Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Santé » baissent d’un tiers. On pourrait le comprendre en raison de la diminution des dépenses liées à la lutte contre la covid-19. Dans le détail, cette baisse semble toutefois beaucoup plus difficile à admettre.
Ainsi, les crédits alloués à la lutte contre les inégalités de santé diminuent de 18 % ; ceux qui sont destinés à la prévention des maladies chroniques et à la qualité de vie des malades, de 10 %. La France est pourtant déjà l’un des pays de l’Union européenne qui consacrent à la prévention la part la plus faible de leurs dépenses de santé.
Il est donc incompréhensible de les réduire encore, alors que le Gouvernement annonce vouloir faire prendre à notre système de santé un virage structurel en la matière, et alors que l’on sait le poids des inégalités sociales et territoriales de santé dans notre pays. La pénurie de médecins en amont et l’insuffisance de structures médico-sociales en aval conduisent à une pression accrue sur les hôpitaux.
Il faut donc s’attaquer au fond du problème, en augmentant les capacités de formation des professionnels de santé, en revalorisant les métiers et en améliorant les conditions de travail, pour rompre avec les phénomènes de démissions que nous connaissons.
La diminution de 6 millions d’euros des crédits destinés à l’INCa est tout aussi incompréhensible. Vous la justifiez par le niveau du fonds de roulement de l’institut, mais cela n’a aucun sens pour un établissement chargé de programmes de recherche, surtout lorsque lui a été confiée la mission de conduire une stratégie décennale de lutte contre les cancers !
En ce qui concerne les crédits de l’AME, je forme le vœu que le rapport Évin-Stefanini éclaire utilement nos débats, en complément de l’opposition fortement exprimée du corps médical à la volonté de la majorité sénatoriale de supprimer cette aide.
Ce rapport indique que le dispositif est « globalement maîtrisé », qu’il ne constitue pas un facteur d’attractivité pour les candidats à l’immigration, que la consommation de soins des bénéficiaires est stable et malgré l’augmentation du coût global des soins. Je rappelle que ces derniers doivent justifier de trois mois de présence en France – neuf mois pour certains soins –, ainsi que de revenus inférieurs à 810 euros par mois.
Pour ses auteurs, l’AME est utile et ne fait pas apparaître d’abus ; mieux, elle a une double vocation : « L’affirmation par la Nation d’un principe humanitaire et éthique et la protection de la santé individuelle des personnes et de la santé collective de la population résidant en France. »
La France rompt peu à peu avec la logique universaliste de la sécurité sociale. Elle a ainsi subordonné dès 1993 le droit à l’assurance maladie des étrangers à la régularité de leur séjour, avec la loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, dite loi Pasqua. Cela aurait pu sembler logique. Depuis lors, cependant, l’érosion des principes fondateurs de notre système de sécurité sociale concerne de plus en plus nos concitoyens, et vous entendez masquer cela en stigmatisant un dispositif qui représente moins de 0, 5 % des dépenses courantes de santé.
Pourtant, ces mesures ne fonctionnent pas, même sur les plans économique et financier, car plus vous entraverez l’accès aux soins, plus vous aggraverez le coût de la prise en charge ultérieure.
Je souhaite enfin évoquer la dotation du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva), au travers du combat mené par 131 salariés de la papeterie DS Smith, à Saint-Étienne-du-Rouvray, pour obtenir réparation du préjudice d’anxiété liée à l’amiante. En attendant la décision du conseil des prud’hommes de Rouen prévue au mois de mars prochain, il est nécessaire de renforcer les moyens humains du Fiva, afin de réduire les délais de traitement des dossiers de demande d’indemnisation.
Vous l’aurez compris, nous considérons que les crédits de cette mission « Santé » sont notoirement insuffisants. C’est pourquoi notre groupe ne les votera pas.