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Monsieur le ministre, votre gouvernement a bien saisi les enjeux auxquels est confrontée la collectivité de Saint-Martin, et commence à y apporter des réponses. Nous comptons sur vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.

Debut de section - Permalien
Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer

Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, je suis très heureux d'être parmi vous pour vous présenter les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2024 – c'est une première pour moi au Sénat.

En préambule, je reprendrai les mots de Mme Girardin : il y a non pas un mais des outre-mer, tous dotés de leurs spécificités – vous les connaissez parfaitement.

Je veux vous adresser un premier message : le Gouvernement est extrêmement attentif à tous les territoires ultramarins. Les outre-mer sont une chance pour la France ; aussi exigent-ils un regard et un soutien particuliers.

Vous avez été très nombreux à souligner, à cette même tribune, que les efforts financiers étaient au rendez-vous de ce PLF – les anciens ministres des outre-mer qui siègent dans cet hémicycle sauront le confirmer, et je leur laisse le loisir de la comparaison des budgets… –, même si l'on est toujours tenté de demander beaucoup plus, car nous ne devons pas nous arrêter là.

Les crédits de cette mission augmentent de 7 %, ou, hors inflation, de 4, 4 %, pour un total de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement. Tous périmètres ministériels confondus, le total des crédits mobilisés pour les outre-mer s'élève à 22 milliards d'euros.

Je donne sans attendre un exemple parlant de cet engagement : le soutien aux collectivités territoriales, via le fameux FEI – sujet auquel le Sénat est naturellement très attentif –, passe de 110 millions d'euros en 2023 à 160 millions d'euros en 2024, contre 40 millions voilà cinq ans ; d'un simple calcul, chacun peut constater l'effort financier que nous consentons.

Le Ciom n'est pas un catalogue de bonnes intentions : c'est un grand rendez-vous et une feuille de route interministérielle exigeante, qui lie chaque acteur et l'oblige à répondre présent. Auditionné par votre délégation aux outre-mer, j'ai pris l'engagement de conduire avec vous ce travail de coconstruction. Nous serons au rendez-vous : nous l'avons été les 23 et 24 novembre dernier et nous le serons au printemps prochain, lorsque se réunira le prochain comité.

Pour ce qui est du logement, le sénateur Patient en a parlé, les difficultés sont bien sûr immenses en outre-mer. Mais l'effort que j'ai évoqué est visible sur la LBU, qui se voit dotée de 50 millions d'euros supplémentaires. Reste à mobiliser des opérateurs, car le Gouvernement, lui, ne construit pas : il donne les moyens ; à charge ensuite pour Action Logement et pour les autres opérateurs de concrétiser le signe très fort que ces 50 millions supplémentaires permettent d'envoyer. Dans le même sens, 20 millions d'euros supplémentaires sont alloués à la construction de logements sociaux hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, et le taux de prise en charge par l'Anah des dépenses de travaux du parc locatif privé passe, sous conditions, de 35 % à 50 %. Il devient par là même possible pour les collectivités de cofinancer ces travaux, et je les y encourage.

Les questions du logement précaire ou indigne ne sont pas réglées pour autant, je le sais, mais l'augmentation des crédits marque une belle inflexion ; et nous irons plus loin.

J'en viens au sujet de l'eau.

Concernant Mayotte, j'ai été un peu surpris de la position adoptée par la Commission européenne ; j'imagine qu'elle rendra un avis favorable à l'utilisation du Fonds européen d'aide aux plus démunis (Fead) pour apporter une aide d'urgence. La Commission doit être au rendez-vous !

Au 31 décembre 2023, mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons mis sur la table 100 millions d'euros pour aider Mayotte, alors que par définition – vous le savez mieux que moi, en tant que sénateurs – la compétence de l'eau est exercée par les élus locaux. Nous n'abandonnons donc pas Mayotte, tant s'en faut !

Nous prenons nos responsabilités, comme nous l'avons fait en Guadeloupe, où nous avons signé un contrat de 320 millions d'euros avec le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe (SMGEAG). La région se mobilise puissamment, à hauteur de 80 millions d'euros, tout comme le conseil départemental, qui alloue 20 millions d'euros. Outre sa participation financière directe, le ministère, quant à lui, fournit des cadres et des bras : ses crédits financent 11 emplois directement affectés au SMGEAG. Quant à l'Office français de la biodiversité (OFB), il augmente significativement sa participation au titre des cinq prochaines années.

Je vous remercie, madame la sénatrice Nadille, d'avoir rappelé que je m'étais rendu à Dubaï pour y lancer une initiative internationale de lutte contre les sargasses, avec le soutien de la République dominicaine et du Costa Rica notamment. Sur ce sujet important, nous allons plus loin et plus fort ; l'argent mobilisé doit servir à mieux comprendre les causes de la prolifération, à trouver des solutions de valorisation des algues et à tenter d'éradiquer ce fléau.

Personne n'a évoqué le volet outre-mer du pacte des solidarités, qui est un bel engagement du Ciom. Près de 50 millions d'euros financeront des choses simples – manuels scolaires, petits déjeuners servis gratuitement à l'école. La contractualisation est en cours entre l'État et les collectivités. Je rappelle que, derechef, il s'agit de compétences exercées par les collectivités. Sur ces sujets aussi, nous répondrons présents.

Commet accompagnons-nous les collectivités territoriales ? À l'instar du sénateur Patient, vous êtes nombreux à avoir parlé des Corom, qui sont, me semble-t-il, une belle création : ces contrats nourrissent une relation « gagnant-gagnant » entre l'État et les collectivités – en contrepartie de leurs efforts de redressement budgétaire, nous leur octroyons davantage de moyens. Quarante-deux communes sont d'ores et déjà éligibles ; nous augmentons les financements.

Monsieur le sénateur Patient, vous souhaitez que nous allions plus loin dans l'effort, et c'est précisément ce que nous allons faire, car il faut aider les collectivités territoriales ultramarines, qui ne disposent pas toujours des mêmes compétences techniques que leurs homologues hexagonales. Encore faut-il rester très prudent : nombre de collectivités de l'Hexagone, partout sur le territoire, manquent aussi de ces compétences. Quoi qu'il en soit, je poursuivrai cette politique.

Le soutien à l'investissement des collectivités, je l'ai dit en préambule, passe par le fameux FEI, le fonds exceptionnel d'investissement, qui est un outil à la main de l'État pour aider les communes et toutes les collectivités. Ce fonds augmente très significativement.

Le soutien à l'ingénierie passe de 10 millions d'euros à 20 millions d'euros, ce qui me permet de rectifier les chiffres que certains d'entre vous ont avancés. Nous allons innover en installant au sein de chaque préfecture des pools qui seront spécifiquement chargés d'accompagner les collectivités territoriales dans l'élaboration et la finalisation de leurs dossiers, qu'il s'agisse d'analyse financière, de montage des projets ou encore de suivi des travaux.

La continuité territoriale a fait l'objet de beaucoup de discussions, et je salue l'engagement de tous à ce sujet. Mme la présidente de la délégation aux outre-mer, je le sais, y est très sensible, de même que Mme la sénatrice Conconne, qui a écrit un rapport sur cette question absolument majeure, ou que M. le sénateur Théophile.

Vous avez tous relevé que nous mettions 40 % de plus sur la table : nous élargissons les publics concernés et nous y consacrons une enveloppe globale de 93 millions d'euros.

Nous allons débattre de l'article 55, qui introduit de nouveaux dispositifs. Je remercie les uns et les autres de leur participation. Gérald Darmanin et moi-même avons la volonté de trouver une solution, dans la mesure où la rédaction initiale du Gouvernement n'a pas été comprise. Je salue vos propositions, grâce auxquelles nous pourrons dégager une synthèse répondant aux attentes de tous.

Ainsi, une expérimentation présenterait un avantage : si l'option choisie ne convenait pas, nous pourrions rectifier la ligne.

Ensuite, nous devons mieux cibler les bénéficiaires, car la mesure, dans sa rédaction actuelle, n'a pas la portée que nous souhaitons lui donner. À ce titre, la prise en compte des centres d'intérêt matériels et moraux paraît essentielle.

Fort de mon expérience de député, je me permets toutefois de vous avertir des risques d'inconstitutionnalité ; je ne voudrais pas que votre analyse s'en trouve mise à mal et que nous nous soyons privés de cet outil. Nous lui avons consacré des crédits que, faute de véhicule législatif alternatif, je ne pourrais dès lors pas restaurer. Or ce dispositif répond à une forte attente sur le terrain.

Une synthèse à caractère expérimental issue de vos propositions serait donc pertinente ; le Gouvernement, après que j'ai rencontré les députés concernés avec Gérald Darmanin, après que mon équipe et moi-même avons échangé avec nombre d'entre vous, vous suivra sur un chemin tracé par une écoute réciproque.

Concernant le développement économique et la création d'emplois en outre-mer, les puissants dispositifs d'aide fiscale créés par la ministre Annick Girardin, ici présente, sont maintenus. Pour autant, les productions locales restent insuffisantes, entraînant une trop grande dépendance. C'est une des raisons de la cherté de la vie : les importations sont soumises à des taxations diverses – je reviendrai sur la question de l'octroi de mer.

Nous avons travaillé sur les niches fiscales. Un sénateur évoquait trois niches pour lesquelles l'harmonisation a été difficile, mais le travail de coconstruction mené avec le Gouvernement et la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom) a permis de rassurer les acteurs. Nous avons fait en sorte de favoriser l'efficacité économique en révisant ces dispositions, de manière à apporter les meilleures réponses possible.

Une nouvelle méthode sera privilégiée dès 2024, avec une évaluation opérée plus en amont, afin que les propositions que nous aurons construites soient plus solides.

Les contrats de convergence et de transformation (CCT) voient leurs moyens augmenter de 400 millions d'euros par rapport à la période précédente, nous sommes donc bien au rendez-vous en la matière.

Un mot sur la sécurité, au-delà de la seule question de l'immigration : les effectifs de police et de gendarmerie ont augmenté de 17 % durant les trois dernières années. Des efforts considérables ont été faits, sous l'impulsion de Gérald Darmanin. Pour autant, l'insécurité reste un sujet important, je le déplore, mais nous n'abandonnerons pas : notre effort se poursuivra.

Concernant le domaine de la santé, qui fait partie de nos préoccupations, le coefficient géographique a été revalorisé à La Réunion et nous avons répondu aux attentes s'agissant du centre hospitalier universitaire (CHU) en Guadeloupe. Des projets émergent partout et, ainsi que je l'annonçais hier avec Agnès Firmin Le Bodo, un plan santé important visera l'outre-mer. Soyez assuré qu'il n'y a pas deux France, mais bien une seule et que nous saurons répondre avec exigence aux besoins.

La coopération régionale mérite d'être renforcée, tant il est vrai que nous ne travaillons pas suffisamment avec les régions qui nous entourent. Relevons tout de même de belles avancées, comme la norme RUP (régions ultrapériphériques) qui s'appliquera dès le printemps prochain, permettant de baisser les prix des matériaux et ainsi d'accroître la compétitivité.

Vous l'indiquiez, les différences de normes au sein des bassins de vie interrogent, entre Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada, par exemple, mais aussi dans l'océan Indien ou dans les Antilles.

Je n'oublie pas Saint-Martin : Action Logement pourra y intervenir rapidement.

Le rapporteur spécial Georges Patient a abordé la question des quorums, je lui ai répondu ; sur les normes, Micheline Jacques a pu constater que nous avancions ; concernant le logement, j'ai rappelé que nous avions fait un effort particulier.

Audrey Bélim a évoqué la singularité des territoires, les problèmes de développement économique, ainsi que l'habitat indigne et l'insularité. Sachez que ces questions sont centrales à nos yeux. S'agissant, par exemple, de l'habitat indigne, nous irons plus loin en 2024, afin de préparer une nouvelle étape.

Solanges Nadille est intervenue fortement sur l'eau en Guadeloupe. Le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) a été aidé à hauteur de 20 millions d'euros en 2023, il recevra 27 millions d'euros en 2024, au-delà du plan pluriannuel d'investissement (PPI) de 320 millions d'euros. J'ai, en outre, déjà répondu concernant les sargasses.

Monsieur Thani Mohamed Soilihi, merci d'avoir rappelé le rôle majeur du service militaire adapté (SMA) et de la continuité territoriale. Vous connaissez notre investissement à Mayotte, où nous nous rendrons ensemble en fin d'après-midi. Je vous l'assure : ce rattrapage pour Mayotte s'inscrira dans la durée. Nous bâtirons ensemble la loi consacrée à ce territoire, je sais pouvoir compter sur vous et sur votre collègue sénateur.

Viviane Malet a évoqué le vieillissement en outre-mer, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et le plan handicap. Ma collègue en charge de ce dernier dossier s'est rendue à La Réunion il y a quelques semaines et a mis sur la table 47 millions d'euros dans ce cadre.

Mme Malet a également attiré notre attention sur les violences intrafamiliales et a déposé un amendement très important à ce sujet : il s'agit d'une avancée que le Gouvernement soutiendra.

Le sénateur Christopher Szczurek a parlé d'immigration. Je l'ai dit : le débat a eu lieu ici, il se poursuivra à l'Assemblée nationale, chacun prendra ses responsabilités, nous verrons quelles mesures seront adoptées à la faveur des nouvelles lectures et d'une commission mixte paritaire que je souhaite conclusive. Il s'agit, à nos yeux, d'une avancée, nos propositions sont sur la table et je sais pouvoir compter sur l'engagement des sénateurs.

Corinne Bourcier a évoqué la biodiversité, la création d'activités, la continuité territoriale et le coût de la vie, beaucoup plus élevé en outre-mer, c'est vrai.

Je dirais un mot à ce sujet sur la réforme de l'octroi de mer, qui est devant nous. Il ne s'agira pas d'un texte que le Gouvernement aurait écrit et que vous découvririez un jour sur le coin d'une table. La méthode que nous avons définie durant le comité interministériel des outre-mer (Ciom) sera respectée et des courriers partiront après que nous en aurons terminé avec cette séance, car je souhaite respecter le temps sénatorial. Ils seront adressés aux élus – parlementaires, grands élus, présidents de collectivités, maires –, aux acteurs économiques et aux consommateurs concernés.

Lana Tetuanui a abordé le sujet de l'indemnité temporaire de retraite (ITR), dispositif dont nous avons, pour ainsi dire, sauvé le stock : le contrat, tel qu'il était rédigé à sa signature, sera respecté, grâce à ce que l'on appelle la clause du grand-père. Un dispositif incitatif s'adresse aux nouveaux entrants ; vous souhaitez qu'il soit plus efficace, mais il garantit tout de même 4 000 euros à vie.

Monsieur Akli Mellouli, merci de ce propos vibrant ; je fais en sorte de porter une réponse républicaine, avec beaucoup d'ambition, même si elle est insuffisante aux yeux de certains d'entre vous, comme l'a dit Evelyne Corbière Naminzo. Soyez assurée, madame la sénatrice, que nous évoquerons bien le sujet de la continuité territoriale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons l'occasion de poursuivre ce débat à l'occasion de l'examen des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne CORBIÈRE NAMINZO

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite ouvrir mon propos en paraphrasant notre Président de la République : les aéroports sont les lieux où se croisent les gens qui sont tout et ceux qui ne sont rien.

Ceux qui sont tout bénéficient, entre autres, du privilège d’être nés au bon endroit. Ceux qui ne sont rien, nés à des milliers de kilomètres du continent, sont condamnés au chômage, à la vie chère, à la précarité, à l’eau boueuse et à l’exil.

Réussir pour soi, chez soi, est de plus en plus difficile pour nous, chez nous, au nom du fallacieux argument de la rupture d’égalité, que l’on nous ressort à chaque fois que nous tentons d’obtenir une adaptation.

Comme l’année dernière, le budget de la mission « Outre-mer » a fait l’unanimité à l’Assemblée nationale avant de disparaître par la magie d’un 49.3. Le réflexe outre-mer, vague projet, vague ambition que nous avons, ressemble surtout, traduit par vous, monsieur le ministre, à un réflexe paternaliste.

À l’Assemblée nationale, l’examen de l’article 55 de ce PLF a provoqué beaucoup d’animation. Malgré l’annonce de sa suppression, nous nous retrouvons aujourd’hui au Sénat pour continuer d’en débattre.

N’avons-nous donc rien appris de notre histoire ? Votre politique doit-elle constamment être celle du grand bond en arrière ? Alors que l’outre-mer souffre d’un taux de chômage qui est toujours au moins deux fois plus élevé qu’en Hexagone, vous avez eu l’idée – quelle révélation, quelle révolution ! – d’envoyer des travailleurs hexagonaux abonder nos entreprises et nos services publics.

Qui peut croire qu’avec plus de 150 000 chômeurs nous manquons encore de main-d’œuvre à La Réunion ?

Alors que nos fonctionnaires et nos talents peinent à rentrer chez eux, trouvez-vous vraiment nécessaire que les Hexagonaux bénéficient, eux, d’une aide à l’installation sur nos côtes et sur nos terres ?

S’il y a un dossier de mobilité à propos duquel nous avions des attentes, c’est bien celui de la continuité territoriale. Las ! une nouvelle fois, l’enveloppe allouée à l’ensemble des territoires ultramarins reste bien en deçà desdites attentes ! Elle est du reste bien inférieure à l’enveloppe allouée à la Corse, territoire de seulement 340 000 habitants, qui se situe, de surcroît, à moins de 400 kilomètres du continent. Or la France d’outre-mer, elle, est forte de 2, 7 millions d’habitants, qui doivent parcourir des distances allant de 6 000 à 15 000 kilomètres pour rejoindre le continent français.

Pourtant, avec nos 93 millions d’euros, nous faisons bien pâle figure à côté de la dotation annuelle de 187 millions d’euros allouée à l’île de Beauté.

Les dispositifs mis en œuvre sous l’égide de Ladom ne sauraient suffire, puisque l’aide y reste conditionnée. Le Gouvernement doit engager des mesures fortes pour répondre aux problèmes des dessertes aériennes, maritimes et terrestres.

Au-delà de la question traitée à l’article 55, au-delà, donc, de la discontinuité territoriale, ce budget est décevant à bien des égards.

L’investissement de l’État dans nos infrastructures – je pense en particulier à nos réseaux d’eau – reste insuffisant. Vous pourrez toujours nous dire, monsieur le ministre, que cette compétence relève des collectivités ; nous pourrons toujours vous répondre qu’à Mayotte, où vous assurez la gestion partagée de cette même compétence, votre responsabilité a été pointée du doigt par l’Union européenne dans la crise que traverse le département.

Nous pourrions aussi vous répondre qu’en raison des contraintes imposées par les normes nationales chaque chantier que nous engageons outre-mer est soumis à des coûts exorbitants.

Monsieur le ministre, faire des ajustements budgétaires, c’est faire des choix. Comme le disait Thomas Sankara, « il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous ».

Or le Gouvernement a fait son choix : le choix d’accepter qu’en France, pays des droits de l’homme, 2, 7 millions de personnes, habitant trop loin du continent, soient susceptibles de manquer d’eau potable.

La France est donc ce pays de la civilisation et de l’innovation qui ne respecterait pas la résolution du 28 juillet 2010 de l’Assemblée générale de l’ONU, laquelle reconnaît « l’importance que revêt l’accès équitable à une eau potable salubre et propre et à des services d’assainissement, qui fait partie intégrante de la réalisation de tous les droits de l’homme ».

L’outre-mer représente 80 % de la biodiversité française. L’outre-mer est notre puissance maritime. L’outre-mer est la porte d’entrée de la France vers l’espace. L’outre-mer est un berceau du multiculturalisme et de la laïcité. L’outre-mer est un incubateur de nouveaux talents et d’innovation. L’outre-mer porte en partie la jeunesse et le renouveau du pays.

Mais l’outre-mer, ce sont aussi des hôpitaux laissés à l’abandon ; des populations empoisonnées par la pollution des sols et des nappes phréatiques ; des descendants d’esclavagistes s’octroyant le privilège et les bénéfices d’un monopole sur nos économies.

Dans les débats qui vont suivre, nous verrons que l’outre-mer, c’est aussi la France des inégalités.

La Réunion souffre d’une fracture sociale qui se répercute dans tous les pans de notre vie…

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Mes chers collègues, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à trois heures quarante-cinq, ce qui nous amènera à quinze heures quarante-cinq.

Toutefois, compte tenu de l'organisation de la journée, ainsi que du nombre d'amendements déposés, nous pourrions au maximum allonger cette durée de trente minutes pour terminer aux alentours de seize heures quinze.

À la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne CORBIÈRE NAMINZO

Sans solution nouvelle pour le logement, sans contrôle ni des prix, ni des monopoles, ni des marges, ce sont des centaines de milliers d’Ultramarins que vous abandonnez à la misère !

La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à douze heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La séance est reprise.

Mes chers collègues, je vous rappelle qu'a été ordonné précédemment l'examen en priorité de l'article 55, ainsi que des amendements portant article additionnel qui s'y rapportent.

Outre -mer

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne CORBIÈRE NAMINZO

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de cette mission.

Photo de Dominique Théophile

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.

Photo de Georges Patient

L'article 55 prévoit la création de trois nouveaux dispositifs d'aide à la continuité territoriale pour financer les déplacements des salariés en vue d'une formation professionnelle, pour prendre en charge tout ou partie des dépenses de déplacements professionnels nécessaires au développement de l'activité d'une entreprise innovante ultramarine et pour accompagner les projets individuels d'installation professionnelle en outre-mer.

Alors que les deux premiers sont plutôt bien accueillis, le troisième, l'aide à l'installation professionnelle, a suscité beaucoup de réactions de la part des élus ultramarins des deux assemblées, quel que soit leur groupe politique.

Si nous considérons qu'il convient de ne pas supprimer l'article 55, car celui-ci contribue à améliorer la continuité territoriale, nous avons conscience qu'il faut en modifier, à tout le moins, la partie concernant l'aide à l'installation professionnelle.

De nombreux amendements ont été déposés à cette fin ; ils témoignent des craintes et des attentes qui s'attachent à certaines évolutions.

À ce stade, il nous semble que certains d'entre eux seraient à même de répondre aux inquiétudes des élus ultramarins, en mettant en place, dans un premier temps, une expérimentation de l'aide à l'installation professionnelle, avant d'en tirer un bilan et de décider ensuite de sa pérennisation éventuelle. De même, la prise en compte, dans la définition de cette mesure, du centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) de ses bénéficiaires nous paraît être indispensable.

Nous alertons, en revanche, sur le risque sérieux d'inconstitutionnalité que présentent bon nombre de ces amendements.

Mes chers collègues, pour parvenir à une solution consensuelle – à mon sens, c'est possible –, nous devrons faire preuve d'ouverture et de raison durant le débat.

C'est pourquoi nous demanderons le retrait de quelques amendements de manière à focaliser la discussion sur ceux qui sont le plus à même de recueillir l'adhésion. Je forme le vœu que nous soyons entendus et suivis.

Photo de Annick GIRARDIN

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Outre-mer » bénéficie cette année d’une augmentation de 6, 92 % en autorisations d’engagement et de 4, 65 % en crédits de paiement. L’effort réalisé était nécessaire, il est à saluer.

Pour ce qui concerne le programme 138 « Emploi outre-mer », la progression budgétaire est notamment liée à la hausse de 123 millions d’euros des crédits de l’action n° 01 « Soutien aux entreprises », qui atteignent désormais 1, 54 milliard d’euros. Cet effort résulte de la réforme issue, en 2018, des Assises des outre-mer et de la publication du Livre bleu outre-mer.

Il fallait donner de la stabilité et de la visibilité aux entreprises ; c’est aujourd’hui chose faite, monsieur le ministre.

Pour ce qui concerne le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », la progression budgétaire est notamment liée à l’accroissement considérable – +49 millions d’euros – des aides au logement, financées via la ligne budgétaire unique, la LBU. S’il s’agit d’une bonne nouvelle en vue de relever le commensurable défi du logement dans les territoires ultramarins, Saint-Pierre-et-Miquelon n’est malheureusement pas concernée, puisque la LBU n’y finance plus d’opérations depuis quelques années.

Beaucoup a déjà été dit sur cette mission « Outre-mer », monsieur le ministre, et je partage pour l’essentiel les propos de mes collègues. Aussi, pour mon premier PLF en tant que sénatrice de Saint-Pierre-et-Miquelon, j’ai fait le choix de vous parler de mon territoire, car je sais qu’il y a non pas l’outre-mer, mais bien des outre-mer.

Mon territoire est confronté à un triple défi, démographique, économique et climatique. Compte tenu de sa position géographique, il s’agit de l’unique territoire français soumis à un climat subarctique.

Ces grands défis se conjuguent au coût explosif de la vie : en 2022, c’est à Saint-Pierre-et-Miquelon que l’inflation a été la plus élevée en France. Les problèmes de logement y amplifient de surcroît le déclin démographique, limitant d’autant les ressources disponibles pour assurer l’avenir de l’archipel et son adaptation au changement climatique.

Pour 2024, le document de politique transversale relatif au budget de l’archipel affiche une augmentation de 1, 522 million d’euros en autorisations d’engagement, soit +2, 63 %. Les crédits de paiement, en baisse, reviennent à leur niveau de 2022, après avoir augmenté en loi de finances pour 2023.

Bien qu’en augmentation, ces moyens devront être complétés pour répondre aux nouvelles difficultés qui se font jour. La négociation du contrat de convergence et de transformation (CCT) vous en offrira sans doute l’occasion, monsieur le ministre. Du reste, je sais pouvoir compter sur vous et sur vos équipes, puisqu’en quelques semaines nous sommes parvenus à trouver des solutions interministérielles sur les dossiers que j’ai portés à votre connaissance.

Il s’agit tout d’abord de l’intégration de Saint-Pierre-et-Miquelon – qui en avait été dans un premier temps écartée – au nouveau dispositif qui remplace l’indemnité temporaire de retraite (ITR) ; je précise qu’il nous faut encore améliorer cette mesure.

Il s’agit ensuite de la sauvegarde de l’antenne saint-pierraise de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), un temps mise sur la sellette.

Il s’agit encore de décorréler le dossier de la démolition de l’ancien hôpital de Saint-Pierre d’avec le projet de construction d’un nouvel Ehpad, afin d’agir immédiatement – et intelligemment – sur un bâtiment qui pose des problèmes de sécurité.

Il s’agit également d’obtenir une réponse définitive de l’État sur le dossier de l’avenir du village de Miquelon ; la réunion de travail qui s’est tenue à l’Élysée le 27 novembre dernier a permis à cet égard d’acter des avancées particulièrement encourageantes.

Il s’agit enfin de l’instruction par les services du ministre chargé du logement de ma demande de rehaussement des seuils des allocations de logement sociales (ALS) et des allocations de logement familiales (ALF), afin de les rendre conformes aux engagements initiaux du Gouvernement.

Au cours des présents débats budgétaires, j’ai eu aussi l’occasion d’aborder les questions de l’extension à l’archipel du dispositif MaPrimeRénov’ géré par l’Anah ou de l’autorisation donnée à Action Logement, à la demande du ministre des outre-mer, d’épauler les projets engagés sur le territoire.

La mise en œuvre des dispositifs exigera en tout état de cause des adaptations au contexte statutaire, climatique et météorologique local ainsi qu’aux particularités des conditions de ressources du territoire.

Reste en particulier à rédiger, en redoublant de vigilance, les décrets d’application nécessaires, mais surtout la loi organique que requiert, ainsi que le Ciom l’a établi, l’extension à Saint-Pierre-et-Miquelon du périmètre d’intervention d’Action Logement.

Cette vision long-termiste est à mettre à votre crédit, monsieur le ministre. Mais les projets en cours des collectivités ou des structures locales doivent pouvoir être financés à court terme, dès 2024 !

Le Gouvernement devra mobiliser les crédits du fonds exceptionnel d’investissement (FEI), du fonds vert ou de la LBU pour mener à bien notamment des opérations de résorption de l’habitat insalubre (RHI) ; il lui faudra certainement, dans ce cadre, pallier de prévisibles retards techniques et législatifs.

Monsieur le ministre, votre déplacement à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les prochains jours, sera l’occasion d’aborder de nouveau ces sujets avec les élus et avec les acteurs du monde économique.

L’allusion que je viens de faire à votre déplacement dans l’archipel m’offre une parfaite transition pour aborder un dernier sujet, celui du transport aérien. Monsieur le ministre, au point de vue logistique, votre venue relève de la haute voltige ! Un avant-goût vous est ainsi donné de ce qu’est réellement l’accessibilité de ce territoire.

Si les crédits prévus dans le cadre de l’actuelle délégation de service public (DSP) sont en hausse, le service et l’offre régressent malgré tout fortement !

Il y va non seulement, je le rappelle, d’enjeux économiques et sanitaires, mais également de la souveraineté et de la cohésion du territoire national.

« Mon ennemi, c’est l’assignation à résidence », aime à répéter le Président de la République. À Saint-Pierre-et-Miquelon, ce sentiment d’assignation est quotidien ! Le président-candidat s’était d’ailleurs engagé à augmenter le nombre de vols directs entre Paris et Saint-Pierre.

Monsieur le ministre, vous avez choisi de lancer une étude de marché pour modifier cette DSP. Si je partage avec vous la volonté d’engager un tel travail, qui est au demeurant nécessaire, l’urgence m’oblige à vous dire qu’il faut déverrouiller la situation sans délai, …

Debut de section - PermalienPhoto de Annick GIRARDIN

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Outre-mer » bénéficie cette année d’une augmentation de 6, 92 % en autorisations d’engagement et de 4, 65 % en crédits de paiement. L’effort réalisé était nécessaire, il est à saluer.

Pour ce qui concerne le programme 138 « Emploi outre-mer », la progression budgétaire est notamment liée à la hausse de 123 millions d’euros des crédits de l’action n° 01 « Soutien aux entreprises », qui atteignent désormais 1, 54 milliard d’euros. Cet effort résulte de la réforme issue, en 2018, des Assises des outre-mer et de la publication du Livre bleu outre-mer.

Il fallait donner de la stabilité et de la visibilité aux entreprises ; c’est aujourd’hui chose faite, monsieur le ministre.

Pour ce qui concerne le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », la progression budgétaire est notamment liée à l’accroissement considérable – +49 millions d’euros – des aides au logement, financées via la ligne budgétaire unique, la LBU. S’il s’agit d’une bonne nouvelle en vue de relever le commensurable défi du logement dans les territoires ultramarins, Saint-Pierre-et-Miquelon n’est malheureusement pas concernée, puisque la LBU n’y finance plus d’opérations depuis quelques années.

Beaucoup a déjà été dit sur cette mission « Outre-mer », monsieur le ministre, et je partage pour l’essentiel les propos de mes collègues. Aussi, pour mon premier PLF en tant que sénatrice de Saint-Pierre-et-Miquelon, j’ai fait le choix de vous parler de mon territoire, car je sais qu’il y a non pas l’outre-mer, mais bien des outre-mer.

Mon territoire est confronté à un triple défi, démographique, économique et climatique. Compte tenu de sa position géographique, il s’agit de l’unique territoire français soumis à un climat subarctique.

Ces grands défis se conjuguent au coût explosif de la vie : en 2022, c’est à Saint-Pierre-et-Miquelon que l’inflation a été la plus élevée en France. Les problèmes de logement y amplifient de surcroît le déclin démographique, limitant d’autant les ressources disponibles pour assurer l’avenir de l’archipel et son adaptation au changement climatique.

Pour 2024, le document de politique transversale relatif au budget de l’archipel affiche une augmentation de 1, 522 million d’euros en autorisations d’engagement, soit +2, 63 %. Les crédits de paiement, en baisse, reviennent à leur niveau de 2022, après avoir augmenté en loi de finances pour 2023.

Bien qu’en augmentation, ces moyens devront être complétés pour répondre aux nouvelles difficultés qui se font jour. La négociation du contrat de convergence et de transformation (CCT) vous en offrira sans doute l’occasion, monsieur le ministre. Du reste, je sais pouvoir compter sur vous et sur vos équipes, puisqu’en quelques semaines nous sommes parvenus à trouver des solutions interministérielles sur les dossiers que j’ai portés à votre connaissance.

Il s’agit tout d’abord de l’intégration de Saint-Pierre-et-Miquelon – qui en avait été dans un premier temps écartée – au nouveau dispositif qui remplace l’indemnité temporaire de retraite ; je précise qu’il nous faut encore améliorer cette mesure.

Il s’agit ensuite de la sauvegarde de l’antenne saint-pierraise de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), un temps mise sur la sellette.

Il s’agit encore de décorréler le dossier de la démolition de l’ancien hôpital de Saint-Pierre d’avec le projet de construction d’un nouvel Ehpad, afin d’agir immédiatement – et intelligemment – sur un bâtiment qui pose des problèmes de sécurité.

Il s’agit également d’obtenir une réponse définitive de l’État sur le dossier de l’avenir du village de Miquelon ; la réunion de travail qui s’est tenue à l’Élysée le 27 novembre dernier a permis à cet égard d’acter des avancées particulièrement encourageantes.

Il s’agit enfin de l’instruction par les services du ministre chargé du logement de ma demande de rehaussement des seuils des allocations de logement sociales (ALS) et des allocations de logement familiales (ALF), afin de les rendre conformes aux engagements initiaux du Gouvernement.

Au cours des présents débats budgétaires, j’ai eu aussi l’occasion d’aborder les questions de l’extension à l’archipel du dispositif MaPrimeRénov’ géré par l’Anah ou de l’autorisation donnée à Action Logement, à la demande du ministre des outre-mer, d’épauler les projets engagés sur le territoire.

La mise en œuvre des dispositifs exigera en tout état de cause des adaptations au contexte statutaire, climatique et météorologique local ainsi qu’aux particularités des conditions de ressources du territoire.

Reste en particulier à rédiger, en redoublant de vigilance, les décrets d’application nécessaires, mais surtout la loi organique que requiert, ainsi que le Ciom l’a établi, l’extension à Saint-Pierre-et-Miquelon du périmètre d’intervention d’Action Logement.

Cette vision long-termiste est à mettre à votre crédit, monsieur le ministre. Mais les projets en cours des collectivités ou des structures locales doivent pouvoir être financés à court terme, dès 2024 !

Le Gouvernement devra mobiliser les crédits du fonds exceptionnel d’investissement (FEI), du fonds vert ou de la LBU pour mener à bien notamment des opérations de résorption de l’habitat insalubre (RHI) ; il lui faudra certainement, dans ce cadre, pallier de prévisibles retards techniques et législatifs.

Monsieur le ministre, votre déplacement à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les prochains jours, sera l’occasion d’aborder de nouveau ces sujets avec les élus et avec les acteurs du monde économique.

L’allusion que je viens de faire à votre déplacement dans l’archipel m’offre une parfaite transition pour aborder un dernier sujet, celui du transport aérien. Monsieur le ministre, au point de vue logistique, votre venue relève de la haute voltige ! Un avant-goût vous est ainsi donné de ce qu’est réellement l’accessibilité de ce territoire.

Si les crédits prévus dans le cadre de l’actuelle délégation de service public (DSP) sont en hausse, le service et l’offre régressent malgré tout fortement !

Il y va non seulement, je le rappelle, d’enjeux économiques et sanitaires, mais également de la souveraineté et de la cohésion du territoire national.

« Mon ennemi, c’est l’assignation à résidence », aime à répéter le Président de la République. À Saint-Pierre-et-Miquelon, ce sentiment d’assignation est quotidien ! Le président-candidat s’était d’ailleurs engagé à augmenter le nombre de vols directs entre Paris et Saint-Pierre.

Monsieur le ministre, vous avez choisi de lancer une étude de marché pour modifier cette DSP. Si je partage avec vous la volonté d’engager un tel travail, qui est au demeurant nécessaire, l’urgence m’oblige à vous dire qu’il faut déverrouiller la situation sans délai, …

Photo de Dominique Théophile

La parole est à Mme Annick Petrus, sur l'article.

Photo de Annick Petrus

Vous connaissez le combat que je mène, avec mes collègues ultramarins, particulièrement ceux de la Guadeloupe et de la Martinique – j'ai à l'esprit Catherine Conconne et son association Alé Viré – pour le retour au pays de nos nombreux compatriotes qui se sont rendu dans l'Hexagone pour étudier, se former ou passer des concours.

Ce combat, nous le menons pour lutter contre le déclin démographique de nos territoires et contre la pénurie de personnels ultramarins, en raison d'une offre locale de formation insuffisante et pas toujours adaptée à nos besoins.

Il concerne plusieurs domaines : l'administration, pour que l'État local puisse être davantage administré par des agents originaires de nos territoires, comme le secteur privé, pour que des personnels diplômés ultramarins intègrent l'encadrement des entreprises locales ou créent leurs propres entreprises.

Aussi ai-je été surprise lorsque j'ai pris connaissance de cet article 55, lequel semblait proposer une aide à l'installation dans les territoires ultramarins pour les résidents de l'Hexagone, comme de nombreux collègues députés l'ont souligné. Or nous ne souhaitons pas la mise en place d'une aide à l'installation généralisée, mais bien d'une aide au retour, dans la droite ligne de la continuité territoriale, pour nos territoires ultramarins.

Je ne voterai donc pas cet article en l'état ni aucun amendement qui ne tiendrait pas compte des intérêts des territoires ultramarins, car c'est de cela qu'il s'agit, avant toute autre considération.

Photo de Annick GIRARDIN

… en ajoutant, depuis Saint-Pierre, un vol hebdomadaire vers Montréal et deux vols directs vers Paris.

Photo de Dominique Théophile

La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l'article.

Photo de Annick GIRARDIN

Mme Annick Girardin. Non, je ne vous parlerai pas de l’article 55 ; oui, le groupe RDSE votera les crédits de cette mission.

Photo de Catherine Conconne

S'il y a un sujet qui devrait nous rassembler et créer de la cohérence, c'est bien celui-là.

Quel habitant de nos pays, dans cet hémicycle, s'opposerait à une aide pour compenser les dégâts de certains procédés, tels que le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer (Bumidom), que nous avons tous critiqué ?

Aujourd'hui, nous sommes face à une forme de réparation de la part de l'État, même si 2 millions d'euros paraissent être loin du compte. Personne ici ne saurait y faire obstacle.

Nos divergences porteront malheureusement sur les modalités de mise en œuvre de ce dispositif. Il convient cependant de mesurer les risques que l'on peut faire courir à une décision qui semble si vertueuse. L'enfer n'est-il pas pavé de bonnes intentions ?

J'en appelle à la sagesse et à la raison du Sénat. Nous avons assisté à une levée de boucliers à l'Assemblée nationale, en raison de peurs dont les racines m'ont échappé ; j'ai eu le sentiment de revivre le débat qui a accompagné l'élargissement de l'Union européenne. Souvenez-vous : une chanson avait alors été écrite, qui était devenue un tube, Voici le loup. On craignait alors que des populations entières de Polonais viennent submerger nos territoires. « Le loup » allait « nous manger », disait la chanson.

Il n'en fut rien. Force est de constater que chacun est maintenant favorable aux aides européennes et se mobilise dès que l'on cherche à diminuer ces enveloppes, ne serait-ce que d'un centime.

Préservons l'essentiel : 2 millions d'euros sont prévus pour faciliter les retours. Je sais de quoi je parle : l'association que j'anime a accompagné près de 1 000 Martiniquais dans leur retour au pays et tous m'ont dit qu'un soutien financier aurait été le bienvenu, car rentrer a un coût.

Encore une fois, tenons « le pas gagné ». J'en appelle à la sagesse de tous mes collègues pour que nous ne perdions pas l'essentiel.

Photo de Dominique Théophile

La parole est à M. Victorin Lurel, sur l'article.

Photo de Dominique Théophile

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne.

Photo de Victorin Lurel

Je m'exprime peu sur la mission « Outre-mer ». J'ai été ministre en charge de ce dossier et je reste un homme responsable : je suis rarement monté à la tribune pour critiquer les budgets présentés par mes successeurs.

Pour autant, cet article 55 n'a pas été annoncé lors du Ciom, il ne répond pas à une demande des élus, il n'a pas fait l'objet de concertations non plus que de débats à l'Assemblée nationale et il a suscité un certain émoi dans tous les outre-mer.

Le Gouvernement est, certes, fondé à faire des propositions, mais à mon sens, il fait preuve en la matière de maladresse politique.

Il s'agit, après la mise en place du Bumidom dans les années 1960, qui faisait venir des Antillais, comme les habitants des colonies, pour travailler dans l'Hexagone, d'une sorte de réciprocité, visant à aider les métropolitains et les jeunes portant un projet à financer leur billet d'avion et leur installation. Mieux, les entreprises privées seraient même éligibles, alors qu'il existe déjà un financement spécifique pour la formation des actifs et des salariés.

Or la continuité territoriale concerne les déplacements, les allées et venues ; il s'agit d'un droit constitutionnel, dont on ferait désormais bénéficier les salariés, au nom de la lutte contre la déprise démographique et du financement des entreprises innovantes.

Le Gouvernement a pris des engagements par texto et en rencontrant les députés, que la présidente de notre délégation a elle-même reçus, et un accord a été trouvé sur trois critères pour ces aides au retour : la naissance, la résidence et l'ascendance.

Photo de Catherine Conconne

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord souligner que le ministère est parvenu à maintenir ses liens de travail et d’écoute avec les élus de nos territoires, ce dont je me réjouis.

Bien sûr, ces rapports sont parfois tumultueux, mais je sais que nous parviendrons à avancer sur les chantiers qui nous attendent, dans l’intérêt de nos populations.

Je salue évidemment les efforts réalisés sur ce budget. Les crédits de la mission de la dite outre-mer sont en hausse de 6, 9 % en autorisations d’engagement et de 4, 6 % en crédits de paiement. Si certaines interrogations demeurent quant à la répartition de ces crédits, le message envoyé – il faut le reconnaître – est globalement positif. Mes chers collègues, vous le savez, j’essaie toujours d’être juste : quand c’est bien, je le dis !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Conconne

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord souligner que le ministère est parvenu à maintenir ses liens de travail et d’écoute avec les élus de nos territoires, ce dont je me réjouis.

Bien sûr, ces rapports sont parfois tumultueux, mais je sais que nous parviendrons à avancer sur les chantiers qui nous attendent, dans l’intérêt de nos populations.

Je salue évidemment les efforts réalisés sur ce budget. Les crédits de la mission de ladite outre-mer sont en hausse de 6, 9 % en autorisations d’engagement et de 4, 6 % en crédits de paiement. Si certaines interrogations demeurent quant à la répartition de ces crédits, le message envoyé – il faut le reconnaître – est globalement positif. Mes chers collègues, vous le savez, j’essaie toujours d’être juste : quand c’est bien, je le dis !

Photo de Victorin Lurel

En conséquence, je vous propose de supprimer cet article 55 et d'inviter le Gouvernement à nous soumettre une politique plus cohérente.

Photo de Dominique Théophile

La parole est à M. Laurent Somon, sur l'article.

Photo de Catherine Conconne

Ces efforts étaient attendus dans nos territoires, monsieur le ministre, car tous les indicateurs sociaux sont dans le rouge, et les indicateurs démographiques ne le sont pas moins, qui attestent un incontestable déclin. Nous vous soumettrons des propositions sur ces sujets lors de l’examen des crédits, car, au Sénat, nous avons la chance de pouvoir débattre !

La première urgence est d’agir pour changer le quotidien des habitants des territoires ultramarins.

Comme vous le savez, indépendamment du contexte économique actuel, le problème du coût de la vie est structurel et persistant dans nos pays.

C’est pourquoi je m’étonne de constater que, derrière la hausse globale des budgets des programmes, les crédits de l’aide au fret baissent de près d’un tiers. Cette trajectoire s’inscrit à rebours de nos dynamiques locales de développement économique.

Afin d’engager une action résolue contre la vie chère, nous vous proposerons au contraire, lors du débat d’amendements, de renforcer l’aide au fret en la complétant d’un nouveau volet fléché en direction des produits de première nécessité. Ainsi garantirait-on à nos concitoyens des coûts accessibles, à l’heure où les écarts s’accentuent avec l’Hexagone, tirés en premier lieu par les prix de l’alimentation.

Au chapitre des urgences, toujours, je souhaite appeler votre attention sur la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques. Plus encore que dans l’Hexagone, des familles rencontrent les plus grandes difficultés pour trouver un accompagnement. C’est pourquoi nous vous proposerons d’adopter un amendement visant à soutenir les associations œuvrant dans le domaine de la santé mentale et à améliorer l’accompagnement et la formation des aidants.

Le deuxième enjeu majeur de cette mission, c’est bien sûr le déploiement des nouveaux dispositifs relatifs à la continuité territoriale – vous m’en voyez ravie.

Comme vous le savez, je suis particulièrement investie sur ce sujet, puisque Guillaume Chevrollier et moi-même appelions déjà de nos vœux des mesures volontaristes en la matière dans notre rapport de mars dernier.

Je constate que, parmi nos douze préconisations, sept sont déjà appliquées ou en train d’être mises en œuvre, et je m’en félicite.

Mais l’occasion nous est donnée aujourd’hui d’aller plus loin, mes chers collègues, en soutenant, premièrement, ma proposition de doubler le montant du fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif (Fébecs), qui a vocation à accompagner les mobilités de nos jeunes talents artistiques, sportifs et culturels ; en inscrivant dans ce budget, deuxièmement, une réforme ambitieuse de Ladom, ce à quoi le Gouvernement a tâché de pourvoir.

Il n’aura toutefois échappé à personne que la rédaction actuelle de l’article 55 a soulevé partout des inquiétudes profondes. Il convient de les entendre, monsieur le ministre, et d’y répondre par des garanties concrètes.

C’est la proposition que je veux vous faire, mes chers collègues, par mon amendement de compromis – c’est ainsi que je me suis efforcée de le rédiger –, qui tend à transformer le dispositif de « passeport pour l’installation professionnelle en outre-mer » en une expérimentation d’une durée de trois ans. Ainsi ce dispositif ferait-il l’objet, à l’issue de la deuxième année, d’une évaluation intermédiaire, dont l’objet serait en particulier de déterminer s’il a bien permis de tenir les engagements du Ciom et de répondre aux aspirations de nos concitoyens sur la question du retour au pays.

Vous le savez, je suis particulièrement investie sur cette question. Les dispositifs que j’ai pu contribuer à mettre en place ont déjà permis à un millier de Martiniquais d’être accompagnés au retour chez eux. Voilà la philosophie qui doit guider notre action !

C’est la raison pour laquelle nous réaffirmons que la vocation de ces crédits est de soutenir les mobilités de nos concitoyens, qui sont parfois tenus éloignés de leur territoire et de leurs attaches du seul fait de leur condition sociale. Il y a là une violence que notre République ne saurait tolérer !

Ces 22 millions d’euros de crédits supplémentaires sont une première victoire pour nos populations, qu’il convient de préserver. Si je partage certains des points de vigilance qui ont été évoqués par nos collègues, notre responsabilité, dans pareille situation, est de mobiliser tous les leviers qui sont à notre disposition pour faciliter le retour au pays des Ultramarins qui en ont le plus besoin.

Vous l’avez compris, monsieur le ministre, je défends, avec mon groupe, un certain nombre de propositions utiles, qui vont vous permettre de répondre à certaines situations d’urgence.

Par ailleurs, pour ce qui est de l’article 55, c’est – j’en suis convaincue – dans un esprit de responsabilité partagée que nous parviendrons à un compromis, dans le seul intérêt de nos compatriotes ultramarins.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Conconne

Ces efforts étaient attendus dans nos territoires, monsieur le ministre, car tous les indicateurs sociaux sont dans le rouge, et les indicateurs démographiques ne le sont pas moins, qui attestent un incontestable déclin. Nous vous soumettrons des propositions sur ces sujets lors de l’examen des crédits, car, au Sénat, nous avons la chance de pouvoir débattre !

La première urgence est d’agir pour changer le quotidien des habitants des territoires ultramarins.

Comme vous le savez, indépendamment du contexte économique actuel, le problème du coût de la vie est structurel et persistant dans nos pays.

C’est pourquoi je m’étonne de constater que, derrière la hausse globale des budgets des programmes, les crédits de l’aide au fret baissent de près d’un tiers. Cette trajectoire s’inscrit à rebours de nos dynamiques locales de développement économique.

Afin d’engager une action résolue contre la vie chère, nous vous proposerons au contraire, lors du débat d’amendements, de renforcer l’aide au fret en la complétant d’un nouveau volet fléché en direction des produits de première nécessité. Ainsi garantirait-on à nos concitoyens des coûts accessibles, à l’heure où les écarts s’accentuent avec l’Hexagone, tirés en premier lieu par les prix de l’alimentation.

Au chapitre des urgences, toujours, je souhaite appeler votre attention sur la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques. Plus encore que dans l’Hexagone, des familles rencontrent les plus grandes difficultés pour trouver un accompagnement. C’est pourquoi nous vous proposerons d’adopter un amendement visant à soutenir les associations œuvrant dans le domaine de la santé mentale et à améliorer l’accompagnement et la formation des aidants.

Le deuxième enjeu majeur de cette mission, c’est bien sûr le déploiement des nouveaux dispositifs relatifs à la continuité territoriale – vous m’en voyez ravie.

Comme vous le savez, je suis particulièrement investie sur ce sujet, puisque Guillaume Chevrollier et moi-même appelions déjà de nos vœux des mesures volontaristes en la matière dans notre rapport de mars dernier.

Je constate que, parmi nos douze préconisations, sept sont déjà appliquées ou en train d’être mises en œuvre, et je m’en félicite.

Mais l’occasion nous est donnée aujourd’hui d’aller plus loin, mes chers collègues, en soutenant, premièrement, ma proposition de doubler le montant du fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif (Fébecs), qui a vocation à accompagner les mobilités de nos jeunes talents artistiques, sportifs et culturels ; en inscrivant dans ce budget, deuxièmement, une réforme ambitieuse de Ladom, ce à quoi le Gouvernement a tâché de pourvoir.

Il n’aura toutefois échappé à personne que la rédaction actuelle de l’article 55 a soulevé partout des inquiétudes profondes. Il convient de les entendre, monsieur le ministre, et d’y répondre par des garanties concrètes.

C’est la proposition que je veux vous faire, mes chers collègues, par mon amendement de compromis – c’est ainsi que je me suis efforcée de le rédiger –, qui tend à transformer le dispositif de « passeport pour l’installation professionnelle en outre-mer » en une expérimentation d’une durée de trois ans. Ainsi ce dispositif ferait-il l’objet, à l’issue de la deuxième année, d’une évaluation intermédiaire, dont l’objet serait en particulier de déterminer s’il a bien permis de tenir les engagements du Ciom et de répondre aux aspirations de nos concitoyens sur la question du retour au pays.

Vous le savez, je suis particulièrement investie sur cette question. Les dispositifs que j’ai pu contribuer à mettre en place ont déjà permis à un millier de Martiniquais d’être accompagnés au retour chez eux. Voilà la philosophie qui doit guider notre action !

C’est la raison pour laquelle nous réaffirmons que la vocation de ces crédits est de soutenir les mobilités de nos concitoyens, qui sont parfois tenus éloignés de leur territoire et de leurs attaches du seul fait de leur condition sociale. Il y a là une violence que notre République ne saurait tolérer !

Ces 22 millions d’euros de crédits supplémentaires sont une première victoire pour nos populations, qu’il convient de préserver. Si je partage certains des points de vigilance qui ont été évoqués par nos collègues, notre responsabilité, dans pareille situation, est de mobiliser tous les leviers qui sont à notre disposition pour faciliter le retour au pays des Ultramarins qui en ont le plus besoin.

Vous l’avez compris, monsieur le ministre, je défends, avec les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un certain nombre de propositions utiles, qui vont vous permettre de répondre à certaines situations d’urgence.

Par ailleurs, pour ce qui est de l’article 55, c’est – j’en suis convaincue – dans un esprit de responsabilité partagée que nous parviendrons à un compromis, dans le seul intérêt de nos compatriotes ultramarins.

Photo de Laurent Somon

Monsieur le président, monsieur le ministre, si la France possède le deuxième domaine maritime au monde, elle le doit à ses territoires d'outre-mer, qui lui ouvrent le monde et l'espace et participent énormément à la protection de la biodiversité. Ils sont notre force, notre grandeur, mais ils révèlent aussi leurs faiblesses.

L'attention que nous leur portons est illustrée, au niveau gouvernemental, par l'augmentation des crédits de la mission « Outre-mer » dans ce PLF pour 2024, que nous voterons, bien entendu, mais également, au Sénat, par nos travaux. Ainsi, le 27 novembre dernier, nous avons échangé avec les maires ultramarins, sous la houlette de la délégation sénatoriale aux outre-mer, présidée par notre collègue Micheline Jacques.

Les spécificités démographiques, historiques et sociales de ces territoires sont nombreuses et leurs problèmes sont souvent évoqués : l'eau, le logement, la précarité, l'inflation, la sécurité, la santé.

Des propositions sont régulièrement avancées, comme en témoigne la multiplication des amendements que nous défendons aujourd'hui, notamment ceux qui visent à augmenter l'attractivité de ces territoires pour ceux qui y résident, afin de favoriser l'expression de leurs forces vives, comme pour ceux qui souhaitent y développer une activité ou un projet de vie. La continuité territoriale reste une priorité.

Aussi, au-delà du vote des crédits de la mission, le groupe Les Républicains vous invite à soutenir en particulier l'amendement n° II-1131 de Micheline Jacques, dont la rédaction trouve un équilibre, dans le cadre de la politique de continuité territoriale, afin de faciliter les déplacements depuis et vers les territoires ultramarins et d'élargir les aides déjà existantes à l'installation professionnelle.

Photo de Dominique Théophile

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-1107 rectifié est présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda.

L'amendement n° II-1151 est présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l'amendement n° II-1107 rectifié.

Photo de Dominique Théophile

M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus.

Photo de Victorin Lurel

Conformément à ce que je viens d'exposer, nous plaidons pour la suppression de cet article, qui nous semble être un choix de sagesse pour notre assemblée.

Je le répète, ce dispositif n'a fait l'objet d'aucune discussion avec les députés et n'a pas été annoncé lors du Ciom – la mesure 27 n'en fait pas mention. Il est, certes, innovant, mais pour le moins étonnant.

Je tiens, par ailleurs, à préciser qu'il ne s'agit nullement pour nous d'empêcher un Français, quelle que soit son origine, sa couleur de peau ou sa confession, de se rendre dans les outre-mer. Comment, cependant, peut-on annoncer une telle évolution politique sans aucune concertation ?

Nous, sénateurs, n'avons jamais été invités autour d'une table pour nous présenter ce qui était proposé. Les députés, eux, ont au moins été reçus par M. Darmanin et M. le ministre chargé des outre-mer.

Nous avons toutefois reçu un texto, le 22 novembre, nous indiquant que l'article serait supprimé. J'attendais donc, nous attendions donc un amendement de suppression du Gouvernement.

Des rumeurs ont ensuite circulé, selon lesquelles vous aviez demandé aux députés de proposer une réécriture de cet article, monsieur le ministre. Quid des sénateurs ? Le Parlement compte bien deux chambres. Pour autant, l'engagement pris avec les députés aurait dû être respecté.

À titre personnel, je m'alignerai sur la position de la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, Micheline Jacques, et je voterai son amendement. Il serait toutefois plus simple, plus logique et plus respectueux des compétences du Parlement de supprimer cet article, charge au Gouvernement de nous proposer un dispositif cohérent.

Photo de Dominique Théophile

La parole est à M. Robert Wienie Xowie, pour présenter l'amendement n° II-1151.

Photo de Annick Petrus

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, gouverner c’est choisir ses combats et c’est établir ses priorités.

La mission « Outre-mer » bénéficie, au sein du projet de loi de finances pour 2024, d’une hausse de ses crédits, dont je me félicite.

Cependant, si cette hausse reflète certains besoins de financement de nos territoires ainsi que les engagements pris dans le cadre du comité interministériel des outre-mer, elle ne constitue qu’une réponse partielle aux retards de développement de nos collectivités ultramarines. Rattraper ce retard doit demeurer une priorité pour la France. Mais, nous le savons, tout ne peut pas se faire en un an.

Le territoire de Saint-Martin, que j’ai l’honneur de représenter à la Haute Assemblée, a besoin de cette solidarité nationale.

Collectivité d’outre-mer de 32 000 habitants et de 53 kilomètres carrés, frappée par deux crises majeures, l’une climatique, en 2017, l’autre sanitaire, en 2020 et 2021, Saint-Martin continue de souffrir d’un trouble post-traumatique !

À cela s’ajoutent des handicaps structurels : une immigration importante, un chômage de masse – plus de 30 % –, une pauvreté endémique. Notre PIB par habitant, qui équivaut à 45 % du PIB par habitant hexagonal, fait de Saint-Martin la troisième collectivité la plus pauvre de France !

Ces réalités sont peu connues, faute de statistiques fiables et actualisées : Saint-Martin se trouve donc trop souvent dans un angle mort de nos politiques publiques – je sais, monsieur le ministre, que vous en avez pleinement conscience.

Mon territoire s’inscrit pleinement dans la logique de rattrapage que j’ai évoquée, qu’il s’agisse des équipements structurants, construits à une époque où notre population était quatre fois moins importante qu’aujourd’hui, ou des politiques de cohésion sociale, c’est-à-dire de l’accès au logement et à l’ensemble des services publics.

De surcroît, les charges transférées n’ont été que peu ou pas compensées par l’État, comme l’a remarqué dans un rapport de mai 2018 la chambre territoriale des comptes, qui a évalué le préjudice financier cumulé sur seize ans à plus de 100 millions d’euros.

Saint-Martin pâtit d’un déficit de logement social comme de logement intermédiaire. Songez qu’aucun logement social n’y a été construit depuis 2016 !

À Saint-Martin, le logement social représente seulement un peu plus de 10 % du parc de logement total, proportion qui reste très inférieure à la moyenne nationale.

Il en résulte que la collectivité reste sous-dotée en matière de logements sociaux : le ratio y est de 5, 2 logements pour 100 habitants, contre 7, 6 logements pour 100 habitants en Hexagone et plus de 10 logements pour 100 habitants chez nos voisins guadeloupéens.

Cette situation n’est pas tolérable pour la population saint-martinoise.

Il est donc nécessaire, j’en suis convaincue, de refonder les cadres d’action de la politique du logement à Saint-Martin, avec l’aide de l’État, par le biais de conventionnements sur des programmes spécifiques.

C’est pourquoi je suis plus que favorable à l’adoption de l’article 55 bis de ce projet de loi de finances, qui permettra l’extension du périmètre d’intervention d’Action Logement à Saint-Martin, conformément aux dispositions de la convention quinquennale 2023-2027 signée le 16 juin dernier entre l’État et Action Logement.

Nous devons également proroger la convention entre la collectivité de Saint-Martin, l’État et l’Anah. En ce domaine, nous aurons besoin de l’ingénierie administrative de l’État, mais aussi de votre appui, monsieur le ministre, pour avancer.

Enfin, notre collectivité pourrait être attributaire, à l’instar de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, elle aussi régie par l’article 74 de la Constitution, de crédits d’État au titre de la RHI. Le problème du logement insalubre à Saint-Martin justifierait cet effort supplémentaire, les besoins étant évalués par la collectivité à 2, 5 millions d’euros par an. Plus de 5 400 résidences principales n’y sont pas raccordées au réseau de tout-à-l’égout, et seulement 39 % des ménages saint-martinois disposent de l’eau chaude.

En outre, afin de garantir un accès à l’eau potable et un traitement des eaux usées dans les normes pour tous les usagers ultramarins, il a été annoncé une révision et un renforcement du plan Eau-DOM d’ici à six mois. Cette nouvelle mouture doit intégrer les nouvelles mesures du plan Eau annoncées par le Président de la République le 30 mars dernier, notamment l’augmentation des moyens dévolus à l’Office français de la biodiversité (OFB), un soutien de 35 millions d’euros par an aux réseaux d’eau outre-mer et le renforcement des aides à l’ingénierie.

Saint-Martin continue de s’inscrire dans une logique de rattrapage et l’établissement des eaux et de l’assainissement de Saint-Martin (EEASM) reste dépendant des subventions publiques pour le financement de ses investissements, lesquels devront être amplifiés durant la prochaine décennie. Certes, dans un contexte très difficile, l’EEASM est parvenue à investir en moyenne 9, 3 millions d’euros par an au cours de la période 2016-2020, mais cet effort devra être renforcé : dans les dix prochaines années, il faudra à tout le moins investir plus de 15 millions d’euros par an. Nous espérons donc la confirmation de l’inclusion de Saint-Martin dans le Plan Eau-DOM.

Je ne dis qu’un mot, pour conclure, de l’extension outre-mer du crédit d’impôt de rénovation des logements sociaux hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Monsieur le ministre, votre gouvernement a bien saisi les enjeux auxquels est confrontée la collectivité de Saint-Martin, et commence à y apporter des réponses. Nous comptons sur vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Petrus

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, gouverner c’est choisir ses combats et c’est établir ses priorités.

La mission « Outre-mer » bénéficie, au sein du projet de loi de finances pour 2024, d’une hausse de ses crédits, dont je me félicite.

Cependant, si cette hausse reflète certains besoins de financement de nos territoires ainsi que les engagements pris dans le cadre du comité interministériel des outre-mer, elle ne constitue qu’une réponse partielle aux retards de développement de nos collectivités ultramarines. Rattraper ce retard doit demeurer une priorité pour la France. Mais, nous le savons, tout ne peut pas se faire en un an.

Le territoire de Saint-Martin, que j’ai l’honneur de représenter à la Haute Assemblée, a besoin de cette solidarité nationale.

Collectivité d’outre-mer de 32 000 habitants et de 53 kilomètres carrés, frappée par deux crises majeures, l’une climatique, en 2017, l’autre sanitaire, en 2020 et 2021, Saint-Martin continue de souffrir d’un trouble post-traumatique !

À cela s’ajoutent des handicaps structurels : une immigration importante, un chômage de masse – plus de 30 % –, une pauvreté endémique. Notre PIB par habitant, qui équivaut à 45 % du PIB par habitant hexagonal, fait de Saint-Martin la troisième collectivité la plus pauvre de France !

Ces réalités sont peu connues, faute de statistiques fiables et actualisées : Saint-Martin se trouve donc trop souvent dans un angle mort de nos politiques publiques – je sais, monsieur le ministre, que vous en avez pleinement conscience.

Mon territoire s’inscrit pleinement dans la logique de rattrapage que j’ai évoquée, qu’il s’agisse des équipements structurants, construits à une époque où notre population était quatre fois moins importante qu’aujourd’hui, ou des politiques de cohésion sociale, c’est-à-dire de l’accès au logement et à l’ensemble des services publics.

De surcroît, les charges transférées n’ont été que peu ou pas compensées par l’État, comme l’a remarqué dans un rapport de mai 2018 la chambre territoriale des comptes, qui a évalué le préjudice financier cumulé sur seize ans à plus de 100 millions d’euros.

Saint-Martin pâtit d’un déficit de logement social comme de logement intermédiaire. Songez qu’aucun logement social n’y a été construit depuis 2016 !

À Saint-Martin, le logement social représente seulement un peu plus de 10 % du parc de logement total, proportion qui reste très inférieure à la moyenne nationale.

Il en résulte que la collectivité reste sous-dotée en matière de logements sociaux : le ratio y est de 5, 2 logements pour 100 habitants, contre 7, 6 logements pour 100 habitants en Hexagone et plus de 10 logements pour 100 habitants chez nos voisins guadeloupéens.

Cette situation n’est pas tolérable pour la population saint-martinoise.

Il est donc nécessaire, j’en suis convaincue, de refonder les cadres d’action de la politique du logement à Saint-Martin, avec l’aide de l’État, par le biais de conventionnements sur des programmes spécifiques.

C’est pourquoi je suis plus que favorable à l’adoption de l’article 55 bis de ce projet de loi de finances, qui permettra l’extension du périmètre d’intervention d’Action Logement à Saint-Martin, conformément aux dispositions de la convention quinquennale 2023-2027 signée le 16 juin dernier entre l’État et Action Logement.

Nous devons également proroger la convention entre la collectivité de Saint-Martin, l’État et l’Anah. En ce domaine, nous aurons besoin de l’ingénierie administrative de l’État, mais aussi de votre appui, monsieur le ministre, pour avancer.

Enfin, notre collectivité pourrait être attributaire, à l’instar de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, elle aussi régie par l’article 74 de la Constitution, de crédits d’État au titre de la RHI. Le problème du logement insalubre à Saint-Martin justifierait cet effort supplémentaire, les besoins étant évalués par la collectivité à 2, 5 millions d’euros par an. Plus de 5 400 résidences principales n’y sont pas raccordées au réseau de tout-à-l’égout, et seulement 39 % des ménages saint-martinois disposent de l’eau chaude.

En outre, afin de garantir un accès à l’eau potable et un traitement des eaux usées dans les normes pour tous les usagers ultramarins, il a été annoncé une révision et un renforcement du plan Eau-DOM d’ici à six mois. Cette nouvelle mouture doit intégrer les nouvelles mesures du plan Eau annoncées par le Président de la République le 30 mars dernier, notamment l’augmentation des moyens dévolus à l’Office français de la biodiversité (OFB), un soutien de 35 millions d’euros par an aux réseaux d’eau outre-mer et le renforcement des aides à l’ingénierie.

Saint-Martin continue de s’inscrire dans une logique de rattrapage et l’établissement des eaux et de l’assainissement de Saint-Martin (EEASM) reste dépendant des subventions publiques pour le financement de ses investissements, lesquels devront être amplifiés durant la prochaine décennie. Certes, dans un contexte très difficile, l’EEASM est parvenue à investir en moyenne 9, 3 millions d’euros par an au cours de la période 2016-2020, mais cet effort devra être renforcé : dans les dix prochaines années, il faudra à tout le moins investir plus de 15 millions d’euros par an. Nous espérons donc la confirmation de l’inclusion de Saint-Martin dans le plan Eau-DOM.

Je ne dis qu’un mot, pour conclure, de l’extension outre-mer du crédit d’impôt de rénovation des logements sociaux hors des QPV.

Monsieur le ministre, votre gouvernement a bien saisi les enjeux auxquels est confrontée la collectivité de Saint-Martin, et commence à y apporter des réponses. Nous comptons sur vous !

Photo de Robert Wienie XOWIE

Monsieur le ministre, vous vous décidez, enfin, à agir pour les plus précaires, mais vous aidez ceux qui sont en manque de vitamine D, d'aventure ou d'exotisme.

Vous voulez améliorer le droit du travail, mais vous faites des cadeaux aux actionnaires et aux patrons.

Vous voulez agir pour le climat, mais vous protégez les gros industriels et les gros pollueurs.

Vous voulez faciliter le retour en outre-mer pour créer une nouvelle continuité, ou discontinuité territoriale, mais ceux qui n'ont jamais posé les pieds outre-mer en bénéficieront.

L'article 55 est une aberration qui n'a sa place dans le grand livre de la République que dans les méandres de son histoire coloniale. Cette histoire étant ce qu'elle est, qu'elle reste où elle est, dans le passé. Cette époque est révolue, monsieur le ministre, n'y revenons pas !

Nos territoires connaissent un véritable exode de leurs jeunes diplômés. Chaque année, ils sont plus de 42 % à quitter leur terre.

Chaque année, en raison du manque d'opportunités locales, nos cerveaux et nos forces vives viennent abonder les institutions et les organismes de la grande métropole, au détriment du développement de nos territoires.

Chaque année, nos enseignants sont poussés à quitter leur terre natale pour rejoindre les académies de l'Hexagone. Nous ne souffrons pourtant pas, outre-mer, de la pénurie de vocations que connaît la métropole. Les postes, nous les avons. Les enseignants volontaires, nous les avons. Mais les places sont prises par ceux qui viennent de l'extérieur.

Il semblerait que la misère de vivre sous votre gouvernement, monsieur le ministre, puisse paraître moins pénible au soleil. Nous pouvons le concevoir.

Il reste que l'article 55 n'a pas sa place dans ce PLF. Alors que vous avez annoncé sa suppression, monsieur le ministre, nous nous retrouvons aujourd'hui pour en débattre. Mettez vos promesses à exécution ! Oleti !

Philippe Vigier

Monsieur le président, madame la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être parmi vous pour vous présenter les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2024 – c’est une première pour moi au Sénat.

En préambule, je reprendrai les mots de Mme Girardin : il y a non pas un mais des outre-mer, tous dotés de leurs spécificités – vous les connaissez parfaitement.

Je veux vous adresser un premier message : le Gouvernement est extrêmement attentif à tous les territoires ultramarins. Les outre-mer sont une chance pour la France ; aussi exigent-ils un regard et un soutien particuliers.

Vous avez été très nombreux à souligner, à cette même tribune, que les efforts financiers étaient au rendez-vous de ce PLF – les anciens ministres des outre-mer qui siègent dans cet hémicycle sauront le confirmer, et je leur laisse le loisir de la comparaison des budgets… –, même si l’on est toujours tenté de demander beaucoup plus, car nous ne devons pas nous arrêter là.

Les crédits de cette mission augmentent de 7 %, ou, hors inflation, de 4, 4 %, pour un total de 3 milliards d’euros en autorisations d’engagement. Tous périmètres ministériels confondus, le total des crédits mobilisés pour les outre-mer s’élève à 22 milliards d’euros.

Je donne sans attendre un exemple parlant de cet engagement : le soutien aux collectivités territoriales, via le fameux FEI – sujet auquel le Sénat est naturellement très attentif –, passe de 110 millions d’euros en 2023 à 160 millions d’euros en 2024, contre 40 millions voilà cinq ans ; d’un simple calcul, chacun peut constater l’effort financier que nous consentons.

Le Ciom n’est pas un catalogue de bonnes intentions : c’est un grand rendez-vous et une feuille de route interministérielle exigeante, qui lie chaque acteur et l’oblige à répondre présent. Auditionné par votre délégation aux outre-mer, j’ai pris l’engagement de conduire avec vous ce travail de coconstruction. Nous serons au rendez-vous : nous l’avons été les 23 et 24 novembre dernier et nous le serons au printemps prochain, lorsque se réunira le prochain comité.

Pour ce qui est du logement, le sénateur Patient en a parlé, les difficultés sont bien sûr immenses en outre-mer. Mais l’effort que j’ai évoqué est visible sur la LBU, qui se voit dotée de 50 millions d’euros supplémentaires. Reste à mobiliser des opérateurs, car le Gouvernement, lui, ne construit pas : il donne les moyens ; à charge ensuite pour Action Logement et pour les autres opérateurs de concrétiser le signe très fort que ces 50 millions supplémentaires permettent d’envoyer. Dans le même sens, 20 millions d’euros supplémentaires sont alloués à la construction de logements sociaux hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, et le taux de prise en charge par l’Anah des dépenses de travaux du parc locatif privé passe, sous conditions, de 35 % à 50 %. Il devient par là même possible pour les collectivités de cofinancer ces travaux, et je les y encourage.

Les questions du logement précaire ou indigne ne sont pas réglées pour autant, je le sais, mais l’augmentation des crédits marque une belle inflexion ; et nous irons plus loin.

J’en viens au sujet de l’eau.

Concernant Mayotte, j’ai été un peu surpris de la position adoptée par la Commission européenne ; j’imagine qu’elle rendra un avis favorable à l’utilisation du Fonds européen d’aide aux plus démunis (Fead) pour apporter une aide d’urgence. La Commission doit être au rendez-vous !

Au 31 décembre 2023, mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons mis sur la table 100 millions d’euros pour aider Mayotte, alors que par définition – vous le savez mieux que moi, en tant que sénateurs – la compétence de l’eau est exercée par les élus locaux. Nous n’abandonnons donc pas Mayotte, tant s’en faut !

Nous prenons nos responsabilités, comme nous l’avons fait en Guadeloupe, où nous avons signé un contrat de 320 millions d’euros avec le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG). La région se mobilise puissamment, à hauteur de 80 millions d’euros, tout comme le conseil départemental, qui alloue 20 millions d’euros. Outre sa participation financière directe, le ministère, quant à lui, fournit des cadres et des bras : ses crédits financent 11 emplois directement affectés au SMGEAG. Quant à l’Office français de la biodiversité (OFB), il augmente significativement sa participation au titre des cinq prochaines années.

Je vous remercie, madame la sénatrice Nadille, d’avoir rappelé que je m’étais rendu à Dubaï pour y lancer une initiative internationale de lutte contre les sargasses, avec le soutien de la République dominicaine et du Costa Rica notamment. Sur ce sujet important, nous allons plus loin et plus fort ; l’argent mobilisé doit servir à mieux comprendre les causes de la prolifération, à trouver des solutions de valorisation des algues et à tenter d’éradiquer ce fléau.

Personne n’a évoqué le volet outre-mer du pacte des solidarités, qui est un bel engagement du Ciom. Près de 50 millions d’euros financeront des choses simples – manuels scolaires, petits déjeuners servis gratuitement à l’école. La contractualisation est en cours entre l’État et les collectivités ; je rappelle que, derechef, il s’agit de compétences exercées par les collectivités. Sur ces sujets aussi, nous répondrons présents.

Comment accompagnons-nous les collectivités territoriales ? À l’instar du sénateur Patient, vous êtes nombreux à avoir parlé des Corom, qui sont, me semble-t-il, une belle création : ces contrats nourrissent une relation « gagnant-gagnant » entre l’État et les collectivités – en contrepartie de leurs efforts de redressement budgétaire, nous leur octroyons davantage de moyens. Quarante-deux communes sont d’ores et déjà éligibles ; nous augmentons les financements.

Monsieur le sénateur Patient, vous souhaitez que nous allions plus loin dans l’effort, et c’est précisément ce que nous allons faire, car il faut aider les collectivités territoriales ultramarines, qui ne disposent pas toujours des mêmes compétences techniques que leurs homologues hexagonales. Encore faut-il rester très prudent : nombre de collectivités de l’Hexagone, partout sur le territoire, manquent aussi de ces compétences. Quoi qu’il en soit, je poursuivrai cette politique.

Le soutien à l’investissement des collectivités, je l’ai dit en préambule, passe par le fameux FEI, le fonds exceptionnel d’investissement, qui est un outil à la main de l’État pour aider les communes et toutes les collectivités. Ce fonds augmente très significativement.

Le soutien à l’ingénierie passe de 10 millions d’euros à 20 millions d’euros, ce qui me permet de rectifier les chiffres que certains d’entre vous ont avancés. Nous allons innover en installant au sein de chaque préfecture des pools qui seront spécifiquement chargés d’accompagner les collectivités territoriales dans l’élaboration et la finalisation de leurs dossiers, qu’il s’agisse d’analyse financière, de montage des projets ou encore de suivi des travaux.

La continuité territoriale a fait l’objet de beaucoup de discussions, et je salue l’engagement de tous à ce sujet. Mme la présidente de la délégation aux outre-mer, je le sais, y est très sensible, de même que Mme la sénatrice Conconne, qui a écrit un rapport sur cette question absolument majeure, ou que M. le sénateur Théophile.

Vous avez tous relevé que nous mettions 40 % de plus sur la table : nous élargissons les publics concernés et nous y consacrons une enveloppe globale de 93 millions d’euros.

Nous allons débattre de l’article 55, qui introduit de nouveaux dispositifs. Je remercie les uns et les autres de leur participation. Gérald Darmanin et moi-même avons la volonté de trouver une solution, dans la mesure où la rédaction initiale du Gouvernement n’a pas été comprise. Je salue vos propositions, grâce auxquelles nous pourrons dégager une synthèse répondant aux attentes de tous.

Ainsi, une expérimentation présenterait un avantage : si l’option choisie ne convenait pas, nous pourrions rectifier la ligne.

Ensuite, nous devons mieux cibler les bénéficiaires, car la mesure, dans sa rédaction actuelle, n’a pas la portée que nous souhaitons lui donner. À ce titre, la prise en compte des centres d’intérêt matériels et moraux paraît essentielle.

Fort de mon expérience de député, je me permets toutefois de vous avertir des risques d’inconstitutionnalité ; je ne voudrais pas que votre analyse s’en trouve mise à mal et que nous nous soyons privés de cet outil. Nous lui avons consacré des crédits que, faute de véhicule législatif alternatif, je ne pourrais dès lors pas restaurer. Or ce dispositif répond à une forte attente sur le terrain.

Une synthèse à caractère expérimental issue de vos propositions serait donc pertinente ; le Gouvernement, après que j’ai rencontré les députés concernés avec Gérald Darmanin, après que mon équipe et moi-même avons échangé avec nombre d’entre vous, vous suivra sur un chemin tracé par une écoute réciproque.

Concernant le développement économique et la création d’emplois en outre-mer, les puissants dispositifs d’aide fiscale créés par la ministre Annick Girardin, ici présente, sont maintenus. Pour autant, les productions locales restent insuffisantes, entraînant une trop grande dépendance. C’est une des raisons de la cherté de la vie : les importations sont soumises à des taxations diverses – je reviendrai sur la question de l’octroi de mer.

Nous avons travaillé sur les niches fiscales. Un sénateur évoquait trois niches pour lesquelles l’harmonisation a été difficile, mais le travail de coconstruction mené avec le Gouvernement et la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom) a permis de rassurer les acteurs. Nous avons fait en sorte de favoriser l’efficacité économique en révisant ces dispositions, de manière à apporter les meilleures réponses possible.

Une nouvelle méthode sera privilégiée dès 2024, avec une évaluation opérée plus en amont, afin que les propositions que nous aurons construites soient plus solides.

Les contrats de convergence et de transformation (CCT) voient leurs moyens augmenter de 400 millions d’euros par rapport à la période précédente, nous sommes donc bien au rendez-vous en la matière.

Un mot sur la sécurité, au-delà de la seule question de l’immigration : les effectifs de police et de gendarmerie ont augmenté de 17 % durant les trois dernières années. Des efforts considérables ont été faits, sous l’impulsion de Gérald Darmanin. Pour autant, l’insécurité reste un sujet important, je le déplore, mais nous n’abandonnerons pas : notre effort se poursuivra.

Concernant le domaine de la santé, qui fait partie de nos préoccupations, le coefficient géographique a été revalorisé à La Réunion et nous avons répondu aux attentes s’agissant du centre hospitalier universitaire (CHU) en Guadeloupe. Des projets émergent partout et, ainsi que je l’annonçais hier avec Agnès Firmin Le Bodo, un plan santé important visera l’outre-mer. Soyez assuré qu’il n’y a pas deux France, mais bien une seule et que nous saurons répondre avec exigence aux besoins.

La coopération régionale mérite d’être renforcée, tant il est vrai que nous ne travaillons pas suffisamment avec les régions qui nous entourent. Relevons tout de même de belles avancées, comme la norme RUP (régions ultrapériphériques) qui s’appliquera dès le printemps prochain, permettant de baisser les prix des matériaux et ainsi d’accroître la compétitivité.

Vous l’indiquiez, les différences de normes au sein des bassins de vie interrogent, entre Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada, par exemple, mais aussi dans l’océan Indien ou dans les Antilles.

Je n’oublie pas Saint-Martin : Action Logement pourra y intervenir rapidement.

Le rapporteur spécial Georges Patient a abordé la question des quorums, je lui ai répondu ; sur les normes, Micheline Jacques a pu constater que nous avancions ; concernant le logement, j’ai rappelé que nous avions fait un effort particulier.

Audrey Bélim a évoqué la singularité des territoires, les problèmes de développement économique, ainsi que l’habitat indigne et l’insularité. Sachez que ces questions sont centrales à nos yeux. S’agissant, par exemple, de l’habitat indigne, nous irons plus loin en 2024, afin de préparer une nouvelle étape.

Solanges Nadille est intervenue fortement sur l’eau en Guadeloupe. Le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) a été aidé à hauteur de 20 millions d’euros en 2023, il recevra 27 millions d’euros en 2024, au-delà du plan pluriannuel d’investissement (PPI) de 320 millions d’euros. J’ai, en outre, déjà répondu concernant les sargasses.

Monsieur Thani Mohamed Soilihi, merci d’avoir rappelé le rôle majeur du service militaire adapté (SMA) et de la continuité territoriale. Vous connaissez notre investissement à Mayotte, où nous nous rendrons ensemble en fin d’après-midi. Je vous l’assure : ce rattrapage pour Mayotte s’inscrira dans la durée. Nous bâtirons ensemble la loi consacrée à ce territoire, je sais pouvoir compter sur vous et sur votre collègue sénateur.

Viviane Malet a évoqué le vieillissement en outre-mer, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et le plan handicap. Ma collègue en charge de ce dernier dossier s’est rendue à La Réunion il y a quelques semaines et a mis sur la table 47 millions d’euros dans ce cadre.

Mme Malet a également attiré notre attention sur les violences intrafamiliales et a déposé un amendement très important à ce sujet : il s’agit d’une avancée que le Gouvernement soutiendra.

Le sénateur Christopher Szczurek a parlé d’immigration. Je l’ai dit : le débat a eu lieu ici, il se poursuivra à l’Assemblée nationale, chacun prendra ses responsabilités, nous verrons quelles mesures seront adoptées à la faveur des nouvelles lectures et d’une commission mixte paritaire que je souhaite conclusive. Il s’agit, à nos yeux, d’une avancée, nos propositions sont sur la table et je sais pouvoir compter sur l’engagement des sénateurs.

Corinne Bourcier a évoqué la biodiversité, la création d’activités, la continuité territoriale et le coût de la vie, beaucoup plus élevé en outre-mer, c’est vrai.

Je dirais un mot à ce sujet sur la réforme de l’octroi de mer, qui est devant nous. Il ne s’agira pas d’un texte que le Gouvernement aurait écrit et que vous découvririez un jour sur le coin d’une table. La méthode que nous avons définie durant le comité interministériel des outre-mer (Ciom) sera respectée et des courriers partiront après que nous en aurons terminé avec cette séance, car je souhaite respecter le temps sénatorial. Ils seront adressés aux élus – parlementaires, grands élus, présidents de collectivités, maires –, aux acteurs économiques et aux consommateurs concernés.

Lana Tetuanui a abordé le sujet de l’indemnité temporaire de retraite (ITR), dispositif dont nous avons, pour ainsi dire, sauvé le stock : le contrat, tel qu’il était rédigé à sa signature, sera respecté, grâce à ce que l’on appelle la clause du grand-père. Un dispositif incitatif s’adresse aux nouveaux entrants ; vous souhaitez qu’il soit plus efficace, mais il garantit tout de même 4 000 euros à vie.

Monsieur Akli Mellouli, merci de ce propos vibrant ; je fais en sorte de porter une réponse républicaine, avec beaucoup d’ambition, même si elle est insuffisante aux yeux de certains d’entre vous, comme l’a dit Evelyne Corbière Naminzo. Soyez assurée, madame la sénatrice, que nous évoquerons bien le sujet de la continuité territoriale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons l’occasion de poursuivre ce débat à l’occasion de l’examen des amendements.

Debut de section - Permalien
Philippe Vigier

Monsieur le président, madame la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être parmi vous pour vous présenter les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2024 – c’est une première pour moi au Sénat.

En préambule, je reprendrai les mots de Mme Girardin : il y a non pas un, mais des outre-mer, tous dotés de leurs spécificités – vous les connaissez parfaitement.

Je veux vous adresser un premier message : le Gouvernement est extrêmement attentif à tous les territoires ultramarins. Les outre-mer sont une chance pour la France ; aussi exigent-ils un regard et un soutien particuliers.

Vous avez été très nombreux à souligner, à cette même tribune, que les efforts financiers étaient au rendez-vous de ce PLF – les anciens ministres des outre-mer qui siègent dans cet hémicycle sauront le confirmer, et je leur laisse le loisir de la comparaison des budgets… –, même si l’on est toujours tenté de demander beaucoup plus, car nous ne devons pas nous arrêter là.

Les crédits de cette mission augmentent de 7 %, ou, hors inflation, de 4, 4 %, pour un total de 3 milliards d’euros en autorisations d’engagement. Tous périmètres ministériels confondus, le total des crédits mobilisés pour les outre-mer s’élève à 22 milliards d’euros.

Je donne sans attendre un exemple parlant de cet engagement : le soutien aux collectivités territoriales, via le fameux FEI – sujet auquel le Sénat est naturellement très attentif –, passe de 110 millions d’euros en 2023 à 160 millions d’euros en 2024, contre 40 millions voilà cinq ans ; d’un simple calcul, chacun peut constater l’effort financier que nous consentons.

Le Ciom n’est pas un catalogue de bonnes intentions : c’est un grand rendez-vous et une feuille de route interministérielle exigeante, qui lie chaque acteur et l’oblige à répondre présent. Auditionné par votre délégation aux outre-mer, j’ai pris l’engagement de conduire avec vous ce travail de coconstruction. Nous serons au rendez-vous : nous l’avons été les 23 et 24 novembre dernier et nous le serons au printemps prochain, lorsque se réunira le prochain comité.

Pour ce qui est du logement, le sénateur Patient en a parlé, les difficultés sont bien sûr immenses en outre-mer. Mais l’effort que j’ai évoqué est visible sur la LBU, qui se voit dotée de 50 millions d’euros supplémentaires. Reste à mobiliser des opérateurs, car le Gouvernement, lui, ne construit pas : il donne les moyens ; à charge ensuite pour Action Logement et pour les autres opérateurs de concrétiser le signe très fort que ces 50 millions supplémentaires permettent d’envoyer. Dans le même sens, 20 millions d’euros supplémentaires sont alloués à la construction de logements sociaux hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, et le taux de prise en charge par l’Anah des dépenses de travaux du parc locatif privé passe, sous conditions, de 35 % à 50 %. Il devient par là même possible pour les collectivités de cofinancer ces travaux, et je les y encourage.

Les questions du logement précaire ou indigne ne sont pas réglées pour autant, je le sais, mais l’augmentation des crédits marque une belle inflexion ; et nous irons plus loin.

J’en viens au sujet de l’eau.

Concernant Mayotte, j’ai été un peu surpris de la position adoptée par la Commission européenne ; j’imagine qu’elle rendra un avis favorable à l’utilisation du Fonds européen d’aide aux plus démunis (Fead) pour apporter une aide d’urgence. La Commission doit être au rendez-vous !

Au 31 décembre 2023, mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons mis sur la table 100 millions d’euros pour aider Mayotte, alors que par définition – vous le savez mieux que moi, en tant que sénateurs – la compétence de l’eau est exercée par les élus locaux. Nous n’abandonnons donc pas Mayotte, tant s’en faut !

Nous prenons nos responsabilités, comme nous l’avons fait en Guadeloupe, où nous avons signé un contrat de 320 millions d’euros avec le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG). La région se mobilise puissamment, à hauteur de 80 millions d’euros, tout comme le conseil départemental, qui alloue 20 millions d’euros. Outre sa participation financière directe, le ministère, quant à lui, fournit des cadres et des bras : ses crédits financent 11 emplois directement affectés au SMGEAG. Quant à l’OFB, il augmente significativement sa participation au titre des cinq prochaines années.

Je vous remercie, madame la sénatrice Nadille, d’avoir rappelé que je m’étais rendu à Dubaï pour y lancer une initiative internationale de lutte contre les sargasses, avec le soutien de la République dominicaine et du Costa Rica notamment. Sur ce sujet important, nous allons plus loin et plus fort ; l’argent mobilisé doit servir à mieux comprendre les causes de la prolifération, à trouver des solutions de valorisation des algues et à tenter d’éradiquer ce fléau.

Personne n’a évoqué le volet outre-mer du pacte des solidarités, qui est un bel engagement du Ciom. Près de 50 millions d’euros financeront des choses simples – manuels scolaires, petits-déjeuners servis gratuitement à l’école. La contractualisation est en cours entre l’État et les collectivités ; je rappelle que, derechef, il s’agit de compétences exercées par les collectivités. Sur ces sujets aussi, nous répondrons présents.

Comment accompagnons-nous les collectivités territoriales ? À l’instar du sénateur Patient, vous êtes nombreux à avoir parlé des Corom, qui sont, me semble-t-il, une belle création : ces contrats nourrissent une relation « gagnant-gagnant » entre l’État et les collectivités – en contrepartie de leurs efforts de redressement budgétaire, nous leur octroyons davantage de moyens. Quarante-deux communes sont d’ores et déjà éligibles ; nous augmentons les financements.

Monsieur le sénateur Patient, vous souhaitez que nous allions plus loin dans l’effort, et c’est précisément ce que nous allons faire, car il faut aider les collectivités territoriales ultramarines, qui ne disposent pas toujours des mêmes compétences techniques que leurs homologues hexagonales. Encore faut-il rester très prudent : nombre de collectivités de l’Hexagone, partout sur le territoire, manquent aussi de ces compétences. Quoi qu’il en soit, je poursuivrai cette politique.

Le soutien à l’investissement des collectivités, je l’ai dit en préambule, passe par le fameux FEI, le fonds exceptionnel d’investissement, qui est un outil à la main de l’État pour aider les communes et toutes les collectivités. Ce fonds augmente très significativement.

Le soutien à l’ingénierie passe de 10 millions d’euros à 20 millions d’euros, ce qui me permet de rectifier les chiffres que certains d’entre vous ont avancés. Nous allons innover en installant au sein de chaque préfecture des pools qui seront spécifiquement chargés d’accompagner les collectivités territoriales dans l’élaboration et la finalisation de leurs dossiers, qu’il s’agisse d’analyse financière, de montage des projets ou encore de suivi des travaux.

La continuité territoriale a fait l’objet de beaucoup de discussions, et je salue l’engagement de tous à ce sujet. Mme la présidente de la délégation aux outre-mer, je le sais, y est très sensible, de même que Mme la sénatrice Conconne, qui a écrit un rapport sur cette question absolument majeure, ou que M. le sénateur Théophile.

Vous avez tous relevé que nous mettions 40 % de plus sur la table : nous élargissons les publics concernés et nous y consacrons une enveloppe globale de 93 millions d’euros.

Nous allons débattre de l’article 55, qui introduit de nouveaux dispositifs. Je remercie les uns et les autres de leur participation. Gérald Darmanin et moi-même avons la volonté de trouver une solution, dans la mesure où la rédaction initiale du Gouvernement n’a pas été comprise. Je salue vos propositions, grâce auxquelles nous pourrons dégager une synthèse répondant aux attentes de tous.

Ainsi, une expérimentation présenterait un avantage : si l’option choisie ne convenait pas, nous pourrions rectifier la ligne.

Ensuite, nous devons mieux cibler les bénéficiaires, car la mesure, dans sa rédaction actuelle, n’a pas la portée que nous souhaitons lui donner. À ce titre, la prise en compte des centres d’intérêt matériels et moraux paraît essentielle.

Fort de mon expérience de député, je me permets toutefois de vous avertir des risques d’inconstitutionnalité ; je ne voudrais pas que votre analyse s’en trouve mise à mal et que nous nous soyons privés de cet outil. Nous lui avons consacré des crédits que, faute de véhicule législatif alternatif, je ne pourrais dès lors pas restaurer. Or ce dispositif répond à une forte attente sur le terrain.

Une synthèse à caractère expérimental issue de vos propositions serait donc pertinente ; le Gouvernement, après que j’ai rencontré les députés concernés avec Gérald Darmanin, après que mon équipe et moi-même avons échangé avec nombre d’entre vous, vous suivra sur un chemin tracé par une écoute réciproque.

Concernant le développement économique et la création d’emplois en outre-mer, les puissants dispositifs d’aide fiscale créés par la ministre Annick Girardin, ici présente, sont maintenus. Pour autant, les productions locales restent insuffisantes, entraînant une trop grande dépendance. C’est une des raisons de la cherté de la vie : les importations sont soumises à des taxations diverses – je reviendrai sur la question de l’octroi de mer.

Nous avons travaillé sur les niches fiscales. Un sénateur évoquait trois niches pour lesquelles l’harmonisation a été difficile, mais le travail de coconstruction mené avec le Gouvernement et la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom) a permis de rassurer les acteurs. Nous avons fait en sorte de favoriser l’efficacité économique en révisant ces dispositions, de manière à apporter les meilleures réponses possible.

Une nouvelle méthode sera privilégiée dès 2024, avec une évaluation opérée plus en amont, afin que les propositions que nous aurons construites soient plus solides.

Les contrats de convergence et de transformation voient leurs moyens augmenter de 400 millions d’euros par rapport à la période précédente, nous sommes donc bien au rendez-vous en la matière.

Un mot sur la sécurité, au-delà de la seule question de l’immigration : les effectifs de police et de gendarmerie ont augmenté de 17 % durant les trois dernières années. Des efforts considérables ont été faits, sous l’impulsion de Gérald Darmanin. Pour autant, l’insécurité reste un sujet important, je le déplore, mais nous n’abandonnerons pas : notre effort se poursuivra.

Concernant le domaine de la santé, qui fait partie de nos préoccupations, le coefficient géographique a été revalorisé à La Réunion et nous avons répondu aux attentes s’agissant du centre hospitalier universitaire (CHU) en Guadeloupe. Des projets émergent partout et, ainsi que je l’annonçais hier avec Agnès Firmin Le Bodo, un plan santé important visera l’outre-mer. Soyez assuré qu’il n’y a pas deux France, mais bien une seule et que nous saurons répondre avec exigence aux besoins.

La coopération régionale mérite d’être renforcée, tant il est vrai que nous ne travaillons pas suffisamment avec les régions qui nous entourent. Relevons tout de même de belles avancées, comme la norme RUP (régions ultrapériphériques) qui s’appliquera dès le printemps prochain, permettant de baisser les prix des matériaux et ainsi d’accroître la compétitivité.

Vous l’indiquiez, les différences de normes au sein des bassins de vie interrogent, entre Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada, par exemple, mais aussi dans l’océan Indien ou dans les Antilles.

Je n’oublie pas Saint-Martin : Action Logement pourra y intervenir rapidement.

Le rapporteur spécial Georges Patient a abordé la question des quorums, je lui ai répondu ; sur les normes, Micheline Jacques a pu constater que nous avancions ; concernant le logement, j’ai rappelé que nous avions fait un effort particulier.

Audrey Bélim a évoqué la singularité des territoires, les problèmes de développement économique, ainsi que l’habitat indigne et l’insularité. Sachez que ces questions sont centrales à nos yeux. S’agissant, par exemple, de l’habitat indigne, nous irons plus loin en 2024, afin de préparer une nouvelle étape.

Solanges Nadille est intervenue fortement sur l’eau en Guadeloupe. Le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe a été aidé à hauteur de 20 millions d’euros en 2023, il recevra 27 millions d’euros en 2024, au-delà du plan pluriannuel d’investissement (PPI) de 320 millions d’euros. J’ai, en outre, déjà répondu concernant les sargasses.

Monsieur Thani Mohamed Soilihi, merci d’avoir rappelé le rôle majeur du service militaire adapté (SMA) et de la continuité territoriale. Vous connaissez notre investissement à Mayotte, où nous nous rendrons ensemble en fin d’après-midi. Je vous l’assure : ce rattrapage pour Mayotte s’inscrira dans la durée. Nous bâtirons ensemble la loi consacrée à ce territoire, je sais pouvoir compter sur vous et sur votre collègue sénateur.

Viviane Malet a évoqué le vieillissement en outre-mer, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et le plan handicap. Ma collègue chargée de ce dernier dossier s’est rendue à La Réunion il y a quelques semaines et a mis sur la table 47 millions d’euros dans ce cadre.

Mme Malet a également attiré notre attention sur les violences intrafamiliales et a déposé un amendement très important à ce sujet : il s’agit d’une avancée que le Gouvernement soutiendra.

Le sénateur Christopher Szczurek a parlé d’immigration. Je l’ai dit : le débat a eu lieu ici, il se poursuivra à l’Assemblée nationale, chacun prendra ses responsabilités, nous verrons quelles mesures seront adoptées à la faveur des nouvelles lectures et d’une commission mixte paritaire que je souhaite conclusive. Il s’agit, à nos yeux, d’une avancée, nos propositions sont sur la table et je sais pouvoir compter sur l’engagement des sénateurs.

Corinne Bourcier a évoqué la biodiversité, la création d’activités, la continuité territoriale et le coût de la vie, beaucoup plus élevé en outre-mer, c’est vrai.

Je dirais un mot à ce sujet sur la réforme de l’octroi de mer, qui est devant nous. Il ne s’agira pas d’un texte que le Gouvernement aurait écrit et que vous découvririez un jour sur le coin d’une table. La méthode que nous avons définie durant le Ciom sera respectée et des courriers partiront après que nous en aurons terminé avec cette séance, car je souhaite respecter le temps sénatorial. Ils seront adressés aux élus – parlementaires, grands élus, présidents de collectivités, maires –, aux acteurs économiques et aux consommateurs concernés.

Lana Tetuanui a abordé le sujet de l’indemnité temporaire de retraite, dispositif dont nous avons, pour ainsi dire, sauvé le stock : le contrat, tel qu’il était rédigé à sa signature, sera respecté, grâce à ce que l’on appelle la clause du grand-père. Un dispositif incitatif s’adresse aux nouveaux entrants ; vous souhaitez qu’il soit plus efficace, mais il garantit tout de même 4 000 euros à vie.

Monsieur Akli Mellouli, merci de ce propos vibrant ; je fais en sorte de porter une réponse républicaine, avec beaucoup d’ambition, même si elle est insuffisante aux yeux de certains d’entre vous, comme l’a dit Evelyne Corbière Naminzo. Soyez assurée, madame la sénatrice, que nous évoquerons bien le sujet de la continuité territoriale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons l’occasion de poursuivre ce débat à l’occasion de l’examen des amendements.

Photo de Teva Rohfritsch

Ces deux amendements identiques visent à supprimer le présent article, qui prévoit l'instauration de passeports pour la mobilité professionnelle et pour les entreprises innovantes.

J'estime qu'il serait dommage de priver nos territoires de ces nouvelles opportunités.

Je crois par ailleurs que nous pourrons trouver une solution de compromis sur le volet non consensuel de cet article, en adoptant un ou plusieurs des amendements qui ont été déposés.

Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, l'avis serait défavorable.

Photo de Dominique Théophile

Mes chers collègues, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à trois heures quarante-cinq, ce qui nous amènera à quinze heures quarante-cinq.

Toutefois, compte tenu de l’organisation de la journée, ainsi que du nombre d’amendements déposés, nous pourrions au maximum allonger cette durée de trente minutes pour terminer aux alentours de seize heures quinze.

À la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

Philippe Vigier, ministre délégué

L'avis est défavorable, mais je souhaite dire quelques mots sur cet article, dont il est normal qu'il suscite un débat.

Je ne puis tout d'abord vous laisser dire que les sénateurs n'ont pas eu l'occasion de débattre du dispositif prévu à cet article avec Gérald Darmanin et moi-même, monsieur le sénateur Lurel. J'ai reçu au ministère l'ensemble des parlementaires, députés et sénateurs, dans le cadre de la préparation de ce budget. Nous avons eu cette discussion et toutes les questions ont été abordées. Vous ne pouvez pas dire le contraire, monsieur le sénateur. Je peux du reste communiquer à vos collègues la date et l'heure exactes de cette réunion.

Les députés ont ensuite effectivement demandé à nous rencontrer, Gérald Darmanin et moi-même. Nous les avons reçus et – compte tenu des interrogations que suscite l'article 55, je tiens à l'indiquer clairement devant le Sénat – nous leur avons proposé, comme nous vous le proposons, mesdames, messieurs les sénateurs, de se saisir de la question et de se mettre d'accord sur une nouvelle rédaction.

Le président de la délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale nous a indiqué par courrier que les députés n'étaient pas parvenus à s'entendre sur une rédaction commune. À partir de là, députés et sénateurs ont continué leurs travaux, ce qui est tout à fait normal.

Je souhaite toutefois souligner que la suppression de l'article 55 emporterait la suppression de l'intégralité du dispositif, y compris le soutien à la formation des salariés et des entreprises au travers de la prise en charge du coût de la mobilité qui peut être induite par cette formation. Il faut que chacun ait conscience que serait ainsi supprimée une mesure visant au développement des compétences.

Le dispositif de soutien aux besoins de mobilité des entreprises innovantes, que ceux-ci découlent de la nécessité de se faire connaître ou de trouver des investisseurs, serait lui aussi supprimé.

Compte tenu de l'émoi suscité par l'article 55 et des difficultés rencontrées par les parlementaires à trouver un accord, il eût été facile, pour le Gouvernement, de supprimer cet article. Si nous avions fait cela, les financements mobilisés dans ce cadre, notamment pour les deux dispositifs que je viens de mentionner, auraient également été supprimés.

Vous avez enfin indiqué, monsieur Lurel, que ce dispositif n'avait jamais été évoqué dans le cadre du Ciom.

Sur ce point, je vous renvoie à la proposition 47, « Faciliter l'installation en outre-mer des porteurs de projets professionnels » validée lors du Ciom du 18 juillet 2023 : « Dans le cadre de la nouvelle stratégie de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom), l'État accompagnera les porteurs d'un projet professionnel, résidant dans l'Hexagone, et qui les conduit à s'installer en outre-mer. Les critères de sélection permettront de prioriser les candidats justifiant d'un centre d'intérêts matériels et moraux. Cette mesure sera déclinée dans le cadre d'un partenariat proposé aux collectivités locales. »

Vous ne pouvez donc pas nier que ce débat a eu lieu, monsieur le sénateur, puisque ses résultats sont sanctuarisés parmi les propositions du Ciom qui ont été validées sous l'autorité de la Première ministre le 18 juillet 2023. Le sujet a bien été abordé et le débat a abouti à la proposition susvisée, dont l'article 55 est la traduction.

Les propositions de rédaction qui ont été formulées nous ont amenés à introduire la prise en compte des centres d'intérêts matériels et moraux. Vous souhaitez aller plus loin, madame Micheline Jacques, en conditionnant cette aide à des critères relatifs à l'origine géographique des bénéficiaires. Je ne suis pas – tant s'en faut – membre du Conseil constitutionnel, mais une telle disposition ne me paraît pas compatible avec le principe d'égalité. Le droit sera dit le moment venu, mais j'attire votre attention sur le fait qu'il pourrait en résulter l'annulation pure et simple du dispositif.

Mon objectif est que nous nous dotions de dispositifs efficaces. Lorsque la belle responsabilité de ministre délégué chargé des outre-mer m'a été confiée, je me suis replongé dans l'histoire des territoires ultramarins. J'ai notamment lu que comme vous l'avez indiqué, madame la sénatrice Conconne, certaines années, des financements ont été mis sur la table pour favoriser le départ des jeunes en direction de l'Hexagone.

Nous nous efforçons d'inverser cette logique et d'affirmer que l'on n'a pas le droit de faire cela. J'estime qu'il s'agit d'un acte fondateur républicain. Et nous y allons puissamment, que ce soit en faveur du dispositif « Cadres d'avenir », du soutien à l'ingénierie ou d'un certain nombre d'autres mesures efficaces.

Établissez donc une rédaction consensuelle, mesdames, messieurs les sénateurs : le Gouvernement vous accompagnera. Mais ne prenons pas le risque que, demain, cet article soit supprimé ou amputé. Si tel était le cas, il nous faudrait expliquer à nos concitoyens ultramarins pourquoi nous n'avons pas été au rendez-vous. Pour ma part, je souhaite que nous répondions présent.

Photo de Dominique Théophile

La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

Photo de Dominique Théophile

La séance est reprise.

Mes chers collègues, je vous rappelle qu’a été ordonné précédemment l’examen en priorité de l’article 55, ainsi que des amendements portant article additionnel qui s’y rapportent.

Outre -mer

Photo de Akli MELLOULI

Vous nous vendez l'article 55, qui comporte effectivement deux dispositifs intéressants, monsieur le ministre, tout en nous « collant » une mesure qui irait dans le sens inverse, et en nous menaçant de tout perdre si nous ne la votons pas.

Notre objectif, mes chers collègues, ne doit pas seulement tourner autour de ce que nous perdrions en ne votant pas cet article ; nous devons aussi prendre en compte la manière dont ce dispositif sera reçu et perçu par nos compatriotes ultramarins.

Je partage par ailleurs votre préoccupation relative au respect du principe d'égalité, monsieur le ministre.

Si cela doit nous conduire à nous interroger sur la forme, j'estime toutefois que le fond interroge davantage, car les Ultramarins ont aujourd'hui un sentiment d'injustice, que ce soit pour l'accès à l'emploi ou la possibilité de créer des entreprises.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera l'amendement de Victorin Lurel.

Article 55

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

Le code des transports est ainsi modifié :

A. – L’article L. 1803-1 est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « outre-mer, au profit de l’ensemble des personnes qui y sont régulièrement établies » sont remplacés par les mots : «, au profit des personnes physiques régulièrement établies en France et des personnes morales de droit privé domiciliées outre-mer » ;

b) Sont ajoutés les mots : « au départ ou à destination de l’outre-mer » ;

2° Le second alinéa est ainsi modifié :

a) À la deuxième phrase, après le mot : « éloignement », sont insérés les mots : «, notamment en matière d’installation professionnelle, » ;

b) La dernière phrase est supprimée ;

B. – Le premier alinéa de l’article L. 1803-2 est ainsi modifié :

1° Après le mot : « finance », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « les aides prévues au présent chapitre. » ;

2° La seconde phrase est supprimée ;

C. – Après l’article L. 1803-6, il est inséré un article L. 1803-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1803 -6 -1. – L’aide destinée à accompagner les projets individuels d’installation professionnelle dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2 est dénommée “passeport pour l’installation professionnelle en outre-mer”. Cette aide a pour objet le financement de tout ou partie du coût des titres de transport nécessités par cette installation ainsi que le versement d’une allocation d’installation.

« L’aide est attribuée, à leur demande, aux personnes résidant en France métropolitaine justifiant d’un projet d’installation professionnelle durable dans l’une des collectivités mentionnées au même article L. 1803-2. Son octroi est subordonné à la conclusion d’une convention entre son bénéficiaire et l’établissement mentionné à l’article L. 1803-10, qui prévoit notamment les conditions de remboursement en cas de non-respect de ses engagements par le bénéficiaire.

« Les modalités d’application du présent article, notamment les critères d’éligibilité à l’aide, la procédure d’instruction des demandes et les règles de calcul du montant de l’aide, sont fixées par décret.

« Toute personne morale de droit public ou privé peut s’associer au financement de cette aide, par convention. » ;

D. – L’article L. 1803-7 devient l’article L. 1803-8 et la référence : « L. 1803-6 » est remplacée par la référence : « L. 1803-7-1 » ;

E. – L’article L. 1803-7 est ainsi rétabli :

« Art. L. 1803 -7. – L’aide destinée aux personnes morales de droit privé implantées dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2 et accordée au titre de la formation professionnelle de leurs salariés, est dénommée “passeport pour la mobilité des actifs salariés”. Elle est attribuée lorsque la formation professionnelle est assurée en dehors de la collectivité de résidence du salarié, faute qu’existe dans celle-ci la filière de formation correspondant au projet de formation.

« L’aide concourt au financement de tout ou partie du coût des titres de transport nécessités par cette formation, en complément, pour les collectivités concernées, de la participation financière des opérateurs mentionnés à l’article L. 6332-1 du code du travail. » ;

F. – Après le même article L. 1803-7, sont insérés des articles L. 1803-7-1 et L. 1803-7-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 1803 -7 -1. – L’aide destinée aux personnes morales de droit privé implantées dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2 au titre du caractère innovant de l’entreprise est dénommée “passeport pour la mobilité des entreprises innovantes”. Elle a pour objet le financement au profit d’une entreprise innovante, au sens de l’article L. 421-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de tout ou partie du coût des titres de transport liés à certains déplacements professionnels nécessaires au développement de son activité.

« Art. L. 1803 -7 -2. – Le bénéfice des aides mentionnées aux articles L. 1803-7 et L. 1803-7-1 est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis. » ;

G. – Au 3° de l’article L. 1803-10, la référence : « L. 1803-6 » est remplacée par la référence : « L. 1803-7-1 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Je ne prétends pas que vous ne nous avez pas invités, monsieur le ministre. Vous m'avez d'ailleurs invité deux fois, la première fois pour une réunion en visioconférence, mais l'acoustique étant mauvaise, nous avons dû raccrocher rapidement, et la seconde fois à une réunion à laquelle je n'ai pas pu me rendre.

En revanche, aucune de ces deux réunions ne portait sur l'article 55 que nous examinons.

La proposition n° 47 relative à la stratégie de Ladom pour 2024, dont nous avions effectivement connaissance, est purement administrative et réglementaire. Par cet article, vous engagez une autre politique, monsieur le ministre.

Les dispositifs d'aide à la continuité territoriale existent déjà. Vous y greffez une politique d'installation, d'aide à la formation des salariés, de financement d'entreprises innovantes et de start-up, monsieur le ministre. Mais, telle qu'elle est consignée dans les textes, y compris dans la loi 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi Égalité réelle outre-mer, que j'ai eu l'honneur, en tant que rapporteur à l'Assemblée nationale, de faire adopter à l'unanimité, la politique de continuité territoriale s'adresse non pas aux personnes morales de droit privé, mais aux personnes physiques.

Je ne comprends pas la politique que vous proposez d'instaurer, monsieur le ministre.

Par ailleurs, votre petit chantage ne prend pas : il est faux de dire qu'il n'y aura plus ni crédits ni dispositif si nous ne votons pas l'article 55, car le dispositif existe.

En supprimant l'article, nous vous donnerions toutefois la possibilité de nous soumettre une politique plus cohérente, par exemple en matière de lutte contre la déprise démographique et le vieillissement de la population outre-mer que vous citez dans votre exposé des motifs, monsieur le ministre.

En tout état de cause, vous proposez de faire venir nos compatriotes de métropole, en imaginant, peut-être, que cette action sera la réciproque de celle que le Bumidom a menée par le passé. Mais lorsqu'un Antillais, un Réunionnais, un Mahorais ou un Polynésien déménagent dans l'Hexagone, on ne leur offre pas le billet et on ne leur alloue pas une prime d'installation.

Tout en comprenant l'idée qui préside à ce dispositif, j'estime que l'enfer est pavé de bonnes intentions.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

L’article 55 prévoit la création de trois nouveaux dispositifs d’aide à la continuité territoriale pour financer les déplacements des salariés en vue d’une formation professionnelle, pour prendre en charge tout ou partie des dépenses de déplacements professionnels nécessaires au développement de l’activité d’une entreprise innovante ultramarine et pour accompagner les projets individuels d’installation professionnelle en outre-mer.

Alors que les deux premiers sont plutôt bien accueillis, le troisième, l’aide à l’installation professionnelle, a suscité beaucoup de réactions de la part des élus ultramarins des deux assemblées, quel que soit leur groupe politique.

Si nous considérons qu’il convient de ne pas supprimer l’article 55, car celui-ci contribue à améliorer la continuité territoriale, nous avons conscience qu’il faut en modifier, à tout le moins, la partie concernant l’aide à l’installation professionnelle.

De nombreux amendements ont été déposés à cette fin ; ils témoignent des craintes et des attentes qui s’attachent à certaines évolutions.

À ce stade, il nous semble que certains d’entre eux seraient à même de répondre aux inquiétudes des élus ultramarins, en mettant en place, dans un premier temps, une expérimentation de l’aide à l’installation professionnelle, avant d’en tirer un bilan et de décider ensuite de sa pérennisation éventuelle. De même, la prise en compte, dans la définition de cette mesure, du centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) de ses bénéficiaires nous paraît être indispensable.

Nous alertons, en revanche, sur le risque sérieux d’inconstitutionnalité que présentent bon nombre de ces amendements.

Mes chers collègues, pour parvenir à une solution consensuelle – à mon sens, c’est possible –, nous devrons faire preuve d’ouverture et de raison durant le débat.

C’est pourquoi nous demanderons le retrait de quelques amendements de manière à focaliser la discussion sur ceux qui sont le plus à même de recueillir l’adhésion. Je forme le vœu que nous soyons entendus et suivis.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Je vous remercie de m'accorder quelques secondes, monsieur le président, car je souhaite répondre au ministre, qui a défendu sa politique pendant cinq minutes.

La suppression de cet article me paraissant logique, je vous invite à voter mon amendement, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La parole est à Mme Annick Girardin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Petrus

Vous connaissez le combat que je mène, avec mes collègues ultramarins, particulièrement ceux de la Guadeloupe et de la Martinique – j’ai à l’esprit Catherine Conconne et son association Alé Viré – pour le retour au pays de nos nombreux compatriotes qui se sont rendu dans l’Hexagone pour étudier, se former ou passer des concours.

Ce combat, nous le menons pour lutter contre le déclin démographique de nos territoires et contre la pénurie de personnels ultramarins, en raison d’une offre locale de formation insuffisante et pas toujours adaptée à nos besoins.

Il concerne plusieurs domaines : l’administration, pour que l’État local puisse être davantage administré par des agents originaires de nos territoires, comme le secteur privé, pour que des personnels diplômés ultramarins intègrent l’encadrement des entreprises locales ou créent leurs propres entreprises.

Aussi ai-je été surprise lorsque j’ai pris connaissance de cet article 55, lequel semblait proposer une aide à l’installation dans les territoires ultramarins pour les résidents de l’Hexagone, comme de nombreux collègues députés l’ont souligné. Or nous ne souhaitons pas la mise en place d’une aide à l’installation généralisée, mais bien d’une aide au retour, dans la droite ligne de la continuité territoriale, pour nos territoires ultramarins.

Je ne voterai donc pas cet article en l’état ni aucun amendement qui ne tiendrait pas compte des intérêts des territoires ultramarins, car c’est de cela qu’il s’agit, avant toute autre considération.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick GIRARDIN

Je crois que nous ne parviendrons pas à être tous d'accord, mes chers collègues, tout simplement parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons des outre-mer.

Je suis pour ma part favorable à l'article 55 tel qu'il a été rédigé par le Gouvernement, parce que le dispositif proposé permettra de lutter contre la perte démographique catastrophique que connaît mon territoire et qu'il contribuera à satisfaire notre besoin en ressources humaines.

Mon territoire, Saint-Pierre-et-Miquelon, compte en effet moins de 7 000 habitants. Telle est la réalité avec laquelle je dois composer. Or pour se développer, mon territoire a besoin de cette aide.

Par ailleurs, depuis combien d'années demandons-nous le retour de nos étudiants, mes chers collègues ? Catherine Conconne mène ce combat avec Alé Viré Martinique Terre d'avenir depuis quelques années, et je suis heureuse de l'accompagner, mais elle n'est pas la seule !

Catherine Conconne le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick GIRARDIN

Il conviendrait peut-être du reste d'intituler ce dispositif, de manière plus directe, « dispositif d'aide au retour ». Tel n'est toutefois pas le dispositif que je souhaite, car j'estime qu'il doit être plus global, ouvert à tous.

Je n'entends absolument pas rapprocher ce dispositif du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, mais de fait, les préfets pourraient établir la liste des secteurs dans lesquels les entreprises ont besoin de ressources humaines, de manière à cibler cette aide.

Je suis également favorable à une expérimentation, si cela peut rassurer, mais il faudrait que celle-ci dure au minimum trois ans, car il faut une année pour mettre le dispositif en place et une autre année pour qu'il soit compris. Nous ne pourrons donc en tirer les conclusions qu'au bout de trois ans.

Prenons garde, mes chers collègues, à la tentation d'arranger un « truc » de manière que nous soyons tous d'accord. Ou alors, soyons très clairs, et votons un dispositif qui tienne en deux phrases, à charge ensuite pour les préfets et les présidents de région d'en définir les modalités d'application dans chaque territoire.

Ayant été élue en septembre, je n'ai pas contribué à la rédaction de ce dispositif et je ne sais pas si l'on a suffisamment travaillé à l'élaboration de celui-ci, mes chers collègues. Je sais toutefois que cela fait des années que nous soulevons ces difficultés, et personnellement, je n'ai jamais réussi à obtenir les crédits nécessaires pour y remédier. Puisque l'argent est là, utilisons-le !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Conconne

S’il y a un sujet qui devrait nous rassembler et créer de la cohérence, c’est bien celui-là.

Quel habitant de nos pays, dans cet hémicycle, s’opposerait à une aide pour compenser les dégâts de certains procédés, tels que le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer (Bumidom), que nous avons tous critiqué ?

Aujourd’hui, nous sommes face à une forme de réparation de la part de l’État, même si 2 millions d’euros paraissent être loin du compte. Personne ici ne saurait y faire obstacle.

Nos divergences porteront malheureusement sur les modalités de mise en œuvre de ce dispositif. Il convient cependant de mesurer les risques que l’on peut faire courir à une décision qui semble si vertueuse. L’enfer n’est-il pas pavé de bonnes intentions ?

J’en appelle à la sagesse et à la raison du Sénat. Nous avons assisté à une levée de boucliers à l’Assemblée nationale, en raison de peurs dont les racines m’ont échappé ; j’ai eu le sentiment de revivre le débat qui a accompagné l’élargissement de l’Union européenne. Souvenez-vous : une chanson avait alors été écrite, qui était devenue un tube, Voici le loup. On craignait alors que des populations entières de Polonais viennent submerger nos territoires. « Le loup » allait « nous manger », disait la chanson.

Il n’en fut rien. Force est de constater que chacun est maintenant favorable aux aides européennes et se mobilise dès que l’on cherche à diminuer ces enveloppes, ne serait-ce que d’un centime.

Préservons l’essentiel : 2 millions d’euros sont prévus pour faciliter les retours. Je sais de quoi je parle : l’association que j’anime a accompagné près de 1 000 Martiniquais dans leur retour au pays et tous m’ont dit qu’un soutien financier aurait été le bienvenu, car rentrer a un coût.

Encore une fois, tenons « le pas gagné ». J’en appelle à la sagesse de tous mes collègues pour que nous ne perdions pas l’essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Conconne

Que ce soit clair et net : je ne voterai pas cet amendement de suppression, car nous avons besoin de cette aide au retour et que nous la réclamons depuis des années.

À mes collègues qui prétendent que les élus ne l'ont pas réclamée, je rappellerai la quatrième préconisation formulée, en mars dernier, c'est-à-dire très en amont du débat budgétaire, dans le rapport d'information intitulé La continuité territoriale outre-mer, réalisé au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer : « Soutenir et amplifier, en partenariat avec les collectivités ultramarines, les dispositifs accompagnant ou encourageant le retour des jeunes actifs sur les territoires et placer cette priorité au cœur de Ladom 2024. »

Dans le cadre des travaux de cette mission d'information, nous avons réalisé plus d'une centaine d'auditions, si bien que nous avons fait le tour des élus : Guadeloupe, Guyane, Martinique, Saint-Pierre-et-Miquelon, tout le monde y est passé, et tout le monde a réclamé cette aide !

Nous avons aujourd'hui une proposition concrète, mes chers collègues. Essayons de trouver un consensus ! En tout état de cause, j'ai besoin de cette aide.

Je pense en effet à Marie-Claude, que j'ai rencontrée sur le salon Paris pour l'emploi. Marie-Claude veut rentrer au pays, mais elle a quatre enfants qu'elle élève seule. N'ayant pas les moyens de payer les billets, qui sont chers, elle est contrainte de reporter son retour.

Je pense aussi à Joël, qui vient de trouver un emploi de logisticien chez Carrefour, en Martinique, mais qui a lui aussi des difficultés pour payer son billet et celui de ses trois enfants.

De fait, le coût de la vie, des transports et du déménagement est prohibitif.

C'est pour Marie-Claude et pour Joël que je suis ici, mes chers collègues, rien que pour eux et toujours pour eux !

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Je m’exprime peu sur la mission « Outre-mer ». J’ai été ministre en charge de ce dossier et je reste un homme responsable : je suis rarement monté à la tribune pour critiquer les budgets présentés par mes successeurs.

Pour autant, cet article 55 n’a pas été annoncé lors du Ciom, il ne répond pas à une demande des élus, il n’a pas fait l’objet de concertations non plus que de débats à l’Assemblée nationale et il a suscité un certain émoi dans tous les outre-mer.

Le Gouvernement est, certes, fondé à faire des propositions, mais à mon sens, il fait preuve en la matière de maladresse politique.

Il s’agit, après la mise en place du Bumidom dans les années 1960, qui faisait venir des Antillais, comme les habitants des colonies, pour travailler dans l’Hexagone, d’une sorte de réciprocité, visant à aider les métropolitains et les jeunes portant un projet à financer leur billet d’avion et leur installation. Mieux, les entreprises privées seraient même éligibles, alors qu’il existe déjà un financement spécifique pour la formation des actifs et des salariés.

Or la continuité territoriale concerne les déplacements, les allées et venues ; il s’agit d’un droit constitutionnel, dont on ferait désormais bénéficier les salariés, au nom de la lutte contre la déprise démographique et du financement des entreprises innovantes.

Le Gouvernement a pris des engagements par texto et en rencontrant les députés, que la présidente de notre délégation a elle-même reçus, et un accord a été trouvé sur trois critères pour ces aides au retour : la naissance, la résidence et l’ascendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Je m’exprime peu sur la mission « Outre-mer ». J’ai été ministre chargé de ce dossier et je reste un homme responsable : je suis rarement monté à la tribune pour critiquer les budgets présentés par mes successeurs.

Pour autant, cet article 55 n’a pas été annoncé lors du Ciom, il ne répond pas à une demande des élus, il n’a pas fait l’objet de concertations non plus que de débats à l’Assemblée nationale et il a suscité un certain émoi dans tous les outre-mer.

Le Gouvernement est, certes, fondé à faire des propositions, mais à mon sens, il fait preuve en la matière de maladresse politique.

Il s’agit, après la mise en place du Bumidom dans les années 1960, qui faisait venir des Antillais, comme les habitants des colonies, pour travailler dans l’Hexagone, d’une sorte de réciprocité, visant à aider les métropolitains et les jeunes portant un projet à financer leur billet d’avion et leur installation. Mieux, les entreprises privées seraient même éligibles, alors qu’il existe déjà un financement spécifique pour la formation des actifs et des salariés.

Or la continuité territoriale concerne les déplacements, les allées et venues ; il s’agit d’un droit constitutionnel, dont on ferait désormais bénéficier les salariés, au nom de la lutte contre la déprise démographique et du financement des entreprises innovantes.

Le Gouvernement a pris des engagements par texto et en rencontrant les députés, que la présidente de notre délégation a elle-même reçus, et un accord a été trouvé sur trois critères pour ces aides au retour : la naissance, la résidence et l’ascendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Le sujet est assez explosif, mes chers collègues.

La presse locale polynésienne titrait récemment : « Eureka ! Le Gouvernement retire l'article 55. » C'était écrit noir sur blanc. Malheureusement, nous y sommes.

Comme l'indiquait Annick Girardin, il y a des outre-mer.

Je tiens à témoigner des difficultés que nous rencontrons, dans mon territoire, à ramener nos enfants diplômés de métropole pour occuper des postes dans nos collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

En conséquence, je vous propose de supprimer cet article 55 et d’inviter le Gouvernement à nous soumettre une politique plus cohérente.

Mme Catherine Conconne applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Si nous souhaitons que l'on aide nos enfants à rentrer, encore faut-il que nos collectivités soient en mesure de s'organiser. Telle est bien la difficulté !

Je vous rappelle, mes chers collègues, que j'avais déposé une proposition de loi visant à supprimer l'indemnité d'éloignement des fonctionnaires de l'État affectés en Polynésie française, qui existe tout de même depuis 1958 – elle a donc l'âge de la Constitution ! En effet, une telle indemnité n'est pas prévue pour les fonctionnaires ultramarins qui viennent travailler en métropole.

Je ne veux pas mettre le feu aux poudres, mais j'estime que certaines dispositions peuvent être valables pour certains territoires et pas pour d'autres. Ma crainte est donc de voter un dispositif général qui risque de ne pas du tout nous aider.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Somon

Monsieur le président, monsieur le ministre, si la France possède le deuxième domaine maritime au monde, elle le doit à ses territoires d’outre-mer, qui lui ouvrent le monde et l’espace et participent énormément à la protection de la biodiversité. Ils sont notre force, notre grandeur, mais ils révèlent aussi leurs faiblesses.

L’attention que nous leur portons est illustrée, au niveau gouvernemental, par l’augmentation des crédits de la mission « Outre-mer » dans ce PLF pour 2024, que nous voterons, bien entendu, mais également, au Sénat, par nos travaux. Ainsi, le 27 novembre dernier, nous avons échangé avec les maires ultramarins, sous la houlette de la délégation sénatoriale aux outre-mer, présidée par notre collègue Micheline Jacques.

Les spécificités démographiques, historiques et sociales de ces territoires sont nombreuses et leurs problèmes sont souvent évoqués : l’eau, le logement, la précarité, l’inflation, la sécurité, la santé.

Des propositions sont régulièrement avancées, comme en témoigne la multiplication des amendements que nous défendons aujourd’hui, notamment ceux qui visent à augmenter l’attractivité de ces territoires pour ceux qui y résident, afin de favoriser l’expression de leurs forces vives, comme pour ceux qui souhaitent y développer une activité ou un projet de vie. La continuité territoriale reste une priorité.

Aussi, au-delà du vote des crédits de la mission, le groupe Les Républicains vous invite à soutenir en particulier l’amendement n° II-1131 de Micheline Jacques, dont la rédaction trouve un équilibre, dans le cadre de la politique de continuité territoriale, afin de faciliter les déplacements depuis et vers les territoires ultramarins et d’élargir les aides déjà existantes à l’installation professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La parole est à M. Frédéric Buval, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° II-1107 rectifié est présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda.

L’amendement n° II-1151 est présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° II-1107 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric BUVAL

L'article 55 a déjà suscité de nombreux débats à l'Assemblée nationale comme sur nos territoires, car il pose une question cruciale et politique sur l'avenir de nos territoires.

Si les dispositifs prévus à cet article ne concernent au sens strict que la continuité territoriale, c'est en fait la problématique plus transversale de l'attractivité de nos territoires qui doit guider nos votes, mes chers collègues.

J'avais d'ailleurs déposé un amendement, malheureusement déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, dont l'objet était de changer notre angle de réflexion, afin de passer d'une logique nationale uniforme à une vision plus différenciée et plus ciblée et, partant, de tenir compte des réalités différentes de chaque territoire et des populations qui, sur place, ont déjà du mal à s'insérer économiquement.

Chaque territoire a sa propre dynamique en matière d'emploi, d'aménagement du territoire, mais aussi en matière de logement, de transport, de santé, de qualité de vie, de sécurité ou d'éducation. Tels sont les éléments fondamentaux qui participent de l'attractivité d'un territoire, et qui, au-delà des souhaits de rapprochement familial, constituent les véritables critères dans les choix d'installation de chacun.

Je m'inscrirai donc pour ma part, en cohérence avec cette approche différenciée, dans la continuité des efforts effectués pour renforcer l'attractivité de la Martinique au regard de l'emploi par les exécutifs locaux, notamment la collectivité territoriale de Martinique, par les acteurs socioprofessionnels et les associations telles que l'association Alé Viré de ma collègue Catherine Conconne.

Je soutiendrai donc l'amendement de Catherine Conconne tendant à instaurer une approche décentralisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Conformément à ce que je viens d’exposer, nous plaidons pour la suppression de cet article, qui nous semble être un choix de sagesse pour notre assemblée.

Je le répète, ce dispositif n’a fait l’objet d’aucune discussion avec les députés et n’a pas été annoncé lors du Ciom – la mesure 27 n’en fait pas mention. Il est, certes, innovant, mais pour le moins étonnant.

Je tiens, par ailleurs, à préciser qu’il ne s’agit nullement pour nous d’empêcher un Français, quelle que soit son origine, sa couleur de peau ou sa confession, de se rendre dans les outre-mer. Comment, cependant, peut-on annoncer une telle évolution politique sans aucune concertation ?

Nous, sénateurs, n’avons jamais été invités autour d’une table pour nous présenter ce qui était proposé. Les députés, eux, ont au moins été reçus par M. Darmanin et M. le ministre chargé des outre-mer.

Nous avons toutefois reçu un texto, le 22 novembre, nous indiquant que l’article serait supprimé. J’attendais donc, nous attendions donc un amendement de suppression du Gouvernement.

Des rumeurs ont ensuite circulé, selon lesquelles vous aviez demandé aux députés de proposer une réécriture de cet article, monsieur le ministre. Quid des sénateurs ? Le Parlement compte bien deux chambres. Pour autant, l’engagement pris avec les députés aurait dû être respecté.

À titre personnel, je m’alignerai sur la position de la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, Micheline Jacques, et je voterai son amendement. Il serait toutefois plus simple, plus logique et plus respectueux des compétences du Parlement de supprimer cet article, charge au Gouvernement de nous proposer un dispositif cohérent.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La parole est à M. Robert Wienie Xowie, pour présenter l’amendement n° II-1151.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne CORBIÈRE NAMINZO

Si l'on en croit toutes les déclarations, l'article 55 vise à favoriser le retour au pays. Les dispositions dont nous discutons ne sont toutefois pas formulées ainsi, mes chers collègues.

Comme cela a été dit, le véritable sujet est l'attractivité de nos territoires. Un territoire attractif est un territoire dynamique, qui a des offres d'emploi et un équilibre économique correct.

Favoriser l'aide au retour suppose dans un premier temps de veiller à ce que les centres d'intérêts matériels et moraux soient en effet pris en compte et respectés, dès lors que nos compatriotes demandent une mutation afin de revenir dans un territoire d'outre-mer.

Cela suppose aussi, comme les élus le demandent depuis longtemps, que les zonages de gendarmerie et de police nationale soient revus, car cela aurait une incidence directe pour nos compatriotes qui travaillent dans les services publics de l'Hexagone.

Cela suppose enfin de prendre en compte – ce que l'article 55 ne fait pas – le taux de chômage de nos territoires ultramarins, celui-ci atteignant 18 % à La Réunion. La plupart de nos jeunes qui viennent dans l'Hexagone y sont poussés par la pauvreté, par l'injustice sociale et par le manque de possibilités d'études et de formations dans nos territoires.

Ce « deux poids, deux mesures » a fait partir les plus pauvres d'entre nous, et il fait revenir on ne sait pas qui.

Pour toutes ces raisons, mon groupe votera la suppression de l'article 55.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Wienie XOWIE

Monsieur le ministre, vous vous décidez, enfin, à agir pour les plus précaires, mais vous aidez ceux qui sont en manque de vitamine D, d’aventure ou d’exotisme.

Vous voulez améliorer le droit du travail, mais vous faites des cadeaux aux actionnaires et aux patrons.

Vous voulez agir pour le climat, mais vous protégez les gros industriels et les gros pollueurs.

Vous voulez faciliter le retour en outre-mer pour créer une nouvelle continuité, ou discontinuité territoriale, mais ceux qui n’ont jamais posé les pieds outre-mer en bénéficieront.

L’article 55 est une aberration qui n’a sa place dans le grand livre de la République que dans les méandres de son histoire coloniale. Cette histoire étant ce qu’elle est, qu’elle reste où elle est, dans le passé. Cette époque est révolue, monsieur le ministre, n’y revenons pas !

Nos territoires connaissent un véritable exode de leurs jeunes diplômés. Chaque année, ils sont plus de 42 % à quitter leur terre.

Chaque année, en raison du manque d’opportunités locales, nos cerveaux et nos forces vives viennent abonder les institutions et les organismes de la grande métropole, au détriment du développement de nos territoires.

Chaque année, nos enseignants sont poussés à quitter leur terre natale pour rejoindre les académies de l’Hexagone. Nous ne souffrons pourtant pas, outre-mer, de la pénurie de vocations que connaît la métropole. Les postes, nous les avons. Les enseignants volontaires, nous les avons. Mais les places sont prises par ceux qui viennent de l’extérieur.

Il semblerait que la misère de vivre sous votre gouvernement, monsieur le ministre, puisse paraître moins pénible au soleil. Nous pouvons le concevoir.

Il reste que l’article 55 n’a pas sa place dans ce PLF. Alors que vous avez annoncé sa suppression, monsieur le ministre, nous nous retrouvons aujourd’hui pour en débattre. Mettez vos promesses à exécution ! Oleti !

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Je demande la parole, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

M. le président. Je regrette, mon cher collègue, mais vous avez déjà expliqué votre vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

Ces deux amendements identiques visent à supprimer le présent article, qui prévoit l’instauration de passeports pour la mobilité professionnelle et pour les entreprises innovantes.

J’estime qu’il serait dommage de priver nos territoires de ces nouvelles opportunités.

Je crois par ailleurs que nous pourrons trouver une solution de compromis sur le volet non consensuel de cet article, en adoptant un ou plusieurs des amendements qui ont été déposés.

Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. Victorin Lurel proteste.

Debut de section - Permalien
Philippe Vigier

L’avis est défavorable, mais je souhaite dire quelques mots sur cet article, dont il est normal qu’il suscite un débat.

Je ne puis tout d’abord vous laisser dire que les sénateurs n’ont pas eu l’occasion de débattre du dispositif prévu à cet article avec Gérald Darmanin et moi-même, monsieur le sénateur Lurel. J’ai reçu au ministère l’ensemble des parlementaires, députés et sénateurs, dans le cadre de la préparation de ce budget. Nous avons eu cette discussion et toutes les questions ont été abordées. Vous ne pouvez pas dire le contraire, monsieur le sénateur. Je peux du reste communiquer à vos collègues la date et l’heure exactes de cette réunion.

Les députés ont ensuite effectivement demandé à nous rencontrer, Gérald Darmanin et moi-même. Nous les avons reçus et – compte tenu des interrogations que suscite l’article 55, je tiens à l’indiquer clairement devant le Sénat – nous leur avons proposé, comme nous vous le proposons, mesdames, messieurs les sénateurs, de se saisir de la question et de se mettre d’accord sur une nouvelle rédaction.

Le président de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale nous a indiqué par courrier que les députés n’étaient pas parvenus à s’entendre sur une rédaction commune. À partir de là, députés et sénateurs ont continué leurs travaux, ce qui est tout à fait normal.

Je souhaite toutefois souligner que la suppression de l’article 55 emporterait la suppression de l’intégralité du dispositif, y compris le soutien à la formation des salariés et des entreprises au travers de la prise en charge du coût de la mobilité qui peut être induite par cette formation. Il faut que chacun ait conscience que serait ainsi supprimée une mesure visant au développement des compétences.

Le dispositif de soutien aux besoins de mobilité des entreprises innovantes, que ceux-ci découlent de la nécessité de se faire connaître ou de trouver des investisseurs, serait lui aussi supprimé.

Compte tenu de l’émoi suscité par l’article 55 et des difficultés rencontrées par les parlementaires à trouver un accord, il eût été facile, pour le Gouvernement, de supprimer cet article. Si nous avions fait cela, les financements mobilisés dans ce cadre, notamment pour les deux dispositifs que je viens de mentionner, auraient également été supprimés.

Vous avez enfin indiqué, monsieur Lurel, que ce dispositif n’avait jamais été évoqué dans le cadre du Ciom.

Sur ce point, je vous renvoie à la proposition 47, « Faciliter l’installation en outre-mer des porteurs de projets professionnels » validée lors du Ciom du 18 juillet 2023 : « Dans le cadre de la nouvelle stratégie de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom), l’État accompagnera les porteurs d’un projet professionnel, résidant dans l’Hexagone, et qui les conduit à s’installer en outre-mer. Les critères de sélection permettront de prioriser les candidats justifiant d’un centre d’intérêts matériels et moraux. Cette mesure sera déclinée dans le cadre d’un partenariat proposé aux collectivités locales. »

Vous ne pouvez donc pas nier que ce débat a eu lieu, monsieur le sénateur, puisque ses résultats sont sanctuarisés parmi les propositions du Ciom qui ont été validées sous l’autorité de la Première ministre le 18 juillet 2023. Le sujet a bien été abordé et le débat a abouti à la proposition susvisée, dont l’article 55 est la traduction.

Les propositions de rédaction qui ont été formulées nous ont amenés à introduire la prise en compte des centres d’intérêts matériels et moraux. Vous souhaitez aller plus loin, madame Micheline Jacques, en conditionnant cette aide à des critères relatifs à l’origine géographique des bénéficiaires. Je ne suis pas – tant s’en faut – membre du Conseil constitutionnel, mais une telle disposition ne me paraît pas compatible avec le principe d’égalité. Le droit sera dit le moment venu, mais j’attire votre attention sur le fait qu’il pourrait en résulter l’annulation pure et simple du dispositif.

Mon objectif est que nous nous dotions de dispositifs efficaces. Lorsque la belle responsabilité de ministre délégué chargé des outre-mer m’a été confiée, je me suis replongé dans l’histoire des territoires ultramarins. J’ai notamment lu que comme vous l’avez indiqué, madame la sénatrice Conconne, certaines années, des financements ont été mis sur la table pour favoriser le départ des jeunes en direction de l’Hexagone.

Nous nous efforçons d’inverser cette logique et d’affirmer que l’on n’a pas le droit de faire cela. J’estime qu’il s’agit d’un acte fondateur républicain. Et nous y allons puissamment, que ce soit en faveur du dispositif « Cadres d’avenir », du soutien à l’ingénierie ou d’un certain nombre d’autres mesures efficaces.

Établissez donc une rédaction consensuelle, mesdames, messieurs les sénateurs : le Gouvernement vous accompagnera. Mais ne prenons pas le risque que, demain, cet article soit supprimé ou amputé. Si tel était le cas, il nous faudrait expliquer à nos concitoyens ultramarins pourquoi nous n’avons pas été au rendez-vous. Pour ma part, je souhaite que nous répondions présent.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Akli MELLOULI

Vous nous vendez l’article 55, qui comporte effectivement deux dispositifs intéressants, monsieur le ministre, tout en nous « collant » une mesure qui irait dans le sens inverse, et en nous menaçant de tout perdre si nous ne la votons pas.

Notre objectif, mes chers collègues, ne doit pas seulement tourner autour de ce que nous perdrions en ne votant pas cet article ; nous devons aussi prendre en compte la manière dont ce dispositif sera reçu et perçu par nos compatriotes ultramarins.

Je partage par ailleurs votre préoccupation relative au respect du principe d’égalité, monsieur le ministre.

Si cela doit nous conduire à nous interroger sur la forme, j’estime toutefois que le fond interroge davantage, car les Ultramarins ont aujourd’hui un sentiment d’injustice, que ce soit pour l’accès à l’emploi ou la possibilité de créer des entreprises.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera l’amendement de Victorin Lurel.

La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Sophie Primas.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Je ne prétends pas que vous ne nous avez pas invités, monsieur le ministre. Vous m’avez d’ailleurs invité deux fois, la première fois pour une réunion en visioconférence, mais l’acoustique étant mauvaise, nous avons dû raccrocher rapidement, et la seconde fois à une réunion à laquelle je n’ai pas pu me rendre.

En revanche, aucune de ces deux réunions ne portait sur l’article 55 que nous examinons.

La proposition n° 47 relative à la stratégie de Ladom pour 2024, dont nous avions effectivement connaissance, est purement administrative et réglementaire. Par cet article, vous engagez une autre politique, monsieur le ministre.

Les dispositifs d’aide à la continuité territoriale existent déjà. Vous y greffez une politique d’installation, d’aide à la formation des salariés, de financement d’entreprises innovantes et de start-up, monsieur le ministre. Mais, telle qu’elle est consignée dans les textes, y compris dans la loi 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi Égalité réelle outre-mer, que j’ai eu l’honneur, en tant que rapporteur à l’Assemblée nationale, de faire adopter à l’unanimité, la politique de continuité territoriale s’adresse non pas aux personnes morales de droit privé, mais aux personnes physiques.

Je ne comprends pas la politique que vous proposez d’instaurer, monsieur le ministre.

Par ailleurs, votre petit chantage ne prend pas : il est faux de dire qu’il n’y aura plus ni crédits ni dispositif si nous ne votons pas l’article 55, car le dispositif existe.

En supprimant l’article, nous vous donnerions toutefois la possibilité de nous soumettre une politique plus cohérente, par exemple en matière de lutte contre la déprise démographique et le vieillissement de la population outre-mer que vous citez dans votre exposé des motifs, monsieur le ministre.

En tout état de cause, vous proposez de faire venir nos compatriotes de métropole, en imaginant, peut-être, que cette action sera la réciproque de celle que le Bumidom a menée par le passé. Mais lorsqu’un Antillais, un Réunionnais, un Mahorais ou un Polynésien déménagent dans l’Hexagone, on ne leur offre pas le billet et on ne leur alloue pas une prime d’installation.

Tout en comprenant l’idée qui préside à ce dispositif, j’estime que l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Je vous remercie de m’accorder quelques secondes, monsieur le président, car je souhaite répondre au ministre, qui a défendu sa politique pendant cinq minutes.

La suppression de cet article me paraissant logique, je vous invite à voter mon amendement, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La parole est à Mme Annick Girardin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick GIRARDIN

Je crois que nous ne parviendrons pas à être tous d’accord, mes chers collègues, tout simplement parce que, comme je l’ai dit tout à l’heure, nous avons des outre-mer.

Je suis pour ma part favorable à l’article 55 tel qu’il a été rédigé par le Gouvernement, parce que le dispositif proposé permettra de lutter contre la perte démographique catastrophique que connaît mon territoire et qu’il contribuera à satisfaire notre besoin en ressources humaines.

Mon territoire, Saint-Pierre-et-Miquelon, compte en effet moins de 7 000 habitants. Telle est la réalité avec laquelle je dois composer. Or pour se développer, mon territoire a besoin de cette aide.

Par ailleurs, depuis combien d’années demandons-nous le retour de nos étudiants, mes chers collègues ? Catherine Conconne mène ce combat avec Alé Viré Martinique Terre d’avenir depuis quelques années, et je suis heureuse de l’accompagner, mais elle n’est pas la seule !

Catherine Conconne le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick GIRARDIN

Il conviendrait peut-être du reste d’intituler ce dispositif, de manière plus directe, « dispositif d’aide au retour ». Tel n’est toutefois pas le dispositif que je souhaite, car j’estime qu’il doit être plus global, ouvert à tous.

Je n’entends absolument pas rapprocher ce dispositif du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, mais de fait, les préfets pourraient établir la liste des secteurs dans lesquels les entreprises ont besoin de ressources humaines, de manière à cibler cette aide.

Je suis également favorable à une expérimentation, si cela peut rassurer, mais il faudrait que celle-ci dure au minimum trois ans, car il faut une année pour mettre le dispositif en place et une autre année pour qu’il soit compris. Nous ne pourrons donc en tirer les conclusions qu’au bout de trois ans.

Prenons garde, mes chers collègues, à la tentation d’arranger un « truc » de manière que nous soyons tous d’accord. Ou alors, soyons très clairs, et votons un dispositif qui tienne en deux phrases, à charge ensuite pour les préfets et les présidents de région d’en définir les modalités d’application dans chaque territoire.

Ayant été élue en septembre, je n’ai pas contribué à la rédaction de ce dispositif et je ne sais pas si l’on a suffisamment travaillé à l’élaboration de celui-ci, mes chers collègues. Je sais toutefois que cela fait des années que nous soulevons ces difficultés, et personnellement, je n’ai jamais réussi à obtenir les crédits nécessaires pour y remédier. Puisque l’argent est là, utilisons-le !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Conconne

Que ce soit clair et net : je ne voterai pas cet amendement de suppression, car nous avons besoin de cette aide au retour et que nous la réclamons depuis des années.

À mes collègues qui prétendent que les élus ne l’ont pas réclamée, je rappellerai la quatrième préconisation formulée, en mars dernier, c’est-à-dire très en amont du débat budgétaire, dans le rapport d’information intitulé La continuité territoriale outre-mer, réalisé au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer : « Soutenir et amplifier, en partenariat avec les collectivités ultramarines, les dispositifs accompagnant ou encourageant le retour des jeunes actifs sur les territoires et placer cette priorité au cœur de Ladom 2024. »

Dans le cadre des travaux de cette mission d’information, nous avons réalisé plus d’une centaine d’auditions, si bien que nous avons fait le tour des élus : Guadeloupe, Guyane, Martinique, Saint-Pierre-et-Miquelon, tout le monde y est passé, et tout le monde a réclamé cette aide !

Nous avons aujourd’hui une proposition concrète, mes chers collègues. Essayons de trouver un consensus ! En tout état de cause, j’ai besoin de cette aide.

Je pense en effet à Marie-Claude, que j’ai rencontrée sur le salon Paris pour l’emploi. Marie-Claude veut rentrer au pays, mais elle a quatre enfants qu’elle élève seule. N’ayant pas les moyens de payer les billets, qui sont chers, elle est contrainte de reporter son retour.

Je pense aussi à Joël, qui vient de trouver un emploi de logisticien chez Carrefour, en Martinique, mais qui a lui aussi des difficultés pour payer son billet et celui de ses trois enfants.

De fait, le coût de la vie, des transports et du déménagement est prohibitif.

C’est pour Marie-Claude et pour Joël que je suis ici, mes chers collègues, rien que pour eux et toujours pour eux !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Le sujet est assez explosif, mes chers collègues.

La presse locale polynésienne titrait récemment : « Eureka ! Le Gouvernement retire l’article 55. » C’était écrit noir sur blanc. Malheureusement, nous y sommes.

Comme l’indiquait Annick Girardin, il y a des outre-mer.

Je tiens à témoigner des difficultés que nous rencontrons, dans mon territoire, à ramener nos enfants diplômés de métropole pour occuper des postes dans nos collectivités.

Mme Catherine Conconne applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Si nous souhaitons que l’on aide nos enfants à rentrer, encore faut-il que nos collectivités soient en mesure de s’organiser. Telle est bien la difficulté !

Je vous rappelle, mes chers collègues, que j’avais déposé une proposition de loi visant à supprimer l’indemnité d’éloignement des fonctionnaires de l’État affectés en Polynésie française, qui existe tout de même depuis 1958 – elle a donc l’âge de la Constitution ! En effet, une telle indemnité n’est pas prévue pour les fonctionnaires ultramarins qui viennent travailler en métropole.

Je ne veux pas mettre le feu aux poudres, mais j’estime que certaines dispositions peuvent être valables pour certains territoires et pas pour d’autres. Ma crainte est donc de voter un dispositif général qui risque de ne pas du tout nous aider.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La parole est à M. Frédéric Buval, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric BUVAL

L’article 55 a déjà suscité de nombreux débats à l’Assemblée nationale comme sur nos territoires, car il pose une question cruciale et politique sur l’avenir de nos territoires.

Si les dispositifs prévus à cet article ne concernent au sens strict que la continuité territoriale, c’est en fait la problématique plus transversale de l’attractivité de nos territoires qui doit guider nos votes, mes chers collègues.

J’avais d’ailleurs déposé un amendement, malheureusement déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, dont l’objet était de changer notre angle de réflexion, afin de passer d’une logique nationale uniforme à une vision plus différenciée et plus ciblée et, partant, de tenir compte des réalités différentes de chaque territoire et des populations qui, sur place, ont déjà du mal à s’insérer économiquement.

Chaque territoire a sa propre dynamique en matière d’emploi, d’aménagement du territoire, mais aussi en matière de logement, de transport, de santé, de qualité de vie, de sécurité ou d’éducation. Tels sont les éléments fondamentaux qui participent de l’attractivité d’un territoire, et qui, au-delà des souhaits de rapprochement familial, constituent les véritables critères dans les choix d’installation de chacun.

Je m’inscrirai donc pour ma part, en cohérence avec cette approche différenciée, dans la continuité des efforts effectués pour renforcer l’attractivité de la Martinique au regard de l’emploi par les exécutifs locaux, notamment la collectivité territoriale de Martinique, par les acteurs socioprofessionnels et les associations telles que l’association Alé Viré de ma collègue Catherine Conconne.

Je soutiendrai donc l’amendement de Catherine Conconne tendant à instaurer une approche décentralisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne CORBIÈRE NAMINZO

Si l’on en croit toutes les déclarations, l’article 55 vise à favoriser le retour au pays. Les dispositions dont nous discutons ne sont toutefois pas formulées ainsi, mes chers collègues.

Comme cela a été dit, le véritable sujet est l’attractivité de nos territoires. Un territoire attractif est un territoire dynamique, qui a des offres d’emploi et un équilibre économique correct.

Favoriser l’aide au retour suppose dans un premier temps de veiller à ce que les centres d’intérêts matériels et moraux soient en effet pris en compte et respectés, dès lors que nos compatriotes demandent une mutation afin de revenir dans un territoire d’outre-mer.

Cela suppose aussi, comme les élus le demandent depuis longtemps, que les zonages de gendarmerie et de police nationale soient revus, car cela aurait une incidence directe pour nos compatriotes qui travaillent dans les services publics de l’Hexagone.

Cela suppose enfin de prendre en compte – ce que l’article 55 ne fait pas – le taux de chômage de nos territoires ultramarins, celui-ci atteignant 18 % à La Réunion. La plupart de nos jeunes qui viennent dans l’Hexagone y sont poussés par la pauvreté, par l’injustice sociale et par le manque de possibilités d’études et de formations dans nos territoires.

Ce « deux poids, deux mesures » a fait partir les plus pauvres d’entre nous, et il fait revenir on ne sait pas qui.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE-Kanaky votera la suppression de l’article 55.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Je demande la parole, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

M. le président. Je regrette, mon cher collègue, mais vous avez déjà expliqué votre vote.

M. Victorin Lurel proteste.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Sophie Primas.