Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2024 confirme une tendance à l'augmentation des crédits pour l'audiovisuel public, amorcée l'an passé après plusieurs années de baisse.
Mais le rapporteur pour avis Cédric Vial a raison de souligner que cette hausse doit être relativisée. Au-delà de l'inflation, elle s'explique par la nécessité de compenser les effets fiscaux de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public.
L'exemple de Radio France souligne à quel point l'augmentation du budget est en trompe-l'œil. Hors remboursement des effets fiscaux et hors programme de transformation, la hausse de la dotation est inférieure à l'inflation.
La suppression de la CAP, intervenue dans les conditions que l'on sait, s'est fait en dépit des conclusions du rapport de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et de l'IGF, qui préconisait de modifier la Lolf pour sanctuariser les ressources de l'audiovisuel public.
À défaut, nous n'avons aucune perspective sur son mode de financement pour 2025, car l'affectation d'une fraction de TVA ne pourra plus être reconduite dans un an si la Lolf n'est pas modifiée. Le groupe Union Centriste le savait depuis le début. C'est la raison pour laquelle nous nous étions opposés à la suppression ex abrupto de la contribution à l'audiovisuel public, sans garantie pour la suite.
Le Gouvernement – j'ai envie de dire Bercy – optera-t-il, comme on peut le craindre, pour une budgétisation de l'audiovisuel public ? Comme cela a été dit, ce serait un contresens historique. La dotation de l'État, à laquelle notre groupe a toujours été opposé, revient à remettre en cause l'indépendance et la modernisation de notre audiovisuel public.
Tous ces éléments ayant été rappelés, nous ne pouvons que nous opposer à l'amendement du rapporteur spécial Jean-Raymond Hugonet, qui vise à réduire de 210 millions d'euros les crédits accordés à l'audiovisuel public.
Pardonnez-moi, mon cher collègue, mais cette proposition relève d'un raisonnement par l'absurde : le financement de l'audiovisuel public n'étant pas pérenne, il faudrait plomber la solution transitoire.
L'amendement procède aussi d'une logique punitive vis-à-vis de l'audiovisuel public, auquel il est reproché de ne pas se réformer. C'est sévère, car toutes les sociétés de l'audiovisuel public ont fait des efforts d'économies, enregistré des gains de productivité, et amorcé une mutation de leur modèle : numérisation, intégration transversale de leurs diverses composantes, début de synergies.
Certes, on peut aller beaucoup plus loin, mais il faut aussi de la visibilité. Or force est de constater que, depuis huit ans, la tutelle est changeante, voire contradictoire.
Souvenons-nous de France 4 : le cap affiché s'est souvent résumé aux économies à réaliser, sans que l'on songe à redonner du sens aux missions de la chaîne et, plus grave, à clarifier son modèle de financement et de gouvernance.
Dans un contexte où il existe un décalage notable entre le vote de la trajectoire financière et la présentation pour validation des COM au Parlement, on ne comprend pas bien certains sujets. Par exemple, la création disposera-t-elle toujours de moyens suffisants ? On ne comprend pas bien non plus pourquoi, si l'on décide de supprimer le journal national de France 3, concurrent de celui de France 2, on ne donne pas aux rédactions régionales les moyens de mettre en œuvre un véritable journal régional, très apprécié.
En conclusion, permettez-moi de dire un mot de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), qui est le grand oublié de ce budget, et de l'audiovisuel public extérieur, dont le rôle est capital dans la situation actuelle de tensions internationales et de remise en cause de nos démocraties.
Nous ne défendrons pas nos valeurs sans lutter contre la désinformation. Tel est le rôle de France Médias Monde – Roger Karoutchi l'a justement rappelé –, mais aussi d'Arte, qui, aujourd'hui, n'a pas les moyens de sa plateforme européenne.
Le budget de l'audiovisuel public est aussi le prix de notre liberté. Pour France Médias Monde, le financement affecté est vital, car nos partenaires européens opèrent une nette distinction entre les médias d'État, financés directement par les gouvernements et faisant valoir leur vision du monde, et les médias indépendants de service public, qui s'attachent à délivrer une information indépendante.
Aussi, nos errements financiers actuels vont à l'encontre des engagements pris, par exemple, lors de la création d'Arte. De manière très concrète, je vous signale, mes chers collègues, que le choix d'un financement direct par le budget général de l'État serait de nature à compromettre la diffusion de Radio France International (RFI) à Berlin.
En l'absence de sanctuarisation des crédits de la mission et de visibilité pérenne sur leur évolution, le groupe Union Centriste, suivant en cela le rapporteur pour avis de la commission de la culture, émettra un avis défavorable. §