Intervention de Jean-Raymond Hugonet

Réunion du 7 décembre 2023 à 14h30
Loi de finances pour 2024 — Compte de concours financier « avances à l'audiovisuel public

Photo de Jean-Raymond HugonetJean-Raymond Hugonet :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Médias, livre et industries culturelles » traduit la mission de régulation de l'État.

Si celui-ci n'a pas vocation à se substituer aux industries culturelles, son intervention est précieuse dans la plupart des différents domaines couverts par cette mission pour un montant de 742 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 736 millions d'euros en crédits de paiement. Ces chiffres représentent une progression respectivement de 5, 6 % et de 4, 4 % par rapport à la loi de finances pour 2023.

Quatre grands axes peuvent être distingués.

Premièrement, la moitié de ses crédits est fléchée vers le soutien au secteur de la presse écrite. Le montant total de ces aides diminue de 0, 3 % par rapport à 2023 ; il devrait atteindre 196, 5 millions d'euros en crédits de paiement en 2024.

Les difficultés structurelles du secteur de la presse écrite, dans un contexte de concurrence avec d'autres modes d'information, font déjà l'objet de multiples analyses : je ne vais donc pas m'y appesantir. Indiquons simplement que le chiffre d'affaires global du secteur a reculé de 6 % entre 2019 et 2022 et que cette tendance est malheureusement appelée à durer.

La réforme des aides à la presse est un véritable serpent de mer. Pour autant, il sera intéressant d'observer si des propositions concrètes concernant le modèle économique de la presse et du soutien public apporté aux titres d'information sortent des états généraux de l'information.

Deuxièmement, la mission porte une partie des crédits dédiés à la politique du livre. Ceux-ci sont toutefois loin de résumer l'action du ministère en la matière, qui est éclatée entre plusieurs programmes.

La majeure partie des moyens accordés par la mission au secteur est destinée aux grandes bibliothèques nationales et au Centre national du livre.

Les crédits sont d'ailleurs en forte hausse par rapport à 2023 : +10, 4 % en autorisations d'engagement et +7, 5 % en crédits de paiement. Il s'agit surtout de couvrir le coût de l'inflation pour ces opérateurs et de poursuivre les différents chantiers – titanesques ! – de leurs bâtiments.

Troisième axe, la mission porte les emplois du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui ne bénéficie toutefois d'aucun crédit budgétaire ; il ne manquerait plus que ça ! Son budget annuel – 829 millions d'euros en 2023 – est abondé par quatre taxes affectées, et son action est appuyée, au niveau fiscal, par cinq crédits d'impôts, dont la dynamique est sans précédent. La dépense fiscale en faveur du cinéma devrait ainsi s'élever à 527 millions d'euros en 2024, en hausse de 11 % par rapport à 2023.

Le quatrième axe, enfin, est le financement du Centre national de la musique (CNM). Si l'argent ruisselle allégrement sur le cinéma et le pass Culture, la musique, elle, n'est pas sous le robinet !

Rapporteur de la proposition de loi créant le CNM en 2019, j'avais pointé à l'époque l'inadéquation entre, d'une part, la noble ambition affichée – faire du CNM l'équivalent du CNC dans le secteur de la musique – et, d'autre part, les moyens réellement confiés à cet établissement public.

Au mois de juin dernier, le jour de la fête de la musique, le Président de la République a mis en demeure les acteurs du secteur de trouver entre eux, et avant le 30 septembre, une nouvelle solution de financement, sous peine de la mise en place d'une taxe spécifique.

Nous sommes mi-décembre et, telle Sœur Anne, nous ne voyons toujours rien venir !

Le Sénat a donc pris ses responsabilités en votant à une large majorité dans la première partie du PLF 2024 la désormais fameuse taxe sur le streaming.

Reste à savoir ce que vous-même, madame la ministre, vous choisirez de conserver, ou pas, dans la frénésie de 49.3 qui sévit dans notre pays.

Passons maintenant au compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public ». Celui-ci retrace l'intégralité des crédits destinés aux six organismes de l'audiovisuel public : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et Arte.

Ces crédits passent désormais par l'affectation d'une fraction de TVA, dont le montant s'élève à 4 025 milliards d'euros, en hausse de 209, 4 millions d'euros par rapport à 2023, soit 5, 49 %. Cette augmentation s'ajoute à celle de 114 millions d'euros déjà constatée entre 2022 et 2023.

Par ailleurs, si le Gouvernement applique la trajectoire figurant dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 et 2027, les montants accordés aux six sociétés d'audiovisuel public devraient avoir augmenté de près d'un demi-milliard d'euros, soit 13 %, entre 2022 et 2027.

Ce PLF 2024, c'est Noël avant l'heure pour une partie des entreprises de l'audiovisuel public, notamment pour France Télévisions. Celles-ci bénéficieront d'avances finançant, nous dit-on, des « actions de transformation » identifiées dans les contrats d'objectifs et de moyens (COM).

Un bémol toutefois : nous ne connaissons pas le contenu de ces COM au moment du vote. Nous devons donc nous prononcer à l'aveugle. Ce n'est pas dans les habitudes de la maison !

En vérité, la situation est devenue insupportable. Il n'y a toujours pas de réelle stratégie pour l'audiovisuel public, aucun cap clair et fiable, tout juste un aimable bricolage qui ne trompe personne. Vous n'avez toujours pas prévu, non plus, de financement pérenne. Après la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), l'affectation d'une fraction de TVA sera contraire à la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) dès le 1er janvier 2025.

Le risque est donc grand de voir pérennisée sans débats une solution initialement prévue pour être temporaire. Inutile de vous préciser, madame la ministre, que cela ne fait pas non plus partie des habitudes de la maison !

J'ai donc logiquement déposé un amendement de crédits visant à ramener les montants accordés à l'audiovisuel public au niveau de ceux qui étaient prévus dans la loi de finances initiale pour 2023.

Nous adopterons donc les crédits de ce compte de concours financier s'ils sont modifiés par cet amendement. §

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