Intervention de Hélène Conway-Mouret

Réunion du 8 décembre 2023 à 9h30
Loi de finances pour 2024 — Action extérieure de l'état

Photo de Hélène Conway-MouretHélène Conway-Mouret :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France possède une empreinte territoriale dans le monde entier, grâce à l'ensemble du réseau diplomatique, consulaire, éducatif, culturel et économique qu'elle a bâti au fil du temps, héritage que nous avons le devoir de consolider.

Ce maillage et cette expérience confèrent à notre pays un avantage, dont peu disposent : celui d'être en mesure de déployer une politique complète et coordonnée au service de nos intérêts.

Or, si nous nous réjouissons de la hausse des moyens humains et financiers pour 2024, de nombreuses interrogations subsistent toutefois sur la manière dont sera assuré le renforcement de la place de la France dans le concert des nations, ainsi que sa capacité à agir.

En revenant sur les différents programmes qui composent la mission, j'évoquerai les améliorations que notre groupe juge indispensables pour donner corps à cette ambition de transformation de notre action diplomatique.

Notre réseau consulaire est le premier axe de cette ambition. Il est pour nos ressortissants et tous les étrangers ayant un lien avec la France le premier moyen d'accès à nos services publics.

Après avoir été le parent pauvre du budget du ministère en 2023, le programme bénéficiera d'une hausse de 17 % cette année, ce qui permettra un premier rattrapage. Ces crédits permettront notamment d'approfondir la modernisation de l'administration consulaire et d'achever le déploiement du service France Consulaire.

Cette plateforme de réponse aux appels des usagers ne saurait néanmoins être considérée comme un substitut à l'accueil physique, seul contact possible pour nombre d'entre eux.

Bien que nous puissions nous réjouir que ces effectifs connaissent, enfin, une augmentation, la création de 20 ETP reste en deçà des besoins, notamment pour les services d'état civil et des visas.

En effet, le délai de traitement des dossiers ne cesse de s'allonger, du fait de la recrudescence des demandes post-pandémie et de la dimension réduite des équipes, mais aussi de la prolifération d'officines privées, qui bloquent les créneaux de rendez-vous disponibles pour les revendre à des usagers désespérés de ne pas réussir à obtenir de rendez-vous. Cette crise des visas suscite une détérioration des conditions de travail des agents et une insatisfaction grandissante des demandeurs qui portent atteinte à l'image de la France à l'étranger.

L'envoi d'agents de renforts pour absorber le surplus d'activité et pallier le manque d'effectifs a permis de réduire les délais d'attente, mais ne représente en aucun cas une solution pérenne. C'est la raison pour laquelle mon groupe proposera d'accélérer les créations de postes au sein du réseau consulaire.

Nous tenterons également de combler plusieurs lacunes de ce budget.

Tout d'abord, le montant alloué aux aides sociales est simplement reconduit, alors même que l'inflation mondiale et la dévalorisation du cours de l'euro, sur lequel reposent les allocations, perdurent dans de nombreux pays. Au regard des besoins observés sur le terrain, mon groupe proposera le rehaussement de cette enveloppe.

Ensuite, l'augmentation de 13, 6 millions d'euros des crédits alloués aux bourses scolaires, présentée comme étant significative, n'est en fait qu'un trompe-l'œil. En effet, en tenant compte du dégel de la réserve de l'ordre de 5 %, l'enveloppe de 118 millions d'euros se révèle inférieure à celle de l'année dernière, qui était pourtant déjà insuffisante.

Par ailleurs, mon groupe fera plusieurs propositions pour permettre à toutes les familles françaises de continuer à scolariser leurs enfants, malgré la hausse des frais d'écolage.

En outre, des interrogations subsistent sur les modalités d'exécution du pass éducation, nouvellement doté d'un million d'euros. Qui seront, madame la ministre, les pays retenus pour l'expérimentation et les prestataires éligibles ?

Enfin, le soutien à la Caisse des Français de l'étranger, unique caisse de sécurité sociale pour les non-résidents, est un impensé de ce budget. Elle se retrouve seule pour assurer la mission de service public que lui a confié l'État, puisque son concours au financement de la catégorie aidée est passé de 50 % à 10 %.

Compte tenu des difficultés financières que rencontre cet organisme essentiel pour des milliers de nos compatriotes, en particulier hors de l'Union européenne, mon groupe demandera un réengagement fort de la part de l'État en faveur de cette caisse.

Le deuxième axe de l'ambition de transformation de notre action diplomatique repose sur notre réseau diplomatique, dont l'augmentation du budget de 8, 7 % et l'accroissement des effectifs de 110 ETP supplémentaires ont pour ambition de compenser les économies réalisées précédemment. Ces moyens serviront à la remise à niveau du réseau – c'est heureux –, que nous sollicitons chaque année lors du débat budgétaire.

Nous serons toutefois vigilants sur deux points.

Premièrement, si le centre de crise et de soutien du ministère voit son budget augmenter de 450 000 euros, ce qui lui permettra de recruter environ 5 ETP, nous observons une multiplication et une intensification des crises dans lesquelles son intervention est cruciale pour protéger nos ressortissants. Nous espérons donc que ces moyens seront suffisants pour faire face aux crises à venir.

Deuxièmement, la coopération en matière de sécurité et de défense, qui passe essentiellement par la formation grâce à l'envoi de coopérants issus des armées, de la gendarmerie, de la police et des douanes, semble sous-estimée. Pourtant, j'ai observé à Djibouti et en Mauritanie que la demande de coopération avec la France, qui dispose d'un réel savoir-faire, est toujours forte. Là encore, nous espérons que vos estimations permettront d'atteindre l'objectif d'accroître l'offre de formation de 40 %.

Pour finir, le troisième pilier repose sur la diplomatie culturelle et d'influence, qui détermine notre capacité à faire vivre le modèle français et européen que nous défendons, dans un monde où nos compétiteurs tentent d'imposer par tous les canaux, sinon par la force, leur propre vision du monde.

La France possède des atouts majeurs qu'elle doit entretenir. Elle dispose d'abord du premier réseau culturel au monde. Nos Alliances et Instituts français bénéficieront d'un soutien dont je ne peux que me réjouir après l'avoir réclamé chaque année, au travers d'un amendement similaire, qui est satisfait cette année.

Elle dispose aussi du premier réseau éducatif au monde, grâce à son maillage d'établissements d'enseignement du français. Toutefois, l'ambition de notre pays de doubler le nombre d'élèves à l'horizon de 2030 ne s'accompagne toujours pas des moyens à la hauteur de l'objectif, comme l'ont rappelé certains orateurs précédents.

L'augmentation de 8 millions d'euros de la subvention pour charges de service public de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ne se traduira pas en réalité par un accroissement de ses moyens.

Pour absorber les surcoûts liés à la réforme du statut des personnels détachés pour 15 millions d'euros, à la hausse du point d'indice pour 7 millions d'euros et aux conséquences de l'inflation pour 7, 6 millions d'euros, l'Agence sera contrainte d'augmenter les contributions des établissements, ce qui se traduira mécaniquement par une hausse des droits de scolarité pour les familles.

Par ailleurs, la question du financement des projets immobiliers des établissements en gestion directe, estimés à près de 200 millions d'euros, n'est toujours pas résolue, ce qui entrave le développement du réseau et nuit fortement à l'attractivité de notre offre éducative.

Il devient donc urgent d'apporter une solution pérenne, telle que l'inscription d'une subvention pour charges d'investissement au sein du programme, dès le prochain projet de loi de finances.

Je tiens d'ailleurs à vous faire part de notre satisfaction, même si elle est relative, car nous ne souhaitons pas qu'on y trouve prétexte au rejet de certains de nos amendements, s'agissant du maintien de l'article 50 A, qui prévoit la remise d'un rapport gouvernemental sur les capacités d'emprunt de l'Agence.

La France jouit aussi d'une forte attractivité en matière d'enseignement supérieur, mise au défi par des pays qui ont parfaitement compris que les étudiants étrangers sont leurs meilleurs ambassadeurs lors de leur retour dans leur pays d'origine et qui développent des stratégies offensives pour les attirer, alors que la France décroche.

L'augmentation de 6 millions d'euros de l'enveloppe allouée aux bourses d'études est nécessaire, mais sera-t-elle suffisante pour atteindre l'objectif de doublement de ces bourses à l'horizon de 2030, fixé dans le cadre de la stratégie Bienvenue en France ?

Enfin, la situation financière de Campus France, en déficit de 1, 7 million d'euros, représente un angle mort de ce budget, que mon groupe tentera de combler.

En conclusion, alors que nous pourrions nous réjouir que le PLF 2024 prévoie une augmentation importante des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », Mme la rapporteure spéciale de la mission défendra un amendement visant à réduire ses crédits de 30 millions d'euros.

Au regard de l'ensemble des considérations que je viens de développer devant vous, l'adoption de cet amendement par notre assemblée conduirait notre groupe à s'abstenir sur les crédits de cette mission. En revanche, nous les voterions s'il était rejeté.

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