Intervention de Rachid Temal

Réunion du 8 décembre 2023 à 16h00

Photo de Rachid TemalRachid Temal :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Aide publique au développement » est de la plus haute importance – son examen mériterait d'ailleurs d'être programmé à un moment plus attractif pour notre assemblée…

Pour le souligner, il suffit de regarder l'encours des engagements de l'Agence française de développement pour 2022 : plus de 14 milliards d'euros.

Mais au-delà des chiffres, cette mission traduit aussi le rôle historique de la France, fidèle à ses valeurs, en faveur de la solidarité internationale. Nous sommes le quatrième contributeur mondial – c'est une bonne chose. N'ayons pas peur des mots : il s'agit aussi d'un instrument de la stratégie d'influence de notre pays.

Dans le contexte trouble que nous connaissons, avec le retour de la force et de la guerre comme normalité des relations entre États, l'aide publique au développement revêt une importance particulière.

Les crédits seront globalement maintenus en 2024, après une progression sensible ces dernières années. Nous pouvons saluer l'action du Gouvernement à cet égard.

Reste que, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, il convient d'apprécier ce budget à l'aune de quelques références essentielles, à commencer par la loi de programmation de 2021, dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteur aux côtés de Hugues Saury.

Cette loi fixe une trajectoire pluriannuelle qui doit nous servir de boussole. Parti du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ce texte a été bonifié par le Sénat et nous avons eu l'honneur de l'adopter.

Pour autant, plusieurs éléments posent problème.

D'abord, différents rapports prévus dans ce texte n'ont toujours pas été produits.

Ensuite, son application pose la question des relations entre les pouvoirs exécutif et législatif. Comment accepter qu'un conseil présidentiel, dont personne ne connaît les fondements et dont l'existence ne s'appuie sur aucun texte, ait pu, à lui seul, modifier des dispositions adoptées par le Parlement ? Certes, l'APD, comme toute action publique, doit pouvoir être modifiée, mais cela ne peut se faire qu'avec le Parlement, a fortiori lorsqu'a été votée une loi de programmation !

Résultats : la stratégie financière n'est pas respectée et les échéances ont été décalées ; des questions persistent quant à la taxe sur les transactions financières ou au ratio entre prêts et dons ; enfin, alors qu'elle était au cœur du texte, la concentration sur dix-neuf pays prioritaires a disparu des radars et nous ne savons ni pourquoi ni comment cela s'est produit. Nous ne pouvons pas accepter, alors même que nous avons mené ce travail de priorisation, que les dispositions de la loi soient ainsi transformées.

Nous demandons tout simplement que la loi soit respectée ou que l'exécutif revienne devant le législatif pour s'expliquer et débattre des modifications qu'il souhaite opérer. Nous pourrions même nous appuyer sur une proposition de loi, si quelqu'un voulait se saisir de cette question.

Ce n'est pas le cas, et c'est un problème : la mission « Aide publique au développement » ne respecte donc pas le travail démocratique qui a débouché sur la loi de programmation. La série d'agrégats qui sous-tend ce budget ne correspond pas aux quatre priorités que nous avions identifiées : bien manger, se loger, apprendre et se soigner. Nous ne les retrouvons pas dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui.

Pour terminer, quelles sont les urgences en matière de politique d'aide publique au développement ?

La première est de mettre en place la commission d'évaluation – Christian Cambon en a parlé. Au départ, nous étions plutôt défavorables à une telle commission, car évaluer, c'est souvent refuser de diriger.

Pour autant, nous ne pouvons pas comprendre que sa mise en place soit bloquée depuis 2021, alors que la loi, sur l'initiative d'un député de la majorité, a déterminé la procédure à suivre. Cette commission doit être rattachée à la Cour des comptes et agir sous l'autorité du premier président de celle-ci. C'est assez simple, mais deux ans plus tard, nous en sommes toujours au même point ! Nous appelons donc le Gouvernement à agir en responsabilité pour appliquer la loi.

La deuxième urgence concerne la loi de programmation. Celle qui est en vigueur a été adoptée en 2021 et porte sur la période 2020-2025. Cela n'était pas très cohérent, convenons-en. Le Parlement a gentiment accepté de fermer les yeux.

Je crains malheureusement que cela se reproduise. Nous appelons donc le Gouvernement à lancer dès à présent les travaux d'une nouvelle loi de programmation militaire…

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