Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le plein emploi est un objectif auquel nous souscrivons tous. En effet, le travail est, dans toute société, le pilier fondamental de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. C’est aussi un moyen indispensable, qui favorise tant la cohésion sociale que le financement des ressources de l’État.
En six ans, notre pays a avancé vers cet objectif, le taux de chômage passant de 9, 4 % à 7, 4 %. Si l’on se doit de reconnaître et de saluer le chemin parcouru, la bataille du plein emploi n’est toutefois pas encore gagnée, et nombre d’entreprises font face à d’importantes difficultés de recrutement.
Pour 2024, les crédits demandés pour la mission « Travail et emploi » s’élèvent à 22, 6 milliards d’euros, soit une hausse de 8 % par rapport à 2023 et une augmentation, considérable, de 59 % par rapport à 2019, quand ils s’élevaient à 14, 2 milliards d’euros.
Au premier abord, on peut s’interroger sur l’augmentation globale des crédits de la mission : il n’est pas intuitif de comprendre que les crédits augmentent autant, alors que le taux de chômage diminue sensiblement.
La mission prévoit en effet une augmentation des effectifs de Pôle emploi. Ces effectifs serviront à mettre en œuvre la transformation de Pôle emploi en France Travail, mais aussi à améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi, en réduisant notamment le nombre de personnes suivies par conseiller.
On ne peut que soutenir les objectifs d’un meilleur accompagnement des demandeurs d’emploi et d’un service public de l’emploi plus efficace.
De plus, des effectifs supplémentaires seront nécessaires, dans la mesure où l’opérateur accompagnera désormais l’ensemble des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), contre 40 % actuellement.
Le souci de la maîtrise des dépenses publiques doit toutefois nous appeler à la prudence : la hausse des effectifs de la fonction publique entre 2019 et 2021 était de 1, 6 %, quand elle atteignait 9, 1 % chez Pôle emploi sur la même période.
Nous comprenons donc l’interrogation de Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales quant à une augmentation aussi importante des effectifs, un an avant l’entrée en vigueur de l’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi prévu par la loi pour le plein emploi.
L’augmentation des crédits de la mission est aussi essentiellement destinée au soutien de l’apprentissage, qui représente plus de 38 % du total de ses dépenses.
Nous saluons d’ailleurs l’évolution en la matière : depuis 2018, son développement a connu une augmentation spectaculaire, passant de 320 000 contrats à plus de 800 000 en 2022.
Pour 2023, le nombre de contrats conclus devrait même atteindre 875 000. Nous soutenons cette dynamique, qui va évidemment dans le sens d’une meilleure intégration professionnelle des jeunes. Toutefois, nous partageons les réserves d’autres collègues sur deux points.
D’une part, nous nous inquiétons, nous aussi, de la situation structurellement déficitaire de France Compétences. Malgré une augmentation sensible par rapport à l’année dernière, les 2, 5 milliards d’euros alloués par l’État pour 2024 ne suffiront pas. Le déficit cumulé de France Compétences atteint aujourd’hui plus de 7 milliards d’euros ; s’y ajoutera celui de 2023.
Monsieur le ministre, comme vous, nous souhaitons que le Gouvernement parvienne au million de contrats d’apprentissage conclus par an avant 2027, mais il est impératif, en parallèle, de stabiliser les comptes de France Compétences.
D’autre part, nous appelons également à un meilleur ciblage des aides aux entreprises embauchant un apprenti. Le ciblage actuel est très large. S’il contribue évidemment au succès du dispositif, il pèse néanmoins sur les finances publiques, alors que certaines entreprises n’auraient pas besoin de cette incitation pour recourir à l’apprentissage.
À cet égard, nous espérons que sera adopté le brillant amendement du rapporteur spécial Emmanuel Capus.