Intervention de Marta de Cidrac

Réunion du 8 décembre 2023 à 9h30
Loi de finances pour 2024 — Action extérieure de l'état

Photo de Marta de CidracMarta de Cidrac :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'état du monde est préoccupant. C'était vrai en 2023, ce le sera encore en 2024. Instabilités, crises, pénuries, extrémismes, les maux qui affectent la géopolitique actuelle sont nombreux et nous imposent, en tant que législateurs, de prendre des décisions.

L'une d'entre elles est bien sûr de renforcer les moyens de nos armées. L'emploi de la force n'est jamais souhaitable en soi, mais il peut se révéler, malheureusement, parfois nécessaire. Il s'agit surtout d'un extrême recours, lorsque toutes les autres solutions ont été épuisées.

Ces solutions, notre diplomatie les met en œuvre au quotidien. Elle défend les intérêts et la place de la France dans le monde, mais également la paix, la liberté et la sécurité des nations.

Par son histoire, sa langue et sa tradition, notre pays a développé, au fil des siècles, une véritable culture diplomatique. Nos différentes représentations, ambassades et consulats forment aujourd'hui le troisième réseau diplomatique du monde, après ceux des États-Unis et de la Chine. Au vu des équilibres géopolitiques instables que nous connaissons, c'est un atout, un élément majeur de notre souveraineté.

La mission que nous examinons semble soutenir budgétairement notre diplomatie. En effet, le PLF 2024 prévoit un budget en augmentation de 6 % pour la mission « Action extérieure de l'État », dont les crédits progressent en valeur de 290 millions d'euros par rapport à 2023, une fois l'inflation déduite. C'est un effort significatif que je salue, au regard des enjeux et du contexte que j'ai évoqués.

Cependant, cette augmentation doit être utilisée de façon stratégique, en fléchant les nouveaux moyens vers des zones géographiques précises et selon des priorités politiques claires et bien définies.

De même, la politique extérieure de la France n'est pas toujours d'une grande lisibilité, la récente crise au Proche-Orient nous le rappelle.

Ces moyens supplémentaires interviennent à la suite des annonces faites par le Président de la République lors des États généraux de la diplomatie, en mars dernier : il s'agit d'une augmentation du budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui est porté à 7, 9milliards d'euros d'ici à 2027, ainsi que de la création de 700 équivalents temps plein. Cet effort est certes important, mais soyons vigilants et n'oublions pas le contexte dans lequel ces promesses ont été formulées.

En effet, en juin 2022, un mouvement social d'ampleur – fait inédit – a touché le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Sans revenir en détail sur le décret qui a mis le feu aux poudres, nous devrons nous assurer que les annonces présidentielles se concrétisent et qu'elles n'ont pas été prononcées pour faire du bien à qui veut l'entendre.

Malheureusement, cela commence mal : les rapporteurs spéciaux de la commission des finances relèvent que le fléchage des crédits et des nouveaux emplois est imprécis. L'exécution de cette mission budgétaire est donc à surveiller, car elle risque de n'avoir servi qu'à apaiser temporairement les tensions sociales. Avec une pointe d'ironie, je dirai qu'un tel scénario messianique a déjà été vu par ailleurs…

Je retiens néanmoins l'intention d'un réarmement diplomatique à long terme, qui serait salutaire. Depuis trente ans, les moyens accordés à notre diplomatie ont été grandement diminués, de même que les emplois publics dans ce domaine, qui ont été réduits de moitié.

La mission que nous nous apprêtons à examiner défend notre place de puissance diplomatique mondiale, la première au sein de l'Union européenne. Cette précision est importante, car l'Union européenne ne souhaite pas rester à l'écart du sujet.

Le déclin des capacités diplomatiques de certains de nos partenaires européens a mécaniquement permis le renforcement d'une diplomatie européenne mutualisée, dotée cette année de près de 6 milliards d'euros de budget. C'est un atout sur lequel nous devons nous appuyer, sans feindre d'ignorer certaines réalités. En Européenne convaincue, je souhaite rappeler la nécessité de conserver une pleine et entière autonomie diplomatique française.

La voix de la France, qui fait valoir ses intérêts et sa vision du monde, est écoutée sur la scène internationale depuis des siècles. Cela doit continuer ainsi, en parallèle d'une diplomatie européenne qui est certes essentielle, mais qui agit dans un périmètre d'action différent.

La crise ukrainienne nous aura montré les limites d'une diplomatie à vingt-sept. Construire ensemble une Europe puissance, oui, mais sans abandonner nos spécificités nationales ! Ainsi, les Allemands n'ont pas hésité à protéger leur souveraineté et leurs intérêts vitaux, alors même que leur position allait à l'encontre de la position communautaire.

Pour conclure, la fin de la Guerre froide a pu nous faire vivre dans l'illusion d'une « fin de l'histoire », mais nous voyons bien qu'il n'en est rien. Le monde dans lequel nous vivons est multipolaire, parsemé de crises, où s'entrechoquent tous les extrémismes. Dans ce monde instable, nous devons pouvoir compter sur un réseau diplomatique efficace, ancré, expert, parlant à nos alliés, nos adversaires et nos ennemis.

C'est là le premier rempart de notre souveraineté. Tel est selon moi l'état d'esprit qui doit nous animer en examinant ces crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

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