Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens en mon nom et en celui de ma collègue Muriel Jourda, également rapporteur pour avis de la commission des lois, qui ne peut être présente aujourd’hui.
Madame la secrétaire d’État, le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est un peu le rocher de Sisyphe du Gouvernement.
Nos conclusions sont toujours à peu près les mêmes, puisque nous émettons cette année encore un avis défavorable sur les crédits de cette mission, tout en mesurant les difficultés de l’exercice.
En matière de lutte contre l’immigration irrégulière, les résultats ne sont pas brillants, chacun le sait. On constate un découplage croissant entre le nombre des mesures d’éloignement prononcées et le nombre des mesures d’éloignement exécutées. Nous savons que, malgré l’augmentation des capacités d’accueil et d’hébergement, nous sommes encore loin de répondre aux besoins.
Plus généralement, toutes les procédures d’éloignement sont soit trop lentes, soit insuffisantes.
Les résultats ne sont pas beaucoup plus brillants en matière d’asile.
L’effort est pourtant considérable pour ce qui est de l’Ofpra, qui voit ses moyens augmenter. Désormais, le traitement des demandes d’asile est plus rapide en France que dans les autres pays européens – l’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs, du moins dans le cas d’espèce.
Malgré tout, il s’agit de résultats très fragiles, puisque, comme vient de le rappeler Mme la rapporteure spéciale, en raison de l’augmentation importante des flux migratoires, les délais de traitement des demandes s’accroissent de nouveau.
Par ailleurs, les hypothèses du Gouvernement nous semblent optimistes en ce qui concerne le montant de la dotation au titre de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA). L’exécutif prévoit une baisse du nombre d’allocations, car il espère une diminution des délais de traitement des demandes par l’Ofpra. Nous craignons, pour notre part, que ces prévisions ne se réalisent pas.
De tels résultats en demi-teinte sont aussi à déplorer en matière d’intégration.
Nous considérons que le récent renforcement des services des étrangers en préfecture est pertinent, tout en soulignant que cette initiative était attendue de tous ceux qui veulent réellement faciliter les prises de rendez-vous et, plus généralement, améliorer notre politique d’intégration.
Cela étant, le renforcement de ces services passe par un recours massif à des contractuels, lesquels n’ont pas forcément la connaissance et la technicité nécessaires.
En outre, nous sommes en désaccord avec votre administration – davantage qu’avec le ministre de l’intérieur et vous-même, madame la secrétaire d’État –, qui peine à lâcher le contrôle dont elle a la charge au travers de la délivrance et du renouvellement des quelque 180 types de titres de séjour, pour lesquels les conditions d’octroi sont à chaque fois différentes.
Cette grande variété des titres de séjour a pour inconvénient de rendre l’application des dispositions extrêmement complexe et de rendre encore plus aléatoire l’expérimentation d’une instruction « à 360 degrés » – comme on la nomme – des demandes de titres de séjour.
Je le redis, la question des titres de séjour a vocation à être réexaminée.
Les difficultés que rencontrent les services des étrangers en préfecture touchent également l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), qui est plus particulièrement chargé d’une mission d’intégration des étrangers.
J’en veux pour preuve, et je me contenterai de cette seule donnée qui est la dernière disponible, le taux de rotation de son personnel. Celui-ci est d’environ 37 %, ce qui signifie que la totalité de ses effectifs est renouvelée en l’espace de trois ans. Dans ces conditions, il est difficile pour les agents de l’Ofii d’acquérir des compétences spécialisées dans des métiers qui ont pourtant du sens et sont essentiels.
C’est dire si nous allons de déception en déception. Voilà aussi pourquoi, quels que soient les efforts réalisés, nous voterons contre le budget de cette mission.
Je termine mon propos en évoquant un sujet rarement abordé, celui des accords internationaux conclus entre la France et certains pays d’émigration, en particulier les accords franco-algériens de 1968, 1985, 1994 et 2001, sujet auquel nous avons consacré tout un chapitre dans notre avis budgétaire.
À cet égard, il nous faudra – c’est notre souhait – entrer beaucoup plus dans le détail, car il est difficile, dans de si brefs délais, de se faire une idée vraiment définitive de la pertinence de ces conventions internationales pour notre pays.
Pour ne prendre que cet exemple, les accords internationaux entre la France et les pays d’Afrique de l’Ouest, signés sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ont un périmètre et des effets extrêmement variables.
À cette heure, la France est partie à plus de 110 accords internationaux avec des pays d’émigration. Pour ce qui est des accords franco-algériens, certains éléments nous paraissent indiscutablement pertinents, quand d’autres le sont moins.
Ces accords créent un statut spécial plutôt favorable aux ressortissants algériens en termes d’accès aux titres de séjour, de séjour et de circulation. À l’inverse, ils sont moins en leur faveur dans certains domaines : je pense en particulier à l’absence d’accès aux titres de séjour pluriannuels et de procédure de type passeport talent.
Il reste un impensé sur les questions pénales. Les binationaux sont nombreux ; or, l’Algérie n’extradant pas ses ressortissants, il est impossible d’extrader et de mettre à exécution les mandats d’arrêt adressés à des franco-algériens qui seraient par exemple impliqués dans des affaires de trafic de stupéfiants.
Voilà présentées très succinctement les observations que je souhaitais formuler. Si le temps dont je disposais avait été plus long, j’aurais volontiers évoqué le travail conduit par la commission des lois de l’Assemblée nationale en matière d’immigration, mais j’aurai évidemment d’autres occasions de le faire.