Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le rapporteur pour avis du programme 180 « Presse et médias » que je suis souhaiterait pouvoir s'avancer devant vous, en ce jour d'examen de ces crédits, chargé de bonnes nouvelles et de perspectives prometteuses. Ce n'est – hélas ! – pas encore le cas cette année.
La situation de la presse, ce pilier de notre démocratie, semble se dégrader sans que l'on puisse entrevoir le terme d'une chute estimée à ce jour à 60 % de son chiffre d'affaires depuis l'année 2000.
Comment expliquer et justifier ce paradoxe d'une presse menacée dans son existence même, alors que jamais le monde n'a été aussi complexe et l'information aussi nécessaire ?
Le numérique devait ouvrir la voie à une ère de connaissance et de prospérité. Il est devenu en réalité incontrôlable, et a substitué l'approximation et l'emportement aux faits et à l'analyse.
Il nous appartient toutefois, en tant que pouvoirs publics, de résister à la tentation de la résignation. C'est la raison pour laquelle nous nous efforçons de construire un avenir pour la presse, ce qui signifie en réalité un avenir pour la démocratie, notamment au travers du soutien public que matérialise ce programme budgétaire.
Les crédits que vous nous proposez d'adopter aujourd'hui évoluent peu d'une année sur l'autre, madame la ministre. Je ne vous en fais pas grief, tant s'en faut.
Il est toutefois temps de définir une stratégie d'ensemble pour faire de ces crédits non plus des instruments de secours, mais des leviers de développement.
Avec le Président de la République, vous avez lancé les états généraux de l'information, devant lesquels, avec plusieurs collègues, j'ai été invité à m'exprimer. Si j'en salue l'ambition, je me réjouirai plus encore des réalisations, qui ne dépendent que de vous.
Il nous faut réfléchir – vous savez que les travaux du Sénat s'y prêtent particulièrement – à un meilleur accompagnement du secteur.
J'estime que, dans le cadre des prochains budgets, deux grands chantiers devront être abordés.
Le premier est la réforme des aides à la presse, qui doivent à présent s'inscrire dans une logique de conditionnalité et d'accompagnement du numérique.
Cette réforme doit de plus s'accompagner – c'est le second chantier – d'un examen sérieux de la chaîne logistique de la distribution, qui ponctionne encore davantage la partie des ressources.
Le duopole mortifère France Messagerie – Messageries lyonnaises de presse (MLP), qui tente de survivre dans un marché en attrition constante, n'est pas tenable.
Toutes les solutions doivent être envisagées pour créer un système de distribution plus ouvert et efficace, par une mutualisation des flux sur le « dernier kilomètre ».
La réforme du portage et du postage, certes complexe, montre qu'il est possible d'avancer et d'apurer un passif issu d'un passé bel et bien révolu.
Vous avez montré que vous saviez écouter le Sénat, madame la ministre. La prise en compte de nos recommandations sur l'écocontribution en atteste.
Notre ambition est tout entière contenue dans le programme tracé par un illustre ancien sénateur, Victor Hugo, qui déclarait en 1850 : « C'est parce que je veux la souveraineté nationale dans toute sa vérité que je veux la presse dans toute sa liberté. »
Vous l'aurez compris, la commission de la culture a émis un avis favorable, mais exigeant à l'adoption des crédits pour 2024.