Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous pensions que, concernant la santé, tout avait été dit lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale : diminution de l’offre de soin, inégale répartition des soignants sur le territoire, économies de temps médical, asphyxie de l’hôpital, renoncement aux soins, malaise des soignants en général, prévention, etc.
Tel n’est pourtant pas le cas, car le PLFSS ne règle que le financement de la sécurité sociale. C’est bien le PLF qui traite des crédits des administrations et des politiques que celles-ci portent. Ainsi, certains programmes doivent encore être discutés.
Or force est de constater que, peut-être parce qu’il y a peu d’articulations entre ces enveloppes budgétaires disparates, on ne perçoit pas de réelle ambition dans ce qui s’intitule tout de même la mission « Santé » ! Celle-ci connaît même une diminution globale de 30 % de ses crédits pour 2024.
Aussi, je dois vous annoncer tout de suite, madame la ministre, que c’est avec bien des réserves, et sous condition d’ajustements budgétaires, que la majorité du groupe Union Centriste votera les crédits de cette mission, d’une main assez hésitante.
De cette mission budgétaire dépend l’AME. Nous ne referons pas le débat ici, mais force est de constater que les choix politiques sur ce point ont une forte incidence sur le budget de cette mission, les dépenses d’AME s’établissant à 51 % environ du total de la mission. Il s’agit donc d’un facteur d’incertitude budgétaire supplémentaire.
Dans un pays qui place les problématiques de santé parmi ses préoccupations prioritaires, nous aurions espéré que l’on nous soumette des budgets à la hauteur des enjeux.
Dans ce contexte et en l’absence de vision globale, je formulerai quelques remarques sur les autres programmes, qui sont traités, ici comme dans le budget de l’État, en tuyaux d’orgue.
Le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » finance l’INCa, l’Anses, l’agence de santé du territoire des îles Wallis-et-Futuna, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), les actions juridiques et contentieuses de l’État, ainsi que, de façon marginale, la prévention des addictions au tabac, à l’alcool, aux drogues illicites, et, enfin la prévention en matière de santé sexuelle. Une sorte d’inventaire à la Prévert !
Je ferai tout de même une remarque sur le budget de l’INCa. Ces dernières années, certains crédits n’ayant pas été consommés, la trésorerie de cet institut s’est confortablement développée, jusqu’à laisser penser à la direction générale de la Santé que son budget pouvait être amoindri… Une telle évolution constituerait pourtant un terrible signal en direction des nombreux malades du cancer, qui attendent un soutien fort de la part de l’État. Je suivrai donc Mme la rapporteure pour avis, qui s’oppose à ce coup de rabot.
Par suite, et grâce à ce budget sanctuarisé, l’INCa pourra porter la mise en place du registre national des cancers, votée cet été par le Sénat sur proposition de notre collègue Sonia de La Provôté, dans un texte dont j’ai eu l’honneur d’être la rapporteure.
Je note l’augmentation considérable des crédits dédiés à action n° 16, « Veille et sécurité sanitaire », visant à constituer un stock, et à assurer un déstockage massif en cas de crise, pour agir contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. Pour autant, je me demande si 10, 8 millions d’euros suffisent, dans le contexte international, à assurer la sécurité de 65 millions d’habitants face aux risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique.
L’action n° 12, « Santé des populations », accuse une diminution de ses crédits. Il s’agit pourtant de financer des actions en direction des populations en difficulté, personnes migrantes et en situation d’exclusion, dont on sait qu’elles sont en nombre croissant. Sur ce point, outre l’absence de cohérence globale de la politique budgétaire, je dois dénoncer une forme d’insincérité.
À l’action n° 17, « Politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins », je m’attendais à trouver des crédits concernant la mise en place de certaines actions de contrôle, dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), par exemple, ou pour la prévention des risques dans les crèches.
Or tel n’est pas le cas. L’action n° 17 finance les comités de protection des personnes et un de ses indicateurs est « le taux de couverture vaccinale contre la grippe chez les personnes de 65 ans et plus », ce qui semble pour le moins incongru.
On ressent une forme de déconnexion entre, d’une part, les questionnements fleurissant dans les territoires quant aux moyens alloués à la santé publique, à leur répartition territoriale, à l’action des agences régionales de santé (ARS), aux missions et aux moyens de ses agents et à la coordination avec les préfets ; et, d’autre part, ce budget qui semble confus et, finalement, assez pauvre.
En examinant au cas par cas les différentes actions aux titres ronflants : « Santé des populations », « Modernisation de l’offre de soins », « Veille et sécurité sanitaire », nous attendions plus. Dans ce fourre-tout, chacun y aura surtout trouvé les mots qu’il souhaitait entendre.
« Tant qu’on a essayé de combattre la peste avec des mots latins, elle a tranquillement dévoré l’humanité », écrivait Barjavel. Laissons-nous inspirer par sa sagesse !