Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, 2024 est une année particulière, puisqu'elle est la première année de pleine application de la réforme paramétrique des retraites de 2023, votée dans les conditions que nous avons tous à l'esprit au printemps dernier et entrée en vigueur à compter du 1er septembre 2023.
Avant d'entrer dans le détail des crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale, je souhaite rappeler que cette réforme ne suffira pas à équilibrer, à moyen terme, notre système de retraite.
Les projections actualisées publiées par le Conseil d'orientation des retraites (COR) en juin dernier sont très claires : si le recul de l'âge de départ permettra, à moyen terme, de limiter le flux des départs en retraite, il ne suffira pas à compenser la hausse des dépenses de retraite, qui devrait induire, selon les projections du COR, un déficit égal à 0, 3 % du PIB du système de retraite à l'horizon de 2027.
En ce qui concerne la mission « Régimes sociaux et de retraite », les crédits proposés atteindront, en 2024, 6, 2 milliards d'euros, fléchés à plus de 70 % vers les régimes de retraite spéciaux des agents de la SNCF et de la RATP.
Il convient de rappeler que la réforme paramétrique n'a pas d'effet significatif sur les dépenses des régimes de la SNCF et de la RATP, dès lors que le Gouvernement a prévu qu'elle n'entrerait pas en vigueur avant le 1er janvier 2025 pour ces deux régimes.
La réforme de 2023 a néanmoins eu pour effet de fermer aux nouveaux entrants le régime de la RATP à compter du 1er septembre 2023. Depuis cette date, les nouveaux agents de la RATP sont affiliés au régime général. Cependant, la caisse de retraite de la RATP reste responsable du paiement et de la liquidation des cotisants qui étaient affiliés au régime avant sa fermeture, et la date d'extinction effective du régime devrait intervenir aux alentours de 2116.
C'est dans ce contexte que le Gouvernement a engagé une remise en cause du schéma de financement actuel des régimes spéciaux, par l'article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, considérée comme définitivement adopté en application de l'article 49.3 de la Constitution depuis ce lundi 4 décembre.
Dans le schéma proposé, l'ensemble des régimes spéciaux fermés seront intégrés financièrement à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV). Par conséquent, l'État ne versera plus de subvention d'équilibre annuelle pour ces régimes, mais affectera au régime général une fraction de TVA visant à compenser globalement les charges associées à ces compensations d'équilibre.
Cette nouvelle architecture de financement aura pour conséquence de vider la mission « Régimes sociaux et de retraite » de 87 % de ses crédits.
Elle soulève deux préoccupations majeures.
Premièrement, l'architecture proposée réduit la lisibilité du financement par la solidarité nationale des régimes spéciaux.
Deuxièmement, elle a pour effet de dessaisir le Parlement de sa mission de vote annuel et de contrôle sur ces subventions d'équilibre.
Je me félicite cependant que le Gouvernement ait conservé, dans le texte définitif, l'amendement de la commission des affaires sociales du Sénat tendant à la remise d'un rapport au Parlement sur ce nouveau schéma de financement, défendu par ma collègue Pascale Gruny.
Au-delà de cette information ponctuelle, pouvez-vous vous engager, monsieur le ministre, à continuer d'informer le Parlement régulièrement et de manière exhaustive sur le financement des régimes spéciaux qui ont été fermés ? Cette exigence est essentielle, non seulement pour la clarté du débat parlementaire, mais également pour la transparence du financement du système de retraite à l'égard de nos concitoyens.
Pour finir, je souhaite évoquer les crédits proposés pour le CAS « Pensions », qui s'élèvent à 67, 7 milliards d'euros.
Comme l'ensemble des régimes de retraite, le régime de la fonction publique se trouve dans une conjoncture particulièrement délicate, en raison de la hausse dynamique de ses dépenses, liée à l'indexation des pensions sur l'inflation, et de la hausse plus modérée de ses recettes.
Le résultat de ces deux tendances est un déficit croissant du CAS « Pensions », qui atteindra 2, 5 milliards d'euros en 2024 et qui est estimé à 4, 6 milliards d'euros en 2026.
Par conséquent, le Gouvernement sera forcé de réagir pour augmenter les recettes du régime. Cela se traduira sans doute par une hausse du taux de contribution de l'État employeur, c'est-à-dire de la part des crédits prise sur les dépenses de personnels dans chacun des ministères pour alimenter le CAS « Pensions ».
Nous souhaitons de la lisibilité sur l'évolution des paramètres qui aura pour conséquence de réintégrer, à moyen terme, plus de 4 milliards d'euros dans les crédits des missions du budget général. §