Intervention de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

Réunion du 4 décembre 2023 à 10h00
Loi de finances pour 2024 — Compte d'affectation spéciale : financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale

Photo de Marie-Claire CARRÈRE-GÉEMarie-Claire CARRÈRE-GÉE :

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, en préambule, je vous prie d’excuser l’absence de mon corapporteur Hervé Maurey.

Mes premiers mots s’adresseront aux ministres. Nous attendrons d’eux, au cours de ce débat, un engagement ferme sur une date précise concernant la révision par le Parlement de la loi d’orientation des mobilités, qui aurait dû intervenir en juin dernier. Nous le savons tous : il faut décarboner et développer les transports collectifs ; or cela coûte très cher et nous évoluons sous très forte contrainte financière. Il est donc impératif que le Parlement débatte rapidement d’un volume d’investissement et d’une programmation pour les années qui viennent.

L’engagement de la Première ministre à reprendre le scénario central du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), soit 26 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2027, est certes louable, mais il ne saurait se substituer à une délibération du Parlement.

Nous observons avec satisfaction que, pour 2024, le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) intègre ces enjeux de décarbonation. Ses ressources devraient augmenter de 800 millions d’euros et ses dépenses pourraient atteindre 4, 6 milliards d’euros.

Permettez-moi cependant de mettre l’accent sur plusieurs points qui nous posent question.

Qui paiera les besoins de régénération et de modernisation du réseau ferroviaire ? Nous avons bien entendu la Première ministre reprendre à son compte, à la suite du COI, les propositions formulées dès mars 2022 par Hervé Maurey et Stéphane Sautarel dans leur rapport d’information sur la situation financière de la SNCF.

Mme Borne a en effet annoncé que, d’ici à 2027, les dépenses de régénération et de modernisation du réseau augmenteraient de 1, 5 milliard d’euros par an.

Pour autant, les zones d’ombre restent nombreuses.

Premièrement, pour 2024, la hausse significative des crédits du programme 203 s’explique principalement par l’augmentation de la contribution de SNCF Voyageurs. Nous redoutons – vous le démentirez sans doute, madame, messieurs les ministres – de voir l’État demander à la SNCF de financer seule les si lourds investissements qui doivent être engagés pour les années à venir. Un tel choix présenterait plusieurs risques, à supposer, d’ailleurs, que la SNCF elle-même puisse en supporter le coût.

Cela pèserait sur les investissements que doit lancer SNCF Voyageurs pour développer l’offre, ce que nous ne souhaitons pas ; cela alimenterait l’inflation des prix des billets, ce que nous ne souhaitons pas plus ; cela serait antinomique de l’ouverture à la concurrence, car SNCF Voyageurs se trouverait lestée d’un lourd handicap face à ses concurrents.

Le deuxième point de vigilance de la commission concerne la spirale de dégradation dans laquelle est engagé le réseau routier national non concédé. Un audit de 2018 chiffrait à au moins 1 milliard d’euros d’investissements annuels, soit l’équivalent de 1, 2 milliard d’euros actuels, les crédits nécessaires pour enrayer cette dégradation.

Or, pour 2024, la somme qui y est consacrée devrait atteindre tout juste 1 milliard d’euros, ce qui est trop juste.

Troisième point de préoccupation : en juillet dernier, notre mission d’information sur les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) a dressé un constat très précis du besoin de financement des mobilités du quotidien. Vous en avez tenu compte en ce qui concerne Île-de-France Mobilités (IDFM), qui se trouve dans une situation très particulière grâce au protocole de financement conclu avec la région, lequel trouve sa traduction aux articles 27 bis et 27 ter du PLF, que nous avons adoptés.

Toutefois, vous continuez d’ignorer les AOM locales, métropolitaines et régionales.

C’est pourquoi nous avons adopté un amendement visant à leur affecter une nouvelle ressource, pérenne dès 2024 : une fraction des 250 millions d’euros du produit de la mise aux enchères des quotas carbone.

En comparaison avec une augmentation du versement mobilité (VM), cette mesure présente l’avantage de ne pas favoriser les seules AOM bien dotées en base fiscale et d’apporter enfin une solution au problème de la mobilité en zone rurale, grande oubliée du financement des transports du quotidien.

Notre quatrième point de vigilance a trait au fret. La Commission européenne a lancé une enquête sur les aides publiques octroyées à la société Fret SNCF. Pour éviter le scénario catastrophe d’un remboursement contraint de 5 milliards d’euros assorti du paiement d’une amende, le Gouvernement a proposé un plan de discontinuité qui se révèle assez douloureux.

Nous souhaitons, madame, messieurs les ministres, partager avec vous notre vive préoccupation devant l’approche qu’a faite sienne la Commission européenne : elle nous paraît caricaturale et contradictoire avec l’objectif de doublement de la part modale du fret ferroviaire.

Ce secteur est en effet structurellement déficitaire, non seulement en France, mais aussi et plus généralement en Europe ; en outre, les seuls concurrents réels de Fret SNCF sont des sociétés elles-mêmes issues d’autres opérateurs historiques européens. C’est paradoxal !

Enfin, il semble que le plan de discontinuité conduise Fret SNCF à abandonner les segments les plus rentables, ou les moins déficitaires, du marché ; mais le Gouvernement nous éclairera sur ce point.

Mes chers collègues, madame, messieurs les ministres, je vous renvoie pour conclure à notre rapport en ce qui concerne l’analyse des crédits du programme 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture ». Je me contente d’observer ici – nous en parlerons en détail lors de l’examen des amendements – que, si l’on met de côté les phénomènes de report de crédits ainsi que quelques ajustements et évolutions ponctuels, lesdits crédits seront relativement stables en 2024.

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