Intervention de Audrey LINKENHELD

Réunion du 7 décembre 2023 à 14h30
Loi de finances pour 2024 — Compte d'affectation spéciale : pensions

Photo de Audrey LINKENHELDAudrey LINKENHELD :

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, récemment, le collectif Nos services publics dénonçait « le sentiment croissant d'urgence et de dégradation des services publics », qui « s'exprime essentiellement à travers un discours déplorant des services publics qui s'effondrent. »

Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sont très attachés aux services publics, qui sont un rempart contre les inégalités sociales. Ils sont notre patrimoine commun et le seul capital de ceux qui n'en ont pas.

C'est pourquoi nous portons une attention particulière aux fonctionnaires, à ces hommes et ces femmes qui œuvrent tous les jours pour accueillir au mieux le public dans nos administrations locales, nationales, sociales, nos écoles, nos commissariats, nos agences des finances publiques.

Au travers de ce débat budgétaire, c'est aussi notre vision du service public, de l'organisation de l'État et de la fonction publique qui se dessine.

Or force est de constater que le service public ne suscite plus vraiment l'admiration ni les vocations, comme en attestent les pénuries de profs, d'infirmiers, d'assistants maternels, de policiers municipaux... De l'État aux collectivités, en passant par les hôpitaux, toutes les catégories de la fonction publique sont malheureusement touchées.

La stigmatisation des fonctionnaires – ils seraient trop nombreux, trop coûteux, trop revendicatifs, pas assez productifs… – a sans nul doute été une arme puissante pour affaiblir leur statut et éroder peu à peu l'attractivité des emplois publics, aujourd'hui en tension.

Nous souhaitons qu'il soit remédié à cette situation. À cette fin, il nous semble nécessaire d'activer tous les leviers : temps et conditions de travail, rémunérations et protection sociale, formation...

Nous nous réjouissons évidemment de la création des 8 301 postes dans ce PLF 2024.

Malgré tout, les missions budgétaires que nous examinons aujourd'hui comportent plusieurs faiblesses, que nous ne pouvons passer sous silence.

Il s'agit d'abord du temps de travail.

En 2019, la loi de transformation publique imposait une harmonisation des temps de travail aux collectivités, avec les fameuses « 1 607 heures ». Aujourd'hui, nous savons, grâce au PLF 2024, que 83 % des communes ont appliqué cette réforme.

Cependant, le rapport que cette loi impose de remettre au Parlement sur le temps de travail des agents de l'État n'a, je crois, toujours pas été remis. Curieuse manière de montrer l'exemple ou de démontrer, s'il le fallait, la pertinence de cette loi.

Ce n'est pas très différent en matière de rémunérations.

Bien sûr, les récentes hausses du point d'indice sont tout à fait nécessaires face à l'inflation, plus encore que cette prime de pouvoir d'achat exceptionnelle rendue possible pour tous les agents, dont les agents territoriaux.

À cet égard, comment ne pas regretter qu'il y ait eu un aussi long délai entre les annonces et la publication du décret d'application, intervenue seulement le 31 octobre 2023 ? Dans ces conditions, il est difficile, pour les collectivités, de répondre rapidement aux revendications légitimes de leurs agents territoriaux, mais aussi de prévoir sereinement les impacts sur les budgets locaux 2023 ou 2024.

Quant à la protection sociale dans la fonction publique, elle n'est pas non plus sans poser quelques problèmes.

Alors que le Gouvernement affichait la réforme des retraites comme une garantie pour l'avenir des pensions, les données du PLF 2024 soulignent que, pour la troisième année consécutive, la caisse de retraites des fonctionnaires devrait être déficitaire et que cela ne devrait pas s'améliorer, puisque le solde est estimé à –4, 6 % en 2026.

Faute d'encourager suffisamment l'emploi des fonctionnaires pour équilibrer entrées et sorties, il reviendra encore à l'État d'assurer le paiement des pensions de ses anciens agents, en augmentant significativement sa contribution employeur, donc le budget afférent.

On le voit, le système de retraite des fonctionnaires est peu rassurant, alors qu'il faudrait qu'il le soit pour attirer de nouvelles vocations et de nouveaux talents.

Le signal que veut envoyer la majorité sénatoriale en matière de maladie ne nous semble pas positif. Nous nous opposerons à l'amendement du rapporteur spécial Claude Nougein visant à l'instauration de deux jours de carence supplémentaires pour les fonctionnaires. Le progrès social et la santé publique doivent conduire, pour les travailleurs des secteurs publics et privés, à un alignement par le haut plutôt que par le bas.

J'en viens enfin aux conditions de travail de nos agents liées notamment au parc immobilier de l'État et aux cités administratives, question abordée dans la mission « Transformation et fonction publiques ».

Comme le rapporteur spécial a pu le souligner, on note un délai important entre les annonces et la rénovation énergétique des bâtiments concernés. Au-delà des enjeux de pilotage opérationnel auxquels ils renvoient, ces délais reflètent les difficultés intrinsèques des rénovations lourdes qui touchent le patrimoine immobilier de l'État, comme celui des collectivités et des particuliers.

J'attire l'attention du Gouvernement sur les leçons à tirer de ces difficultés dans la manière dont il accompagne et finance les rénovations. Peut-être les montants sont-ils insuffisants face à l'urgence climatique ? Peut-être les démarches opérationnelles devraient-elles être simplifiées ?

Pour conclure sur la fonction publique et la manière de la rendre à nouveau intéressante et valorisante aux yeux de nos concitoyens, je veux dire un mot sur la formation, et précisément sur l'apprentissage.

Les collectivités se sont pleinement investies dans le développement de l'apprentissage, qui permet de favoriser l'emploi local à destination des jeunes et de donner le goût du service public de proximité.

Malheureusement, si l'apprentissage public local est un succès, on sait que le CNFPT a été contraint de limiter le nombre de contrats aidés, en raison du désengagement soudain de France Compétences, qui vient s'ajouter à l'incertitude qui pesait déjà sur la pérennité du soutien de l'État.

Cette situation est d'autant plus injuste qu'elle crée un décalage entre employeurs privés et publics.

Aussi proposerons-nous un amendement de 5 millions d'euros à destination du CNFPT visant à compenser la baisse de participation de France Compétences. Nous soutiendrons les autres initiatives permettant de pérenniser la participation de l'État en la matière.

En conclusion, et sur le fondement de ces quelques commentaires, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur des crédits de la mission « Régimes sociaux et retraites ». Il s'abstiendra sur la mission « Transformation et fonction publiques » et votera contre les crédits des missions « Crédits non répartis » et « Gestion des finances publiques ». §

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