Intervention de Didier Mandelli

Réunion du 4 décembre 2023 à 14h30
Loi de finances pour 2024 — Compte d'affectation spéciale : financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale

Photo de Didier MandelliDidier Mandelli :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen de cette mission intervient en pleine COP28. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable n’a pas souhaité s’y rendre, préférant échanger avant la conférence avec la ministre Mme Pannier-Runacher sur la position de la France, puis auditionner – ce sera mercredi prochain – notre ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique, Stéphane Crouzat.

L’urgence climatique impose une révolution culturelle, c’est-à-dire une mutation plus qu’une transition. Nous allons devoir accomplir en dix ans ce que nous n’avons pas réussi en trente ans. Cette transformation d’ampleur de nos comportements, de nos modes de production et de nos modes de consommation implique des investissements considérables et a un coût économique et social.

Nos politiques publiques devront accompagner nos concitoyens pour que personne ni aucun territoire ne soit oublié. Pour un État fortement endetté comme la France, dont la société est fracturée ou en cours de fracturation, l’équation est compliquée et douloureuse ; mais le coût de l’inaction serait bien plus important.

La mission « Écologie, développement et mobilité durables » que nous examinons aujourd’hui retranscrit les mesures mises en place par la France pour s’adapter à cette urgence climatique ; il s’agit donc d’une mission aux multiples défis. Elle comporte pas moins de neuf programmes concourant à la mise en œuvre de politiques publiques nombreuses – transport, énergie, protection de l’environnement et de la biodiversité, lutte contre les pollutions, prévention des risques naturels et technologiques.

Pour réaliser son ambition d’accélérer la transition écologique et énergétique, le Gouvernement a défini trois priorités : réussir à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2030 ; accélérer la préservation et la restauration de la biodiversité ; assurer notre souveraineté énergétique.

Pour y parvenir, il consacre à la présente mission budgétaire 39, 7 milliards d’euros de crédits, soit une augmentation d’environ 7 milliards d’euros par rapport à 2023. S’il faut évidemment saluer cette hausse inédite en faveur de la transition écologique, ce budget n’est encore une fois pas à la hauteur des enjeux. Mes collègues ont déjà cité à plusieurs reprises le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz sur les incidences économiques de l’action pour le climat ; les besoins d’investissement supplémentaires nets y sont évalués à 67 milliards d’euros, dont 25 milliards à 34 milliards d’euros pour l’État et les collectivités locales, à l’horizon 2030. Or nous sommes déjà en 2024 : il reste six ans pour atteindre cet objectif. Cela ne sera possible qu’à condition d’investir chaque année entre 5 milliards et 6 milliards d’euros supplémentaires.

Ce budget contient plusieurs mesures qui vont dans le bon sens. Je tiens tout particulièrement à saluer la hausse des effectifs en faveur de la transition écologique. On se souvient que la Cour des comptes, dans son analyse du budget de l’État en 2022, pointait la combinaison d’une baisse du nombre d’emplois et d’une augmentation des dépenses de personnel due à la hausse du point d’indice. Quant au budget voté l’année dernière, il prévoyait une hausse d’effectifs… nulle, si je puis dire.

Pour la première fois depuis des années, le projet de budget qui nous est présenté prévoit donc une augmentation des effectifs dont bénéficient principalement l’Office français de la biodiversité et l’Ademe.

Les crédits de paiement du programme 380, autrement dit du fonds vert, passent de 500 millions à un peu plus de 1 milliard d’euros. Cette augmentation semble plus conforme aux besoins que les dotations précédentes, bien que le dispositif reste sous-dimensionné et peu transparent. Le fonds vert devait pourtant être aux mains des élus locaux ; il ne l’est toujours pas…

L’année dernière, certains documents concernant ce programme avaient été communiqués très tardivement à notre rapporteure spéciale Christine Lavarde. Cette année, la répartition des crédits au sein des trois actions du programme est manquante. Le ministère s’est montré à plusieurs reprises incapable de répondre aux demandes des différents rapporteurs, ce qui témoigne à mon sens d’une certaine impréparation.

Ce projet de budget acte en outre plusieurs aides conjoncturelles, dont certaines demeurent mal cadrées. J’en veux pour exemple le chèque énergie. Dans son rapport d’information de juin 2023, Christine Lavarde dénonçait « l’usine à gaz des aides énergie » et appelait à une réforme en profondeur du chèque énergie.

Quant au dispositif MaPrimeRénov’, si sa refonte en deux parcours est une première étape, il doit encore gagner en efficacité. Il faut continuer l’œuvre de simplification et agir contre la fraude.

Hormis ces aides, le présent budget ne contient malheureusement aucune grande réforme structurelle : fait défaut une vision de long terme.

Premier exemple, nous savons depuis plusieurs années que le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles est en danger. Ainsi que l’a souligné la rapporteure spéciale Christine Lavarde, que je cite pour la troisième fois, la fréquence et l’intensité accrues des catastrophes naturelles vont exposer l’équilibre financier du régime à des tensions toujours croissantes. À l’évidence, les sommes allouées cette année ne permettront pas de satisfaire les besoins.

Quant au risque de retrait-gonflement des argiles, on sait que la notion de cumul de phénomènes de sécheresse est mal ou n’est pas prise en compte – je vous renvoie au rapport d’information sénatorial qui a été publié sur le sujet.

En tout état de cause, les récentes inondations ont mis en lumière la nécessité d’aller encore plus loin dans la simplification des demandes de reconnaissance de catastrophe naturelle.

Pour ce qui est – deuxième exemple – de la prévention des risques technologiques ou encore du risque inondation, notre collègue rapporteur pour avis Pascal Martin a parfaitement mis en lumière la nécessité de faire évoluer les dispositifs en vigueur.

Troisième exemple, le budget proposé renforce certes les moyens alloués aux infrastructures de transport, mais, comme l’a relevé très justement notre collègue rapporteur pour avis Philippe Tabarot, il ne traduit pas les engagements de Mme la Première ministre en matière ferroviaire.

Plus grave encore, on n’y trouve aucune stratégie de modernisation du réseau.

En matière de transport, la transition écologique ne peut se résumer à taxer les véhicules polluants. Certes, je caricature à dessein, mais leur interdire l’accès à certaines parties du territoire et accorder une prime à l’achat de véhicules propres sont des mesures qui restent bien en deçà des besoins. Les transports aérien, routier, fluvial et maritime méritent aussi notre attention.

Si le projet de budget qui nous est soumis peut encore gagner en efficacité, il acte cependant une dynamique assez forte que nous ne pouvons que soutenir. Avec les réserves que je viens d’exprimer, le groupe Les Républicains votera les crédits de cette mission.

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