Intervention de Monique de Marco

Réunion du 7 décembre 2023 à 14h30
Loi de finances pour 2024 — Culture

Photo de Monique de MarcoMonique de Marco :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, une chape de plomb s'est abattue sur Paris.

Quelque 500 tonnes de ce métal ont été déposées en plein cœur de la capitale, au sommet de Notre-Dame, pour reconstituer la croix de la flèche de l'édifice.

À la suite de l'incendie tragique de la cathédrale, le dépôt de ce matériau toxique sur les trottoirs, dans les jardins et dans les cours d'école a bouleversé la vie des riverains. Ma collègue Anne Souyris a fait de cette chape son combat.

Madame la ministre, avec elle, je souhaite vous faire part de notre inquiétude causée par la présence de ce matériau toxique au cœur de la capitale, qui plus est sur un site touristique. La destination du surplus de dons, issus de la collecte internationale, qui s'élève à plus de 144 millions d'euros, est encore incertaine. Pourquoi ne pas l'utiliser pour envisager une solution architecturale plus respectueuse de la santé publique ?

Le pape a été également saisi, ce qui m'inspire ces mots en latin : Ab assuetis non fit passio – on ne s'émeut pas de ce qui est fréquent. Ainsi, les enjeux environnementaux restent insuffisamment pris en compte dans le programme 175 « Patrimoines », notamment la rénovation énergétique des bâtiments anciens.

Je me réjouis que nos collègues Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon aient été entendus par le Président de la République, qui a fait des annonces sur le sort du patrimoine religieux en péril, lors de son déplacement au Mont Saint-Michel – nous n'avons pas tous l'oreille de Dieu, décidément.

Est socia mortis homini vita ingloria, pourrait dire le chef de l'État : la vie sans gloire est une mort anticipée.

Toutefois, je m'inquiète du sort des bâtiments profanes publics à vocation culturelle. Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2024, nous nous sommes opposés au financement de leur rénovation par l'installation de bâches publicitaires.

À quoi sert l'impôt s'il ne contribue pas à entretenir nos bâtiments publics ? Imagine-t-on couvrir de publicités les églises pour en financer la rénovation des toitures ?

Je m'inquiète également de la surreprésentation des projets parisiens dans les investissements du ministère. C'est le cas de la rénovation du Centre Pompidou, comme l'a souligné notre collègue rapporteur Sabine Drexler, dont je salue le travail.

En cette période de forte inflation, cette surreprésentation contraint les collectivités territoriales à des choix budgétaires cornéliens. Or, madame la ministre, vous pourriez prévenir la fermeture des lieux culturels ou des bibliothèques en procédant à des rééquilibrages budgétaires.

Madame la ministre, mes chers collègues, une seconde chape de plomb pourrait s'abattre sur le monde culturel en 2024. Il s'agit de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques.

Après deux années de crise sanitaire et de forte inflation, la vie festivalière sera totalement bouleversée, reprogrammée dans les « trous » laissés disponibles par les Jeux, parfois en dehors des vacances scolaires.

Dans ce contexte, la politique culturelle du pays se transforme en une gestion de crise et il est difficile de prendre de la hauteur pour adapter nos outils aux grandes transformations en cours.

C'est le cas du financement du Centre national de la musique, dont les missions ont été brouillées, dès ses premières d'année d'existence, pendant la période covid. Aussi nous paraît-il nécessaire de conserver la taxe sur le streaming votée par le Sénat.

Il en va de même des phénomènes de concentration à l'œuvre, comme le big-bang en cours dans le monde de l'édition ou la concentration observée dans le secteur des festivals, qui fragilise les plus petites programmations et qui favorise la hausse inexorable du prix des places. La concentration dans le secteur des plateformes de vidéo à la demande est, quant à elle, déjà bien établie.

Ce phénomène de concentration est un obstacle à la diversité et à l'accessibilité culturelles, auxquelles le groupe écologiste est très attaché.

Un soutien supplémentaire aux quatre-vingt-douze scènes de musiques actuelles en grande difficulté est aussi nécessaire.

Dans les cinémas, le retour du public bénéficie surtout aux grandes productions, et non pas aux films d'auteur, selon le bilan du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) de 2023.

Après les menaces pesant sur des lieux culturels locaux emblématiques comme Montévidéo à Marseille, on apprend que le prix des loyers chasse les cinémas des Champs-Élysées et des cœurs de ville. Il importe donc de les mettre à l'abri de la flambée immobilière, conformément à l'esprit de l'ordonnance de 1945 relative aux spectacles.

À nous de nous saisir de la question transversale du partage de la valeur ajoutée dans le secteur culturel et de revaloriser la part des auteurs et des artistes. Les négociations sur les conséquences de l'intelligence artificielle qui ont lieu de l'autre côté de l'Atlantique devraient nous inciter à faire de même, sans plus attendre. Cette question concerne toutes les œuvres de l'esprit, y compris les scénographes.

Je pense aussi à notre amendement, qui a été adopté et qui vise à renforcer le droit d'exposition des artistes visuels, toujours oubliés.

Néanmoins, Tempus edax rerum – le temps dévore tout –, mes chers collègues, et j'arrive à la fin de mon temps de parole. §

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