Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quelques semaines après la discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, l’examen de cette mission nous offre l’occasion de voir comment le Gouvernement entend accompagner budgétairement ses politiques d’asile et d’immigration.
Pas de surprise ! Ce budget traduit la bascule de l’exécutif vers une vision sécuritaire des mouvements migratoires.
Cette dérive, au-delà de son aspect idéologique, se fait au détriment d’un meilleur accompagnement des nouveaux arrivants, au détriment de leur accès aux droits, au détriment de l’intégration que ce gouvernement avait annoncé défendre.
J’ai eu l’occasion de le répéter, les coupes budgétaires sur l’allocation pour demandeur d’asile sont, à cet égard, très révélatrices et très préjudiciables.
À la baisse de 36 % votée l’année dernière, qui avait été fallacieusement justifiée par le changement à venir en 2023 des règles applicables à l’exercice du droit d’asile – changement qui, du reste, n’a pas eu lieu –, s’ajoute cette année une diminution de 10 %.
Comment penser l’intégration sans l’autonomie, sans moyens pour se loger, pour se déplacer, pour se soigner, pour se nourrir, pour s’éduquer ? C’est absurde !
La priorité du Gouvernement reste la lutte contre l’immigration irrégulière. Dont acte !
Mais cette politique repose sur une jambe : l’augmentation, encore et toujours, des places en centre de rétention administrative, cette rétention administrative qui s’apparente de plus en plus à une détention et que la loi continue d’admettre pour les enfants, en dépit de neuf condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Les millions alloués à la multiplication du nombre de placements en rétention, alors que des éloignements ne sont pas matériellement possibles et que les obligations de quitter le territoire français (OQTF) pullulent sans effet, traduisent toute l’absurdité de cette politique d’immigration et le manque de discernement qui l’anime.
Une petite lumière isolée, cependant, scintille, j’ai nommé le début de commencement de prise en compte des problématiques de l’hébergement.
Je rappelle souvent au Gouvernement la promesse faite par le Président de la République à Orléans en juillet 2017 : « Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des hommes et des femmes dans les rues, dans les bois. Je veux partout des hébergements d’urgence. »
Promesse non tenue ! Paroles, encore et toujours !
Les chiffres disponibles concernant l’hébergement font état de la création de 1 000 places en 2024 – 500 dans des centres d’accueil pour demandeurs d’asile et 500 dans des centres d’accueil et d’examen des situations –, ce qui demeure insuffisant.
En 2024, de nombreux demandeurs d’asile continueront par conséquent de solliciter un hébergement en dehors des structures d’accueil, notamment au sein des structures d’hébergement d’urgence de droit commun, qui sont déjà saturées, nous le savons tous.
Autrement dit, le Gouvernement continue d’organiser la désorganisation.
Il organise les défaillances de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), qui manque de moyens et de personnel, et – en même temps – argue de délais de réponse trop longs pour justifier la réflexion sur une modification des règles de droit susceptible de limiter les recours.
Il accroît l’aspect sécuritaire de la politique migratoire et – en même temps – rend plus difficiles les prises de rendez-vous en préfecture pour l’obtention de titres de séjour.
À cet égard, je le rappelle, le tribunal administratif de Paris a condamné l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) et la préfecture pour la mauvaise gestion de la plateforme téléphonique de prise de rendez-vous destinée aux demandeurs d’asile. Il leur a en outre intimé l’ordre de rendre son numéro gratuit et de mettre en œuvre des mesures afin qu’il soit répondu plus rapidement aux appels.
Où sont les crédits correspondants ? Où sont les crédits permettant de mobiliser un nombre suffisant de personnes pour répondre aux demandeurs d’asile ?
Ces délais et ces défaillances ont d’ailleurs été bien perçus, je le reconnais, par la majorité sénatoriale, qui évoque une « procédure longue et complexifiée par de nombreux aléas techniques – dysfonctionnement du site TLS contact, peu de rendez-vous disponibles, etc. – » et a donc décidé de changer les règles, mais – attention ! – seulement pour les citoyens anglais propriétaires en France !
Aurait-on là une immigration censitaire ?
L’obsession sécuritaire du Gouvernement perdure donc ! Elle en deviendrait presque caricaturale si ses conséquences n’étaient pas si dramatiques.
Entre 2017 et 2021, l’action « Lutte contre l’immigration irrégulière » a connu une trajectoire budgétaire impressionnante, avec une augmentation de 68, 1 % de ses crédits, à mettre en regard de la baisse significative des crédits de l’intégration, –24 % sur la même période.
Moins d’intégrations réussies, mais sans davantage de réussite pour autant face à l’immigration irrégulière, c’est révoltant !
La situation exigeait un budget reflétant une vision humaine et réaliste des questions liées à l’asile et à l’immigration – accompagnement, effectivité de l’accès aux droits, intégration.
Or c’est loin d’être le cas ! C’est même l’inverse.
Aussi notre groupe ne votera-t-il pas ce budget cauchemardesque.