La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures vingt-huit.
La séance est reprise.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Guillaume Gontard.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pandémie, guerre, inflation, catastrophes climatiques… Partout dans le monde, les crises se succèdent et l'accès aux ressources et aux services de base devient difficile pour des centaines de millions de personnes.
Faim, manque d'eau et de médicaments, accès limité à l'éducation… Alors que de nombreux pays ne parviennent plus à assurer les besoins les plus élémentaires de leur population, la solidarité internationale est une nécessité non seulement humaniste, mais aussi d'intérêt national, car les crises qui touchent des pays lointains finissent toujours par nous affecter à notre tour.
Pour cela, la France déploie, principalement au travers de l'AFD, un important budget d'aide publique au développement, le quatrième au niveau mondial.
À première vue, nous pourrions nous en féliciter. Pourtant, dans ce domaine aussi, l'heure est à l'austérité. Le montant que vous nous proposez, 5, 9 milliards d'euros, est exactement le même que celui de cette année ; en tenant compte de l'inflation et de la montée des taux, cela revient à réduire nos dépenses de solidarité internationale.
Au-delà du montant brut, il faut regarder ce que ce montant représente au regard de notre richesse nationale : 0, 55 % de notre RNB, bien loin des 0, 7 % promis par la France à la tribune des Nations unies dès 1970.
Nous semblions pourtant sur le bon chemin : la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui fait de l'aide publique au développement un pilier de la politique étrangère française, fixait un objectif de 0, 7 % pour 2025.
Mais voilà, un comité interministériel de la coopération internationale et du développement organisé cet été a décidé de repousser ce calendrier à 2030. Cela fait donc cinquante-trois ans que les pays les plus pauvres attendent que nous respections nos engagements. Dès lors, pourquoi pas cinq ans de plus, direz-vous ?
Derrière ces opérations comptables, ce sont des milliards d'euros qui ne seront pas consacrés à l'éducation, à la santé, à l'égalité entre les femmes et les hommes, à la protection du climat ou à la lutte contre la faim. Or nous sommes en train de régresser sur ces terrains, comme l'a rappelé l'ONU en septembre, à mi-parcours de l'agenda 2030.
Alors que la faim, l'extrême pauvreté ou encore le travail des enfants progressent à nouveau, la France doit renforcer son aide internationale et non la réduire.
La distribution de l'aide au développement pose également question. La loi du 4 août 2021 prévoit que 65 % de cette aide soit attribuée sous forme de dons et non de prêts. Or la France est en troisième position des membres de l'OCDE qui favorisent le plus ces derniers.
On sait pourtant que ceux-ci n'aident pas véritablement les pays qui les reçoivent, lesquels sont souvent au bord de la faillite. Ce constat va encore s'aggraver avec la montée actuelle des taux.
La loi prévoit également que la part d'aide publique au développement transitant par les organisations de la société civile atteigne environ 15 %. Votre budget atteint seulement 8 %, soit autant de moyens en moins pour les ONG, pourtant reconnues pour leur travail de terrain.
Enfin, les organisations regroupées au sein de Coordination SUD sont très inquiètes, notamment de la suspension pure et simple de toute aide au Mali, au Niger et au Burkina Faso, décidée cet été en réaction aux coups d'État anti-français dans la région.
Certes, nous pouvons concevoir que la France stoppe des programmes de coopération avec ces pays à la suite des changements de régime, mais sacrifier l'aide aux populations civiles pour des raisons géopolitiques est une grave erreur.
Qui va pâtir, par exemple, de l'arrêt de quatre projets d'accès à l'eau potable ? Les militaires au pouvoir ou les populations ? Comment espérez-vous redorer le blason de la France dans la région en agissant ainsi ? Comment faire reculer le terrorisme qui frappe le Sahel, en maintenant les populations locales dans le dénuement ?
Face au terrorisme et à la montée du sentiment anti-français, la réponse doit être politique et sociale. Nous devons changer de paradigme.
Le Cicid qui s'est tenu cet été a donc profondément abîmé l'aide publique au développement. Nous proposerons des amendements pour respecter la loi de 2021 et remédier à ces décisions malheureuses.
Alors que la France est de moins en moins bien perçue dans le monde, nous devons démontrer notre souci de préservation des biens communs et d'aide aux populations les plus pauvres ; en tant que grande puissance et ancien colonisateur, notre responsabilité est immense. Soyons à sa hauteur ! §
La mission « Aide publique au développement » connaît, cette année, une stabilisation qui concerne le programme 110 comme le programme 109, après plusieurs années de croissance régulière. Si les efforts fournis au cours de la décennie écoulée ont amené l'aide publique au développement (APD) française à 15, 3 milliards d'euros en 2022, cette progression reste lente et insuffisante et l'objectif de 0, 7 % a encore été repoussé.
En outre, replacée dans le contexte économique morose, avec un taux de croissance inférieur à 1 % en 2023 et une inflation atteignant 5, 8 %, cette stabilisation apparente dissimule en réalité une diminution des crédits.
C'est d'autant plus affligeant, madame la ministre, que ce grave sujet a fait l'objet d'un consensus relatif depuis le début de 2017, quand l'Élysée avait formulé l'engagement d'augmenter annuellement l'aide publique au développement.
La trajectoire vers les 0, 7 % du RNB dédiés à l'APD semble bien abandonnée !
Par ailleurs, comment ne pas être choqué par la décision du Cicid de réorienter les priorités d'action vers les questions climatiques ? Prise en toute discrétion et en plein été, celle-ci va à l'encontre des dispositions de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
Comprenons-nous bien, mes chers collègues : il n'est nullement question de remettre en cause l'importance de l'enjeu climatique pour l'avenir du développement de l'humanité ; mais la loi du 4 août 2021, que nous avons adoptée, portait comme premier objectif « l'éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions, la lutte contre les inégalités, la lutte contre l'insécurité alimentaire et la malnutrition et l'action en matière d'éducation et de santé ».
Quand l'ONU indique que, depuis 2021, 11 millions de personnes supplémentaires souffrent de la faim en Afrique, il me semble normal de nous interroger sur ce changement arbitraire de priorité.
En outre, la crise alimentaire la plus alarmante au monde frappe le Sahel central et 24 millions de personnes, dans une région constituée du Mali, du Niger et du Burkina Faso ; je ne peux dès lors m'empêcher de faire un lien entre l'échec diplomatique français catastrophique dans la zone et ce changement de priorité de l'APD française. Cela couvre de honte notre pays et offre, malheureusement, aux djihadistes un peu plus d'espace sur le terrain.
À la décision du Cicid et à l'assujettissement de l'APD aux variations de la politique étrangère s'ajoute désormais la place accordée à nos intérêts économiques. Nos instruments bilatéraux deviennent plus transactionnels, en priorisant notamment le financement de grands projets urbains d'infrastructures dans des pays à revenu intermédiaire.
Ce n'est pas tout : dorénavant, l'attribution de l'APD sera également conditionnée au respect de la coopération migratoire des États bénéficiaires. Irresponsable, cynique, indigne sont autant de mots qui peuvent décrire cette politique, qui aura un impact négatif direct sur des millions d'individus.
À l'inverse, nous estimons qu'il est urgent de changer d'orientation et de diriger l'aide vers le développement propre des pays destinataires. Cela suppose de tourner le dos à toute tentation de prédation de leurs richesses, qui persiste encore largement et qui risque de s'aggraver en raison de l'introduction d'une logique transactionnelle assumée.
De même, nous proposons qu'au moins 10 % de l'APD soit consacrée au renforcement des systèmes fiscaux des pays bénéficiaires, comme le préconise la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced).
Pour l'ensemble de ces raisons, nous sommes contraints de voter contre ces crédits. §
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au fil des décennies, la France demeure l'un des principaux pays contributeurs à l'aide publique au développement. Nos collègues rapporteurs ont rappelé cet état de fait, illustré par une aide totale de 15, 3 milliards d'euros comptabilisée en 2022.
Malgré des finances publiques contraintes, j'observe avec satisfaction une absence de renoncement. Certes, les crédits de la mission « Aide publique au développement » stagnent dans le projet de loi de finances pour 2024, mais cela doit être mis en regard de plusieurs années consécutives de hausse.
Cette situation est tout à l'honneur de la France et conforme à ses valeurs. À cet égard, je rappelle qu'il est ici question de fraternité, de solidarité, et certainement pas de charité.
En outre, n'oublions pas que le développement est aussi une affaire de géopolitique et parfois de politique intérieure. Nous savons combien la pression migratoire aux frontières de l'Europe, mue le plus souvent par la pauvreté, fait courir un risque de fractures dans plusieurs États membres, parmi lesquels la France. Aussi la mobilisation financière doit-elle être au rendez-vous.
La France poursuit des efforts constants. Devons-nous, pour autant, nous inquiéter des difficultés à atteindre l'objectif, initialement fixé par la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ? Ainsi, la proportion de 0, 7 % du RNB attribué à l'aide publique au développement a désormais pour horizon 2030, et non plus 2025.
De nouveaux défis s'ajoutent aux problèmes durables de pauvreté : drames humanitaires liés aux conflits en Ukraine ou dans la bande de Gaza, retour des crises de la dette dans plusieurs pays africains et effets accélérés du changement climatique.
Face à ces enjeux, au-delà des montants budgétaires, que devons-nous attendre de la politique d'aide au développement ?
Qu'elle soit tout d'abord la plus efficace possible. Cela repose en partie sur le choix de ses cibles : il est évident que la Chine et la Turquie ne pouvaient pas rester au tableau des vingt premiers pays bénéficiaires de l'aide bilatérale de la France.
Cette correction fait suite au recentrage de l'aide vers les pays les moins avancés et vers les pays dits vulnérables. Avec un spectre plus large d'intervention, la commission des affaires étrangères s'inquiète du risque de saupoudrage des crédits : près de cinquante pays seraient ainsi potentiellement concernés par la moitié de l'effort financier. Je partage à ce sujet la crainte exprimée par nos collègues rapporteurs pour avis.
L'efficacité de l'aide publique au développement repose également sur l'Agence française de développement.
Nos rapporteurs l'on souligné : la hausse des taux d'intérêt n'est pas sans conséquence sur le volume de l'aide. Devons-nous, une fois de plus, nous en inquiéter ?
J'ajoute que l'efficacité de l'aide tient aussi à la capacité des populations locales à s'approprier les projets. À cet égard, il faudrait mettre en place une politique d'évaluation, tout comme il serait utile de mieux cerner leur efficacité selon qu'ils reposent sur des dons ou sur des prêts.
Depuis plusieurs années, nous sommes nombreux à avoir souhaité que les dons reprennent le dessus. Quel est le résultat de cette politique de rééquilibrage ?
Enfin, je rappelle une évidence : historiquement, la vocation première de l'aide publique au développement est la lutte contre la pauvreté. Aujourd'hui, toutefois, une tendance se dessine, visible dans les objectifs fixés par le conseil présidentiel du développement : la priorité donnée aux questions climatiques.
Si nous comprenons bien les conséquences que peuvent emporter les événements climatiques sur le niveau de développement, veillons, en parallèle, à ne pas hypothéquer les autres politiques. Comme chacun le sait, il y a beaucoup à faire en matière d'éducation, de santé, d'accès à l'eau et, plus globalement, de protection sociale.
Sans méconnaître la nécessité, rappelée en ce moment même dans le cadre de la COP28, d'aider les pays pauvres à prendre le chemin d'une croissance durable, n'oublions pas que ceux-ci sont peuplés d'hommes et de femmes qui ne demandent pas seulement à survivre, mais à vivre.
En espérant que cette mission y contribue, le groupe du RDSE votera ces crédits. §
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans un contexte géopolitique multipolaire et à l'heure où de graves crises touchent de nombreuses parties du monde, la France doit, plus que jamais, maintenir son statut de grande puissance sur la scène internationale.
D'année en année, les catastrophes naturelles s'enchaînent ; partout dans le monde, des coups d'État éclatent ; trop souvent, des guerres se déclarent. Ces phénomènes ébranlent nos valeurs, fragilisent les biens publics mondiaux que nous nous efforçons de protéger, comme la santé, l'environnement ou l'égalité entre les femmes et les hommes, et sèment la misère et la précarité parmi les populations qu'ils touchent.
Le rôle de l'aide publique au développement est de prévenir ces crises en s'attaquant à leurs causes profondes : les inégalités, la pauvreté ou les difficultés d'accès à l'éducation, encore trop fortes dans certains pays.
Quatrième bailleur mondial en la matière, la France est une figure de proue de la solidarité internationale. Elle n'est pas seulement un grand contributeur financier, elle est créatrice de solutions.
Entre 2017 et 2022, nous avons abondé de 5 milliards d'euros les crédits alloués à cette mission. Pour préserver le monde de l'émergence de nouvelles crises, il est essentiel de maintenir le cap défendu par l'exécutif depuis plus de six ans. Nous devons poursuivre les efforts engagés pour augmenter ces crédits, afin de remplir notre objectif de consacrer 0, 7 % de notre revenu national brut à l'aide publique au développement en 2030.
Mes chers collègues, je suis étonnée d'apprendre que certains d'entre vous souhaitent diminuer les crédits de cette mission ; qu'elle soit justifiée par des raisons budgétaires ou diplomatiques, toute minoration serait pourtant contre-productive.
L'aide publique au développement est avant tout l'instrument de notre politique de développement et de notre diplomatie. Elle n'est pas octroyée comme de la charité ; elle ne saurait être retirée comme une sanction. Elle ne doit pas devenir une arme supplémentaire dans les conflits actuels.
Les investissements solidaires que nous réalisons dans les pays les plus fragiles honorent nos engagements pris sur la scène internationale. Ils contribuent à la mise en place et à la préservation des objectifs de développement durable de l'agenda 2030, auquel nous souscrivons.
Contrairement à ce que certains prétendent, cette aide emporte des effets concrets : les investissements français, réalisés par l'intermédiaire de l'Agence française de développement, ont ainsi permis de construire la première ferme éolienne en Éthiopie en 2013 ; ils ont aussi permis d'ériger une station d'épuration dans le nord de la bande de Gaza.
Nous avons d'ailleurs visité cette dernière installation avec Christian Cambon lors du déplacement de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en juin 2022. Cette usine de traitement des eaux usées a été cofinancée par l'AFD à hauteur de 16 millions d'euros et répondait à un besoin sanitaire plus qu'essentiel pour les Gazaouis. Cette visite nous a permis de constater de nos propres yeux la réalisation d'un projet financé par les crédits de l'aide publique au développement.
En outre, les ressources que nous allouons aujourd'hui à notre coopération internationale sont une contribution essentielle à la préservation de la stabilité mondiale.
Les crises se succèdent et elles ne connaissent pas de frontières. Dans un tel contexte, nous ne pouvons pas nous permettre de relâcher nos efforts. Accompagner les pays les plus fragiles, c'est assurer notre propre sécurité.
Le groupe RDPI votera les crédits de cette mission.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Aide publique au développement » est de la plus haute importance – son examen mériterait d'ailleurs d'être programmé à un moment plus attractif pour notre assemblée…
Pour le souligner, il suffit de regarder l'encours des engagements de l'Agence française de développement pour 2022 : plus de 14 milliards d'euros.
Mais au-delà des chiffres, cette mission traduit aussi le rôle historique de la France, fidèle à ses valeurs, en faveur de la solidarité internationale. Nous sommes le quatrième contributeur mondial – c'est une bonne chose. N'ayons pas peur des mots : il s'agit aussi d'un instrument de la stratégie d'influence de notre pays.
Dans le contexte trouble que nous connaissons, avec le retour de la force et de la guerre comme normalité des relations entre États, l'aide publique au développement revêt une importance particulière.
Les crédits seront globalement maintenus en 2024, après une progression sensible ces dernières années. Nous pouvons saluer l'action du Gouvernement à cet égard.
Reste que, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, il convient d'apprécier ce budget à l'aune de quelques références essentielles, à commencer par la loi de programmation de 2021, dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteur aux côtés de Hugues Saury.
Cette loi fixe une trajectoire pluriannuelle qui doit nous servir de boussole. Parti du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ce texte a été bonifié par le Sénat et nous avons eu l'honneur de l'adopter.
Pour autant, plusieurs éléments posent problème.
D'abord, différents rapports prévus dans ce texte n'ont toujours pas été produits.
Ensuite, son application pose la question des relations entre les pouvoirs exécutif et législatif. Comment accepter qu'un conseil présidentiel, dont personne ne connaît les fondements et dont l'existence ne s'appuie sur aucun texte, ait pu, à lui seul, modifier des dispositions adoptées par le Parlement ? Certes, l'APD, comme toute action publique, doit pouvoir être modifiée, mais cela ne peut se faire qu'avec le Parlement, a fortiori lorsqu'a été votée une loi de programmation !
Résultats : la stratégie financière n'est pas respectée et les échéances ont été décalées ; des questions persistent quant à la taxe sur les transactions financières ou au ratio entre prêts et dons ; enfin, alors qu'elle était au cœur du texte, la concentration sur dix-neuf pays prioritaires a disparu des radars et nous ne savons ni pourquoi ni comment cela s'est produit. Nous ne pouvons pas accepter, alors même que nous avons mené ce travail de priorisation, que les dispositions de la loi soient ainsi transformées.
Nous demandons tout simplement que la loi soit respectée ou que l'exécutif revienne devant le législatif pour s'expliquer et débattre des modifications qu'il souhaite opérer. Nous pourrions même nous appuyer sur une proposition de loi, si quelqu'un voulait se saisir de cette question.
Ce n'est pas le cas, et c'est un problème : la mission « Aide publique au développement » ne respecte donc pas le travail démocratique qui a débouché sur la loi de programmation. La série d'agrégats qui sous-tend ce budget ne correspond pas aux quatre priorités que nous avions identifiées : bien manger, se loger, apprendre et se soigner. Nous ne les retrouvons pas dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui.
Pour terminer, quelles sont les urgences en matière de politique d'aide publique au développement ?
La première est de mettre en place la commission d'évaluation – Christian Cambon en a parlé. Au départ, nous étions plutôt défavorables à une telle commission, car évaluer, c'est souvent refuser de diriger.
Pour autant, nous ne pouvons pas comprendre que sa mise en place soit bloquée depuis 2021, alors que la loi, sur l'initiative d'un député de la majorité, a déterminé la procédure à suivre. Cette commission doit être rattachée à la Cour des comptes et agir sous l'autorité du premier président de celle-ci. C'est assez simple, mais deux ans plus tard, nous en sommes toujours au même point ! Nous appelons donc le Gouvernement à agir en responsabilité pour appliquer la loi.
La deuxième urgence concerne la loi de programmation. Celle qui est en vigueur a été adoptée en 2021 et porte sur la période 2020-2025. Cela n'était pas très cohérent, convenons-en. Le Parlement a gentiment accepté de fermer les yeux.
Je crains malheureusement que cela se reproduise. Nous appelons donc le Gouvernement à lancer dès à présent les travaux d'une nouvelle loi de programmation militaire…
Sourires.
J'en profite pour dire qu'il faudrait que les travaux concernant les contrats d'objectifs et de moyens (COM) de l'AFD soient également lancés dans les temps. Je rappelle que notre commission a dû adopter un avis sur le COM 2020-2022 de l'AFD quelques semaines après avoir voté le projet de loi de programmation et que ce COM ne tenait d'ailleurs même pas compte des dispositions dudit projet.
Nous appelons donc le Gouvernement à avancer sur ces deux sujets.
Concernant le vote sur cette mission, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s'abstiendra, sauf si la baisse de 200 millions d'euros des crédits proposée par la commission des finances était adoptée.
À ce titre, j'appelle mes collègues de droite à ne pas tenir deux discours contradictoires, selon qu'ils appartiennent à la commission des finances ou à la commission des affaires étrangères.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ces dernières années, et surtout ces derniers mois, ont été marquées par des événements internationaux bouleversants et douloureux : intensification de la guerre en Ukraine, offensive militaire cruelle et asymétrique de l'Azerbaïdjan contre les Arméniens d'Artsakh, coups d'État en Afrique, tensions croissantes en mer de Chine avec Taïwan et, enfin, récemment, atrocités des terroristes islamiques du Hamas contre nos alliés israéliens.
Des dictatures attaquent sans relâche nos démocraties, avec une intensité inédite. Cela nous rappelle combien il est impératif de renforcer la diplomatie française pour relever les défis à venir. C'est pourquoi, face à ces tragédies qui se répètent, face aux conséquences humaines de ce nouvel état du monde, l'appui apporté aux pays les plus fragiles demeure essentiel.
L'année prochaine, la France maintiendra son effort en consacrant à la mission « Aide publique au développement » un montant stable de presque 6 milliards d'euros. Gardons toutefois à l'esprit que ce chiffre ne représente qu'une partie de nos engagements financiers en faveur du développement.
Depuis une dizaine d'années, le volume de ces engagements a quasiment doublé, passant de 8 milliards d'euros en 2014 à 16 milliards d'euros aujourd'hui.
Malheureusement, l'évolution des crédits pour 2024 s'écarte des cibles fixées par la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, à la suite, notamment, des décisions entérinées par le dernier Cicid.
Deux d'entre elles ont particulièrement retenu notre attention : le report de l'objectif de 0, 7 % du RNB consacré à l'aide publique au développement et le remplacement des dix-neuf pays prioritaires par un ensemble plus large constitué des pays les moins avancés.
Dans leur forme, ces décisions posent problème, car elles modifient des éléments qui figurent en toutes lettres dans la loi de programmation. Une fois encore, le Gouvernement fait preuve de mépris envers le Parlement ; la moindre des considérations démocratiques de sa part aurait été d'informer le Parlement de ses intentions et de l'associer à ses réflexions.
Cela n'a pas été fait, pas plus que n'a été produit le rapport demandé ou que n'a été mise en place la commission d'évaluation de la conduite de notre politique d'aide au développement. De ce fait, le Gouvernement alimente une nouvelle fois les critiques selon lesquelles celle-ci serait menée en dehors de tout contrôle effectif.
Madame la ministre, le Parlement doit être respecté et les outils additionnels prévus pour le contrôle de l'action gouvernementale doivent être mis en place sans plus tarder.
Sur le fond, les orientations dégagées par le Cicid font néanmoins écho à de véritables préoccupations financières et géopolitiques. Alors que notre déficit public reste englué à des niveaux alarmants et que la charge de la dette constitue désormais le deuxième budget de l'État, une nouvelle augmentation des moyens consacrés à l'aide publique au développement n'aurait été ni soutenable ni comprise. Il nous apparaît, en outre, légitime que cette politique participe, comme d'autres, à nos efforts de maîtrise de la dépense publique.
Ensuite, dans plusieurs des dix-neuf pays prioritaires, des évolutions géopolitiques majeures sont intervenues, au détriment de la France. Il semble, une fois encore, justifié d'en tirer des conclusions et de viser davantage de souplesse dans l'octroi de nos aides.
Si nous devons rester vigilants quant à la mise en œuvre de cette volonté de « repolitiser » l'aide au développement, dont les contours sont encore très flous, il est devenu évident que cette politique ne saurait être menée en dehors de toute considération diplomatique ou stratégique.
Nous ne pouvons pas faire comme si de rien n'était lorsque des putschistes mènent, au Sahel, une politique résolument hostile à notre pays ; lorsque, à Gaza, des terroristes islamistes au pouvoir commettent des crimes contre l'humanité. Nous ne pouvons aider des gouvernements qui nous refusent des laissez-passer consulaires et qui sapent ouvertement notre politique migratoire. J'ai notamment à l'esprit la question dite des mineurs non accompagnés, qui, bien souvent, ne sont ni mineurs ni non accompagnés puisqu'ils sont entre les mains des passeurs.
Tout cela impose de renforcer en urgence le contrôle des fonds que nous versons et de nous interroger sur les résultats obtenus jusqu'à présent. C'est capital.
Il nous faut repenser notre stratégie politique, car, malheureusement, la France et l'Europe voient leur influence diminuer ; nous ne saurions verser de l'argent au détriment de nos intérêts ou soutenir d'une manière ou d'une autre ceux qui nuisent à l'image de la France.
Madame la ministre, le groupe Les Républicains tenait à vous alerter sur ces sujets. Pour autant, conscient de leur importance, il votera les crédits de la mission « Aide publique au développement ». §
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis longtemps déjà, la France figure parmi les pays contributeurs à l'aide publique au développement. Elle y consacre des sommes importantes pour améliorer le sort des pays les moins avancés. Elle figure cette année au quatrième rang des contributeurs mondiaux, progressant d'une place par rapport à l'année précédente. En 2024, le montant de cette aide atteindra 0, 56 % du revenu national brut.
Dans les périodes de crise, cette aide publique est plus difficile à justifier auprès de nos concitoyens ; elle n'en est pas moins essentielle.
Nous savons tous que les conséquences des crises dépassent les frontières : lorsque le Sahel s'enfonce dans la violence, la menace terroriste s'y accroît, nos entreprises en pâtissent et les flux migratoires vers l'Europe augmentent.
Bien sûr, dans de telles situations d'urgence, l'aide est encore plus nécessaire. C'est pourquoi une large part des crédits reste consacrée à l'aide humanitaire, destinée aux crises en cours, mais aussi à celles que nous n'aurons pas anticipées.
Dans des contextes plus apaisés, des aides ciblées, sous forme de prêts plutôt que de dons, peuvent bénéficier aux économies locales. Elles peuvent être consenties tant aux États étrangers qu'aux acteurs des sociétés civiles.
En transformant le climat des affaires, nous contribuons à l'amélioration des conditions de vie des populations locales, tout en développant des marchés pour nos entreprises. Les défis relevant de l'éducation, de la santé ou encore des transitions environnementales constituent autant d'opportunités pour nos entreprises.
Il faut pour cela cesser de considérer que l'aide au développement répond à une logique d'assistance. Il s'agit bien davantage d'une forme d'investissement dont notre pays et nos concitoyens tirent des bénéfices sur le long terme.
La France a des intérêts ; il est parfaitement naturel qu'elle les assume. Elle peut légitimement chercher à les satisfaire, lorsqu'ils convergent avec ceux de ses partenaires, sans pour autant les imposer.
Une aide qui se veut un investissement d'avenir doit toutefois rester étroitement contrôlée. Issue de l'argent des contribuables, elle mérite à ce titre d'être employée à bon escient. Il n'est pas question qu'elle bénéficie à des pays qui n'en ont pas réellement besoin. Elle ne doit pas non plus être détournée au profit de nos adversaires.
La France peut contribuer au développement des pays en difficulté, mais elle doit le faire selon ses moyens et en poursuivant ses propres intérêts.
Le groupe Les Indépendants votera en faveur de l'adoption des crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que certains la voudraient repliée, égoïste, voire rabougrie, la France est belle, grande et forte quand elle est solidaire et fraternelle.
Les crédits de cette mission sont à bien des égards une illustration parmi d'autres du caractère fraternel et solidaire de notre pays. Près de 6 milliards d'euros sont un jeu, mais comme cela a été dit à plusieurs reprises, cela ne représente qu'une partie de la totalité du budget que notre pays consacre à l'aide au développement.
Dans une période de crise, alors que nos concitoyens ont de fortes attentes dans de nombreux domaines, l'on peut se demander s'il est réellement important et légitime d'apporter cette aide. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que c'est effectivement important, et même essentiel à plusieurs titres.
La première raison est que le monde est de plus en plus instable et dangereux. Que ce soit en Ukraine, où je me suis rendu deux fois cette année, en Afrique, notamment au Sahel, en Éthiopie ou au Soudan, en Arménie et bien sûr à Gaza, après l'ignoble attaque terroriste dont Israël a été victime, la constante des nombreux conflits qui font rage dans le monde est que les populations civiles en sont systématiquement les victimes collatérales.
Par le biais de l'aide au développement, notre pays soutient les populations civiles, mais il contribue aussi à s'attaquer aux causes de ces conflits, parmi lesquelles on retrouve souvent la misère, le manque d'éducation ou encore les difficultés rencontrées pour manger à sa faim. Tel est l'objectif, mes chers collègues, qui doit étayer notre politique de développement.
Plusieurs de nos collègues, notamment Michel Canévet et Christian Cambon, ont insisté sur la nécessité de nous doter de mécanismes susceptibles d'améliorer le contrôle et le suivi des aides accordées par notre pays. Il y va non seulement d'un enjeu d'efficacité, mais aussi d'une nécessité au regard du contrôle démocratique qui doit être celui des assemblées parlementaires en général et du Sénat en particulier.
Nous avons constaté avec regret que l'arrêt de certaines aides – je pense au Sahel – a été décidé sans que le Parlement soit associé, madame la ministre.
De même, nous nous interrogeons sur le probable non-respect de la trajectoire que nous avons votée dans le cadre de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, avec les conséquences que cela emporte.
Au-delà de ces difficultés, j'estime que nous devons être en mesure d'assumer le fait que l'aide publique au développement est aussi un outil au service de la stratégie d'influence de notre pays. Il nous faut assumer cette ambition sans naïveté, mes chers collègues, car d'autres pays le font.
Je pense en particulier aux enjeux économiques de l'aide au développement pour nos entreprises. Au regard des objectifs de développement durable, il est en effet essentiel, comme le rappelait Michel Canévet, d'accompagner les pays bénéficiaires dans le déploiement de leur stratégie de développement, au travers notamment du financement d'infrastructures. Il importe à tout le moins de ne pas nous l'interdire.
J'estime également que nous devons veiller – nous en avons d'ailleurs débattu lors de l'examen de ce qui est devenu la loi de programmation, en particulier au sujet de la francophonie – à éviter le saupoudrage, qui est trop souvent l'écueil de nos politiques publiques, afin d'être en capacité de soutenir les pays qui en ont le plus besoin, notamment dans l'arc africain.
Il nous faut enfin aborder les problématiques migratoires, auxquelles plusieurs orateurs ont fait allusion, avec un regard lucide et exigeant. Les personnes concernées ne quittent pas leur pays pour le plaisir de le quitter : elles en sont chassées, soit par un conflit, soit par la misère et la pauvreté.
M. Philippe Folliot . En conclusion, le groupe Union Centriste votera ces crédits, mais il sera vigilant à leur application et veillera, madame la ministre, à ce que les perspectives essentielles que je viens d'évoquer soient prises en compte.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Catherine Dumas applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, la communauté internationale prend conscience de la nécessité d'aider au développement des pays en difficulté. Cela commence par l'Europe, avec le plan Marshall pendant la période de la reconstruction.
Nul doute que la vision bipolaire du monde qui prévalait alors a eu une incidence sur la décision de venir en aide aux pays ravagés ou faiblement développés. La pauvreté, la misère, la faim, le manque d'accès à l'éducation condamnent les peuples à l'exil, ce que personne ne souhaite.
Depuis les années 1960, la France entretient une longue tradition d'aide publique au développement. Celle-ci n'est évidemment pas sans lien avec la décolonisation, période durant laquelle l'on s'est interrogé sur la relation à entretenir avec les pays autrefois dans l'empire français. Nous ne sommes pas les seuls à avoir mené cette réflexion.
D'autres puissances jadis coloniales ont fait le choix de l'aide au développement, notamment le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Japon ou l'Italie. Ces pays comptent aujourd'hui parmi les plus larges contributeurs mondiaux à l'aide publique au développement.
Avec 15, 9 milliards d'euros engagés en 2022, la France figure au quatrième rang. Cela représente 0, 56 % de notre revenu national brut, alors que la moyenne mondiale est de 0, 33 %. Dans ce PLF 2024, la contribution de la France, stable, s'établit à 15, 8 milliards d'euros.
Les activités de l'Agence française de développement comptent pour une large part dans le montant total de la contribution de la France. Cette contribution s'élève en 2023 à 12, 6 milliards d'euros pour ce qui relève de l'aide publique au développement au sens où l'entend l'OCDE.
Ce montant substantiel tend à conférer à cette agence une nature ministérielle qui ne dit pas son nom. Les techniciens du sujet m'opposeront qu'elle agit sous l'égide de différentes instances et que tout cela est contrôlé – toutefois, la réalité du terrain autorise parfois à en douter.
Plusieurs années avant moi, à cette tribune, de nombreux collègues ont regretté certaines caractéristiques que l'on attache aujourd'hui à l'AFD : indépendance incontrôlée, critères d'attribution flous, gouvernance parfois peu lisible.
Je citerai un exemple assez concret de critères d'attribution qui doivent collectivement nous conduire à nous interroger, mes chers collègues.
Au cours de mes déplacements et échanges dans différents pays, il m'est arrivé d'observer que certains projets financés par l'AFD faisaient intervenir des entreprises étrangères, parfois même lorsque des entreprises françaises étaient en concurrence et postulaient aux projets concernés.
Les montants en jeu s'élevaient à plusieurs milliards d'euros – l'argent des Français –, dont une partie finançait indirectement des industries étrangères. En tant que parlementaire française, cela m'a interpellée.
Si l'aide au développement est indispensable, il me paraît anormal qu'aucun critère de souveraineté ne soit appliqué lorsque cela est possible. Cela n'amoindrirait en rien le fondement moral des activités de l'AFD et nos entreprises nous en seraient reconnaissantes.
Une autre source d'interrogation concerne nos outre-mer. En 2023, l'AFD a investi près de 814 millions d'euros dans les territoires ultramarins. À titre de comparaison, le montant total de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) s'élevait en 2023, pour l'ensemble du pays, à près de 570 millions d'euros. Chacun appréciera ces ordres de grandeur.
Pour conclure, l'aide publique au développement est une noble cause que la France ne doit pas cesser de soutenir. Tout, dans notre histoire, notre culture et nos racines, nous y incite. Ne nous privons toutefois pas d'une réflexion de fond et montrons-nous exigeants quant à l'efficacité des moyens déployés.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur la situation internationale, celle-ci ayant été évoquée ce matin à propos de la mission « Action extérieure de l'État ». Mon intervention sur la mission « Aide publique au développement » que votre assemblée examine à présent n'est cependant pas sans lien avec celle-ci.
L'actualité internationale nous conforte en effet dans l'inflexion que nous donnons à nos efforts en matière de solidarité internationale. Nous devons, plus que jamais, nous placer dans une logique partenariale et d'influence mutuellement bénéfique, orientation qui s'inscrit dans la droite ligne de l'augmentation spectaculaire de l'aide publique au développement de la France, qui est passée de 10 milliards d'euros en 2017 à plus de 15, 3 milliards d'euros en 2022.
Jamais l'APD française n'a été aussi substantielle.
Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », qui relève de mon ministère, s'inscrit pleinement dans cette trajectoire. Il atteindra ainsi, hors dépenses de personnel, 3, 265 milliards d'euros en 2024.
Avec le programme 110 « Aide économique et financière au développement » piloté par le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, les crédits de la mission budgétaire « Aide publique au développement » s'établissent à 5, 91 milliards d'euros contre 2, 38 milliards d'euros en 2017.
Ces moyens considérablement renforcés ont permis à la France de devenir en 2022 le quatrième bailleur mondial. Ils nous obligent, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le conseil présidentiel du développement, réuni au mois de mai, et le Cicid, réuni au mois de juillet, ont été l'occasion de mener ce chantier de méthode. Nous devons en effet à nos concitoyens, mais aussi aux bénéficiaires de notre aide, d'être plus efficaces, plus réactifs, plus transparents. Nous avons à cet effet amorcé des inflexions significatives.
En premier lieu, nous avons supprimé la démarche géographique au profit d'une nouvelle approche, plus partenariale, plus souple.
Soucieux de nos engagements internationaux et des besoins aigus des pays les moins avancés, nous avons, en parallèle, pris l'engagement de diriger au moins 50 % de notre effort financier bilatéral vers ces derniers. Ces partenaires font en effet trop souvent face à l'accumulation des défis et des crises, ayant difficilement accès à l'emprunt et n'attirant pas ou peu les investisseurs.
Ce faisant, nous signalons clairement notre détermination à continuer à lutter contre la pauvreté, tout en remettant la défense de nos intérêts et de nos valeurs au cœur du dialogue autour de nos moyens.
En deuxième lieu, nous avons mis en place dix objectifs prioritaires pour orienter notre action. Ces dix objectifs recouvrent plusieurs thèmes majeurs, tels que la transition énergétique, la préservation de la biodiversité, la santé, l'éducation, les droits des femmes, les droits humains ou la lutte contre l'immigration illégale.
Je ferai le point une fois par an avec Bruno Le Maire sur la mise en œuvre de ces objectifs, car nous devons pouvoir démontrer, chiffres à l'appui, que notre engagement emporte des résultats.
En troisième lieu, nous travaillons sur les instruments qui devront nous permettre d'atteindre nos objectifs. Ainsi, les crédits du programme 209 abonderont notamment les dons-projets de l'AFD, qui doivent permettre de déployer sur le terrain des projets dans des domaines aussi variés que les infrastructures, la santé, l'éducation, l'agriculture ou l'aide au secteur privé, pour n'en citer que quelques-uns.
Les crédits du programme 209 alimenteront également le Fonds Équipe France (FEF), nouveau dispositif de mon ministère, qui doit permettre à nos ambassades d'instruire et de mettre en œuvre des projets de petite taille, dont le coût est inférieur à 2 millions d'euros et qui répondent à la fois à une logique d'impact rapide, de visibilité de notre action, mais aussi de laboratoire, ce qui permettra, en cas de succès, un passage à l'échelle supérieure.
En dernier lieu, j'estime que la visibilité des financements français, qui constitue un autre enjeu, doit être améliorée.
Nous avons donc lancé le chantier d'une signature unique « France », permettant d'identifier immédiatement les actions menées grâce aux financements français. Notre objectif est de mieux valoriser notre action tant auprès de nos concitoyens que des bénéficiaires.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le programme 209 est le fer de lance de l'approche rénovée que nous mettons en œuvre pour notre politique de développement.
Pour être, comme le demande la loi de programmation du 4 août 2021, un pilier de notre politique étrangère, notre politique de développement doit servir notre approche en matière d'influence, sans naïveté et avec une exigence de résultats.
En ce qui concerne les enjeux globaux, que le Président de la République nous a clairement assignés comme prioritaires, la France continuera à contribuer à la définition et à la mise en œuvre des réponses internationales à leur apporter.
J'évoquerai d'abord le climat et l'environnement. La France s'est résolument engagée dans la mise en œuvre de l'accord de Paris sur le climat. Depuis 2021 et jusqu'en 2025, elle s'est notamment engagée à investir 6 milliards d'euros par an au titre de l'action climatique au bénéfice des pays en développement.
Pour faire face à la triple crise environnementale – relative à la fois au climat, à la biodiversité et à la pollution – et aux besoins de développement, la France a organisé, en juin dernier, le sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial, lequel a arrêté une feuille de route qui a déjà été adoptée à ce jour par quarante-deux pays.
La santé reste quant à elle le premier poste de l'APD française. L'APD bilatérale allouée à ce secteur s'est élevée à 761 millions d'euros en 2022, tandis qu'au plan multilatéral nous engagerons plus de 2 milliards d'euros sur la période 2023-2025 au bénéfice de grandes initiatives mondiales.
L'éducation représente près de 10 % de notre APD, ce qui place la France au rang – qu'elle entend conserver – de troisième bailleur mondial pour ce secteur. Nos interventions soutiennent l'ensemble du continuum éducation-enseignement supérieur-formation.
Je dirai enfin quelques mots sur l'aide humanitaire, dont le montant avoisinera en 2024 les 900 millions d'euros. Ce montant comprend les 270 millions d'euros consacrés à la provision pour crise majeure, qui est maintenue à son niveau de 2023, ce qui nous paraît particulièrement nécessaire compte tenu de la situation internationale, sans même penser seulement au Proche-Orient.
Cette aide humanitaire permet de mettre en œuvre rapidement les engagements politiques non anticipés. Elle a largement prouvé son utilité et nous a permis de retrouver, puis de tenir notre rôle d'acteur de premier plan sur la scène internationale.
Comme vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, le programme 209 voit ses moyens consolidés au bénéfice d'une stratégie profondément rénovée et volontariste. §
Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour la mission « Aide publique au développement » et le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à une heure quarante-cinq. Nous devrions donc en terminer l'examen avant dix-huit heures, afin de passer à l'examen de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l'état B.
En euros
Mission / Programme
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Aide publique au développement
Aide économique et financière au développement
Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement
Solidarité à l'égard des pays en développement
Dont titre 2
169 447 597
169 447 597
Restitution des “biens mal acquis”
L'amendement n° II-161, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek, n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-32, présenté par MM. Canévet et Daubet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Aide économique et financière au développement
Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement
Solidarité à l'égard des pays en développement
dont titre 2
Restitution des « biens mal acquis »
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Comme cela a été indiqué, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de réduire les crédits de la présente mission de 200 millions d'euros, et ce pour plusieurs raisons.
Nous sommes tout d'abord partisans de l'orthodoxie budgétaire, qui suppose d'inscrire dans la loi ce que nous sommes capables de dépenser.
L'an passé, nous avions déjà proposé un amendement visant à réduire les crédits de 300 millions d'euros. Or qu'avons-nous constaté lors de l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion ? Que quelque 290 millions d'euros de crédits alloués à l'aide publique au développement y étaient annulés. Autrement dit, la commission des finances avait raison l'année dernière.
Je rappelle ensuite que l'aide publique au développement que la France mène directement n'est pas la seule à laquelle nous participons. Nous participons également à l'abondement de fonds multilatéraux à raison de montants tout à fait significatifs cette année. Et l'Union européenne dispose quant à elle d'un nouvel outil d'intervention : le Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument (NDICI).
La France n'est donc pas toute seule pour faire face à la misère du monde. Elle n'a pas vocation à intervenir sur l'ensemble de la planète, mais doit participer à la mesure de ses moyens.
Je souhaite enfin attirer votre attention sur la situation financière de notre pays, mes chers collègues. Nous devons faire des économies et cesser de dépenser au-delà de nos ressources, car ce n'est tout simplement pas possible.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, dont l'adoption déstructurerait totalement le programme 209.
Il est du reste impossible de diminuer le montant des crédits de paiement alloués à l'AFD, dans la mesure où plus de 90 % de ces derniers visent à financer des projets engagés au titre d'exercices antérieurs.
En ce qui concerne la provision pour crise majeure, dont le montant est stabilisé à 270 millions d'euros, je répète que cet instrument a prouvé son efficacité, que ce soit dans le cadre du conflit en Ukraine, en Arménie, au Soudan ou en ce moment dans la bande de Gaza. En la matière, les besoins pour 2024 ne me paraissent pas inférieurs – tant s'en faut – à ceux pour 2023.
Le présent amendement vise à minorer uniquement des crédits de paiement. Or les crédits de paiement prévus pour 2024 permettront de financer des projets dont les contrats ont été signés il y a plusieurs années. Ces financements sont en quelque sorte dus.
Si vous vouliez réellement baisser le coût de l'aide publique au développement pour nos finances publiques, monsieur le rapporteur spécial, il aurait fallu proposer une minoration des autorisations d'engagement de la mission. Cela aurait cependant eu une incidence directe sur la capacité de l'Agence française de développement à conclure de nouveaux contrats et, partant, à financer de nouveaux projets.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire précédemment, minorer les crédits de la présente mission serait par ailleurs tout à fait contre-productif pour des raisons tenant à nos engagements internationaux et à la sécurité mondiale.
Le groupe RDPI votera donc contre cet amendement.
Le groupe CRCE-K votera également contre cet amendement. Nous estimons en effet pour notre part que seule une politique solidaire et de dialogue permettra d'améliorer nos relations internationales.
Monsieur le rapporteur spécial, mes collègues de la commission des finances Éric Bocquet et Pascal Savoldelli pourront du reste vous soumettre des propositions de recettes nouvelles, notamment grâce au renforcement de la lutte contre l'évasion fiscale, qui permettraient de combler ce trou dont on nous parle tout le temps !
Monsieur le rapporteur spécial, en pleine COP 28, quand l'un des grands sujets de discussion est la solidarité des pays du Nord au travers des fonds pour le climat, l'adaptation ou les pertes et dommages, au moment où l'accord mondial sur le climat dépend justement de notre capacité à tenir nos promesses, alors que l'organisation d'un Sud « global » qui remet en cause l'universalisme, les libertés et l'État de droit nous préoccupe, au moment où, dans de nombreux pays, des manifestations font malheureusement de la France le bouc émissaire d'une mondialisation qui a échoué, vous décrétez soudainement que l'orthodoxie budgétaire consiste à faire des économies sur le dos des plus pauvres. C'est totalement déconnecté de la réalité !
Je ne vais pas répéter ce que mon excellent collègue Yannick Jadot vient d'indiquer, mais il est vrai que cet amendement paraît complètement incongru, décalé, incompréhensible par rapport à la situation du monde et aux nécessités d'aujourd'hui.
J'ajoute qu'il n'y a pas si longtemps, nous avons voté, dans la loi de programmation de 2021, une trajectoire financière nous fixant comme objectif de consacrer 0, 7 % du RNB à l'aide au développement en 2025. Non seulement cette trajectoire ne sera pas tenue – nous y reviendrons dans la suite du débat –, mais nous reculerions encore plus en adoptant cet amendement, ce qui est en total décalage avec les besoins.
Le groupe GEST s'opposera donc évidemment à cet amendement.
On ne peut pas accepter le procès d'intention qui est fait à Michel Canévet et aux membres de la commission des finances.
Alors que nous devrions nous efforcer de rétablir l'équilibre des comptes publics, notre irresponsabilité collective nous conduit à charger la barque pour les générations futures ! §L'on peut certes estimer que ce n'est pas par là qu'il faut commencer, mais il faudra bien commencer un jour.
Par cet amendement, j'estime que la question du contrôle, en particulier parlementaire, des fonds versés au titre de l'aide au développement est également posée. Si l'exécutif assume la responsabilité de ses actions, il est du devoir du Parlement de contrôler le bon usage de l'argent public.
Cet amendement est à ce titre un amendement d'appel visant à nous rappeler la nécessité du contrôle, l'importance d'éviter les stratégies de saupoudrage et de faire en sorte que l'argent puisse aller là où les besoins sont les plus grands. Il nous faudra bien répondre à chacun de ces impératifs.
Contrairement à vous, monsieur Folliot, je ne crois pas que la commission des finances considère cet amendement comme un amendement d'appel…
Je n'en doute pas, monsieur le rapporteur général !
Nous pouvons bien sûr débattre de la dette et de l'état du pays, mes chers collègues. Mais débattons sérieusement ! Nous ne pouvons pas aborder de tels sujets à l'aune d'un amendement, qui est du reste déposé chaque année et qui, à chaque fois, donne lieu à la même discussion.
Je prends la parole au nom de mon groupe, mais aussi, je l'espère, de mes collègues de droite qui sont membres de la commission des affaires étrangères, car je crois que nous sommes, peu ou prou, tous d'accord.
Avec cet amendement, nous abordons un débat qui n'est pas sans lien avec celui que soulevait l'amendement n° II-161, qui n'a pas été soutenu, même si l'amendement de la commission n'a pas du tout le même objet.
Les auteurs de l'amendement n° II-161, qui visait à supprimer 300 millions d'euros de crédits, nous expliquent au fond que les étrangers coûtent cher et que nous n'avons pas d'argent à leur donner. Je ne dis pas que l'amendement de la commission est comparable, mais dès que l'on touche à ce débat…
J'ai justement commencé par préciser qu'il ne fallait pas tout mélanger, monsieur le rapporteur général.
Vous avez très bien entendu ce que j'ai dit !
Quant à cet amendement, il vise à prélever des crédits sur la provision pour crise et sur des engagements déjà contractés par l'AFD. Or la ministre a rappelé que les besoins étaient là, que ce soit en Ukraine ou en Afrique. Je ne crois pas qu'il serait bon de déstructurer notre capacité d'intervention.
Enfin, plusieurs collègues ont pointé comme moi l'incohérence qu'il y aurait à avoir voté une loi, il y a à peine deux ans, fixant pour objectif d'allouer 0, 7 % du RNB à l'aide publique au développement d'ici à 2025, pour la détricoter ensuite.
Mon cher collègue, j'ai le même souci de cohérence que vous.
Madame la ministre, dans le projet de loi de finances de fin de gestion, le Gouvernement a retiré 300 millions d'euros sur cette ligne budgétaire, soit un montant équivalent à celui que nous proposons dans cet amendement. Voilà, en réalité, ce qui se passe ! On ne peut donc pas nous rétorquer, à présent, que nous ne ciblons pas la bonne ligne budgétaire.
Dans une discussion budgétaire, on discute nécessairement du budget. Rien ne justifie que les écologistes prennent soudain des accents giscardiens pour expliquer que la droite est sans cœur et presque sanguinaire. §
La situation du monde est la même depuis bientôt deux ans. Or les crédits de cette mission sont passés en six ans de 2, 7 milliards à 5, 9 milliards d'euros. Qui paie, sinon la dette ? Et par qui est supportée la dette, sinon par ceux qui travaillent et par les jeunes qui arrivent après eux ? Cette jeunesse devra également porter la charge de la dette climatique et écologique – vous le dites régulièrement, mes chers collègues.
Par conséquent, il est temps de faire tomber les masques et de nous montrer constructifs, les uns et les autres, lors de l'examen des missions budgétaires, parce que c'est la voix et le poids de la France qui sont en jeu.
Comment pourrions-nous peser dans le concert européen, si nos résultats budgétaires et financiers restent aussi calamiteux ? Nous sommes quasiment le bonnet d'âne de l'Europe et nous voudrions quand même la commander. §
Le rapporteur général nous invite à faire tomber les masques et je suis d'accord sur le fait que nous devons avoir une discussion franche.
D'autant que ce débat budgétaire intervient quelques jours après l'examen du projet de loi sur l'immigration, où vous avez proposé – vous, les sénateurs de la droite sénatoriale –, lorsque nous en sommes venus à la question des visas, de pouvoir restreindre l'aide publique au développement.
Par conséquent, vous êtes en train de mener une bataille culturelle pour que, in fine, on en finisse avec l'aide au développement.
Et si la réduction que vous tentez de faire passer aujourd'hui n'est pas adoptée, vous ferez de toute façon en sorte que la fin de l'APD intervienne d'ici deux ou trois ans.
C'est ainsi que vous avez procédé pour l'aide médicale de l'État (AME). Depuis six ans et demi que je suis sénateur, vous avez proposé à chaque budget de la supprimer. Au départ, ceux qui défendaient cette mesure étaient minoritaires, y compris dans votre camp, mais vous venez de voter cette suppression il y a quelques jours.
Encore une fois, nous devons avoir un débat franc sur l'aide publique au développement. Faites tomber les masques et dites clairement que vous n'en voulez plus, car tel est bien l'enjeu.
Sinon, pourquoi s'y attaquer, alors que près d'un tiers de l'humanité connaît la guerre et que le monde a plus que jamais besoin de solidarité, de fraternité et de développement pour que les hommes et les femmes ne fuient pas la guerre, la misère et l'oppression ?
Mieux vaut choisir la coopération plutôt que la guerre. Pour cela, il faut accompagner les pays qui en ont besoin dans leurs projets de développement, y compris en matière climatique – cet enjeu est essentiel : à l'horizon 2050, il risque d'y avoir plus de 300 millions de déplacés.
Par conséquent, si nous refusons de mener une action commune avec l'ensemble des peuples, il arrivera un moment où l'on nous demandera des comptes.
L'amendement que vous défendez n'est pas seulement d'appel. Il participe de la bataille culturelle et politique que vous menez, ici, au Parlement, et aussi à l'échelle du pays.
Je vous le dis, à courir après l'extrême droite, vous ne remporterez pas la course !
Chaque année, le même amendement revient et le même incident arrive. Je crois que le problème porte davantage sur la méthode que sur le fond.
Le rapporteur général est tout à fait fondé à défendre l'équilibre des finances publiques et à appeler chacun d'entre nous à se montrer plus raisonnable sur les dépenses que nous votons, car les grands équilibres budgétaires ne sont pas favorables.
De par l'expérience qui est la mienne, il me semble que la commission des affaires étrangères – je me fais l'interprète de mes collègues – et la commission des finances pourraient travailler ensemble sur le sujet, en amont de la séance publique.
Par ailleurs, madame la ministre, j'insiste une nouvelle fois sur la nécessité de mettre en place la commission d'évaluation dont nous avons parlé, car si l'on comprenait mieux ce que ces sommes considérables engagent, un consensus plus large pourrait sans doute se dégager.
Nous l'avions déjà dit l'année dernière. Ce principe ne date donc pas du projet de loi sur l'immigration. Que constate-t-on ? Nous proposons de supprimer 280 millions d'euros de crédits, non pas par opportunité, mais pour respecter le principe de réalité budgétaire.
Je veux dire à Yannick Jadot que, s'il a bien écouté mon intervention précédente, nous ne renions pas nos engagements. Nous abondons l'ensemble des fonds multilatéraux conformément à nos engagements.
Rien ne sert non plus de provisionner au-delà des besoins. Si tant est qu'il y ait des besoins supplémentaires, nous trouverions des crédits pour y faire face.
Soyons sérieux, l'avis que l'on donne sur un budget ne se mesure pas à l'aune des dépenses supplémentaires qu'il prévoit. Il faut savoir mieux dépenser l'argent, car pour l'instant c'est par la dette qu'on le finance. Or ce sont les générations futures qui devront rembourser cette dette. Pensons-y, mes chers collègues ! §
Mme Catherine Colonna, ministre. J'attire votre attention sur le fait que l'adoption de cet amendement rendrait intenable notre action en faveur du développement.
M. le rapporteur général de la commission des finances le conteste.
Bien évidemment, je ne peux pas souscrire à la logique de ceux d'entre vous qui nous reprochent d'avoir géré les crédits de l'aide au développement de manière rigoureuse.
En outre, il ne s'agit pas d'entrer dans une trajectoire baissière de l'APD. Nous stabilisons cette trajectoire, ce qui suffit à vous montrer que le budget que nous vous présentons est responsable, voire très responsable. Une baisse des crédits de l'APD enverrait un mauvais signal et ne nous permettrait pas de tenir notre rang.
Je ne peux que m'étonner que la baisse des crédits que vous proposez ne concerne que le programme 209 et pas le programme 110.
Enfin, compte tenu de la mécanique budgétaire, si votre amendement était adopté, nous ne pourrions prélever que sur la provision pour crise, ce qui pénaliserait en particulier notre action en faveur de l'Ukraine, de l'Arménie ou encore de Gaza.
Je mets aux voix l'amendement n° II-32.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 94 :
Le Sénat a adopté.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-1209, présenté par MM. Gontard, Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes de Marco et Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Aide économique et financière au développement
Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement
Solidarité à l'égard des pays en développement
dont titre 2
Restitution des « biens mal acquis »
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Madame la présidente, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements n° II-1209 et II-1208.
L'amendement n° II-1208, présenté par MM. Gontard, Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes de Marco et Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Aide économique et financière au développement
Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement
Solidarité à l'égard des pays en développement
dont titre 2
Restitution des « biens mal acquis »
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Ces deux amendements ont été travaillés en lien avec l'association Coordination SUD.
L'amendement n° II-1209 vise à abonder les financements alloués à l'aide publique au développement à hauteur de plus de 320 millions d'euros. L'objectif est clair : il s'agit d'atteindre un montant de 6, 25 milliards d'euros de crédits pour la mission « Aide publique au développement » en 2024, comme nous nous y étions engagés dans la loi de programmation du 4 août 2021 relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
L'amendement n° II-1208 est un amendement d'appel qui vise à alerter sur la trajectoire de financement de l'aide publique au développement. La loi du 4 août 2021 fixe l'objectif d'allouer 0, 7 % du RNB à l'aide publique au développement d'ici à 2025 et prévoit pour cela des cibles intermédiaires.
Ainsi, en 2024, les crédits alloués à l'aide publique au développement doivent atteindre 6, 25 milliards d'euros. Or le PLF prévoit seulement 5, 93 milliards d'euros, bien en deçà des crédits prévisionnels annoncés par le Gouvernement. Dans un contexte d'inflation, la stagnation annoncée des crédits de l'aide publique au développement revient in fine à diminuer nos efforts en matière de solidarité internationale.
À cela s'ajoute l'annonce du Gouvernement, en juillet dernier, de reporter à 2030 l'objectif des 0, 7 % du RNB. Le report de cet objectif témoigne d'un mépris flagrant envers le Parlement dont la volonté s'est exprimée dans la loi de 2021.
En tant que sixième puissance économique mondiale et pays des droits de l'homme, la France ne peut pas continuer à éviter l'évidence. Il est urgent d'augmenter les crédits alloués à l'aide publique au développement afin de rétablir la trajectoire vers l'objectif de 0, 7 % du RNB.
L'amendement n° II-1210, présenté par MM. Gontard, Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes de Marco et Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Aide économique et financière au développement
Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement
Solidarité à l'égard des pays en développement
dont titre 2
Restitution des « biens mal acquis »
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Cet amendement vise à rétablir l'aide publique au développement destinée au Sahel. La décision de la suspendre est contraire aux principes qui doivent animer notre diplomatie et provoque une montée d'hostilité vis-à-vis de la France dans les pays concernés.
Ce n'est pas en abandonnant les populations de pays qui comptent parmi les plus pauvres du monde que la France améliorera son image au Sahel, bien au contraire. Nous considérons que les populations ne doivent pas être les victimes de conflits politiques entre leurs gouvernements et que la solidarité internationale doit toujours prévaloir. C'est d'autant plus vrai compte tenu du passé colonial de la France dans cette région, notre pays étant en grande partie responsable de son sous-développement actuel.
À travers cet amendement travaillé avec Coordination SUD, nous proposons de rétablir l'aide publique au développement versée par la France au Mali, au Niger et au Burkina Faso à son niveau de 2021, c'est-à-dire à hauteur de 317, 5 millions d'euros.
L'amendement n° II-1331, présenté par Mme Gréaume, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Aide économique et financière au développement
Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement
Solidarité à l'égard des pays en développement
dont titre 2
Restitution des « biens mal acquis »
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Les amendements n° II-1209 et II-1208 vont à l'encontre de l'amendement de la commission qui vient d'être adopté. Avis défavorable.
Pour ce qui est des amendements n° II-1210 et II-1331, il existe un risque de détournement de l'aide publique au développement dans les pays concernés.
En outre, il faut préciser que la décision de suspendre l'aide bilatérale ne concerne ni l'aide humanitaire ni l'aide d'urgence.
L'avis est donc défavorable.
L'amendement n° II-1209 est contraire à ce que prévoit l'amendement précédent que votre Haute Assemblée a adopté…
Je resterai rigoureuse. Nous avions maintenu dans notre budget les crédits d'aide au développement de manière à respecter la trajectoire prévue. Nous sommes le quatrième bailleur mondial et le maintien des crédits, tel que nous l'avions prévu, nous permettait de conserver cette position. C'est extrêmement important pour notre pays.
Avis défavorable sur les quatre amendements.
Face à l'amendement n° II-1209, il faut que les masques tombent, comme le rapporteur général nous y invitait précédemment.
En effet, on nous explique que la volonté du Parlement doit être respectée et que l'on ne doit pas revenir sur la loi de 2021 qui fixe un objectif de 0, 7 % du RNB. Mais, dans le même temps, il faudrait rejeter l'amendement qui vise à rétablir cet objectif. Il y a là une forme de contradiction.
Bien évidemment, nous voterons l'amendement qui vise à rétablir ce que nous avions voté collectivement au Sénat et j'appelle tous mes collègues à faire preuve de cohérence.
J'étais au banc des commissions avec Christian Cambon et mon collègue rapporteur Hugues Saury pour défendre le projet de loi de programmation de 2021. Nous devons aller jusqu'au bout de notre logique, en votant le rétablissement de l'objectif des 0, 7 % du RNB alloués à l'aide publique au développement. Ce serait l'honneur de la France ; notre pays se montrerait à la hauteur de sa responsabilité dans l'histoire et dans le monde.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° II-1207, présenté par MM. Gontard, Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes de Marco et Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Aide économique et financière au développement
Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement
Solidarité à l'égard des pays en développement
dont titre 2
Restitution des « biens mal acquis »
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Guillaume Gontard.
La loi de programmation du 4 août 2021 prévoyait la progression des montants de l'aide publique au développement alloués à des projets mis en œuvre par des organisations de la société civile françaises et issues des pays partenaires, afin de tendre vers la moyenne des pays de l'OCDE et en vue d'atteindre en 2022 le double du montant constaté en 2017.
En 2017, la part de l'aide publique au développement attribuée aux ONG était de 5, 1 %. Or, en 2023, cette part n'a atteint que 7, 9 %, loin de l'objectif fixé et bien en deçà de la moyenne des pays de l'OCDE, qui est d'environ 15 %.
Pourtant, les organisations de la société civile (OSC) sont au plus proche des besoins des communautés et permettent de localiser l'aide. Loin des grands plans nationaux, souvent peu ciblés, les ONG qui agissent sur le terrain investissent les financements dans des projets adaptés aux besoins et aux pratiques locales. Elles agissent dans de nombreux secteurs clés qui, pour certains, se heurtent à de fortes crises, comme la santé, l'eau, l'environnement, les infrastructures, l'état de droit et la démocratie. Elles permettent un investissement concret pour l'avenir de la planète et de toutes les populations qu'elles abritent.
Les organisations de la société civile représentent donc un outil incontournable si l'on veut financer des aides au développement efficaces, donc pertinentes.
Cet amendement a été travaillé avec l'association Coordination SUD qui regroupe de nombreuses ONG actives en matière d'aide publique au développement. Il a pour objet d'abonder les financements qui transitent par les organisations de la société civile, en allouant 20 millions d'euros supplémentaires à l'AFD pour atteindre un total de 190 millions d'euros.
Même si nous comprenons l'objectif des auteurs de cet amendement, les crédits pour les OSC ont déjà augmenté de façon significative.
En outre, on peut s'interroger sur la capacité de l'AFD à faire transiter des fonds par les OSC.
Enfin, il faut souligner que votre amendement risque d'être inopérant sur le plan technique, dans la mesure où il abonderait l'action « Coopération multilatérale » et non pas l'action « Coopération bilatérale » du programme 209.
J'en demande donc le retrait.
Le Gouvernement accorde une attention particulière à ce que les financements transitant par les ONG progressent et ils sont effectivement en forte hausse, puisque leur volume s'est établi à 710 millions d'euros en 2022 contre 310 millions en 2017.
Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Certes, les financements sont en progression, mais la trajectoire que nous avions votée dans la loi de programmation de 2021 n'est pas respectée.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° II-1332, présenté par Mme Gréaume, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme
Création d'un fonds dédié au renforcement des systèmes fiscaux des pays en voie de développement
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Aide économique et financière au développement
Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement
Solidarité à l'égard des pays en développement
dont titre 2
Restitution des « biens mal acquis »
Création d'un fonds dédié au renforcement des systèmes fiscaux des pays en voie de développement
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Nous pensons qu'il est nécessaire d'augmenter substantiellement les recettes fiscales des pays africains. En effet, si les recettes fiscales représentent en moyenne 34 % du PIB dans les pays de l'OCDE, elles sont deux fois moins importantes dans les pays en développement.
Au-delà du volume des recettes fiscales récoltées se pose la question de la nature de la ponction fiscale. En effet, pour être efficace, celle-ci gagne à être guidée par des critères de justice sociale n'aggravant pas la situation des populations les plus pauvres et les plus laborieuses ; il faut donc mettre à contribution les profits du capital local et étranger.
Se pose enfin la question de la redistribution des recettes pour promouvoir une croissance efficace, répondant aux objectifs de développement économique et social des pays africains.
L'organisation économique internationale, mise en œuvre de fait dans des traités de libre-échange, alimente une course au moins-disant fiscal, particulièrement avancée dans les pays en développement, où la loi permet de distribuer des cadeaux fiscaux à tout va, notamment aux multinationales.
C'est pourquoi nous proposons de flécher 10 % de l'aide publique au développement vers le soutien au renforcement des systèmes fiscaux de ces pays afin de leur donner des moyens budgétaires pérennes pour relever les défis liés au développement et au changement climatique auxquels ils doivent faire face.
Cet objectif de renforcement des systèmes fiscaux est déjà porté par les programmes 110 et 209. Avis défavorable.
La mission « Aide publique au développement » comprend déjà des enveloppes importantes pour le renforcement des systèmes fiscaux. Avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l'état B.
Je n'ai été saisie d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Les crédits sont adoptés.
Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les objectifs et indicateurs de performance de la mission « Aide publique au développement », figurant à l'état G.
Aide publique au développement
Renforcer l'évaluation et la redevabilité de l'action en matière de développement
Efficience de l'aide bilatérale
110 - Aide économique et financière au développement
Assurer une gestion efficace et rigoureuse des crédits octroyés à l'aide au développement
Capacité des fonds multilatéraux à mener avec succès des projets compatibles avec la réalisation de leurs objectifs de développement
Effet de levier de l'activité de prêts de l'AFD
Frais de gestion du programme 110
Contribuer à la mise en œuvre des ODD, en concentrant l'aide sur les pays prioritaires et les priorités stratégiques françaises
Part des prêts de l'AFD qui sont affectés aux priorités thématiques du CICID
Part des ressources subventionnées des fonds multilatéraux qui sont affectées aux priorités thématiques du CICID
Part des ressources subventionnées des fonds multilatéraux qui sont affectées aux zones géographiques prioritaires
Part, dans le coût pour l'État des prêts mis en œuvre par l'AFD, des coûts des prêts à destination des priorités géographiques du CICID
209 - Solidarité à l'égard des pays en développement
Améliorer la redevabilité et l'efficacité de l'aide
Frais de gestion du programme 209
Contribuer à la mise en œuvre des ODD, en renforçant la composante bilatérale et en concentrant l'aide sur les pays prioritaires
Part des crédits bilatéraux du programme et des taxes dédiés aux priorités du CICID
Part des crédits du programme et des taxes destinés à des pays prioritaires
Part des crédits multilatéraux du programme et des taxes dédiés aux priorités sectorielles du CICID
Faire valoir les priorités stratégiques françaises dans l'aide publique acheminée par les canaux européens
Part des versements du FED sur les priorités stratégiques françaises
Renforcer les partenariats
Évolution de l'APD support transitant par les collectivités territoriales françaises
Part de l'APD bilatérale française transitant par la société civile dans l'APD bilatérale française totale
Volume de l'activité des opérateurs AFD et Expertise France en gestion déléguée par l'Union européenne
L'amendement n° II-1211, présenté par MM. Gontard, Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes de Marco et Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 159, 162 et 163
Remplacer le mot :
prêts
par le mot :
dons
La parole est à M. Guillaume Gontard.
L'Agence française de développement indique qu'elle s'inscrit dans une démarche volontaire de publication d'informations, mais elle conditionne celle-ci au respect d'un prétendu secret des affaires.
C'est notamment le cas, lorsqu'elle refuse de rendre publiques des informations sur les marchés passés avec ses emprunteurs, pays et collectivités locales, en s'abritant derrière ce motif.
Alors même qu'un rapport de la Cour des comptes a pointé le manque d'informations relatives aux procédures, aux études d'impact, à l'enquête publique ou au décaissement, l'AFD persiste à s'abriter derrière une notion de secret des affaires qui apparaît en contradiction avec sa mission et dépourvue de tout fondement.
Compte tenu de ses missions, l'AFD est amenée à intervenir dans l'ensemble des pays éligibles à l'aide publique au développement, à faire face aux défis du XXIe siècle en cohérence avec les enjeux du développement durable ou encore à contribuer à l'atténuation des inégalités mondiales. Rien ne justifie d'invoquer le secret des affaires.
Cette logique vaut aussi pour les prêts accordés par l'AFD. Je souligne que, par ailleurs, ces prêts posent problème dans la mesure où ils enferment en réalité les pays bénéficiaires dans le piège de l'endettement, qui s'est encore renforcé avec la remontée récente des taux d'intérêt. Si l'on voulait véritablement augmenter le niveau de développement des pays destinataires, il serait préférable de substituer les dons aux prêts.
En invoquant le secret des affaires, l'AFD confère à son action un caractère commercial en total décalage avec sa mission de développement économique et social. C'est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, que l'AFD pratique la transparence sur les investissements qu'elle réalise.
Cet amendement nous semble inopportun, car la modification des indicateurs de performance ne contraint pas l'AFD à consentir des dons plutôt que des prêts.
Toutefois, nous sollicitons l'avis du Gouvernement. En effet, nous souhaitons savoir quand le Gouvernement entend opérer la révision des indicateurs de performance et quels seraient les nouveaux indicateurs envisagés.
L'AFD est une société de financement qui évolue dans un environnement concurrentiel avec d'autres bailleurs bilatéraux ou multilatéraux. Le secret des affaires est donc nécessaire pour assurer sa compétitivité et, surtout, pour protéger les informations commerciales des entreprises partenaires et bénéficiaires de l'agence.
Quant aux autres questions, nous pourrons y répondre dans le cadre de la préparation du prochain contrat d'objectifs et de moyens de l'agence.
L'avis est défavorable.
Nous soutiendrons cet amendement qui nous donne l'occasion de revenir sur un sujet essentiel que nous avions évoqué lors de l'examen du projet de loi de programmation.
En réalité, l'Agence française de développement est une banque : en tant que telle, il est normal qu'elle obéisse à certaines règles. Le groupe AFD est composé de trois structures et nous avions proposé, en 2021, d'en créer une quatrième pour séparer ce qui relève de l'activité de prêt et ce qui relève du don. Ce dispositif aurait eu le mérite de la clarté non seulement sur le sujet qui nous occupe, mais également pour distinguer les pays auxquels on prête et ceux auxquels on verse des dons.
Par conséquent, nous soutiendrons cet amendement, même s'il s'apparente à un amendement d'appel, car nous considérons qu'il faut réformer l'AFD pour séparer l'activité de don et celle de prêt. Cela permettrait d'appliquer une législation différente à chacune des deux activités, ce qui simplifierait la situation et faciliterait la communication.
L'amendement n'est pas adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », figurant à l'état D.
En euros
Mission / Programme
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Prêts à des États étrangers
Prêts du Trésor à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France
Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France
Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers
Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro
Je n'ai été saisie d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Les crédits sont adoptés.
Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-huit.
La parole est à M. Antoine Lefèvre pour une mise au point au sujet de votes.
Lors du scrutin n° 93 sur l'amendement n° II-31 de la commission des finances portant sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », Jean-Pierre Bansard, Évelyne Renaud-Garabedian et Jean-Luc Ruelle souhaitaient voter contre.
Acte est donné de votre mise au point. Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin concerné.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Nous poursuivons l'examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
La parole est à M. le rapporteur spécial. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut bien reconnaître que les enjeux portés par la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et par le compte d'affectation spéciale qui y est rattaché sont particulièrement transversaux et que le ministre de l'agriculture fait face, plus encore que certains de ses collègues, à des obstacles objectivement difficiles.
Entre la concurrence économique, les conséquences de la situation géopolitique mondiale, le réchauffement climatique, le manque d'attractivité d'une partie des professions agricoles, les crises sanitaires successives, les handicaps propres à la ruralité, le recul de notre souveraineté alimentaire, un secteur de la recherche qui se désintéresse de l'innovation agricole et j'en passe, c'est peu dire qu'il faudrait un volontarisme politique fort pour contribuer au renouvellement de l'agriculture française.
Or, ces dernières années, ce volontarisme politique a fait défaut, au moins sur le plan budgétaire.
Alors que, régulièrement, le Sénat tirait la sonnette d'alarme sur la situation du monde agricole, les gouvernements successifs se sont entêtés à sous-dimensionner le budget de l'agriculture, ce qui a probablement conduit notre assemblée à rejeter les crédits de la mission l'an dernier.
En 2024, le total des concours publics consacrés à l'agriculture, l'alimentation et la forêt atteindra 25, 5 milliards d'euros, un montant qui comprend 9, 4 milliards d'euros de cofinancements européens auxquels la France contribue, 8, 5 milliards d'euros de dispositifs fiscaux et sociaux, ainsi que les crédits de la présente mission, qui progressent de 38 % par rapport à cette année et s'élèvent à 5, 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement.
Présenté ainsi, ce budget pourrait donner le sentiment d'un « quoi qu'il en coûte » agricole, mais soyons objectifs : en dehors des crédits destinés à verdir le budget, que je ne minimise pas, mais qui, à court terme, ne répondent pas aux attentes du secteur, et si l'on fait abstraction des compétences transférées, le Gouvernement présente finalement un projet assez proche de l'exécution moyenne des derniers exercices.
Dans une certaine mesure, il s'agit déjà là d'un progrès. En effet, au lieu de vous entêter, monsieur le ministre, à sous-évaluer dans un premier temps les besoins et d'être contraint, comme chaque année, de solliciter des crédits supplémentaires en cours d'exercice, vous avez fait l'effort de présenter un budget initial plus près des besoins réels, tenant compte notamment des aléas, dont vous reconnaissez enfin qu'ils n'ont rien d'aléatoire budgétairement parlant.
En réalité, au vu du sous-dimensionnement antérieur, l'effort financier annoncé constitue un rattrapage utile. Mais la diversité des amendements que nous aurons à examiner le prouve : tous les acteurs de l'agriculture attendent que vous répondiez présent.
Or le fait d'annoncer une revalorisation du budget initial sans répondre aux principales attentes des professionnels risque de susciter des déceptions : alors que nous vous attendons sur le foncier agricole, la rémunération des exploitants, la lutte contre les distorsions de concurrence ou encore la souveraineté alimentaire, vous nous répondez plutôt : haies, protéines et décarbonation.
Cela étant, l'objectivité commande de reconnaître que vous avez consenti un réel effort budgétaire s'agissant du verdissement. Nous y sommes favorables, puisque la commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits de la mission.
Certes, toute l'agriculture ne peut pas s'organiser en fonction de la transition écologique, mais nous ne pouvons plus faire l'économie de politiques adaptées aux nouvelles réalités. Je ne détaillerai pas toutes les facettes de ce verdissement : je sais, monsieur le ministre, que vous le ferez.
Je le répète, cette nécessité conduira bon nombre d'entre nous à voter ce budget. Mais ce vote ne constitue en rien un quitus. Nous comptons bien exercer notre double mission : celle de porter la parole des territoires et celle d'examiner et de voter les textes en séance publique – d'autant que nous sommes, dans les faits, la seule assemblée à le faire…
Puisque le temps m'est compté, je terminerai en évoquant deux points – parmi tant d'autres – auxquels le Sénat est attentif, et qui, me semble-t-il, reflètent cette parole des territoires.
Le premier point, qui aurait mérité d'être davantage mis en exergue dans ce budget, constitue un sujet de préoccupation majeur pour le Sénat : dans moins de dix ans – je sais que vous connaissez très bien ces statistiques, monsieur le ministre –, une petite moitié des agriculteurs actuels sera partie à la retraite. Notre premier devoir est d'améliorer les conditions de leur remplacement. Or, vous le savez parfaitement, les modalités de transmission des installations ne sont, pour l'instant, pas du tout à la hauteur du défi à relever.
Alors, monsieur le ministre, je vous pose la question très directement : dans ce projet de loi de finances pour 2024, parmi ces millions d'euros de crédits « verts », dans le cadre de ce pacte « haies » et de ce plan « protéines végétales », qui sont certes utiles, mais qui ne répondent pas aux attentes immédiates des exploitants qui arrivent ou qui partent, qu'est-ce qui pourrait aider ceux qui hésitent à devenir agriculteurs ? Qu'est-ce qui pourrait motiver ceux qui constatent que le foncier est toujours plus cher, que les rémunérations sont toujours plus faibles et que les débouchés sont toujours plus réduits ?
Le second point qui, à mon avis, aurait mérité d'être davantage mis en évidence dans le cadre de cette mission a trait au nécessaire rétablissement de notre souveraineté alimentaire. Je le reconnais, vous défendez quelques mesures de long terme qui vont dans ce sens. Mais quelles seront les dispositions qui, en 2024, mettront concrètement un terme aux distorsions de concurrence et favoriseront massivement le local ?
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, notre enthousiasme, lui, n'est pas en hausse de 38 %, même si nous voterons les crédits de la mission. Nous aurions souhaité que ces crédits soient mieux répartis entre les mesures en faveur du verdissement et d'autres attentes parfois plus immédiates et matérielles.
Le nombre d'amendements déposés – une centaine – traduit bien ce goût d'inachevé. Croyez bien que, si votre majorité avait présenté un équilibre budgétaire plus satisfaisant, la commission des finances aurait soutenu davantage d'initiatives de nos collègues.
En tant que rapporteurs spéciaux, nous ne serons donc favorables qu'à quelques amendements choisis avec parcimonie en raison du contexte financier.
Pour le reste, nous nous en remettrons à la sagesse de nos collègues pour ne pas déséquilibrer davantage les comptes publics, même s'il faut reconnaître que bien des situations mériteraient que nous nous mobilisions davantage. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les situations prises en compte dans le cadre de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » sont si vastes qu'à mon sens il serait vain d'espérer, monsieur le ministre, que vous puissiez porter avec succès toutes les politiques publiques dont vous êtes chargé.
C'est pourquoi je débuterai mon intervention en évoquant plusieurs des aspects positifs que revêt ce budget pour 2024 au regard des précédents exercices.
D'abord, et j'y suis sensible, les moyens humains sont consolidés et stabilisés, afin que le ministère puisse assumer ses nombreuses missions de contrôle : contrôle administratif, écologique, sanitaire, alimentaire et préventif – la liste est fort longue.
Les dépenses du titre 2 augmentent de 4, 5 % : au regard des missions, et compte tenu des critères exogènes qui conduisent à la hausse des frais de personnel, il s'agit d'une hausse mesurée, mais finalement bienvenue.
Je me réjouis également de la consolidation de certains dispositifs favorables aux travailleurs, grâce notamment au programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) » et au relèvement de certains plafonds d'emplois – même si nous aurions souhaité aller plus loin.
On le sait, l'agriculture est un secteur très concurrentiel : nous devons constamment adapter nos règles et nos pratiques pour éviter que la précarité s'y ancre.
Dans le cadre du régime des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE), l'exonération de certaines charges ou cotisations en faveur de 71 000 entreprises – soit à peu près la moitié des structures agricoles employant un salarié – garantit le maintien de 31 % du volume global des heures salariées dans le secteur agricole, tout en donnant lieu à compensation à la Mutualité sociale agricole (MSA).
Pour moi, c'est l'un des moyens de lutter contre le travail illégal et ses conséquences, en particulier pour des emplois à faible valeur ajoutée. C'est également un point auquel je prête une attention toute particulière dans les outre-mer, car le salariat agricole y joue un rôle central. Je peux vous garantir que, sans certains salariés occasionnels, il n'y aurait plus du tout de récolte de canne à sucre ou de bananes. Le système devrait d'ailleurs être adapté à ces régions.
Je vous indique, à ce stade, que nous émettrons un avis favorable sur les crédits de la mission en raison d'un bilan des coûts et des avantages globalement positif. Cela n'empêchera pas pour autant certains d'entre nous de défendre, à titre personnel, tel ou tel amendement.
Pour les outre-mer, vous aurez observé à la lecture du rapport que j'ai tenu à préciser le fonctionnement de certains dispositifs et à proposer leur renforcement par la réactualisation de leurs crédits, hélas gelés depuis de trop nombreuses années. Je pense au régime spécifique d'approvisionnement, à l'aide à la transformation du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Poséi) ou encore au soutien aux filières canne à sucre, rhum et banane.
Dans les débats à venir, mon groupe politique présentera des amendements sur ces sujets vitaux pour l'agriculture en outre-mer.
Je me réjouis également – c'est un point que nous développons également dans le rapport – de l'aide apportée aux dix opérateurs rattachés à la mission : la plupart d'entre eux voient leurs moyens consolidés, car ils jouent un rôle significatif en matière de développement durable. Je ne citerai à cet égard que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odéadom).
Au-delà des éléments positifs que je viens de détailler, certains points – que nos propositions seraient en mesure d'améliorer – restent perfectibles. J'aurai l'occasion de le redire lors de l'examen des amendements, nous aurions souhaité que davantage d'efforts soient consentis dans plusieurs domaines : je pense à la filière laitière, à celle du bois, à l'agriculture en outre-mer et aux dispositifs d'aide à l'installation.
S'agissant de la filière laitière, nous serons favorables à un amendement qui encourage l'interventionnisme économique et politique en faveur de la hausse des revenus des producteurs, tant la part de leur rémunération dans le prix du lait demeure bien trop faible. Nous avons le sentiment lancinant, mais fort, qu'il s'agit de l'un des points faibles de ce budget, monsieur le ministre.
Concernant les aides, même s'il faut tenir compte du nouveau partage des compétences entre l'État et les régions dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune (PAC) 2023-2027, selon qu'il s'agisse d'aides surfaciques ou non, je constate que beaucoup de nos collègues en attendaient davantage et pensent que vous auriez pu faire plus et mieux.
Le nombre élevé d'amendements sur les mesures agroenvironnementales et climatiques est, me semble-t-il, particulièrement révélateur de cette déception.
Pour terminer, j'aimerais appeler votre attention sur un certain nombre d'éléments.
D'abord, parmi les rares amendements sur lesquels la commission des finances a émis un avis favorable, je tiens à mentionner celui qui vise à lutter contre la précarité alimentaire. C'est une préoccupation des Français, dont le Sénat ne peut se désintéresser.
Ensuite, je vous indique que je n'ai pas décelé dans ce budget les grandes lignes du pacte et du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles que nous attendons tous. Est-ce à dire que ce projet de loi se fera à crédits constants ? Ces orientations ne sont-elles pas encore définitives ? Faudra-t-il rectifier le budget en fonction des choix arrêtés ? Il vous faudra répondre à nos questions.
Je profite de l'occasion pour vous redire que nous avons écarté certaines des orientations proposées par nos collègues sur le foncier agricole ou les aides à l'installation et à la transmission, afin de les examiner de manière cohérente dans la cadre de ce futur projet de loi : pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, l'état d'avancement des concertations sur ce texte, tout de même très lié au présent budget ?
Par ailleurs, comme mon collègue rapporteur spécial, je m'interroge sur l'efficacité des mesures censées rétablir notre souveraineté alimentaire. Quand mettrons-nous un terme aux distorsions de concurrence sur les produits importés ? Je dois dire, comme mon collègue, que je ne vois pas bien ce qui y contribuera dans ce budget.
Enfin, nous préconisons une réflexion sur la rebudgétisation du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Après avoir insisté sur les facteurs d'amélioration et le redimensionnement du périmètre des crédits de ce budget et sur la tentative, même si elle est timide, de réorienter budgétairement la politique agricole française, la commission des finances vous incite à adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en trois minutes, il est difficile de faire le point sur l'ensemble des dossiers, notamment budgétaires, concernant l'agriculture. Pour ne pas être redondant, j'insisterai seulement sur quelques éléments.
Malgré la hausse très significative – 1, 3 milliard d'euros – de ce budget, nous formulerons quatre remarques, qui sont presque des écueils.
La première concerne l'affectation des crédits. Celle-ci manque de lisibilité : plusieurs centaines de millions d'euros de crédits sont inscrits sur des lignes budgétaires qui sont peu ou pas définies. On aurait pu s'attendre, puisqu'il est question de planification, à ce que les objectifs fixés soient clairs et intelligibles. Cette exigence démocratique n'est donc pas satisfaite. En quelque sorte, on nous demande de signer un chèque en blanc, sans que l'on sache véritablement comment les fonds seront utilisés.
La deuxième a trait à l'insuffisance des crédits consacrés aux dispositifs d'accompagnement des agriculteurs. Ces derniers ont pourtant bien besoin d'être conseillés pour que, d'un côté, ils poursuivent leurs efforts en matière de planification écologique et que, de l'autre, ils puissent maintenir leurs capacités de production. Car, à mon avis, faire de l'écologie sans produire nous mènera dans le mur.
La troisième porte, comme je viens de le dire, sur la totale insuffisance et le grand manque de rigueur des objectifs qui permettraient de procéder à une évaluation de ce budget.
Prenons l'exemple du pacte en faveur des haies, qui consiste à planter 50 000 kilomètres de haies. Il constituera une sorte de prime à la médiocrité : ceux qui ne les auront pas enlevées seront confrontés à tout un tas de contraintes, quand ceux qui les ont déjà enlevées auront la possibilité ou pas d'en replanter.
Quatrième remarque : le manque de cohérence. Monsieur le ministre, je ne vous étonnerai pas en parlant d'injonctions contradictoires. Comment voulez-vous que l'on réagisse face à l'annonce d'un plan « protéines végétales » quand on vient, comme moi, de la Haute-Loire où l'on est en train de tuer à petit feu, en entretenant une impasse technique, la lentille verte du Puy ?
Malgré ces critiques, monsieur le ministre, nous vous donnerons quitus et nous voterons les crédits de la mission. Nous tenons absolument à vous remercier, Mme la Première ministre et vous-même, d'avoir écouté le Sénat – nous avions en effet supprimé l'article 16 en première partie du projet de loi de finances – et d'avoir très rapidement accepté de renoncer à l'augmentation de 37 millions d'euros de la redevance pour pollutions diffuses (RPD) et à la hausse de 10 millions d'euros de la redevance pour prélèvement de la ressource en eau.
Ce faisant, vous réparez une totale injustice et vous vous mettez en conformité avec tous les discours que vous avez tenus – tout comme nous – sur la compétitivité et la souveraineté. Comment renforcer notre compétitivité et préserver notre souveraineté si le principe de base est de taxer davantage les agriculteurs ?
La hausse de la RPD aurait été d'autant plus injuste que les paysans contribuent déjà à hauteur de 180 millions d'euros à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires via cette redevance, et que seuls 71 millions d'euros, soit moins de la moitié, sont finalement affectés à cet objectif. C'est insuffisant.
Monsieur le ministre, je profite des quelques secondes qui me restent pour vous faire une proposition à laquelle, je l'espère, vous serez favorable.
Je vous invite à répartir une partie des 109 millions d'euros restants – 180 millions moins 71 millions – de la façon suivante : 37 millions d'euros pour le plan Écophyto, 30 millions d'euros au fonds hydraulique – somme que vous risquez néanmoins de récupérer en raison de la suppression de l'article 16 –…
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans mon propos liminaire, je tiens à souligner l'augmentation significative des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », une hausse de 23 % en crédits de paiement.
Dans un premier temps, j'évoquerai, parmi les évolutions majeures introduites par ce projet de loi de finances, la réduction de l'avantage fiscal sur le gazole non routier (GNR), accompagnée de compensations, pour un montant de 70 millions d'euros pendant sept ans.
Je ne peux que me réjouir de l'application des propositions que nous avions faites dans le cadre de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France : revalorisation du plafond de revenus pour l'application du micro-bénéfice agricole, hausse des seuils de l'exonération des plus-values agricoles et relèvement du plafond de la déduction pour épargne de précaution.
Néanmoins, je tiens à insister sur le fait que cette opération est neutre, alors que nous pensions réaliser des gains de compétitivité. À ce stade, il faut veiller à l'effectivité et à la bonne répartition des compensations, afin de ne laisser aucune filière agricole ou aucun modèle de côté. Il sera donc nécessaire d'en assurer le suivi.
En outre, je veux saluer l'annonce que vous avez faite devant note commission, monsieur le ministre, d'une possible incitation fiscale supplémentaire pour les biocarburants et de la mise en place d'un fonds de 20 millions d'euros pour fournir des équipements décarbonés à la filière sylvicole.
Dans un second temps, permettez-moi de m'attarder plus particulièrement sur le volet forestier de ce projet de loi de finances qui est, à maints égards, une véritable source de satisfaction.
Premièrement, la dynamique de renouvellement forestier engagée dans le cadre du plan de relance, et relayée par France 2030, est pérennisée dans ce budget à hauteur de 250 millions d'euros. C'est essentiel compte tenu des besoins que l'on estime à 1, 6 million d'hectares de forêt d'ici 2030. La forêt nécessite une vraie politique de long terme, menée avec constance. Tel est le sens de ce budget.
Autre élément de satisfaction, 200 millions d'euros sont destinés à l'accompagnement de l'aval, afin de dynamiser la transformation du bois, ainsi que l'utilisation et la mobilisation du bois de construction.
Par ailleurs, je veux rappeler le maintien pour la deuxième année consécutive des effectifs de l'Office national des forêts (ONF) – il nous reviendra là encore de pérenniser cette mesure dans le temps, notamment au travers du contrat entre l'État et l'ONF post-2025.
Je veux également saluer le financement de 21 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires pour le Centre national de la propriété forestière (CNPF), qui permettra la mise en œuvre de la loi, d'initiative sénatoriale, du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie.
Enfin, concernant l'inventaire forestier en outre-mer, le Gouvernement a pris la mesure de l'enjeu, en finançant sa préfiguration à hauteur de 6 millions d'euros. Voté en 2014 et précisé en 2021 par le Sénat, il est très attendu, car il permettra d'améliorer la valorisation de la forêt ultramarine.
Il faut maintenant accélérer les recrutements nécessaires à la réalisation de cet inventaire. Tel est le sens de l'amendement de la commission des affaires économiques à l'article 41.
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, en remplacement de M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'exprime devant vous au nom de mon collègue Jean-Claude Tissot, qui est malheureusement absent pour des raisons de santé et que je salue chaleureusement.
Les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » seront en hausse d'un milliard d'euros l'an prochain. Cette augmentation est essentiellement due à la création de nouveaux fonds dédiés à la planification écologique.
Néanmoins, un examen détaillé de la ventilation de ces crédits supplémentaires et la réalité de leur mise en œuvre financière nous contraignent à nuancer quelque peu cette apparente bonne nouvelle.
Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui du fonds Entrepreneurs du vivant, pour lequel Jean-Claude Tissot s'est beaucoup impliqué. En septembre 2022, le Président de la République annonçait la création de ce fonds dédié notamment à l'accès au foncier via un partenariat entre l'État et les régions. Celui-ci devait être doté a minima de 400 millions d'euros.
Or, après un examen attentif de notre commission, il semble qu'une fois encore les promesses n'ont pas été tenues : d'une part, les régions n'ont pas été associées à ce fonds ; d'autre part, pas plus de 60 millions d'euros, soit 15 % seulement des crédits prévus, devraient être disponibles pour combler le déficit d'opérations foncières, alors que les besoins sont considérables.
Monsieur le ministre, je réitère la question que vous avait posée Jean-Claude Tissot lors de votre audition le 14 novembre dernier, et à laquelle vous n'avez pas répondu : à quoi seront affectés les 340 millions d'euros restants ? Le plus grand flou règne sur l'utilisation de ce fonds, ce qui suscite l'incompréhension légitime du monde agricole.
En outre, ce fonds n'est pas rattaché à la mission, mais au plan France 2030, ce qui a pour effet collatéral bien dommageable de disjoindre les réflexions sur cet outil des autres débats sur la politique agricole.
Aussi, pour en parler ce soir et obtenir des précisions sur son utilisation, à désormais trois semaines de la date annoncée de son lancement, la commission des affaires économiques a déposé un amendement d'appel.
Monsieur le ministre, nous ne sommes pas dupes des effets d'annonce, pas plus que les agriculteurs. Le constat est sans appel : les paysans acceptent volontiers de s'engager dans la transition agroécologique, mais on leur enlève les financements qui leur seraient nécessaires. La mise en œuvre de la nouvelle PAC a confirmé que les enveloppes dédiées à cette transition agroécologique accusaient une baisse très importante. Comment répondrez-vous à ce hiatus ?
En réalité, la création de multiples fonds auxquels on attribue des crédits dont l'affectation demeure inconnue masque mal votre manque d'ambition environnementale et climatique. Cette inaction nous coûtera cher au regard des enjeux cruciaux qui attendent notre pays en matière agricole.
L'augmentation globale des crédits de la mission est significative, ce dont nous nous félicitons. Mais nous émettons des réserves sur votre stratégie à long terme. Nous ne manquerons pas de le rappeler et de formuler nos contre-propositions lors des débats sur la future loi d'orientation agricole, dont on sait déjà que la question du foncier sera malheureusement absente, ce qui nous paraît totalement aberrant.
Malgré tout, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est prêt à voter les crédits de la mission, mais nous serons attentifs au sort qui sera réservé aux amendements que nous allons défendre dans quelques instants.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » bénéficiera en 2024 d'une augmentation de crédits – c'est indéniable –, mais cela suffira-t-il pour répondre aux enjeux stratégiques propres à notre agriculture ?
Ce secteur fait face à un triple défi : s'adapter et gérer les conséquences du changement climatique, assurer sa transition écologique et organiser le renouvellement générationnel, tout en maintenant la sécurité alimentaire. Le tout dans un contexte de crise alimentaire et énergétique et de concurrence exacerbée par la multiplication des accords de libre-échange.
Nous considérons que ce budget sera insuffisant, faute de vision stratégique pour relever tous ces défis et préserver un modèle d'agriculture familial de plus en plus fragile.
Venons-en aux détails.
D'abord, le soutien accordé aux mesures agroenvironnementales et aux aides à la conversion bio est en baisse. Il manquera 250 millions d'euros, alors qu'il s'agit des instruments de mutation qui nous permettraient d'adapter nos systèmes au changement climatique.
L'État n'est pas en mesure d'honorer ses engagements envers les paysans ayant signé un contrat en 2023. Et, pour 2024, les crédits de paiement sont en baisse par rapport à cette année, ce qui n'est pas acceptable.
Parallèlement, l'agriculture biologique connaît de grandes difficultés, notamment à cause de la baisse de la consommation liée à l'inflation.
Certes, un plan d'urgence a été lancé, mais les critères pour y accéder sont tellement restrictifs que de nombreuses filières ont dû déclasser une partie de leurs productions bio pour les réorienter vers le marché conventionnel, ce qui a entraîné une très forte baisse des prix payés aux producteurs, mettant toutes les filières en tension.
Sans compter que la disparition définitive des aides au maintien de la PAC régionalisée aggravera encore l'effondrement des filières bio.
Dans le même ordre d'idées, en étendant à près de 90 % des exploitations le bénéfice des écorégimes, nous diluons le soutien autrefois apporté à ceux qui investissaient beaucoup pour faire évoluer leurs pratiques. Nous perdons donc un effet de levier qui encourageait vraiment la transition agricole.
Par ailleurs, les crédits alloués à la planification écologique sont en hausse. C'est une bonne chose, même si nous n'en connaissons pas l'affectation. Ces crédits seront-ils fléchés vers des investissements en machines ? Accentueront-ils le « techno-solutionnisme » ?
Nous en connaissons pourtant les limites, surtout pour ce qui est de répondre à l'impératif de changer de modèle pour tendre vers une agriculture respectueuse de la terre et du vivant. Encore une fois, nous faisons face à un manque de traçabilité des fonds publics.
En outre, on nous répète à l'envi qu'il faut aider à l'installation des agriculteurs, mais dans le même temps, le montant de l'aide complémentaire aux revenus pour les jeunes agriculteurs n'est toujours pas connu, alors que leur versement doit intervenir d'ici quinze jours. Pire, le montant de cette aide est en baisse par rapport à ce qui était initialement prévu dans le plan stratégique national.
Aussi, aucun budget n'est réellement prévu pour l'installation des agriculteurs. Comment rester à ce point dans l'inaction, lorsque l'on sait que le nombre d'exploitations est passé d'un million dans les années 1990 à moins de 400 000 aujourd'hui ?
On nous parle de la nécessité de renforcer l'attractivité de la profession agricole, mais aucune mesure de ce budget ne met sérieusement en cause les modalités de fixation des prix et de rémunération des paysans. En effet, rien n'est prévu pour garantir à ceux qui nous nourrissent un prix juste et rémunérateur, tout en offrant aux Français les moyens de se nourrir.
Pire, avec votre réforme du revenu de solidarité active (RSA), vous augmentez le risque financier qui pèse sur de nombreux agriculteurs. Avez-vous pensé à ceux d'entre eux qui, faute de revenus suffisants, sont bénéficiaires du RSA et qui seront contraints d'effectuer, eux aussi, les quinze heures d'activité hebdomadaire obligatoires, alors qu'ils sont actifs sur leur exploitation ?
Enfin, et nous aurons l'occasion de revenir sur ce point durant les débats, comment pouvez-vous parler de souveraineté alimentaire, alors que vous faites la promotion d'une concurrence déloyale dans le cadre des traités de libre-échange ? Ces accords continuent de fragiliser la souveraineté alimentaire que vous prétendez défendre.
De nombreuses organisations syndicales le déplorent : ces conventions internationales anéantissent tout espoir de relocalisation de notre agriculture, ce qui permettrait pourtant de faire vivre nos territoires et de rémunérer le travail paysan.
Toutes les faiblesses de ce budget ont une tonalité tout aussi inquiétante dans les outre-mer. Les affaires liées au glyphosate ou au chlordécone ne sont pas les seuls scandales. Quels moyens mettrez-vous en œuvre pour garantir une véritable autonomie alimentaire dans nos territoires ultramarins qui considèrent la vie chère, l'éloignement et l'insularité comme des abandons de la République ?
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quel monde agricole aurons-nous à faire demain ? Et quel monde agricole souhaitons-nous aujourd'hui ?
Non, ce n'est pas de la provocation. Je pose ces deux questions de façon sincère. C'est tout le sens des budgets et des lois que nous votons dans nos assemblées. Il y en a beaucoup ; elles se succèdent dans tous les domaines. Pour ne parler que d'agriculture, je citerai la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014, les deux lois Égalim, la loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, dite loi Sempastous, etc.
Ce sont toujours les mêmes sujets qui reviennent. À ces problématiques s'ajoutent des enjeux transversaux auxquels, un jour, il faudra bien réfléchir ensemble, et non plus en silo, comme on le fait trop souvent. Mais quelle évaluation faisons-nous de nos politiques publiques ? Et quel impact nos différentes lois ont-elles ?
Le premier enjeu est bien celui de la souveraineté alimentaire, nous l'évoquons dans tous nos débats. Aujourd'hui, il existe une réalité dont on ne peut s'affranchir et qui recouvre plusieurs aspects. Par exemple, notre dépendance à l'importation de viande est de 30 %, elle atteint même 50 % pour les poulets. Je citerai aussi ces chiffres forts : notre pays ne compte plus que 400 000 agriculteurs, dont 50 % partiront à la retraite d'ici dix ans. Cela pose le problème de l'attractivité du métier, de la transmission des exploitations et du foncier.
Deuxième enjeu : l'environnement. Les changements climatiques nous ont obligés à revoir nos modèles de production. Les agriculteurs français ont su s'adapter : en témoignent la haute valeur environnementale (HVE), l'agriculture raisonnée et le bio.
Mais dans un contexte d'inflation qui réduit le pouvoir d'achat des Français, et en raison d'une situation géopolitique dramatique qui a eu des incidences sur certains matériaux, les produits bio sont vendus au prix des produits conventionnels. Résultat : moins de conversions, et même des déconversions !
Les crises, qu'elles soient sanitaires ou climatiques, se succèdent. Il y a deux jours, je me suis rendu à un colloque sur le mal-être en agriculture où il été question de « permacrise ».
L'agroclimatologue Serge Zaka, que j'ai rencontré récemment, propose un postulat : exit la monoculture ! Nous devons pousser les agriculteurs à diversifier leur production pour limiter les risques ; il faut aussi revoir nos modèles et nous adapter sans cesse.
Enfin, il convient d'avancer sur les paiements pour services environnementaux (PSE) : cela fait des années qu'ils existent et qu'on en parle, mais la complexité des critères est telle qu'ils demeurent confidentiels. Pourtant, je reste persuadé qu'ils sont la solution pour nos agriculteurs, qui, au-delà de nous nourrir, maintiennent le cadre de vie et favorisent le tourisme vert. Ils permettent également de maintenir les espaces ouverts, luttant ainsi contre les incendies, comme c'est le cas dans mon département.
Troisième enjeu : l'économie. Le prix n'est plus rémunérateur depuis des années. Le juste prix n'existe pas et un travail avec le négoce, les transformateurs et la grande distribution doit se poursuivre – s'opposer ne fera jamais avancer !
La lourdeur administrative fait perdre du temps aux agriculteurs déjà épuisés. Pensons une simplification qui soit faite non pas seulement pour eux, mais par eux et avec eux. Est-il vraiment si compliqué de simplifier ? Méditez cet exemple récent : un jeune a dû rembourser une partie de sa dotation jeunes agriculteurs (DJA), car, covid et inflation obligent, il n'a pas pu assumer son plan d'investissement – la double peine ! Ne pourrait-on pas appliquer un délai en fonction des aléas vécus ?
Concernant les accords internationaux, des évolutions sont là encore nécessaires. Imposons des clauses miroirs : il est scandaleux que des produits rentrent en France sans être soumis aux mêmes obligations – appliquer les mêmes pour tous, c'est le minimum !
Comment, dans ce contexte, annoncer des objectifs de compétitivité ? Le « en même temps » ne fonctionne pas toujours. Nous nous sommes réunis récemment autour d'une proposition de loi à ce sujet, mais la compétitivité ne se décrète pas : elle se construit à travers des mesures qui visent l'équité et la loyauté, faute de quoi elle restera un vœu pieu.
Dernier enjeu : l'adaptation à l'évolution sociétale. Notre agriculture doit correspondre aux évolutions des consommateurs, donc du marché. En effet, n'oublions pas que nous sommes dans un marché libéral qui nous oblige sans cesse à nous adapter.
C'est pourquoi nous attendons avec impatience la loi d'orientation et d'avenir agricoles, monsieur le ministre ! Pour que celle-ci soit efficace et ne soit pas qu'une loi de plus, il faudra y aborder tous ces enjeux dans le cadre d'un travail commun. Pour l'instant, le texte annoncé ne les aborde pas tous.
Monsieur le ministre, votre budget est à la hauteur des enjeux grâce à une augmentation de plus de 1 milliard d'euros. Il faut bien le reconnaître, c'est la plus forte progression constatée depuis plusieurs années. Voilà pourquoi le groupe du RDSE votera pour les crédits de cette mission.
L'État doit être présent, montrer sa solidarité et lutter contre le mal-être. Le programme Agriculture respectueuse de l'environnement en Aquitaine (Area), par exemple, doit être simplifié et amplifié pour les agriculteurs en difficulté.
Sans langue de bois, je veux aussi vous dire que les organisations professionnelles doivent s'emparer de leur avenir. Les syndicats souffrent d'un manque de représentativité à cause d'un taux d'abstention de 60 % aux élections – il n'y a pas que le monde politique qui soit frappé par le phénomène de l'abstention ! Cela témoigne d'une défiance à tous les niveaux. La gravité de la situation oblige à la raison. Les difficultés sont exacerbées par des causes conjoncturelles, mais elles s'enlisent et montrent un déficit structurel. Il faut donc entamer un travail de fond qui brise le tabou des clivages.
À quel monde agricole aurons-nous à faire demain ? Et quel monde agricole souhaitons-nous aujourd'hui ? Unissons-nous pour apporter des réponses partagées : notre agriculture et nos agriculteurs le méritent !
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n'est pas coutume : c'est une joie de constater que, cette année, les commissions saisies des crédits de cette mission ont émis un avis favorable à leur adoption ! Sauf coup de théâtre, nous pouvons donc espérer que ces crédits soient enfin votés au Sénat, après plusieurs années de turbulences.
Et pour cause : cette année, de nombreuses raisons justifient que nous votions ce budget. D'abord, son augmentation est significative ; ensuite, il répond aux crises du présent ; enfin, il prépare notre agriculture aux enjeux de demain.
Pour commencer, permettez-moi de revenir un instant sur la croissance historique qui caractérise ce budget. Le montant total de la mission pour 2024 s'établit à 4, 75 milliards d'euros en crédits de paiement. Cela représente une augmentation significative par rapport à 2023 de l'ordre de 22, 8 % : une croissance singulière à deux chiffres qui pourrait donner à ce budget des airs de « quoi qu'il en coûte » agricole – je reprends là les paroles du rapporteur spécial de la commission des finances.
Cette hausse significative est bienvenue, mais encore faut-il s'interroger sur la pertinence de la répartition des crédits de la mission. En l'occurrence, la répartition prévue cette année s'avère pertinente pour deux raisons : d'une part, ce budget permet de répondre aux crises du présent ; d'autre part, il prépare notre agriculture aux défis de demain.
Les conséquences du dérèglement climatique se font d'ores et déjà ressentir. C'est pourquoi l'État doit soutenir nos filières pour qu'elles puissent s'adapter, tout en préservant leur compétitivité. Or les crédits de la mission attestent justement d'un soutien significatif de la part du ministère envers les acteurs concernés.
Pour la deuxième année consécutive, les effectifs de l'Office national des forêts (ONF) sont préservés. Par ailleurs, le présent budget engage des moyens supplémentaires dans le cadre de la création de la nouvelle mission d'intérêt général relative à l'adaptation au changement climatique et à la défense de la forêt contre l'incendie.
Je tiens également à souligner deux avancées majeures pour les acteurs forestiers, obtenues par nos collègues députés : la réévaluation du budget consacré à la défense des forêts contre les incendies et l'augmentation des effectifs du Centre national de la propriété forestière, établissement public qui gère les forêts privées. La hausse initiale de 5 ETP est désormais portée à 16 ETP, ce qui permettra à cet établissement d'assumer les nouvelles missions qui lui ont été conférées par la loi du 10 juillet 2023. Cette demande forte des acteurs a été entendue, je pense que nous pouvons nous en réjouir.
Mes chers collègues, lorsque j'évoque le soutien aux filières, je pense également à l'agriculture biologique. Au-delà des fonds de crise et d'urgence déployés, la filière bio doit aujourd'hui faire face à des évolutions de marché qui menacent la dynamique d'augmentation de consommation observée ces dernières années. Or les producteurs décidant de s'engager dans la conversion doivent pouvoir trouver des débouchés.
Notez que 10 millions d'euros supplémentaires permettront de porter le montant total du fonds Avenir Bio à 18 millions d'euros, ce qui assurera le financement d'actions de communication pour inverser la tendance. N'oublions pas les 825 millions d'euros d'ouverture de crédits, votés dans la récente loi de finances de fin de gestion, qui permettront d'aider les filières en matière d'arrachage ou de vaccination contre l'influenza aviaire.
Voilà autant d'exemples qui viennent confirmer que ce budget apporte des réponses adaptées aux crises actuelles. Mais loin de se limiter au présent, ce budget s'intéresse également à l'avenir. Comme le disait le philosophe dijonnais Maurice Blondel, « l'avenir ne se prévoit pas, il se prépare ».
Tel est, je le pense, l'état d'esprit qui a présidé à l'élaboration du présent budget, qui adapte notre agriculture aux enjeux de demain et justifie l'effort significatif dont témoigne cette mission.
Comment ? D'abord, en accompagnant les acteurs dans la transition écologique. Les moyens dédiés à la planification écologique seront augmentés à hauteur de 1, 3 milliard d'euros dès 2024.
Préparer notre agriculture pour l'avenir exige également que nous puissions assurer notre souveraineté alimentaire, qui va de pair avec la sécurité alimentaire. C'est la raison pour laquelle ce budget renforce la prévention des risques sanitaires, tant dans le domaine végétal qu'animal.
Au titre du programme 206, plus de 900 millions d'euros seront mobilisés pour prévenir et lutter contre les risques sanitaires dans les 145 000 exploitations d'élevage et les 59 000 exploitations viticoles de notre pays. Cela représente une hausse des crédits de 38 % par rapport à 2023, qui s'explique par la volonté de favoriser le changement des pratiques afin de préserver la santé publique et l'environnement.
À ce sujet, la France s'engage dans la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, notamment au travers du plan Écophyto 2030. Notre pays doit continuer à rechercher des solutions de substitution tout en accompagnant les agriculteurs.
Construire le modèle agricole de demain, c'est également miser sur les jeunes, l'enseignement et le renouvellement des générations. Notre groupe se réjouit donc que le ministère place l'enseignement technique agricole au cœur de son action.
Avec la nouvelle allocation dont bénéficieront les élèves stagiaires de la voie professionnelle et la mise en place du pacte enseignant, nous pourrons mieux rémunérer les professeurs et les conseillers principaux d'éducation, tout en rémunérant les personnels volontaires pour l'exécution de missions complémentaires.
De plus, l'enveloppe de 1, 3 milliard d'euros consacrée à la planification écologique constitue un virage important. Elle permettra de financer des politiques publiques très concrètes, comme la replantation de 50 000 kilomètres linéaires de haies d'ici 2030 dans le cadre du pacte en faveur des haies. Il s'agit d'un plan essentiel qui rappelle le rôle central de nos agriculteurs et l'intérêt que présentent les haies pour la préservation de la biodiversité, la rétention de l'eau et la lutte contre les inondations. À bien regarder les évolutions de la pluviométrie dans notre pays, un tel pacte s'avère indispensable.
Notre groupe salue également les 15 millions d'euros supplémentaires alloués au compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar), portant ainsi le montant total du compte à 141 millions d'euros.
Enfin, notre groupe souhaite que les amendements votés en première partie de ce PLF visant à relever le montant de taxe affectée aux chambres d'agriculture pour 2024 soient pérennisés dans le cadre de la navette parlementaire.
Pour conclure, vu l'augmentation historique des crédits de la mission et la pertinence de leur répartition, le groupe RDPI votera pour l'adoption de ce budget, symbole d'une agriculture résiliente et préparée pour affronter les défis de demain.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour l'année 2024 est caractérisé par une augmentation historique, peut-on lire dans les communications du ministre. Nous ne pouvons que nous en réjouir, mais dites-moi, monsieur le ministre, quelle est, au juste, votre vision ?
Le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles me fait penser à l'Arlésienne : on en parle à longueur de temps, mais on ne le voit jamais arriver ! Il semblerait que même Aurélien Rousseau ait plus d'informations que les parlementaires à ce sujet !
Allez-vous simplement toiletter la dernière grande loi agricole, défendue par Stéphane Le Foll en 2014, ou bien aurez-vous le courage de réformer en profondeur un modèle à bout de souffle ?
Le temps presse et le monde agricole veut des réponses claires sur nombre de sujets : simplification administrative et normative, clarification des aides publiques, accès au foncier et à l'eau, transmission des exploitations, régulation des marchés, clauses miroirs, protection contre les aléas climatiques, économiques et sanitaires, obtention de prix rémunérateurs – autant de points qui appellent l'action d'une puissance publique forte, prompte à reconnaître et à promouvoir une véritable exception agricole à la loi du marché.
Ces derniers temps, beaucoup trop de textes en lien avec l'agriculture ont été examinés, à tel point qu'une brebis n'y retrouverait pas ses agneaux : lois Égalim 1, 2 et 3, réforme de l'assurance récolte, loi Climat et résilience, loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, Varenne de l'eau – et j'en passe. La réglementation en vient à devenir l'ennemie de l'action publique et surtout des paysans qui, chaque jour, subissent jusqu'à l'écœurement son extravagance et son incohérence.
Pendant que la technostructure s'évertue à construire des usines à gaz réglementaires, la ferme France dévisse. En vingt ans, nous sommes passés du second au cinquième rang des exportateurs mondiaux de produits agricoles et plus de la moitié de ce que l'on mange est importé.
Point positif, j'apprends que le Gouvernement fait marche arrière sur les redevances du plan eau et les redevances pour pollutions diffuses (RDP), comme pour le projet de relever les accises sur le vin présenté par Bruno Le Maire l'été dernier.
Parfois, je me demande si votre ministère n'est pas sous la tutelle de Bercy. Heureusement que Matignon arbitre du bon côté ! Je vous plains, monsieur le ministre, ce ne doit pas être facile tous les jours de négocier… §
Oui, les agriculteurs ont raison de dire, en retournant symboliquement les panneaux d'agglomération, qu'on marche sur la tête. Ils sont au bord de la crise de nerfs, croulant sous les normes et l'inflation. Ils sont en plus taxés de tous les maux – pollution, empoisonnement… – par une minorité active d'intégristes ignorant le fonctionnement de la société rurale et qui, par leurs provocations, alimentent l'agribashing et le misérabilisme !
Je suis très en colère, car chaque jour un agriculteur se donne la mort par désespoir. C'est inacceptable ! J'habite et vis à la campagne ; je vois et partage la détresse de mes collègues agriculteurs et la colère du monde rural. Aussi, je me refuse à léguer aux futures générations une situation et une pression aussi irrationnelles.
Ensuite, j'insisterai sur les crises à répétition subies par un secteur viticole abîmé. Le mildiou et la sécheresse ne sont que les marqueurs visibles de l'ampleur du changement climatique affectant la ferme France, dont le nouveau système assurantiel, censé la protéger, est encore perfectible.
Il y a quinze jours, je me tenais aux côtés des 5 000 viticulteurs du sud de la France qui manifestaient leur désarroi à Narbonne. Il me semble que vous avez écouté leurs réclamations, puisque vous avez annoncé des aides bancaires et fiscales et que vous étudiez l'opportunité d'un arrachage différé. Comment, et surtout quand, comptez-vous financer ces mesures d'urgence ?
Monsieur le ministre, pas de feintes entre nous : les 20 millions d'euros du fonds d'urgence rattrapés in extremis à la fin de l'exercice 2023 n'y suffiront pas – on vous l'a dit et même écrit. Et quel est le lascar…
M. Sebastien Pla. …qui a eu l'idée géniale de l'adosser au régime de minimis agricole, balayant d'un revers de main un grand nombre d'exploitations ?
M. Antoine Lefèvre s'exclame.
Prévoir un fonds qui ne sera pas accessible ne relève guère du bon sens paysan ; espérons que vous ne faites pas là qu'une simple opération de communication !
Je proposerai, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et avec l'appui du groupe d'études de la vigne et du vin du Sénat, l'inscription d'un fonds sanitaire viticole moins restrictif, doté de 60 millions d'euros.
Cela dit, des mesures d'urgence conjoncturelles indispensables sont aussi nécessaires, comme l'aide au stockage privé, l'aide aux entreprises de l'aval et l'accompagnement à la restructuration.
Monsieur le ministre, agissez avec nos partenaires européens des régions viticoles pour sortir du carcan de la règle des aides de minimis et de la moyenne olympique. Je sais que ce n'est pas simple, mais nous devons avancer sur ce sujet si nous voulons réussir la réforme de l'assurance récolte.
Enfin, au moment où la transition écologique cale et les productions bio ont du mal à trouver leur marché, nous vous proposerons un fonds d'urgence pour aider les trésoreries des agriculteurs bio, renforcer significativement les moyens alloués aux mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) et augmenter le montant de l'écorégime.
Les jeunes agriculteurs, quant à eux, méritent un coup de pouce : renforçons donc les crédits de l'aide complémentaire au revenu (ACJA).
Enfin, d'un point de vue sanitaire, nous vous proposerons la prise en charge à 100 % par l'État du coût de la vaccination contre la grippe aviaire et une aide pour lutter contre la maladie hémorragique épizootique (MHE).
Pour conclure, nous voterons votre budget, …
M. Marc Fesneau, ministre. Ah, vraiment ? Quelle surprise !
Sourires.
…mais je vous incite vraiment à soutenir nos propositions. J'ai l'espoir que nous puissions avancer assez rapidement sur la loi d'orientation et d'avenir agricoles, qui est nécessaire.
Vous nous proposez un budget historiquement haut, monsieur le ministre, alors soyons au rendez-vous de l'histoire !
Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser notre collègue Daniel Gremillet, qui ne pourra pas intervenir aujourd'hui à la tribune en raison d'un empêchement personnel.
Notre assemblée examine ce soir les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » dans un contexte de vives inquiétudes pour tous les acteurs de la ferme France.
En valeur absolue, les crédits de la mission sont en hausse de plus de 37 %. Nous nous en réjouissons, bien évidemment, même si nous souhaitons rappeler qu'il s'agit davantage d'un rattrapage que d'une vraie prise de conscience. Nous attendons que cette hausse se poursuive à l'avenir pour permettre à nos agriculteurs de relever les nombreux défis qui les attendent.
Ces défis, quels sont-ils ?
J'identifie tout d'abord l'impératif de vivre dignement, ce qui signifie mieux rémunérer le fruit du travail de nos agriculteurs via un système de négociations commerciales plus efficient et plus protecteur de la matière première agricole. Cela passe également par un effort déterminé de révision des normes et charges fiscales qui matraquent – et c'est là un moindre mot – encore trop largement le monde agricole.
Le deuxième impératif est celui d'une transition écologique concertée, accompagnée et décidée avec et pour les agriculteurs. Personne ne s'oppose à changer les pratiques, bien évidemment. Mais nous le répétons une nouvelle fois : pas d'interdiction sans solution. Autrement dit, pas d'interdiction du glyphosate sans solution de substitution, pas d'extinction du soutien au gazole non routier (GNR) sans compensation, pas de zéro artificialisation nette (ZAN) sans prise en compte des besoins du bâti agricole.
Monsieur le ministre, vous avez donné des signes d'ouverture. Je me réjouis notamment qu'un accord ait été trouvé entre votre ministère, Bercy et les syndicats pour compenser la fin de l'avantage fiscal sur le GNR. Nous aurons à l'évaluer d'ici quelques mois.
Nous sommes également satisfaits qu'une catastrophe ait pu être évitée à l'Union européenne sur le glyphosate, même si notre pays n'a pas brillé par son courage lors des votes.
M. Yannick Jadot s'exclame.
Nous sommes en revanche bien plus préoccupés par les décrets d'application de la loi Climat et résilience sur l'avenir du bâti agricole. Rien ne dit que nos agriculteurs pourront continuer demain à construire les structures nécessaires à leur activité – je suis stupéfait que votre ministère n'ait pas été consulté à ce sujet.
Enfin, j'insisterai sur la compétitivité de notre agriculture. Nous aurons beau avoir les meilleurs produits agricoles au monde, si l'État ne s'organise pas pour défendre la France dans la compétition mondiale, nous n'aurons plus que nos yeux pour pleurer notre naïveté collective !
Le premier combat est celui de la cohérence et de la prudence. Monsieur le ministre, je lance un appel solennel qui, je le sais, est largement partagé dans cet hémicycle : renoncez à l'accord avec le Mercorsur, à cette folie qui mettra en péril les efforts de nos agriculteurs et fragilisera durablement notre pays à l'international !
Le deuxième combat a trait au réarmement de nos politiques pour favoriser la compétitivité de notre agriculture. Cette année, grâce au travail de nos collègues Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, le Sénat s'est prononcé très clairement en faveur de mesures concrètes. Dès lors, n'attendez plus pour inscrire ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, si nous voulons renforcer la compétitivité de notre agriculture, il nous faut assurer davantage de cohérence dans la conduite de nos politiques publiques. À cet égard, comment justifier la hausse envisagée de la RPD ?
La mobilisation des agriculteurs, de leurs syndicats et de nombreux parlementaires a permis de supprimer cette mesure il y a quelques jours au Sénat. La Première ministre a finalement renoncé à cette ponction injustifiée, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Cependant, la cohérence aurait commandé de ne jamais présenter un tel dispositif.
Autre point de vigilance : l'avenir de notre modèle agricole et de nos exploitations. D'ici 2030, un tiers des agriculteurs sera parti à la retraite. La question de la transmission des exploitations s'impose donc comme l'un des défis majeurs de la décennie ; aussi devons-nous le regarder en face avec courage.
Le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles est sans cesse reporté, alors que le monde agricole s'inquiète. Le rythme de travail, les charges et la juste rémunération sont autant de sujets de préoccupation pour les filles et fils d'agriculteurs, qui sont de plus en plus réticents à reprendre l'exploitation familiale.
La représentation nationale attend avec impatience le plan du Gouvernement qui permettra d'attirer des personnes compétentes vers ces beaux métiers et contribuera à dessiner le visage de la ferme France de demain.
Vous me permettrez enfin de dire un mot de nos forêts, chères à notre collègue Daniel Gremillet, qui a déposé un amendement à ce sujet. La forêt, c'est à la fois l'écologie, le bâtiment, l'aménagement du territoire et l'emploi. Notre pays est façonné par ses forêts, qui restent trop souvent un angle mort de nos politiques publiques.
Bien sûr, nous nous satisfaisons des améliorations apportées l'an dernier au fonctionnement de l'ONF, mais nous resterons très vigilants au sujet de cet opérateur trop longtemps malmené.
Mes chers collègues, vous le constatez, les défis sont nombreux et les inquiétudes vives. Tout ne se réglera pas avec des crédits supplémentaires, même s'ils sont attendus et nécessaires.
Le Sénat porte la voix des territoires, mais aussi celle des femmes et des hommes qui y travaillent, y sèment et y récoltent pour en tirer le meilleur pour l'ensemble de nos concitoyens et dans l'intérêt de notre nation.
Le groupe Les Républicains votera donc ces crédits, conscient cependant qu'ils n'apportent qu'une réponse parcellaire aux problèmes rencontrés par l'ensemble – je dis bien l'ensemble – du monde agricole.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Christian Klinger, rapporteur spécial, et Vincent Louault applaudissent également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans nos campagnes, l'agriculture demeure un pilier économique essentiel, créant des emplois, stimulant la croissance locale et préservant notre patrimoine naturel.
Toutefois, nos agriculteurs font face à des défis d'une ampleur sans précédent. Les fluctuations climatiques, les pressions économiques et les exigences croissantes en matière de durabilité mettent en danger leur activité et la pérennité de nos ressources alimentaires. Pensons que toutes ces difficultés amènent chaque jour deux agriculteurs à mettre fin à leur vie.
Lutter contre les effets néfastes de la stratégie européenne dite de la ferme à la fourchette, que Bruxelles tente d'imposer, menace gravement la souveraineté alimentaire des pays membres de l'Union européenne, comme l'ont montré plusieurs études volontairement ignorées par la Commission européenne.
Les baisses de production induites par ces règles environnementales pourraient provoquer jusqu'à 20 % d'augmentation des importations issues de pays non membres de l'Union européenne. L'impact social et environnemental de cette grave atteinte à notre souveraineté serait catastrophique.
Pour répondre à ces enjeux, le Gouvernement utilise l'effet d'annonce et la méthode des Shadoks, comme l'a souligné à juste titre la commission des affaires économiques : « Si la solution n'est pas adaptée à la situation, adaptez la situation à la solution. »
Il est impératif que nous, législateurs, soutenions nos agriculteurs, en promouvant des politiques agricoles durables et des investissements, par exemple, dans la mise en place de systèmes d'irrigation adaptés aux enjeux environnementaux, défi incontournable pour assurer l'avenir des productions agricoles.
Nous avons pour fil d'Ariane la sécurité alimentaire nationale et la mise en place du localisme. C'est pourquoi nous proposerons d'exclure l'agriculture des traités multilatéraux de libre-échange. Les produits agricoles ne sont pas des biens comme les autres, parce qu'ils sont liés à la santé humaine et qu'ils sont un élément essentiel de la souveraineté de la France. Notre agriculture ne doit plus être sacrifiée au nom d'un libre-échange déséquilibré qui nous conduit à importer des produits ne répondant pas aux normes de qualité françaises.
Le pragmatisme doit nous guider. C'est pourquoi nous sommes contre l'interdiction de produits phytosanitaires existants sans solutions de substitution efficaces. L'écologie punitive, prônée par certains, a fait son temps !
Nous sommes attachés à notre territoire, en Hexagone comme en outre-mer. C'est pourquoi la gestion de nos forêts, trésors naturels qui jouent un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique, doit être sécurisée.
Nous devons assurer la prospérité de nos agriculteurs, la préservation de nos forêts et le dynamisme de nos zones rurales. Nous avons la responsabilité, nous, législateurs, de tracer une voie durable pour l'agriculture, l'alimentation, les forêts et les affaires rurales, car elles sont inextricablement liées au bien-être de notre nation.
Bravo, monsieur le ministre ! Jamais le budget n'aura autant augmenté ; une hausse de 38 % en autorisations d'engagement et de 23 % en crédits de paiement, c'est tout simplement spectaculaire !
Si certains agriculteurs peuvent apprécier le spectacle, tous aiment avant tout le réalisme et le pragmatisme. La planification écologique est largement servie par cette hausse ; nous ne voyons pas cela d'un mauvais œil, au contraire, car nous sommes habitués à la planification. Mais que recouvre-t-elle ?
Notre empirisme nous protège tant bien que mal contre les insécurités climatiques, sanitaires et budgétaires qui chamboulent régulièrement ce qui avait été planifié – quand planification il y a eu...
C'est le propre des agriculteurs que de faire avec les aléas de la nature, et c'est l'essence même de notre passion qui nous fait être en première ligne pour protéger nos terres et veiller sur l'environnement. Ne l'oublions jamais : sans la nature, nous ne sommes rien.
J'ai la chance d'être agriculteur et membre du groupe Les Indépendants – République et Territoires, où l'on aime les histoires qui ont du sens, celles qui donnent une vision, un cap, et tracent un destin commun. Je m'interroge, car nous attendons avec impatience le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles. Sera-ce une énième loi d'avenir, qui n'aura d'avenir que le nom ?
En 1961, le ministre de l'agriculture Edgard Pisani annonçait qu'il était grand temps de parvenir à installer dans ses services la pensée économique, mais aussi de penser à y installer la volonté commerciale. C'est désormais chose faite !
Aujourd'hui, il est grand temps de passer de la pensée à l'action. Il me semble que la hausse du budget en est un gage et j'espère que cela transpirera dans le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles.
Reconnaissons-le, l'agriculture doit aussi faire avec une inertie qui lui est propre. Depuis mon installation en 1994, je n'ai cessé de constater le vieillissement et la diminution dramatique des exploitations.
Sans sursaut, la fin sera brutale. On se réveille souvent quand il est trop tard : un paradoxe encore bien ancré dans l'ADN des agriculteurs, pourtant désormais habitués, comme je le disais, au grand mot de « planification ».
Je le concède, nous avons besoin d'être bousculés. Vous le savez, monsieur le ministre, le monde agricole est un monde de passionnés qu'il est difficile de faire bouger. Mais une fois convaincus, ils se révèlent d'une force d'entraînement redoutable. Or nous ne convaincrons pas ces femmes et ces hommes qui ont fait de leur passion un métier en les pointant du doigt, en les stigmatisant. Je sais que vous partagez ce constat, monsieur le ministre.
Les agriculteurs encaissent toujours et passent à la caisse chaque jour – verdissement, dépense brune, GNR, conditionnalité, et j'en passe –, pendant que Bercy brasse non pas du vent, ce que nous préférerions, mais une pression bien française, l'élevant au rang de meilleur brasseur de France de la taxe et de l'impôt !
Vous avez dans votre champ de compétences plus de 90 % des terres du territoire français, monsieur le ministre. Il est temps que le monde agricole reprenne les choses en main. L'agriculture doit mettre la pression, et non pas la subir, car la souveraineté de la France sans souveraineté alimentaire est un mirage. C'est de surcroît une rêverie de penser pouvoir mener toutes les transitions, écologique, environnementale et énergétique, sans les agriculteurs.
Et nous, nous ne voulons pas rêver, monsieur le ministre. Nous aspirons à de la lisibilité, à de l'efficacité et à du pragmatisme. Or je sais que vous en avez et je salue à ce sujet votre position sur les produits phytosanitaires : oui, partout où nous pouvons trouver des solutions de substitution, allons-y ! Mais quand il n'y a pas de solution, il ne peut pas y avoir d'interdiction dogmatique et péremptoire.
Nous souhaitons de l'innovation et de l'efficacité, avec plus de vision à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), plus de performance pour le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar), plus de simplification à l'Agence de services et de paiement (ASP) et à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), qui pondent des normes souvent absurdes et des documents de plusieurs centaines de pages.
La rue de Varenne est déjà la rue des usines à gaz. Ne devenez pas le premier producteur de contenus à base de cellulose de notre pays. Laissez-en pour nos vaches ! §
Alors, oui, nous serons au rendez-vous, monsieur le ministre, et vous le savez. Nous serons là pour travailler à vos côtés et bâtir la stratégie que ce ministère doit mener, avec tous les agriculteurs, toutes les agricultures, et pour les Français. Nous voterons les crédits de cette mission. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, grâce aux nouveaux moyens accordés à la planification écologique, les crédits de la mission que nous examinons aujourd'hui connaissent une hausse de 37 %, soit 1, 5 milliard d'euros supplémentaires.
Gardons-nous cependant de crier victoire et méfions-nous des miroirs aux alouettes. En réalité, les crédits alloués à cette mission s'établissent au niveau des crédits consommés en 2023. L'effort de sincérité budgétaire, souligné par nos rapporteurs spéciaux, que je félicite pour leur travail, doit être salué.
Cet effort pourrait être poursuivi l'an prochain, en rassemblant l'ensemble des crédits du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire dans cette seule mission. Cela serait un gage de lisibilité de la loi de finances.
Je souhaite également remercier nos rapporteurs pour avis, notamment notre collègue centriste Franck Menonville, pour leur examen attentif des crédits et leurs propositions. Ils ont chacun rappelé les défis majeurs qui attendent notre modèle agricole et nos agriculteurs dans les années à venir.
N'en déplaise aux Cassandre, notre agriculture ne doit pas devenir marginale dans le modèle économique français à l'horizon 2040. Notre pays doit impérativement consolider sa souveraineté alimentaire, aujourd'hui fragilisée, et réduire sa vulnérabilité.
Comment, me demanderez-vous ? En soutenant durablement la compétitivité et la résilience de notre modèle agricole. Alors, oui, il faut concrètement mettre en musique le renouvellement des générations et passer du slogan politique à la réalité.
L'un des enjeux majeurs est bien de rendre accessible le foncier agricole pour les aspirants exploitants ou primo-entrants par des systèmes de portage que nous pourrions expérimenter. Il nous faut susciter des vocations et rendre de nouveau attractive la profession.
Le dur labeur et la vie d'engagement doivent être dignement récompensés par une juste rémunération, mais il faut aussi veiller à la compétitivité des produits français. Nous devons, à ce titre, nous appuyer sur les lois Égalim pour relever ce défi. Le principe de non-négociabilité des matières premières agricoles, défendu par le Sénat, doit être la pierre angulaire de notre action.
Au-delà de ces deux enjeux fondamentaux du renouvellement des générations et de la juste rémunération des agriculteurs, nous devons également être vigilants, monsieur le ministre, sur le risque de financiarisation de l'activité agricole.
L'examen récent au Sénat d'une proposition de loi permettant notamment de recourir à un groupement foncier agricole d'investissement privé me semble être une option intéressante pour limiter les dérives de certains spéculateurs financiers. Le foncier doit rester la propriété des agriculteurs et ne pas être un simple levier de diversification du portefeuille financier d'investisseurs privés aux préoccupations trop souvent éloignées du quotidien des agriculteurs.
Ne reproduisons pas des modèles économiques décorrélés de ce système productif nourricier des Français, dans ce secteur clé pour notre souveraineté alimentaire. Accompagnons les agriculteurs souhaitant céder leur patrimoine foncier, tout en garantissant la souveraineté alimentaire de la France. Je salue à cet égard le rôle primordial joué par nos sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) et nos chambres d'agriculture dans nos territoires. Faisons leur confiance !
Enfin, la prolongation du dispositif TO-DE pour une année supplémentaire est une bonne nouvelle. Sa pérennisation au-delà serait appréciée, mais je sais, monsieur le ministre, que vous connaissez fort bien nos attentes à ce sujet.
Pour conclure, j'y insiste, c'est maintenant que l'agriculture française doit prendre un nécessaire tournant pour anticiper les turbulences que la PAC pourrait subir en cas de nouveaux élargissements de l'UE.
C'est en ayant à l'esprit l'ensemble de ces enjeux, l'ensemble des défis du monde agricole, et la responsabilité qui est la nôtre que le groupe Union Centriste votera les crédits de cette mission. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, notre agriculture fait face à de nombreux défis, qui sont chaque jour plus prégnants : dérèglement du climat, effondrement de la biodiversité, revenu agricole, mal-être des agriculteurs, concurrence déloyale conduisant à des importations, renouvellement des générations, attentes sociétales en matière de bien-être animal et de qualité de l'alimentation.
Devant ces enjeux, ce budget reste malheureusement largement insuffisant sur de nombreux plans.
S'agissant de l'installation-transmission, le flou total règne sur la mise en œuvre du fonds Entrepreneurs du vivant. En parallèle, le Gouvernement choisit d'abaisser l'aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs et refuse d'abonder les financements du programme d'accompagnement à l'installation-transmission en agriculture (AITA). On se retrouve avec des promesses incertaines de financements nouveaux et un refus de soutenir des actions à l'efficacité avérée.
Sur le volet mal-être agricole, nous saluons le renforcement du crédit d'impôt pour remplacement, que nous défendons depuis plusieurs années, mais il nous faut aller plus loin : le reste à charge est encore trop élevé pour en garantir l'accès à tous les agriculteurs.
Nous considérons également que ce PLF peut contribuer à aggraver les risques psychosociaux, avec des dispositifs misant sur le « toujours plus » d'investissements : les liens sont connus entre suréquipement, agrandissement, endettement et fragilité des exploitations, dans un contexte de crises et d'aléas croissants.
Sur la transition agroécologique, la création d'une action « Planification écologique » envoie un signal positif. Cependant, ce budget est problématique à plusieurs égards.
Tout d'abord, comme la commission l'a souligné, il est souvent impossible de comprendre comment ces lignes seront affectées. Ces nouveaux budgets aux contours flous, dont on peut douter de l'efficacité future, sont abondés de centaines de millions d'euros, et ce alors que des outils essentiels de la transition qui ont fait leurs preuves sont sous-financés malgré des alertes venant de tous les bords politiques.
Sans surprise, je commencerai ici par les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec). Nous ne pouvons pas comprendre la réaction du Gouvernement qui, face à une augmentation du nombre d'agriculteurs volontaires pour entrer dans le dispositif – c'est très positif ! –, refuse de s'engager clairement pour abonder l'enveloppe prévue à hauteur de cet élan.
Nous pensons aussi, bien sûr, à l'agriculture biologique. Que ce soit pour les mesures d'urgence, la communication ou l'écorégime, les financements prévus sont insuffisants pour soutenir ce modèle agricole, pourtant le plus à même de répondre aux enjeux de transition.
La rallonge budgétaire accordée récemment semble être l'amorce d'une prise de conscience. Elle se doit d'être concrétisée dans ce PLF.
Je rappelle que, sur ces deux sujets, des amendements ont été votés à l'Assemblée nationale. Ils n'ont – hélas ! – pas été retenus dans le cadre du 49.3.
Ensuite, il y a le problème des financements de la planification écologique. Ceux-ci reposent avant tout sur l'investissement, avec le risque de contribuer à l'endettement des agriculteurs s'il n'est pas ciblé. Or nous sommes convaincus que ce n'est ni la robotique ni le numérique qui nous permettront de relever les défis environnementaux. Nous devrions bien davantage miser sur des moyens d'animation territoriale et d'accompagnement largement négligés par ce budget. §
Toujours en ce qui concerne la transition écologique, nous dénonçons le revirement sur l'augmentation de la redevance pour pollutions diffuses et sur la taxe sur l'eau. Cela envoie un mauvais signal, après les reculs sur le glyphosate et le rejet du règlement européen sur l'usage durable des pesticides, dit SUR.
A contrario, nous souhaiterions que soit menée une réflexion sur l'application du principe pollueur-payeur au financement de la transition en agriculture. Les agriculteurs font partie d'un système agroalimentaire dont ils sont, de loin, le maillon le moins bien rémunéré. Les profits des grandes surfaces et des industries liées à l'agriculture ne devraient-ils pas être mis à contribution pour cette transition ?
Par ailleurs, sur tous ces sujets que sont le mal-être agricole, l'installation, la relocalisation ou la transition agroécologique, nous estimons que les organismes nationaux à vocation agricole et rurale (Onvar) sont les grands oubliés de ce PLF. Ces structures diverses que sont les coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma), Solidarité Paysans, Terre de Liens contribuent efficacement à appréhender tous ces enjeux via l'animation des territoires.
J'en viens à la forêt. Si un geste est effectué sur les moyens du Centre national de la propriété forestière (CNPF), nous refusons de considérer comme un progrès la suspension du schéma de suppression de postes à l'Office national des forêts (ONF) – j'en profite pour saluer les agents de l'ONF qui assistent à nos débats en tribune –, alors qu'il faudrait augmenter massivement les effectifs. À l'heure du changement climatique, nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à affaiblir la gestion publique de ce bien commun qu'est la forêt.
Je termine, monsieur le ministre, par un mot sur la gestion des aides faisant suite à la tempête Ciaran. De nombreux agriculteurs restent en dehors des dispositifs d'indemnisation, ce qui occasionne de fortes difficultés pour les fermes concernées. Je vous demande de ne laisser personne au bord de la route.
Le groupe GEST subordonnera son vote au sort réservé à certains amendements.
Enfin, pour répondre à notre collègue Laurent Duplomb, je dirai que produire sans écologie nous conduit dans le mur, et ce pour longtemps. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette année charnière pour notre agriculture, les perspectives du budget 2024 se veulent harmonieuses. Malgré les éloges, notre secteur agricole fait face à des défis complexes, cités précédemment par mon collègue Sebastien Pla.
Monsieur le ministre, le Gouvernement semble avoir des difficultés à répondre aux enjeux actuels. La nouvelle configuration de la PAC a suscité des critiques. Des ajustements sont nécessaires.
Dans ce contexte, l'agriculture biologique semble porter un fardeau particulier. La PAC, au lieu de favoriser son essor, a réduit son soutien. Malgré les ajustements proposés en France, des questions cruciales subsistent, notamment sur le soutien à l'élevage, en particulier en zone de montagne.
L'année agricole 2024, encadrée par la planification écologique du Gouvernement et l'examen du futur projet de loi d'orientation agricole, suscite des attentes. Bien que soit annoncée une augmentation du budget, seulement 500 millions d'euros seront effectivement engagés, et certains sujets cruciaux semblent être mis de côté.
Le Gouvernement explore différentes voies pour répondre aux défis, suscitant des interrogations sur la répartition entre la loi, le réglementaire et les annonces.
L'échec récent de la loi Égalim 4 à rétablir l'équilibre des relations commerciales agricoles laisse un goût amer. Face à cette impasse, une mission transpartisane est annoncée pour réfléchir à une réforme du cadre global des négociations commerciales. Sommes-nous condamnés à un cycle sans fin de lois Égalim ?
Avec un endettement croissant, la manière dont seront financées à long terme les aides annoncées demeure un mystère. Le « quoi qu'il en coûte » étant désormais derrière nous, il est légitime de se demander qui assumera in fine ces dépenses.
Quel modèle agricole le Gouvernement souhaite-t-il réellement ?
Pendant ce temps, les exploitants et nos territoires font de leur mieux pour faire face. Ils souffrent !
Les ravageurs, tels que la drosophila suzukii, plongent la filière cerise dans une grande détresse sans trop de perspectives viables. L'inefficacité constatée de certains produits phytosanitaires de remplacement ajoute une difficulté à cette situation déjà complexe.
Les injonctions contradictoires de l'État placent nos agriculteurs dans une position difficile et incompréhensible.
La révision des réglementations pour la lavande, ainsi que pour les producteurs d'abricots des Baronnies, en cours de reconnaissance comme indication géographique protégée (IGP), ajoute à la complexité du tableau et au désespoir de nos agriculteurs.
Sur le volet prédation et survie du pastoralisme, la filière manque de moyens et le nouveau plan Loup ne répond pas pleinement aux attentes de nos éleveurs.
La crise de l'eau provoquée notamment par le renchérissement exorbitant de la redevance eau, dont l'annulation a certes été annoncée, pose la question de la pérennité de la ressource et des nouveaux modèles agricoles dans le cadre de grands plans d'irrigation, tels que le projet dit Hauts de Provence rhodanienne dans le sud-est de la France.
Enfin, la diminution du nombre d'agriculteurs, couplée aux difficultés de renouvellement des générations, donne une note sombre à notre agriculture.
En conclusion, je dirai que ce budget, bien que porteur d'un peu d'espoir, reflète une situation nuancée faite d'incertitudes et de défis à relever. Les maigres espoirs qu'il suscite pour l'avenir de notre agriculture doivent être éclairés par des réponses concrètes et des actions immédiates.
Monsieur le ministre, ne laissons pas notre agriculture sans perspectives.
Malgré ces réserves, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce budget, si des suites positives sont données à nos amendements.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que je vous parle de forêt. Je dépasserai même peut-être le cadre des strictes compétences du ministère de l'agriculture.
Cette année encore, je débute en regrettant l'architecture actuelle des missions budgétaires. Définitivement, je suis persuadé qu'il est nécessaire d'attribuer à la forêt, sous l'égide du ministère de l'agriculture, des crédits qui lui soient spécifiquement dédiés. La forêt n'est pas une variable d'ajustement de l'équilibre budgétaire. La question est multidimensionnelle : elle embrasse des problématiques économiques, environnementales, agricoles ou encore de sécurité civile.
Or les informations et les crédits sont dilués, ce qui ne contribue pas à récompenser tous ceux qui ont accompli ces derniers mois un travail considérable dans ce dossier.
Avec mes collègues Anne-Catherine Loisier, Pascal Martin et Olivier Rietmann, j'ai été à l'origine d'une loi, adoptée en juillet 2023, visant à lutter contre l'intensification et l'extension du risque incendie. L'enjeu était de reconsidérer l'ensemble des moyens nécessaires à la prévention et à la lutte contre les incendies.
Notre objectif était double : limiter le risque qu'un feu devienne un incendie hors norme, en musclant les dispositifs de la défense de la forêt contre les incendies (DFCI), et donner un cadre légal aux politiques intégrant l'importance de la valeur du sauvé.
J'ai aujourd'hui quelques motifs de satisfaction.
Tout d'abord, l'ensemble des décrets d'application est publié ou en cours de publication. Votre ministère nous a consultés pour leur rédaction, monsieur le ministre, une démarche suffisamment rare pour être soulignée.
Ensuite, je me félicite du niveau des moyens alloués à la forêt, qu'ils soient budgétaires, matériels ou humains. Je regrette néanmoins qu'il n'y ait pas de différenciation territoriale quant aux besoins et aux moyens mis en œuvre. La forêt méditerranéenne, non productive, ne ressemble pas à la forêt des Landes, qui est encore différente de celle du Grand Est, mais elles jouent toutes un rôle dans le stockage du CO2. Il y a encore des améliorations à apporter dans le pilotage de la gestion.
En outre, je constate que les demandes formulées par l'ONF et le CNPF ont été satisfaites. Le plan de restructuration de l'ONF prévoyant la suppression de 95 ETP est suspendu cette année encore. Quant au CNPF, il a obtenu le financement de 16 ETP en 2024 pour mettre en œuvre les nouvelles missions issues de la loi du 10 juillet 2023.
Enfin, je dois saluer l'effort budgétaire fourni par le Gouvernement en matière de sécurité civile. Les crédits du programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités » ont ainsi été majorés, sur sa proposition, de 215 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 145 millions d'euros en crédits de paiement (CP).
En outre, une somme de 39 millions d'euros est allouée en CP au financement de camions-citernes pour les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), contre 7, 4 millions d'euros dans le texte initial. C'est un geste fort qui est très apprécié par les acteurs de terrain en première ligne.
Je me réjouis aussi que le Gouvernement ait entendu les demandes convergentes des députés et des sénateurs. L'amendement, déposé par la députée Panonacle, majorant de 3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement les crédits visant à renforcer le dispositif de DFCI a été retenu dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité.
Monsieur le ministre, vous ne serez pas étonné que, après avoir accordé des bons points, j'attire votre attention sur les insuffisances de ce budget et formule quelques regrets.
Du côté des regrets, très clairement, il y a le fait que le ministère de l'économie et des finances ne prenne pas la mesure du concept de « valeur du sauvé », qui, pourtant, a fait l'objet de plusieurs travaux académiques récents.
Pour illustration, je rappelle que le texte initial de la première partie du PLF prévoyait en son article 12 de supprimer deux dispositions créées sur l'initiative du Sénat par la loi du 10 juillet 2023 : l'exonération de l'ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les véhicules des Sdis ; l'exonération de malus CO2 et de malus au poids pour l'ensemble des véhicules opérationnels des acteurs de la DFCI.
Je salue la lucidité de Matignon, qui a su écouter nos inquiétudes et a rétabli ces dispositions dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité.
Ensuite, je note des insuffisances auxquelles il faut remédier dès ce budget.
Lors du vote de la loi du 10 juillet 2023, le Gouvernement s'est opposé à deux mesures fondamentales.
D'abord, il n'a pas voulu entendre parler de l'instauration d'un crédit d'impôt pour la réalisation des obligations légales de débroussaillement (OLD). Cette disposition avait été adoptée par le Sénat dans l'objectif d'encourager le débroussaillement et de renforcer la « défendabilité » de la forêt. Elle avait toutefois été retirée du texte de la commission mixte paritaire, sur l'initiative de son rapporteur pour l'Assemblée nationale. Mon collègue Rietmann l'a représentée par amendement au présent budget et j'appelle de mes vœux un avis favorable de la part du Gouvernement sur cette mesure incitative.
Ensuite, nous avions proposé d'inclure les employeurs publics dans le dispositif de réduction de cotisations patronales accordée en contrepartie de la mise à disposition de leurs employés sapeurs-pompiers volontaires au bénéfice des Sdis. Cette mesure a été supprimée lors de la commission mixte paritaire à la demande du Gouvernement. Notre collègue Pascal Martin l'a de nouveau proposée, sous forme d'amendement, dans le cadre de l'examen du PLFSS, et cet amendement a été voté.
Nous invitons le Gouvernement à garder dans les textes définitifs ces deux dispositions.
Enfin, et j'en terminerai par-là, il faut améliorer le soutien au financement des Sdis tout autant que les ressources allouées au déploiement de l'intelligence artificielle et des solutions géospatiales au bénéfice de la prévention et de la lutte contre les incendies, sachant qu'il s'agit d'investissements également utiles dans le cadre des enjeux de planification écologique.
De plus, l'augmentation du nombre des véhicules d'intervention est une condition de réussite de notre doctrine d'attaque des feux naissants, comme l'est notre engagement dans une politique industrielle aéronautique, sinon franco-française, du moins communautaire, qui nous assurerait une indépendance en matière de moyens de lutte aériens.
Nous ne devons pas penser à la protection de la forêt uniquement lorsqu'elle est en flammes. J'y insiste, un dispositif d'exonérations fiscales doit être vu comme un investissement de nature à éviter vingt à vingt-cinq fois plus de dépenses dans le cas où la forêt part en fumée.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission abordée cet après-midi, « Agriculture, alimentation, forêt, affaires rurales », me tient particulièrement à cœur, moi qui suis issu d'un territoire rural, un territoire d'élevage et de bocage, que vous connaissez, monsieur le ministre : l'Avesnois. J'y rencontre chaque jour nos producteurs, qui œuvrent pour une agriculture raisonnée et respectueuse de l'environnement.
La France, grande puissance agricole, a occupé le rang de deuxième exportateur mondial jusqu'en 1995, mais elle perd progressivement sa place et son leadership historique.
Néanmoins, malgré la conjoncture, nos agriculteurs continuent d'œuvrer pour notre souveraineté alimentaire, tout en faisant une réalité de la transition énergétique et de la sécurité sanitaire et en respectant nos engagements européens. Plus que jamais, ils ont besoin de soutien et de compréhension.
J'observe donc avec une bienveillance certaine ces 1, 25 milliard d'euros supplémentaires que vous proposez de déployer pour soutenir l'agriculture de demain : 250 millions d'euros débloqués pour le renouvellement forestier, à l'heure où nos massifs sont confrontés à différents périls et sont dans une situation préoccupante, comme l'a souligné le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Franck Menonville ; 110 millions d'euros pour les haies, gardiennes naturelles de la biodiversité, remparts contre l'érosion des sols et les inondations, et ressources supplémentaires pour nos agriculteurs, avec les chaudières bois-énergie ; 250 millions d'euros consacrés à la recherche de solutions alternatives aux produits phytosanitaires.
Pour autant, ces engagements ne doivent pas faire oublier l'importance du soutien pratique à l'agriculture, qui doit continuer d'être au cœur de ce budget.
La montée en puissance du dispositif universel de couverture des risques, issu de la réforme de l'assurance récolte, va dans le bon sens, avec près de 275 millions d'euros débloqués dans le cadre du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA).
Mais, car il y a un « mais », j'ai eu l'occasion d'exprimer mes vives inquiétudes concernant l'avenir de la filière bio : prix du lait, de la viande, des fruits et légumes, et j'en passe. Face au risque de déclassement des exploitations bio, il nous faut mener une grande réflexion sur la concurrence des labels, sur les signes de qualité et de l'origine, ainsi que sur l'éducation à l'alimentation.
Nous devons soutenir toutes nos agricultures, conventionnelles ou bio, mais aussi celle de demain, qui est réclamée par les consommateurs : le « consommer local ». À vous, monsieur le ministre, avec vos équipes, votre administration, d'encourager ce nouveau modèle. C'est une demande forte du terrain.
Il restera aussi à réfléchir sur la dérogation Ukraine et sur le rapport entre le faire-valoir direct et les statuts du fermage, ainsi que sur la valorisation de l'herbe.
Ce budget, c'est aussi celui du déploiement de la nouvelle PAC 2023-2027. Le cofinancement national des aides du second pilier est pérennisé – tant mieux !
La question se posait pour les indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, dont le taux de cofinancement européen est passé de 75 % à 65 %, nécessitant une augmentation du financement de l'État. Dans la répartition État-région du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), nous serons vigilants, monsieur le ministre, pour que l'État reste engagé auprès de tous nos agriculteurs.
Enfin, les crédits du Casdar sont augmentés pour tenir compte de l'inflation, un choix bienvenu pour sanctuariser la recherche et l'innovation en matière agricole, notamment les ressources des instituts techniques agricoles.
C'est en nous appuyant sur l'innovation que nous consoliderons la compétitivité de notre agriculture et notre souveraineté alimentaire.
Comme l'a annoncé mon collègue Daniel Fargeot tout à l'heure, nous voterons les crédits de cette mission, mais ayez à l'esprit, monsieur le ministre, qu'il ne s'agit pas d'un chèque en blanc. Les attentes du monde agricole sont énormes et nous sommes à la croisée des chemins. Notre ruralité, nos agriculteurs ne demandent pas mieux que de refaire de la France une grande puissance agricole. §
Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite en tout premier lieu saluer les votes de la commission des affaires économiques et de la commission des finances, qui ont émis un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.
J'ai bien compris qu'il ne s'agissait pas d'un blanc-seing et, ne versant pas par nature dans l'autosatisfaction, j'ai bien entendu tous vos messages.
Nous menons, je le crois, une politique volontariste, avec un effort budgétaire inédit, historique. Après le vote de ces crédits, il nous faudra évidemment les traduire en actes. Cependant, tout ne se réglera pas avec de l'argent. Le budget n'est que l'un des aspects d'une politique publique.
Avant de présenter la mission, monsieur Pla, sachez que je me souhaite d'être plus souvent encore sous la tutelle de Bercy, si cela doit se traduire à chaque fois par une augmentation du budget de 1, 3 milliard d'euros, sans parler du projet de loi de finances de fin de gestion qui nous a permis d'ajouter pour 2023 près de 850 millions d'euros supplémentaires par rapport au budget initial. Si vous considérez que c'est une tutelle, après tout, n'en prenons pas ombrage !
Je ne répondrai pas en détail à toutes les interrogations qui se sont exprimées, car la discussion des amendements me permettra d'apporter un certain nombre de précisions.
Si je devais, en un mot, évoquer l'ambition de ce projet de budget, je dirais qu'il s'agit de donner à nos agriculteurs et à nos agricultrices, de manière massive et rapide, les moyens de mener les transitions nécessaires, car le temps presse. Je dis « nécessaires », parce que c'est une condition sine qua non, non seulement de notre souveraineté, mais aussi de notre sécurité alimentaire. Je sais que c'est un sujet qui vous est cher.
Sécurité alimentaire, souveraineté et transition sont complémentaires et ne peuvent pas s'opposer.
Face aux bouleversements que nous connaissons, le statu quo reviendrait à terme au délitement de notre capacité de production et, partant, de notre capacité à être maîtres de notre destin au moment où l'alimentation, et donc l'agriculture, sont redevenues des sujets politiques, pour ne pas dire géopolitiques.
C'est un effort d'accompagnement sans précédent que nous faisons, avec 1, 3 milliard d'euros supplémentaires en autorisations d'engagements pour déployer la démarche de planification écologique. Certes, il ne s'agit pas de crédits de paiement, mais c'est la règle budgétaire : nous ouvrons d'abord des AE, puis les CP suivent lorsque les choses se déploient – c'est cela le sérieux budgétaire.
Nous abordons bel et bien un tournant avec ce budget, puisque ce sont près de 4 milliards d'euros sur trois ans que nous allons consacrer à la planification écologique. L'idée est bien de travailler sur une période triennale.
Très concrètement, ces crédits vont permettre de financer, entre autres mesures, la poursuite du déploiement de la stratégie nationale pour les protéines végétales, afin de rendre notre agriculture moins dépendante en matière de protéines et d'engrais minéraux – il s'agit donc d'une stratégie à la fois de souveraineté et de décarbonation.
Ils permettront également de financer la replantation de haies ; on y consacrera 110 millions d'euros dans le cadre du pacte Haies, qui montrera – beaucoup d'entre vous l'ont mentionné – le rôle central de nos agriculteurs dans la préservation du réseau des haies et, plus largement, de nos paysages et de la biodiversité. Qu'il s'agisse de stockage du carbone ou de lutte contre l'érosion des sols et les inondations, les haies ont beaucoup de vertus. D'ailleurs, si l'on veut défendre les haies, il faut aussi défendre l'élevage : elles en sont le produit, elles sont presque toujours le fruit du travail des hommes et des femmes qui, sur nos territoires, pratiquent l'élevage.
On pourra aussi financer un fonds en faveur de la souveraineté alimentaire et des transitions, qui permettra de favoriser la conception de systèmes renouvelés à l'échelle des filières. M. Cabanel a évoqué la nécessité de repenser globalement les systèmes : 200 millions y seront justement consacrés, afin de mener ce travail avec toutes les collectivités territoriales, notamment les régions et les départements, et avec tous les acteurs économiques.
Monsieur le sénateur, votre région est particulièrement affectée par le dérèglement climatique ; vous comprenez donc bien la nécessité de repenser nos systèmes, en matière hydraulique au premier chef, mais aussi sur toute la chaîne de production, afin de n'avoir pas pour seule perspective des événements climatiques qui, trois années sur quatre, sinon quatre années sur cinq, viennent dégrader la compétitivité de nos productions et, partant, notre souveraineté alimentaire.
Ces crédits permettront ensuite de financer la stratégie de réduction des produits phytosanitaires, à hauteur de 250 millions d'euros. Pour la première fois, il me semble que l'on pose par cette stratégie un cadre méthodique différent, grâce auquel on pourra identifier les impasses techniques et investir dans la recherche et l'innovation pour développer des alternatives.
Vous le dites tous : pas d'interdiction sans solution ! L'interdiction n'est jamais la solution ; il faut chercher des alternatives. Dans bien des cas, c'est parce qu'on ne l'a pas fait qu'on se retrouve dans une impasse. Il faut aussi chercher des alternatives pour que les décisions, notamment européennes, ne nous soient pas imposées.
M. Duplomb évoquait le cas de la lentille – en particulier la lentille du Puy, j'imagine. À cet égard, il est exact que des menaces planent sur un certain nombre de produits, car cela fait déjà plusieurs années que nous bénéficions d'un régime de dérogation et plusieurs annonces de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) laissent craindre des menaces pour cette filière. Quoi qu'il en soit, on aurait gagné à chercher des solutions alternatives : que l'on en trouve ou pas en fin de compte, qu'elles existent ou pas – tel est souvent le cas, vous avez raison de le souligner –, la recherche de solutions ne peut pas être une forme de pensée magique, et elles doivent être pratiques, économiquement viables et massifiables. Je pense que nous serons tous d'accord sur ce point ; il convient donc que nous avancions résolument dans cette voie. Tel est bien l'objet de ces crédits.
Enfin, ces crédits permettront de soutenir le renouvellement forestier, ainsi que le développement du bois de construction, pour 450 millions d'euros au total. Cela est important pour la décarbonation de notre économie, en particulier dans le secteur du bâtiment, mais aussi dans d'autres domaines. Beaucoup de travaux ont été menés et je sais que c'est un sujet auquel votre assemblée est sensible : l'examen des amendements nous donnera l'occasion d'y revenir.
La trajectoire dans laquelle nous nous engageons doit permettre à notre agriculture d'être plus résiliente, plus compétitive, mais il ne faut pas oublier pour autant les enjeux immédiats de compétitivité.
À ce propos, je veux dire un mot de la décision du Gouvernement d'annuler la hausse, de 37 millions d'euros, de la redevance pour pollutions diffuses et de réduire la hausse des taxes sur l'irrigation, mesures initialement prévues dans ce PLF. Il faudra que nous trouvions ensemble une trajectoire. En effet, vous avez été plusieurs à le dire, s'il y a des dépenses supplémentaires, il faut aussi trouver les recettes correspondantes.
La Première ministre a fait ce choix, mais il nous faudra définir une trajectoire qui stabilise les choses, trouver les recettes qui permettront de réaliser certains ouvrages. J'ai bien noté la demande de plusieurs d'entre vous, notamment M. Duplomb, d'avoir plus de visibilité quant à l'utilisation de la RPD. Je n'ai pas forcément les mêmes chiffres que vous, monsieur le rapporteur pour avis, mais je nous invite à y travailler avec nous, en conscience et en transparence, pour voir à quoi peuvent servir ces sommes normalement destinées à la transition écologique en matière de produits phytosanitaires et d'usage de l'eau.
La volonté du Gouvernement, partagée par les acteurs agricoles, même s'ils ne l'expriment pas de la même manière, est la suivante : rechercher à chaque fois le point d'équilibre pour s'assurer que les transitions que nous entendons mener sont soutenables sur le terrain. Nous avons besoin de construire sur ce sujet comme sur d'autres une trajectoire en ce sens. C'est la méthode que nous avions employée pour la fiscalité du gazole non routier ; nous y resterons attachés dans ce domaine aussi.
On engage donc des transitions, mais il faut toujours qu'elles soient pensées en lien avec l'impératif de souveraineté alimentaire. C'est bien le fil rouge du projet de budget qui vous est présenté, qui est porté à 7 milliards d'euros, soit une augmentation de près de 17 % par rapport à 2023.
Ce budget est aussi un levier important pour soutenir nos filières. Sans entrer dans le détail, je voudrais citer plusieurs aspects de ce soutien.
Je pense tout d'abord au déploiement de la réforme de l'assurance récolte, dont il a été beaucoup question au Sénat. L'accroissement significatif du nombre d'assurés, y compris en prairie, atteste de cette dynamique, en dépit des craintes exprimées quelquefois en la matière. Cet outil assurantiel est un élément de la résilience que nous recherchons. Nous sommes largement au-dessus de la trajectoire que nous avions fixée, puisque les agriculteurs se sont massivement engagés dans cette voie.
Je pense aussi au soutien à l'agriculture biologique : 5 millions d'euros supplémentaires permettront de porter à 18 millions d'euros le fonds Avenir Bio et 5 autres millions permettront de financer des actions de communication, pour relancer la consommation. Nous avons besoin de soutenir cette filière dans sa crise actuelle – c'est le sens des moyens supplémentaires qui lui ont été alloués cette année, à hauteur de 100 millions d'euros environ –, mais nous avons surtout besoin, je le redis, de relancer la consommation.
Il me semble que nous pourrions tous œuvrer utilement, comme je l'ai indiqué ce matin encore auprès des grands distributeurs, pour faire en sorte de voir réapparaître les produits bio dans les étals d'où ils ont disparu, car la visibilité est un moyen crucial pour faire redémarrer la consommation. Chacun doit en prendre sa part ; il est facile de le faire quand tout va bien, mais c'est plus utile quand la situation de certaines filières est plus fragile. C'est aussi la responsabilité de la grande distribution que de le faire.
Ces éléments viennent compléter le plan que j'avais annoncé pour la consommation de produits bio en mai dernier. J'avais alors déclaré que l'État devait s'imposer à lui-même les efforts qu'il demandait aux collectivités locales. C'est bien ce qu'il va faire, au travers de sa commande publique, à hauteur de 120 millions d'euros environ, pour que les lieux de restauration qui dépendent de l'État respectent les exigences inscrites dans la loi Égalim.
J'en viens au troisième domaine dans lequel s'exerce notre soutien : le renouvellement forestier et, plus largement, notre politique forestière.
Si j'étais taquin, je dirais que j'entends souvent s'exprimer des critiques quant aux moyens que nous y consacrons, notamment au travers de l'ONF, mais ce n'est pas ce gouvernement-ci qui a supprimé le Fonds forestier national, en 1999 ; ce n'est pas lui, ce sont tous ses prédécesseurs, qui ont réduit les moyens de l'ONF. Pour notre part, nous inversons la trajectoire ; je dirai même, puisque le « y-a-qu'à-faut-qu'on-isme » rayonne sur ces sujets, que nous l'avons même déjà inversée !
Il nous faut désormais trouver une trajectoire qui permette aux agents de l'ONF d'exercer leurs missions actuelles d'intérêt général, notamment de défense de la forêt contre les incendies, pour laquelle nous débloquons 3 millions d'euros supplémentaires, mais aussi les missions nouvelles qui leur seront confiées dans les années à venir, notamment l'adaptation au changement climatique, pour laquelle nous augmentons ces crédits de 8 millions d'euros.
Ces observations justifient aussi l'augmentation des effectifs du Centre national de la propriété forestière, établissement de l'État chargé des forêts privées. Il fallait en effet, par cohérence, faire correspondre ses moyens humains aux nouvelles missions que vous avez décidé de lui confier dans le cadre de la loi, d'origine sénatoriale, visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie.
Je terminerai en évoquant les moyens dont nous nous dotons pour préparer l'avenir ; certes, cela dépasse légèrement le périmètre des crédits de cette mission, mais il faut les mentionner pour donner à ces crédits toute leur cohérence.
Évidemment, le présent projet de budget conforte ce qui est déjà fait par l'enseignement agricole. Je pense en l'occurrence aux actions d'orientation et de découverte de métiers, ou encore au plan qui nous a amenés à rénover 72 % des diplômes afin, notamment, d'y intégrer mieux les questions relatives à l'agroécologie, pour ne citer que ces quelques réalisations.
Mais l'accélération des transitions qui s'imposent à l'agriculture, en particulier la transition climatique, nécessite des compétences nouvelles pour les futurs professionnels ; il faut aussi des apprenants supplémentaires pour assurer le renouvellement des générations.
Telle est bien l'ambition centrale du pacte et du projet de loi d'orientation en faveur du renouvellement des générations en agriculture, qui seront présentés avant la fin de l'année et soumis au débat parlementaire au premier semestre de 2024. Ainsi, l'on pourra répondre précisément aux questions que vous vous posez sur ces éléments.
Monsieur le sénateur Pla, vous déclariez que la dernière grande loi agricole était celle qu'avait portée Stéphane Le Foll. J'ai un grand respect pour le travail qu'a accompli ce ministre de l'agriculture, notamment sur les questions d'agroécologie, mais reconnaissons que, si nous sommes obligés d'élaborer un nouveau texte aujourd'hui, c'est manifestement parce que celle-là n'a pas porté les fruits que vous escomptiez !
Marques de dénégation sur les travées du groupe SER.
Je m'engage dans ce débat avec ambition et détermination, mais aussi avec modestie. Je nous appelle à en faire montre collectivement ; on verra bien si ce dont nous débattons, si ce que vous allez adopter est utile, mais reconnaissons d'emblée que le chemin de la souveraineté est assez difficile, mais mérite que l'on s'y engage.
Certains éléments du pacte commencent déjà à trouver une traduction dans ce PLF ; c'est bien l'un des objectifs de ce débat budgétaire.
Je pense notamment au renforcement du service de remplacement, du fonds de garantie que nous allons mettre en place pour lever 2 milliards d'euros de prêts pour les projets d'installation ou de transformation des exploitations, ou encore du relèvement du plafond du Casdar.
À ce propos, je répondrai à M. Salmon que ce compte spécial offre aussi des moyens à certaines des structures qu'il a évoquées : 20 millions d'euros supplémentaires, ce n'est tout de même pas une mince affaire, me semble-t-il ! Le fonds Entrepreneurs du vivant peut aussi jouer un rôle. M. Redon-Sarrazy m'a interrogé sur son déploiement. Je lui répondrai que ce sont bien 70 millions d'euros qui lui sont consacrés, et non pas 60 millions ; la somme retenue correspond aux besoins estimés par la Banque des territoires. L'objectif est évidemment d'aller jusqu'au plafond. Les régions pourront en outre se saisir de ce dispositif, qui se déploiera au début de l'année 2024. Je comprends vos inquiétudes, mais il me semble que nous saurons les apaiser.
Je pense aussi à la découverte des métiers, à l'orientation, aux contrats locaux autour des établissements, à la création de nouvelles formations qualifiantes, au processus massif que nous engageons de formation continue des enseignants et de tous ceux qui accompagnent l'agriculture au quotidien : il faudra former 50 000 personnes dans le cadre de la transition climatique, de la transition écologique et de la transition des pratiques.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que nous voulons faire au travers de ce budget. Celui-ci n'est qu'une étape, car le budget n'est pas tout, comme je le disais en introduction de mon propos ; il nous permet de nous engager dans le chemin des transitions, mais celles-ci s'incarnent aussi dans des politiques publiques auxquelles nous devons tous travailler.
Monsieur le rapporteur spécial, vous disiez que je fais face à un moment difficile. C'est sans doute vrai, dans la mesure où notre agriculture elle-même traverse un tel moment, celui d'une grande transition, que nous engageons sous la grande contrainte du dérèglement climatique. Voilà ce que nous essayons de faire au travers de nos politiques publiques comme dans le budget.
S'y ajoute un travail que vous avez été nombreux à évoquer : si nous voulons redonner du sens au travail des agriculteurs, nous devons simplifier massivement les normes, mais aussi faire preuve de cohérence dans les accords internationaux. Je signale à ce sujet que nous n'avons jamais soutenu l'accord UE-Mercosur ; c'est bien pourquoi il n'est pas plus avancé aujourd'hui qu'il y a quelques années. Nous ne sommes pas seuls en Europe sur ces questions ! Nous avons en outre fait obstacle à l'accord avec l'Australie.
Vous n'ignorez pas, monsieur Jadot, que ce pays respecte les accords de Paris.
M. Marc Fesneau, ministre. Voilà le budget auquel nous essayons d'aboutir : un budget de transitions. Mais il ne faudrait pas pour autant négliger le travail sur la surabondance de normes et de réglementations, qui grève durablement la compétitivité de notre agriculture.
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.
Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l'état B.
Je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à cinq heures.
En conséquence, nous devrons terminer l'examen de cette mission aux alentours de minuit et demi. Compte tenu du nombre d'amendements à examiner sur cette mission – plus de 100 –, je vous invite donc à faire preuve de concision, d'autant que nous devrons ensuite reprendre l'examen des crédits de la mission « Outre-mer», que nous avions dû interrompre hier.
En euros
Mission / Programme
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation
Dont titre 2
390 422 289
390 422 289
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture
Dont titre 2
606 155 944
606 155 944
Allégements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)
Soutien aux associations de protection animale et aux refuges
Fonds de soutien aux technologies immatérielles agricoles
L'amendement n° II-1450, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture
dont titre 2
Allégements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)
Soutien aux associations de protection animale et aux refuges
Fonds de soutien aux technologies immatérielles agricoles
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre. Il me faut commencer cette présentation par des excuses, pour le dépôt hors délai de cet amendement. Pour avoir été ministre des relations avec le Parlement, je sais combien cela peut être désagréable.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
Cet amendement, que je porte avec mes collègues de Bercy, …
Sourires.
… – ne vous inquiétez pas ! – vise à transcrire dans les crédits de la mission certaines mesures de simplification.
Je vous rappelle qu'afin de simplifier les circuits administratifs du second pilier de la PAC, l'État et les régions sont convenus que ces dernières seraient les autorités de gestion des mesures non surfaciques.
L'amendement tend donc à transférer de manière pérenne aux régions la masse salariale correspondant aux 196 emplois du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire transférables dès 2024, c'est-à-dire les emplois contractuels, les emplois devenus vacants et les fractions d'emploi ne pouvant donner lieu à un transfert d'agent.
Par ailleurs, 189 agents titulaires du ministère resteront mis à disposition des collectivités jusqu'à ce qu'ils exercent leur droit d'option, portant l'assiette finale du transfert de compétences à 385 équivalents temps plein (ETP), conformément à l'accord conclu avec les régions le 10 novembre 2021.
Est également prévue dans cet amendement une compensation des vacations, à hauteur de 3, 3 millions d'euros, et de la délégation des missions de contrôle, à hauteur de 922 000 euros, ainsi que la compensation, non pérenne, au titre de 2023, des emplois devenus vacants.
L'amendement tend enfin à prévoir la compensation financière des dépenses de fonctionnement associées aux emplois transférés, ce que l'on appelle communément les « coûts du sac à dos », à hauteur de 1, 404 million d'euros.
Il s'agit d'un amendement « miroir » de celui qui avait pour objet d'augmenter les ressources des régions et du département de La Réunion au titre de ce transfert de compétences.
Mme la présidente. On dira que c'est la faute de Bercy, monsieur le ministre !
Sourires.
M. le ministre a devancé, par ses excuses, les remarques que je m'apprêtais à lui faire sur le caractère tardif du dépôt de cet amendement…
Quoi qu'il en soit, comme il a été déposé postérieurement à notre dernière réunion, la commission n'a pas pu l'examiner ni adopter d'avis. Nous nous en remettons donc à la sagesse de notre assemblée ; à titre personnel, je le voterai.
L'amendement est adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-1435, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture
dont titre 2
Allégements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)
Soutien aux associations de protection animale et aux refuges
Fonds de soutien aux technologies immatérielles agricoles
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à lever le gage pour un certain nombre de mesures adoptées à l'Assemblée nationale : l'ouverture de crédits pour la recherche sur la maladie du châtaignier, à l'instar de ce que l'on fait déjà pour la noix, la cerise ou la lavande, et pour renforcer les moyens du CNPF, qui avaient été gagés sur le programme 215, dont nous proposons ici de rétablir les crédits.
L'amendement vise aussi à faire figurer au sein du programme 149 les crédits destinés au fonds de soutien aux technologies immatérielles agricoles, et au sein du programme 206 les crédits, d'un montant de 1 million d'euros, ouverts en soutien aux associations de protection animale et aux refuges.
L'amendement n° II-258 rectifié, présenté par Mmes Cazebonne et Duranton et MM. Mohamed Soilihi, Bitz, Fouassin, Buis et Patient, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture
dont titre 2
Allégements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)
Soutien aux associations de protection animale et aux refuges
Fonds de soutien aux technologies immatérielles agricoles
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Bernard Buis.
Par cet amendement, ma collègue Samantha Cazebonne propose de tripler le budget alloué aux associations de protection animale et aux refuges, qui font un travail formidable.
L'aide et la protection que ces associations, dont certaines sont reconnues d'utilité publique, apportent aux animaux ne sont plus à démontrer.
Ces associations vivent principalement de dons et de legs, ce qui ne leur permet pas de financer leurs nombreuses actions : accueil d'animaux, placements, stérilisation, vaccination, etc.
De plus, les signalements de maltraitance et le nombre croissant d'abandons chaque année saturent toujours plus les refuges. Ces structures manquent de places et de moyens pour accueillir tous les animaux.
Certains territoires, comme La Réunion, souffrent particulièrement de cette situation au vu de la prolifération non maîtrisée de chiens et de chats errants non stérilisés.
Face à l'augmentation des cas de maltraitance sur les animaux et aux nombreux abandons, le budget de 1 million d'euros alloué aujourd'hui par l'État à ces associations apparaît bien insuffisant.
Les Français sont attachés à leurs animaux et à la question du bien-être animal. La lutte contre la maltraitance animale doit donc être une des priorités du Gouvernement.
Nous invitons évidemment le Gouvernement à lever le gage.
Sur l'amendement n° II-1435, pour les raisons que j'ai exposées au sujet de l'amendement précédent, la commission s'en remet à la sagesse de notre assemblée.
L'amendement n° II-258 rectifié vise à abonder de 2 millions d'euros le programme 382 « Soutien aux associations de protection animale et aux refuges » ; cette somme serait prélevée sur le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ».
Bien qu'elle soit consciente de la situation décrite et des moyens que requiert la protection de la condition animale, la commission des finances a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui tend tout de même à tripler les crédits du programme 382. Peut-être une augmentation plus raisonnable aurait-elle été susceptible d'aboutir.
Par ailleurs, nous devons agir sur plusieurs leviers en faveur du bien-être animal.
Je rappelle que la version du PLF considérée comme adoptée par l'Assemblée nationale après le recours au 49.3 prévoit la création d'un nouveau programme au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », intitulé « Soutien à la stérilisation des félins » et doté de 3 millions d'euros afin d'aider les collectivités à prendre en charge la stérilisation des chats errants et des chats domestiques, pour éviter que les chats à recueillir ne soient trop nombreux.
Nous devons également mieux responsabiliser les propriétaires : la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes devrait y contribuer, car elle a rendu obligatoire un certificat d'engagement et de connaissance dont nous convenons qu'il ne s'agit que d'une première étape vers un contrôle a priori de la capacité à avoir un animal domestique.
Mais ces éléments ne nous dispenseront pas d'un soutien au tissu associatif dont on perçoit bien qu'il est plus nécessaire que jamais, dans tous les domaines d'ailleurs.
L'avis sur cet amendement est donc, je le redis, défavorable.
Il est identique à celui de la commission. Je veux rappeler que le Gouvernement est très engagé sur ce sujet. Outre la loi évoquée par M. le rapporteur spécial, qui vise à lutter contre l'abandon, je mentionnerai ce programme 382, doté de 1 million d'euros. Par ailleurs, 30 millions d'euros ont été consacrés, au sein du plan de relance, à la rénovation des refuges. Un observatoire en cours d'installation nous permettra de déterminer si des moyens supplémentaires doivent être réorientés. Pour l'instant, nous considérons que les sommes sont suffisantes, ce qui justifie l'avis défavorable du Gouvernement.
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Je me permets d'intervenir, car M. Buis a fait référence à mon territoire de La Réunion dans sa défense de l'amendement n° II-258 rectifié. Je me dois d'expliquer combien il est important que nous disposions de fonds pour lutter contre la prolifération de ces animaux.
Vous connaissez la situation de La Réunion, la vie chère qui y sévit : quand on n'a pas les moyens de nourrir sa famille, c'est encore plus difficile de nourrir ses animaux ! Ceux d'entre eux qui sont abandonnés, notamment les chats, montent dans les montagnes et s'y installent, ce qui fait peser une grave menace sur nos espèces endémiques, en particulier les oiseaux forestiers, qui sont en voie d'extinction parce que les chats harets attaquent leurs nids, leurs œufs, leurs couvées. Les moyens de l'ONF et du Parc national de La Réunion sont insuffisants pour lutter contre cette prolifération.
Alors, quand on se montre défavorable à un tel amendement, pardonnez-moi, mais cela a des conséquences : nous n'aurons plus de pétrels de Barau, de pétrels noirs de Bourbon ni de tuit-tuits dans nos forêts. L'outre-mer, je le rappelle, c'est 80 % de notre biodiversité. Et l'on est défavorable à un tel amendement !
L'amendement est adopté.
En conséquence, l'amendement n° II-258 rectifié n'a plus d'objet.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-1255 rectifié, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Varaillas, MM. Gay, Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Soutien exceptionnel à la restauration collective face à la hausse des prix des produits alimentaires
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture
dont titre 2
Allégements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)
Soutien aux associations de protection animale et aux refuges
Fonds de soutien aux technologies immatérielles agricoles
Soutien exceptionnel à la restauration collective face à la hausse des prix des produits alimentaires
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Comme vous l'avez récemment rappelé, monsieur le ministre, il est urgent d'atteindre l'objectif d'au moins 50 % de produits durables et de qualité et 20 % de produits bio dans les assiettes dans la restauration collective.
Pour ce faire, dans une période de crise multidimensionnelle, il revient avant tout à l'État de se mobiliser pour soutenir tous les acteurs, afin que cette politique que l'on dit prioritaire devienne une réalité pour tous et non pas seulement pour les restaurants collectifs relevant de l'État. Tel est bien l'objet de cet amendement.
Nous vous prenons au mot, monsieur le ministre : face à des difficultés de marché qui persistent, il faut apporter une réponse plus importante, d'autant qu'une grande partie des 120 millions d'euros annoncés pour soutenir la restauration collective de l'État ne visent en réalité qu'à honorer des engagements déjà pris.
À l'heure actuelle, selon les chiffres de votre ministère, les produits bio ne représentent que 6 % à 7 % des achats en restauration collective publique. Or, pour renforcer la commande de ces produits, il a été démontré qu'il conviendrait d'apporter un soutien, à hauteur de 20 centimes par repas, aux gestionnaires de restaurant collectif, que cette gestion soit directe ou concédée.
En se basant sur cette estimation et sur la quantité de repas servis par an dans la restauration collective publique – 2, 83 milliards –, on arrive à un montant de 566 millions d'euros, duquel nous avons déduit les 120 millions d'euros déjà alloués à la restauration collective d'État au mois de mai dernier. Pour arrondir, c'est une ligne de 400 millions d'euros que, par cet amendement, nous proposons d'ouvrir afin que chacun puisse manger convenablement.
L'amendement n° II-674 rectifié, présenté par MM. Montaugé, Tissot, Lurel, Pla, Stanzione et Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Soutien exceptionnel à la restauration collective face à la hausse des prix des produits alimentaires
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture
dont titre 2
Allégements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)
Soutien aux associations de protection animale et aux refuges
Fonds de soutien aux technologies immatérielles agricoles
Soutien exceptionnel à la restauration collective face à la hausse des prix des produits alimentaires
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Franck Montaugé.
Cet amendement, dont l'objet est similaire est précédent, vise à créer une ligne spéciale d'aide d'urgence à l'ensemble des restaurants collectifs publics et privés pour leur permettre de progresser en matière d'offre de produits biologiques en dépit de la hausse des prix de l'alimentation.
En se basant sur un besoin de 20 centimes par repas, la filière a estimé le montant global nécessaire à 566 millions d'euros, duquel il convient de retrancher les 120 millions d'euros déjà accordés par l'État à la restauration collective en mai dernier.
Le montant global nécessaire pour financer cette aide est donc estimé à 446 millions d'euros. Nous proposons d'étaler cet effort sur deux ans afin de ne pas trop grever les ressources correspondantes : c'est pourquoi nous demandons qu'y soient consacrés 233 millions d'euros en 2024.
Nous comprenons bien les motivations des auteurs de ces deux amendements, qui nous semblent plutôt être des amendements d'appel, mais nous ne pouvons leur être favorables.
En effet, les sommes demandées – 400 millions d'euros pour le premier, 233 millions pour le second, ce n'est quand même pas une paille ! – ne sauraient être prélevées sur les autres programmes de la mission. En outre, sur le fond, le calcul de la prise en charge requise apparaît déraisonnable et ne saurait être sérieusement envisagé.
L'avis de la commission est donc défavorable sur ces deux amendements.
Il est également défavorable, au vu du caractère déraisonnable des enveloppes demandées.
Je veux néanmoins rappeler brièvement ce que nous avons fait, puisqu'il s'agit d'un levier important. Le programme Mieux manger pour tous sera doté de 70 millions d'euros en 2024. La politique de tarification sociale des repas mise en œuvre par le ministère des solidarités a permis à 100 000 enfants de bénéficier de repas à un euro.
En outre, comme je l'annonçais à la tribune, l'État a décidé d'être exemplaire dans sa commande publique : 120 millions d'euros de surcoûts sont donc prévus pour atteindre les objectifs de la loi Égalim : 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits bio.
Enfin, une enveloppe de 50 millions d'euros ouverte en 2020 et 2021 a permis d'accélérer l'application de la loi Égalim. Certaines collectivités s'y sont engagées. J'ai été maire et président d'intercommunalité. Je sais donc qu'il appartient aux collectivités de se saisir de cet outil, dans les conditions prévues par la loi.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-666, présenté par MM. Tissot, Lurel, Montaugé, Pla, Stanzione et Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture
dont titre 2
Allégements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)
Soutien aux associations de protection animale et aux refuges
Fonds de soutien aux technologies immatérielles agricoles
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Lucien Stanzione.
Cet amendement vise à apporter un soutien financier aux acteurs de la restauration collective pour atteindre les objectifs de produits durables et de qualité inscrits dans les lois Égalim et Climat et résilience, qui ne sont pas respectés aujourd'hui.
Trois ans après le lancement de la mesure visant, dans le plan de relance, à soutenir les cantines scolaires, le bilan apparaît bien mitigé : en 2023, seulement 1 700 communes, soit 15 % des communes ciblées, y ont fait appel.
Les raisons de la non-atteinte de ces objectifs sont multiples, mais le coût des investissements nécessaires pour cuisiner des produits frais et réduire le gaspillage est un élément essentiel.
Nous proposons donc, au travers de cet amendement, d'apporter un soutien spécifique supplémentaire aux acteurs de la restauration collective, à hauteur de 50 millions d'euros. Je tiens à rappeler qu'un amendement similaire avait été adopté à l'Assemblée nationale, preuve de la volonté partagée des deux chambres d'avancer sur ce sujet. Malheureusement, le 49.3 a eu raison de cette mesure. Nous vous proposons ici de revenir sur ce choix regrettable du Gouvernement.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° II-1254 est présenté par Mmes Corbière Naminzo et Varaillas, M. Gay, Mme Margaté, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
L'amendement n° II-1349 rectifié est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Souyris et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture
dont titre 2
Allégements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)
Soutien aux associations de protection animale et aux refuges
Fonds de soutien aux technologies immatérielles agricoles
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l'amendement n° II-1254.
Dans le même esprit que Franck Montaugé, je voudrais dire que la mesure du plan de relance qu'il a évoquée avait du bon. Évidemment, ce soutien demande qu'on y mette des moyens. On ne peut faire que des petits pas. Mais, au moment où il faudrait impulser le mouvement, on préfère le casser. Et on en pâtira, car les produits frais, locaux et de saison, c'est bien l'alimentation qu'il nous faut, en particulier pour les plus jeunes. Souvent, dans les familles populaires, le repas en restauration collective est le seul repas équilibré.
Nous proposons donc de maintenir cette aide de 50 millions d'euros, car ce n'est pas le moment de casser l'élan de nos collectivités.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° II-1349 rectifié.
J'ajouterai simplement aux arguments de mes collègues que les collectivités territoriales ont besoin d'investir en la matière. Souvent, ces dernières années, on a cassé l'outil qu'est la cuisine de restauration collective. On a vraiment besoin de réinvestir dans du matériel, de stockage notamment, parce que faire du bio, c'est souvent refaire de la cuisine ! Une fois ce mouvement engagé, avec quelques enseignements et un changement de pratiques, on arrive à fournir des repas bio pour un coût inférieur !
Nous comprenons bien les motivations des auteurs de ces amendements, mais il n'est pas envisageable de prélever 50 millions d'euros sur les autres programmes de la mission. Nous partageons l'idéal, mais nous sommes contraints par le réel : au vu de l'état de nos finances publiques, qui ne cesse de se dégrader, en particulier depuis 2017, nous n'avons pas ces 50 millions !
L'avis de la commission sur ces trois amendements est donc défavorable.
Même avis que la commission.
J'ajoute simplement à l'attention de M. Salmon que les cantines ont accès à des aides à l'investissement dans les cantines : vous le savez aussi bien que moi. Ces aides sont prévues par le plan de relance et au travers de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
Nous avons sans doute besoin de nous organiser davantage. Nous continuerons à travailler sur les projets alimentaires territoriaux (PAT) qui constituent des outils utiles et puissants pour mieux structurer les filières – car c'est aussi l'enjeu, au-delà de la seule question de l'investissement qui fait déjà l'objet de différents outils déployés par l'État.
Il ne s'agit pas simplement de répéter une opération ou de redéposer un amendement comme les années précédentes. L'agriculture bio subit une crise à la fois de l'offre et de la demande. Faisons preuve de volonté politique pour agir sur la demande, en application, notamment, de la loi Égalim : nous redonnerions ainsi une véritable bouffée d'oxygène à l'agriculture biologique et aux contrats de territoire.
Par ailleurs, il serait utile que le Sénat montre l'exemple sur la commande publique et l'offre de restauration biologique.
J'entends votre réponse, monsieur le ministre. Néanmoins, en la matière, le ciblage a sans doute été défaillant durant les deux premières années d'application : un renforcement de l'accompagnement serait bienvenu.
Je le redis : vous avez donné un élan. Nous avons invité les collectivités à réinvestir ; désormais, nous devons les accompagner dans la durée. Deux ans, ce n'est pas suffisant.
Quelque 15 % des collectivités ont fait appel à cette aide : beaucoup restent à convaincre. Pourtant, les communes qui ont mis en œuvre cette action avec succès pourraient servir de modèle à celles qui ne l'ont pas encore fait. C'est donc maintenant que nous devons apporter notre soutien.
Monsieur le rapporteur spécial, je ne peux pas entendre votre réponse. Si, chaque fois que nous déposons un amendement, vous nous dites qu'il est impossible de prendre de l'argent ailleurs, alors que sommes-nous en train de faire depuis dix jours ? Votre réponse n'est pas acceptable. Dans ce cas, qu'est-ce qu'on fiche là ? Mettons fin alors tout de suite à notre débat !
La réponse attendue est avant tout politique ; et si nous tombons d'accord, il revient au Gouvernement de lever le gage.
Je veux rappeler que cet amendement a été voté à l'Assemblée nationale, …
… et qu'il est soutenu par la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) jusqu'à la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab) ! Tout le monde demande l'application de la loi Égalim ! Je pensais même que la commission avait émis un avis favorable, mais sans doute me suis-je trompé…
L'amendement n'est pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques n° II-1254 et II-1349 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias .