Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2024 devait concrétiser les annonces de l'ancien ministre du budget, M. Gabriel Attal, en matière de lutte contre la fraude fiscale. Mais ce plan Fraude se traduit par la poursuite des baisses de moyens humains au sein de la direction générale des finances publiques et des douanes, respectivement pour 219 millions d'euros et 26 millions d'euros.
Cette diminution n'est certes en rien comparable avec les 43 000 emplois perdus par la DGFiP depuis les années 1999, mais la trajectoire est continue – à défaut d'être soutenue –, maintenue et, surtout, inexorable.
Nous récusons l'idée selon laquelle, à l'heure de l'intelligence artificielle, nous aurions besoin de moins de contrôleurs fiscaux.
Notre collègue députée Charlotte Leduc, dans son rapport documenté sur les moyens de la lutte contre l'évasion fiscale, fait état d'une diminution de 16, 67 % des effectifs alloués aux contrôles fiscaux en dix ans. On invoque le ciblage grâce à l'exploitation des données – j'emploie délibérément l'expression française – et aux nouvelles technologies, qui accroissent l'efficience des contrôles. Ce budget prévoit d'ailleurs de renforcer les moyens technologiques au détriment des moyens humains.
Les contrôles sur place s'effondrent depuis 2013, et c'est la lutte contre la fraude fiscale qui en pâtit, car elle représente 30 % de cette modalité de contrôle.
Le fait que les droits mis en recouvrement augmentent de 1, 2 milliard d'euros en 2022 signifie, non pas que la méthode est bonne, mais que la fraude est plus importante. D'ailleurs, en dépit de cette augmentation, les montants recouvrés diminuent de 20 millions d'euros en 2022. Difficile, dans ces conditions, de se féliciter de droits recouvrés inférieurs de 1, 15 milliard d'euros à ceux de 2015.
Dans un rapport de 2019 sur la fraude, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) expliquait que cette stratégie de baisse des moyens « aurait dû se traduire par un meilleur ciblage des contrôles et une réduction du nombre d'affaires à faible rendement et d'affaires conformes ». Le Gouvernement dispose-t-il de données plus actualisées que celles de 2018 – dernières en date – sur ce point ?
L'efficacité du recours à l'intelligence artificielle, en substitution des agents publics, dans le domaine du contrôle fiscal peut tout de même être mise en question. Nous attendions avec impatience ce débat pour dévoiler la supercherie qui consistait à annoncer, lors de la présentation du plan Fraude, un renforcement sans précédent des moyens, à hauteur de 1 500 équivalents temps plein supplémentaires, pour le contrôle et la lutte contre la fraude fiscale d'ici à 2027, quand il ne s'agissait en réalité que de redéploiements.
Les moyens de la DGFiP vont diminuer et il n'y a aucune création nette de postes. Nous défendrons donc un amendement visant à engager un vaste plan de recrutement de contrôleurs fiscaux : 500 cette année, 500 l'année prochaine et 500 l'année suivante. Pas de tour de passe-passe ! Les personnels méritent mieux que des annonces tronquées !
Malgré la loi du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, ses effectifs ne seront aucunement renforcés. On nous disait que ce n'était pas le moment à l'été 2023, que les moyens seraient dégagés dans le PLF pour 2024. Nous y sommes, et nul moyen supplémentaire !
La douane subit encore, à l'article 18 du présent texte, des transferts de ses missions fiscales vers la DGFiP, laquelle ne sait plus qu'en faire. Nous ne cesserons de le répéter, celle-ci n'a ni l'expertise ni les moyens de sécuriser des bases d'imposition complexes, nécessitant des contrôles importants sur le terrain.
Nous sommes, par exemple, le deuxième domaine maritime mondial après les États-Unis. Le contrôle et la surveillance d'espaces maritimes de plus de 10 millions de kilomètres carrés mériteraient au moins une flotte sérieuse, afin de permettre aux quelques agents des douanes disséminés aux quatre coins du monde de pouvoir réellement assumer leurs fonctions.
La lutte contre la fraude ne trouve pas de réponse satisfaisante dans une mission censée concrétiser les annonces de votre prédécesseur, monsieur le ministre Cazenave, annonces elles-mêmes insuffisantes. Cela nous contraint à voter contre ces crédits. §