Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chaque année, mon prédécesseur chargé de la mission « Santé », Christian Klinger, avait pris l’habitude d’émettre des doutes sur la pertinence même de cette mission. Celle-ci se trouve en effet déséquilibrée entre l’aide médicale de l’État (AME), dont la maîtrise budgétaire n’est toujours pas assurée, et le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui est peu à peu vidé de toute substance et qui se réduit comme peau de chagrin.
Ces doutes sont toujours d’actualité.
Commençons par l’AME, qui demeure, fonds européens mis à part, l’élément principal de la mission. Ses dépenses représenteraient environ 1, 2 milliard d’euros en 2024, un montant en augmentation de 5, 4 % par rapport aux dernières prévisions d’exécution pour 2023, atteignant le double de la somme inscrite en 2014, il y a dix ans, soit environ 600 millions d’euros.
Cette évolution résulte notamment de la hausse du nombre de bénéficiaires de l’AME. Alors que ceux-ci étaient plus de 380 000 à la fin de 2021, ils étaient 411 000 à la fin de 2022 et plus de 422 000 à la fin du premier trimestre de 2023.
Pour endiguer cette augmentation continue, des mesures de régulation ont été mises en place depuis 2020. Toutefois, leur impact apparaît très limité : il est estimé à seulement 20 millions d’euros en 2024, sur 1, 2 milliard d’euros.
À la faveur de l’examen du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, le Sénat a proposé de transformer l’aide médicale de l’État en une aide médicale d’urgence (AMU) couvrant le traitement des maladies graves et les soins urgents, les soins liés à la grossesse et à ses suites, les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive.
Une telle aide médicale d’urgence rapprocherait le système de prise en charge des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière des dispositifs qui sont en vigueur dans les principaux pays voisins, l’AME constituant en Europe une exception difficile à justifier, dans un contexte d’augmentation continue et non maîtrisée de la charge budgétaire qu’elle représente.
La commission des finances, en cohérence avec la position exprimée par le Sénat, propose un amendement de crédits visant à tirer les conséquences de la transformation de l’AME en AMU et à réaliser une économie de 410 millions d’euros.
Par ailleurs, je rappelle que, sur l’initiative du Sénat, un programme relatif à la carte Vitale biométrique a été créé en 2022, dans le cadre de cette mission « Santé », pour améliorer l’efficacité de la lutte contre la fraude. Il n’a toutefois pas été reconduit cette année par le Gouvernement.
L’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires sociales (Igas) ont en effet rendu un rapport mettant en avant le coût important, ainsi que les difficultés de mise en œuvre d’une telle carte Vitale biométrique. Il semble judicieux d’en prendre acte, tout en réaffirmant la volonté du Sénat de soutenir l’émergence de solutions contre la fraude aux prestations sociales.
Ainsi, la commission vous propose de financer, à hauteur de 5 millions d’euros, deux développements d’ores et déjà envisagés et qu’il convient d’accélérer pour permettre leur déploiement rapide : la dématérialisation de la carte Vitale, par le biais d’une application dédiée, et la fusion entre carte Vitale et carte nationale d’identité électronique.
Enfin, le programme 204 finance, quant à lui, un grand nombre d’actions très disparates, pour des montants généralement faibles, dans la mesure où la majeure partie de l’action publique dans le domaine de la santé est soutenue hors de la mission éponyme, soit par la mission « Recherche et enseignement supérieur », soit par la sécurité sociale.
De nombreux amendements visant à créer de nouveaux programmes ou à faire financer par la mission « Santé » des actions relevant de la sécurité sociale ont été déposés ; ils ont reçu, sauf exception, des avis défavorables de la commission, dans la mesure où ils viendraient doublonner des financements existants par ailleurs.
La commission propose donc l’adoption des crédits de la mission « Santé », sous réserve de l’adoption de ses deux amendements.