Intervention de Pascale Gruny

Réunion du 5 décembre 2023 à 14h00
Loi de finances pour 2024 — Travail et emploi

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny :

En 2025, tous les demandeurs d’emploi seront accompagnés par un contrat d’engagement unifié, contrat pour lequel les sénateurs du groupe Les Républicains ont défini une durée d’activité obligatoire d’au moins quinze heures par semaine.

Si nous pouvons nous réjouir que le Sénat ait modifié le texte du Gouvernement pour le rendre plus concret et plus adapté aux besoins locaux, nous avions à l’époque regretté que le coût des dispositifs prévus ne fasse pas l’objet d’une évaluation. Sans engagement de l’État, il risque de peser lourdement sur les collectivités locales. Le projet de loi de finances pour 2024 ne dissipe malheureusement pas nos craintes.

Le présent projet de loi a été élaboré sur la base d’un taux de chômage d’environ 7 %, un niveau censé permettre de réduire les dépenses d’indemnisation des chômeurs qui bénéficient d’allocations de solidarité.

Gardons-nous cependant de crier victoire trop vite ! Les évolutions récentes ne sont guère réjouissantes, entre un record de faillites annoncé pour 2023, une baisse des investissements des entreprises, et un chômage qui repart à la hausse – certes légèrement, mais suffisamment pour que l’OFCE et la Banque de France estiment que le chômage devrait avoisiner les 8 % en 2024, bien loin des 5 % du plein emploi espéré par le Gouvernement.

Si l’on ajoute à cela que l’amélioration des chiffres du chômage s’explique d’abord par l’essor de l’apprentissage et par des phénomènes démographiques, voilà de quoi nuancer sérieusement les discours un peu trop optimistes concernant la présente mission budgétaire.

Les moyens alloués aux missions locales sont stables par rapport à 2023. Notons cependant que leur rôle évoluera en 2025 en raison de l’accompagnement renforcé et unifié de tous les demandeurs d’emploi dans le cadre du réseau pour l’emploi. Auront-elles les moyens d’assumer leurs nouvelles missions ? Nous suivrons ce dossier de près.

Pour 2024, le plafond d’emplois de Pôle emploi sera rehaussé de 300 postes supplémentaires, afin d’accompagner sa transformation en « France Travail » à compter du 1er janvier 2024. Cette augmentation des effectifs permettra à l’opérateur de réduire le nombre de demandeurs d’emploi suivis par conseiller, favorisant ainsi l’insertion professionnelle des chômeurs.

Il sera néanmoins nécessaire d’évaluer d’ici à quelques mois la légitimité de maintenir les effectifs de Pôle emploi à un niveau aussi élevé. En effet, les effectifs ont progressé de 9, 1 % entre 2019 et 2021, pour des résultats décevants au vu des efforts consentis.

J’en viens maintenant au financement de l’apprentissage et de la formation professionnelle.

Je reste toujours aussi réservée sur France Compétences. Je considère que, depuis sa création, le système fonctionne moins bien qu’auparavant. Les entreprises bénéficient d’un nombre moins important de formations accompagnées, perçoivent moins de financements et trouvent moins facilement les moyens de couvrir leurs besoins en matière de maintien dans l’emploi et d’accompagnement des transitions professionnelles de leurs salariés.

Sur le plan financier, dès 2020, l’inspection générale des finances alertait sur le puits sans fond que constitue le financement de cette autorité.

Année après année, l’État verse des milliards d’euros, tandis que le trou n’en finit plus de se creuser. Malgré les emprunts et les 5 millions d’euros d’intérêts qui vont avec, auxquels s’ajoutent des subventions et des mesures de régulation, France Compétences ne parviendra pas à assurer le financement de l’apprentissage et de la formation professionnelle sans soutien de l’État en 2024.

Le présent projet de loi de finances prévoit en effet de lui consacrer 2, 5 milliards d’euros, un montant en nette augmentation par rapport à l’année dernière.

Nos collègues rapporteurs spéciaux de la commission des finances présenteront un amendement visant à réserver le bénéfice de l’aide à l’embauche d’apprentis aux jeunes jusqu’au niveau bac+5 dans les entreprises de moins de 250 salariés, et aux jeunes jusqu’au niveau bac+2 dans celles de 250 salariés et plus. Si je comprends cette initiative, qui permettrait d’économiser 600 millions d’euros en 2024, je considère, comme notre collègue Frédérique Puissat, qu’elle est prématurée.

Une concertation avec les partenaires sociaux permettrait en effet d’évaluer l’opportunité d’ajuster les aides aux employeurs d’apprentis, afin d’en maîtriser le coût pour les finances publiques, sans fragiliser le développement de l’apprentissage.

N’oublions jamais – je l’entends trop rarement – que les grandes entreprises forment beaucoup plus facilement les apprentis, un vivier dans lequel les très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) peuvent trouver leurs collaborateurs de demain, lorsqu’elles ne disposent pas de la structure pour les former elles-mêmes.

Il est en outre indispensable que France Compétences continue de soutenir les centres de formation partout sur le territoire, en n’oubliant pas les petits centres de proximité dont le rôle est si important dans les départements ruraux, comme le mien, où les freins à l’emploi sont beaucoup plus nombreux, à commencer par les problèmes de mobilité.

Pour conclure, mes chers collègues, malgré toutes les réserves que je viens d’évoquer, nous sommes favorables à l’adoption des crédits de la mission.

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