Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, visiblement, il y a loin de la coupe aux lèvres, si je peux me permettre cette expression. Pourtant, nous sommes, comme vous, messieurs les ministres, assoiffés de transition écologique soutenable et souveraine, faisant toute sa place, essentielle, aux collectivités territoriales.
Je concentrerai l’essentiel de mon propos au volet transports de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Tous les constats sont partagés, les propositions le sont aussi assez largement, au moins dans le domaine du ferroviaire. Or cela ne se traduit pas véritablement dans les PLF successifs qui nous sont présentés.
Je veux notamment me référer au rapport de contrôle que mon collègue Hervé Maurey et moi-même avons rendu, au nom de la commission des finances, sur la situation financière de la SNCF et de notre système ferroviaire.
Le Sénat, le président de la SNCF, le Groupement des autorités responsables de transport (Gart), le COI et même, croyait-on, le Gouvernement, tout le monde semblait d’accord sur le constat.
« Nous faisons donc le choix d’investir en priorité dans les infrastructures qui nous permettront de réussir la transition écologique, à commencer par le ferroviaire, qui est la colonne vertébrale des mobilités.
« Concrètement, cela signifie que l’État souhaite s’engager […] pour réussir une “Nouvelle donne ferroviaire”, de l’ordre de 100 milliards d’euros d’ici 2040. »
Ce sont bien là les mots de la Première ministre, prononcés le 24 février dernier, lorsqu’elle a annoncé que le gouvernement français souhaitait mettre en œuvre des investissements à hauteur de 100 milliards d’euros en faveur du transport ferroviaire d’ici à 2040.
Pareille annonce devait forcément se traduire dans le premier projet de loi de finances qui allait suivre, le PLF pour 2024. Si tel est bien le cas, les crédits sont loin d’être à la hauteur des enjeux.
Les moyens de l’Afit France devraient augmenter de 900 millions d’euros, via l’affectation du produit d’une nouvelle taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport longue distance et d’une fraction de TICPE supplémentaire. On ne peut que s’en réjouir puisqu’il s’agit là d’une préconisation qu’Hervé Maurey et moi-même avions faite. Mais comment prétendre investir 100 milliards d’euros d’ici à 2040 en n’inscrivant dans le budget de l’État, d’ici à 2027, que 1, 5 milliard d’euros de crédits par an ? L’équation semble difficile à résoudre.
Messieurs les ministres, vous prévoyez en outre une affectation de 925 millions d’euros issus des bénéfices de SNCF Voyageurs pour abonder un fonds de concours fléché vers la régénération du réseau.
Avouons-le, c’est innovant ! Comme si notre système n’était pas suffisamment complexe…
Tout d’abord, l’État reprend la dette de SNCF Réseau.
Puis, SNCF Réseau maintient des redevances exorbitantes, que paie SNCF Voyageurs et qui pèsent sur les prix des billets tout en limitant l’ouverture à la concurrence. Ce système est unique en Europe, nous l’avons dénoncé, mais rien ne change.
Conséquence : SNCF Voyageurs développe son activité, maintient des tarifs élevés et, de ce fait, est excédentaire ; pour combien de temps, nul ne le sait.
L’État va donc ponctionner une partie du résultat de SNCF Voyageurs pour financer le réseau, dont cette entité, pourtant, n’a pas la charge, la privant ainsi de la possibilité de baisser ses tarifs ou d’investir dans le matériel roulant – je pense notamment aux trains de nuits et aux trains d’équilibre du territoire, qui en ont tant besoin.
Tout cela pourrait être tellement plus simple et bien plus efficace !
L’État doit assumer la charge du réseau, comme cela se fait partout en Europe, en procédant, selon le type de voies, en direct ou par le biais de sociétés de projets et en privilégiant les solutions innovantes par lesquelles il peut s’extraire de l’annualité budgétaire. De telles solutions existent, nous les avons pointées.
Concernant la situation des AOM de province, aucune réelle réponse ne figure dans le PLF. Heureusement, le rapporteur général a proposé, en première partie, l’affectation à ces autorités de 250 millions d’euros du produit, qui est perçu par l’État, de la mise aux enchères des quotas carbone. Nous avons aussi proposé le fléchage vers les AOM hors Île-de-France d’une partie du fonds vert et l’instauration du fonds climat territorial, sur lequel notre rapporteur spécial aura l’occasion de revenir.
Je me félicite d’une telle initiative, qui comptait aussi parmi les recommandations qu’Hervé Maurey et moi-même avions formulées dans le cadre de notre rapport d’information consacré aux transports du quotidien, publié en juillet dernier.
Un certain nombre de nos propositions pour Île-de-France Mobilités ont également été reprises : très bien ! Mais n’oublions pas les RER métropolitains, les mobilités du quotidien sur l’ensemble du territoire, les besoins en infrastructures ferroviaires, mais aussi routières.
S’agissant d’accompagner les transitions à l’œuvre, la mobilité et le logement sont les deux gisements majeurs de réduction significative des émissions ; mais si l’on veut que, sur chacun de ces deux volets, la réduction soit soutenable pour chaque Français, un accompagnement fort est nécessaire. Ces secteurs sont ceux où nous avons à faire face, comme on a coutume de le dire, à des chocs d’investissement.
Or ce sont ceux-là mêmes qui ne font paradoxalement l’objet, dans ce PLF, d’aucun réel effort, en tout cas d’aucun effort qui soit à la hauteur des enjeux, à la hauteur des annonces, à la hauteur de la trajectoire imposée et que nous devrons ajuster, comme nous le savons déjà tous.
Dans le domaine de la mobilité, nous devons faire face non seulement à un choc d’investissement, mais aussi à un choc d’offre.
Les régions y sont prêtes, s’y engagent, espèrent que les CPER qu’elles ont conclus satisferont leurs attentes et que l’État saura se montrer, dans ce cadre, à la hauteur des engagements qu’elles ont pris sur le matériel et sur le niveau de service. Il est enfin temps, je le redis, que l’État réponde présent sur les infrastructures et qu’il donne l’impulsion nécessaire à une nouvelle LOM, propre à répondre aux enjeux. Je sais que vous aussi, monsieur le ministre, vous l’attendez, vous l’espérez.
N’oublions pas, par ailleurs, que la mobilité en milieu peu dense repose – et continuera de reposer – sur les routes. Je ne peux donc passer sous silence la dégradation du réseau routier national, faute de financements suffisants. Celle-ci vient confirmer le désengagement de l’État de ce champ pourtant indispensable aux mobilités, en particulier en milieu rural. Les réseaux communaux et départementaux souffrent eux aussi, par manque de moyens.
Or les mobilités nécessitent et nécessiteront encore longtemps ces infrastructures routières qui irriguent notre pays et sur lesquelles nous pouvons faire circuler des véhicules décarbonés, y compris les bus à haut niveau de service (BHNS). Ces infrastructures existent ; faisons-les vivre, car, nous le savons tous, le ferroviaire, s’il doit être privilégié, ne peut répondre à tous les besoins.
Je dis quelques mots, pour finir, sur les autres programmes – hors volet transports – de cette mission.
Je ne reviendrai pas sur le volet énergie et électricité. Nous en proposons des modifications pour le rendre plus ciblé. Notre rapporteur spécial l’a dit et sa parole est d’autant plus forte que le Sénat, sur ces sujets – je pense au bonus écologique –, a toujours eu raison trop tôt.
Je me contenterai d’un focus sur deux points.
À propos du fonds vert, tout d’abord, j’exprimerai une satisfaction et une demande.
Une satisfaction : une partie de ses crédits est affectée à la mobilité, conformément, donc, à ce qu’Hervé Maurey et moi-même proposions.
Une demande : je plaide pour que le fonds soit mis à la main des territoires, selon une logique de gestion qui le rende complémentaire de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), les élus étant appelés à jouer, dans ces circuits, un rôle renforcé.
Pour ce qui est, ensuite, du CAS Facé, ses crédits sont limités, depuis 2018, à 360 millions d’euros. La Cour des comptes a fait valoir qu’un tel montant n’était pas suffisant pour répondre aux enjeux de l’électrification rurale. Je souhaite que cette dotation, qui est essentielle, soit revalorisée.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe Les Républicains, suivant l’avis des rapporteurs, votera, une fois adoptés les amendements de la commission des finances, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».