Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 8 décembre 2023 à 16h00
Loi de finances pour 2024 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Victorin LurelVictorin Lurel :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les situations prises en compte dans le cadre de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » sont si vastes qu'à mon sens il serait vain d'espérer, monsieur le ministre, que vous puissiez porter avec succès toutes les politiques publiques dont vous êtes chargé.

C'est pourquoi je débuterai mon intervention en évoquant plusieurs des aspects positifs que revêt ce budget pour 2024 au regard des précédents exercices.

D'abord, et j'y suis sensible, les moyens humains sont consolidés et stabilisés, afin que le ministère puisse assumer ses nombreuses missions de contrôle : contrôle administratif, écologique, sanitaire, alimentaire et préventif – la liste est fort longue.

Les dépenses du titre 2 augmentent de 4, 5 % : au regard des missions, et compte tenu des critères exogènes qui conduisent à la hausse des frais de personnel, il s'agit d'une hausse mesurée, mais finalement bienvenue.

Je me réjouis également de la consolidation de certains dispositifs favorables aux travailleurs, grâce notamment au programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) » et au relèvement de certains plafonds d'emplois – même si nous aurions souhaité aller plus loin.

On le sait, l'agriculture est un secteur très concurrentiel : nous devons constamment adapter nos règles et nos pratiques pour éviter que la précarité s'y ancre.

Dans le cadre du régime des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE), l'exonération de certaines charges ou cotisations en faveur de 71 000 entreprises – soit à peu près la moitié des structures agricoles employant un salarié – garantit le maintien de 31 % du volume global des heures salariées dans le secteur agricole, tout en donnant lieu à compensation à la Mutualité sociale agricole (MSA).

Pour moi, c'est l'un des moyens de lutter contre le travail illégal et ses conséquences, en particulier pour des emplois à faible valeur ajoutée. C'est également un point auquel je prête une attention toute particulière dans les outre-mer, car le salariat agricole y joue un rôle central. Je peux vous garantir que, sans certains salariés occasionnels, il n'y aurait plus du tout de récolte de canne à sucre ou de bananes. Le système devrait d'ailleurs être adapté à ces régions.

Je vous indique, à ce stade, que nous émettrons un avis favorable sur les crédits de la mission en raison d'un bilan des coûts et des avantages globalement positif. Cela n'empêchera pas pour autant certains d'entre nous de défendre, à titre personnel, tel ou tel amendement.

Pour les outre-mer, vous aurez observé à la lecture du rapport que j'ai tenu à préciser le fonctionnement de certains dispositifs et à proposer leur renforcement par la réactualisation de leurs crédits, hélas gelés depuis de trop nombreuses années. Je pense au régime spécifique d'approvisionnement, à l'aide à la transformation du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Poséi) ou encore au soutien aux filières canne à sucre, rhum et banane.

Dans les débats à venir, mon groupe politique présentera des amendements sur ces sujets vitaux pour l'agriculture en outre-mer.

Je me réjouis également – c'est un point que nous développons également dans le rapport – de l'aide apportée aux dix opérateurs rattachés à la mission : la plupart d'entre eux voient leurs moyens consolidés, car ils jouent un rôle significatif en matière de développement durable. Je ne citerai à cet égard que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odéadom).

Au-delà des éléments positifs que je viens de détailler, certains points – que nos propositions seraient en mesure d'améliorer – restent perfectibles. J'aurai l'occasion de le redire lors de l'examen des amendements, nous aurions souhaité que davantage d'efforts soient consentis dans plusieurs domaines : je pense à la filière laitière, à celle du bois, à l'agriculture en outre-mer et aux dispositifs d'aide à l'installation.

S'agissant de la filière laitière, nous serons favorables à un amendement qui encourage l'interventionnisme économique et politique en faveur de la hausse des revenus des producteurs, tant la part de leur rémunération dans le prix du lait demeure bien trop faible. Nous avons le sentiment lancinant, mais fort, qu'il s'agit de l'un des points faibles de ce budget, monsieur le ministre.

Concernant les aides, même s'il faut tenir compte du nouveau partage des compétences entre l'État et les régions dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune (PAC) 2023-2027, selon qu'il s'agisse d'aides surfaciques ou non, je constate que beaucoup de nos collègues en attendaient davantage et pensent que vous auriez pu faire plus et mieux.

Le nombre élevé d'amendements sur les mesures agroenvironnementales et climatiques est, me semble-t-il, particulièrement révélateur de cette déception.

Pour terminer, j'aimerais appeler votre attention sur un certain nombre d'éléments.

D'abord, parmi les rares amendements sur lesquels la commission des finances a émis un avis favorable, je tiens à mentionner celui qui vise à lutter contre la précarité alimentaire. C'est une préoccupation des Français, dont le Sénat ne peut se désintéresser.

Ensuite, je vous indique que je n'ai pas décelé dans ce budget les grandes lignes du pacte et du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles que nous attendons tous. Est-ce à dire que ce projet de loi se fera à crédits constants ? Ces orientations ne sont-elles pas encore définitives ? Faudra-t-il rectifier le budget en fonction des choix arrêtés ? Il vous faudra répondre à nos questions.

Je profite de l'occasion pour vous redire que nous avons écarté certaines des orientations proposées par nos collègues sur le foncier agricole ou les aides à l'installation et à la transmission, afin de les examiner de manière cohérente dans la cadre de ce futur projet de loi : pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, l'état d'avancement des concertations sur ce texte, tout de même très lié au présent budget ?

Par ailleurs, comme mon collègue rapporteur spécial, je m'interroge sur l'efficacité des mesures censées rétablir notre souveraineté alimentaire. Quand mettrons-nous un terme aux distorsions de concurrence sur les produits importés ? Je dois dire, comme mon collègue, que je ne vois pas bien ce qui y contribuera dans ce budget.

Enfin, nous préconisons une réflexion sur la rebudgétisation du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Après avoir insisté sur les facteurs d'amélioration et le redimensionnement du périmètre des crédits de ce budget et sur la tentative, même si elle est timide, de réorienter budgétairement la politique agricole française, la commission des finances vous incite à adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

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