Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ces dernières années, et surtout ces derniers mois, ont été marquées par des événements internationaux bouleversants et douloureux : intensification de la guerre en Ukraine, offensive militaire cruelle et asymétrique de l'Azerbaïdjan contre les Arméniens d'Artsakh, coups d'État en Afrique, tensions croissantes en mer de Chine avec Taïwan et, enfin, récemment, atrocités des terroristes islamiques du Hamas contre nos alliés israéliens.
Des dictatures attaquent sans relâche nos démocraties, avec une intensité inédite. Cela nous rappelle combien il est impératif de renforcer la diplomatie française pour relever les défis à venir. C'est pourquoi, face à ces tragédies qui se répètent, face aux conséquences humaines de ce nouvel état du monde, l'appui apporté aux pays les plus fragiles demeure essentiel.
L'année prochaine, la France maintiendra son effort en consacrant à la mission « Aide publique au développement » un montant stable de presque 6 milliards d'euros. Gardons toutefois à l'esprit que ce chiffre ne représente qu'une partie de nos engagements financiers en faveur du développement.
Depuis une dizaine d'années, le volume de ces engagements a quasiment doublé, passant de 8 milliards d'euros en 2014 à 16 milliards d'euros aujourd'hui.
Malheureusement, l'évolution des crédits pour 2024 s'écarte des cibles fixées par la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, à la suite, notamment, des décisions entérinées par le dernier Cicid.
Deux d'entre elles ont particulièrement retenu notre attention : le report de l'objectif de 0, 7 % du RNB consacré à l'aide publique au développement et le remplacement des dix-neuf pays prioritaires par un ensemble plus large constitué des pays les moins avancés.
Dans leur forme, ces décisions posent problème, car elles modifient des éléments qui figurent en toutes lettres dans la loi de programmation. Une fois encore, le Gouvernement fait preuve de mépris envers le Parlement ; la moindre des considérations démocratiques de sa part aurait été d'informer le Parlement de ses intentions et de l'associer à ses réflexions.
Cela n'a pas été fait, pas plus que n'a été produit le rapport demandé ou que n'a été mise en place la commission d'évaluation de la conduite de notre politique d'aide au développement. De ce fait, le Gouvernement alimente une nouvelle fois les critiques selon lesquelles celle-ci serait menée en dehors de tout contrôle effectif.
Madame la ministre, le Parlement doit être respecté et les outils additionnels prévus pour le contrôle de l'action gouvernementale doivent être mis en place sans plus tarder.
Sur le fond, les orientations dégagées par le Cicid font néanmoins écho à de véritables préoccupations financières et géopolitiques. Alors que notre déficit public reste englué à des niveaux alarmants et que la charge de la dette constitue désormais le deuxième budget de l'État, une nouvelle augmentation des moyens consacrés à l'aide publique au développement n'aurait été ni soutenable ni comprise. Il nous apparaît, en outre, légitime que cette politique participe, comme d'autres, à nos efforts de maîtrise de la dépense publique.
Ensuite, dans plusieurs des dix-neuf pays prioritaires, des évolutions géopolitiques majeures sont intervenues, au détriment de la France. Il semble, une fois encore, justifié d'en tirer des conclusions et de viser davantage de souplesse dans l'octroi de nos aides.
Si nous devons rester vigilants quant à la mise en œuvre de cette volonté de « repolitiser » l'aide au développement, dont les contours sont encore très flous, il est devenu évident que cette politique ne saurait être menée en dehors de toute considération diplomatique ou stratégique.
Nous ne pouvons pas faire comme si de rien n'était lorsque des putschistes mènent, au Sahel, une politique résolument hostile à notre pays ; lorsque, à Gaza, des terroristes islamistes au pouvoir commettent des crimes contre l'humanité. Nous ne pouvons aider des gouvernements qui nous refusent des laissez-passer consulaires et qui sapent ouvertement notre politique migratoire. J'ai notamment à l'esprit la question dite des mineurs non accompagnés, qui, bien souvent, ne sont ni mineurs ni non accompagnés puisqu'ils sont entre les mains des passeurs.
Tout cela impose de renforcer en urgence le contrôle des fonds que nous versons et de nous interroger sur les résultats obtenus jusqu'à présent. C'est capital.
Il nous faut repenser notre stratégie politique, car, malheureusement, la France et l'Europe voient leur influence diminuer ; nous ne saurions verser de l'argent au détriment de nos intérêts ou soutenir d'une manière ou d'une autre ceux qui nuisent à l'image de la France.
Madame la ministre, le groupe Les Républicains tenait à vous alerter sur ces sujets. Pour autant, conscient de leur importance, il votera les crédits de la mission « Aide publique au développement ». §