Intervention de Catherine Colonna

Réunion du 8 décembre 2023 à 9h30
Loi de finances pour 2024 — Action extérieure de l'état

Catherine Colonna, ministre :

Dans ce monde, nos intérêts, politiques ou économiques, sont partout contestés. Des menaces visent nos ressortissants et nos emprises. Elles se déploient aussi dans le champ numérique ou informationnel, où nous sommes la cible d'opérations de propagande et de désinformation.

Dans cet environnement géopolitique durablement dégradé, la diplomatie est plus que jamais nécessaire. Pour faire face, nous devons la réarmer. Le budget qui vous est soumis permet précisément de poursuivre le réarmement de la mission « Action extérieure de l'État ».

En 2024, ses crédits devraient en effet atteindre 3 344 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 11 %, soit 293 millions d'euros, par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 ; du jamais vu, me semble-t-il, depuis 2005.

Alors que, à l'exception de cette année 2023, nos effectifs n'avaient cessé de baisser au cours des trois dernières décennies, je veux insister sur la hausse prévue dans ce projet de loi de finances. Celle-ci nous permettra de disposer de 165 ETP supplémentaires, qui s'ajouteraient aux 106 ETP déjà obtenus en 2023. La répartition de ces nouveaux effectifs concernera très majoritairement la mission « Action extérieure de l'État », prioritairement à l'étranger.

Cette croissance des effectifs, pour la seconde année consécutive et avec en outre des perspectives favorables pour les budgets 2025, 2026 et 2027, a entraîné un très net changement d'état d'esprit chez nos agents. Motivés par des perspectives de carrière plus claires, ils sont aussi plus confiants dans leur avenir. Ce n'est pas anodin, à l'heure où les crises s'accumulent, et alors que nous avons besoin de toutes nos ressources.

Une partie de ces nouveaux ETP sera consacrée à l'amélioration des méthodes et outils de travail, ainsi qu'au programme de transformation de mon ministère, que j'ai décidé en juin dernier, dans le prolongement des États généraux de la diplomatie et en application des orientations fixées par le Président de la République le 16 mars dernier.

Preuve que l'augmentation de nos effectifs n'est pas incompatible avec une gestion dynamique des ressources humaines, nous continuerons de redéployer des ambassades et services où la pression est moindre vers de nouvelles priorités géographiques ou sectorielles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce aux moyens de la mission « Action extérieure de l'État », nous pourrons nous concentrer sur quatre grandes priorités.

Premièrement, nous porterons nos efforts sur les fonctions politiques.

Le programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », verra ses crédits augmenter de 13 %, ce qui nous permettra de financer la nécessaire modernisation de nos outils numériques, mais aussi l'entretien et le verdissement de notre exceptionnel patrimoine immobilier. Cela va de pair avec l'universalité de notre réseau, que nous avons fait le choix, courageux, de conserver. En 2024, l'ambassade de Canberra sera ainsi la première ambassade à énergie positive de notre réseau.

Cette hausse des moyens du programme 105 permettra aussi le renforcement de services essentiels, mais parfois insuffisamment dotés – ainsi, souvent, de nos chancelleries politiques –, ou encore la consolidation de nos 25 postes de présence diplomatiques (PPD).

Ces moyens nous permettront également de renforcer notre présence dans le Pacifique, avec l'ouverture d'une nouvelle ambassade aux Samoa, comme cela a été annoncé lors de la tournée du Président de la République à la fin du mois de juillet dernier.

Le programme 105 consacrera, en outre, 928 millions d'euros aux contributions internationales et aux opérations de maintien de la paix, soit une augmentation de 97 millions par rapport à 2023. C'est indispensable si nous voulons peser et agir.

Deuxièmement, nous attacherons une importance particulière à l'influence. Le programme 185, « Diplomatie culturelle et d'influence » verrait ses crédits croître de 8 %, pour s'établir à 721 millions d'euros.

Cette politique d'influence se structure autour de deux grands axes : d'une part, le développement d'un nouveau partenariat solidaire avec le continent africain, et, d'autre part, la consolidation de notre attractivité dans les autres zones prioritaires, particulièrement dans l'Indopacifique.

Les établissements à autonomie financière, principalement les instituts français et les instituts français de recherche à l'étranger, disposeront de 8, 2 millions d'euros de plus qu'en 2023.

De même, les crédits alloués au réseau des alliances françaises, qui sont un instrument peu coûteux, mais très apprécié au service de notre rayonnement, augmenteront de 1, 5 million d'euros, soit une hausse de 20 %.

Enfin, une hausse des crédits d'intervention de 24 millions d'euros permettra de renforcer notre réseau culturel et de coopération dans les zones géographiques prioritaires, le réseau ayant beaucoup souffert des coupes budgétaires répétées de ces dernières années.

Dans un contexte de compétition internationale accrue, la politique d'attractivité étudiante fera en outre l'objet d'un investissement important.

Les crédits alloués aux bourses pour les étudiants étrangers seront ainsi augmentés de 9 % pour être portés à 70 millions d'euros, soit 6 millions d'euros de plus par rapport à 2023. Nous voulons notamment attirer les profils les plus performants et ajouter ainsi un objectif qualitatif à notre objectif chiffré d'accueillir 500 000 étudiants étrangers en 2027. Ce dernier me semble atteignable, puisque nous en avons accueilli 403 000 lors de la dernière rentrée.

Troisièmement, nous voulons renforcer notre action en matière de communication et de diplomatie publique.

L'augmentation des crédits consacrés à la communication et à la presse sera ainsi de 2, 2 millions d'euros. Elle vise à accroître le rôle du ministère dans le pilotage de la communication de la France à l'étranger, ainsi que les capacités de nos ambassades dans les zones géographiques prioritaires, comme l'Afrique et l'Indopacifique.

Nous souhaitons en effet doter le ministère d'une nouvelle culture de la communication stratégique, selon deux axes principaux : d'une part, la dynamisation et le renforcement de notre présence sur les réseaux sociaux et les médias pour toucher de nouveaux publics ; d'autre part, le renforcement de nos capacités de lutte contre les manipulations et le développement de nos capacités de veille sur les réseaux sociaux.

Enfin, une enveloppe de 600 000 euros est prévue au titre des jeux Olympiques et Paralympiques, afin d'activer un programme spécifique d'invitation de journalistes en vue de cet événement dont la réussite est un enjeu majeur pour notre pays.

Quatrièmement, nous continuerons d'agir en faveur des Français de l'étranger.

Le programme 151, « Français à l'étranger et affaires consulaires », bénéficiera d'une trentaine d'ETP supplémentaires en 2024 et verra ses crédits hors dépenses de personnel croître de 24 millions d'euros par rapport à 2023, soit une hausse de 17 %, pour atteindre un montant de 165 millions d'euros.

Les crédits consacrés à l'accès des élèves français au réseau scolaire de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et à la langue française s'élèveront à un peu plus de 120 millions d'euros en 2024, soit une hausse de 14, 8 millions d'euros par rapport à 2023.

Cette enveloppe permettra de financer à hauteur de 118 millions d'euros les bourses des enfants français dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger et ainsi, d'aider les familles à faire face à l'accroissement des frais de scolarité. De plus, 1, 5 million d'euros seront alloués aux élèves en situation de handicap.

Je saisis cette occasion pour confirmer nos objectifs ambitieux pour le développement de l'enseignement français à l'étranger, au sein de l'AEFE, mais aussi au travers de partenariats. À cette fin, nous redoublerons d'efforts.

Par ailleurs, l'instauration du « pass éducation langue française » annoncé par le Président de la République sera financé à hauteur de 1 million d'euros. Il s'agit de permettre aux enfants de nos compatriotes scolarisés localement qui en ont besoin de se remettre à niveau.

Enfin, les crédits alloués au service public consulaire, ainsi qu'à la modernisation de l'administration consulaire, augmenteront de 2, 8 millions d'euros, afin d'améliorer la qualité des services rendus aux Français de l'étranger. Je pense notamment à la poursuite du déploiement du service France Consulaire, à la mise en œuvre du vote électronique ou encore à la finalisation du registre d'état civil électronique.

Tous ces chantiers fonctionnent, me semble-t-il, à la satisfaction générale, et continuent de faire l'objet de notre attention dans le cadre des politiques prioritaires. D'ailleurs, je vous remercie de vos commentaires positifs sur France consulaire. Ce service est d'ores et déjà un succès. Il améliore l'accueil physique dans nos consulats, en libérant du temps disponible à cette fin pour nos agents.

C'est avec la même détermination que nous lutterons contre les officines que vous avez mentionnées, pour un meilleur service public accessible à tous.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les grands axes du budget qui sera consacré à la mission « Action extérieure de l'État », si votre Assemblée l'adopte. Ce budget nous permettra d'affirmer nos principes, nos intérêts et nos solidarités, dans un monde où cela est plus nécessaire que jamais.

Il contribuera à faire de la France un partenaire de confiance dans la résolution des crises internationales, mais aussi une puissance pionnière sur les enjeux globaux, tout en renforçant, évidemment, son rôle moteur de l'Europe, laquelle demeure notre meilleur levier de puissance.

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