Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'exprime devant vous au nom de mon collègue Jean-Claude Tissot, qui est malheureusement absent pour des raisons de santé et que je salue chaleureusement.
Les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » seront en hausse d'un milliard d'euros l'an prochain. Cette augmentation est essentiellement due à la création de nouveaux fonds dédiés à la planification écologique.
Néanmoins, un examen détaillé de la ventilation de ces crédits supplémentaires et la réalité de leur mise en œuvre financière nous contraignent à nuancer quelque peu cette apparente bonne nouvelle.
Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui du fonds Entrepreneurs du vivant, pour lequel Jean-Claude Tissot s'est beaucoup impliqué. En septembre 2022, le Président de la République annonçait la création de ce fonds dédié notamment à l'accès au foncier via un partenariat entre l'État et les régions. Celui-ci devait être doté a minima de 400 millions d'euros.
Or, après un examen attentif de notre commission, il semble qu'une fois encore les promesses n'ont pas été tenues : d'une part, les régions n'ont pas été associées à ce fonds ; d'autre part, pas plus de 60 millions d'euros, soit 15 % seulement des crédits prévus, devraient être disponibles pour combler le déficit d'opérations foncières, alors que les besoins sont considérables.
Monsieur le ministre, je réitère la question que vous avait posée Jean-Claude Tissot lors de votre audition le 14 novembre dernier, et à laquelle vous n'avez pas répondu : à quoi seront affectés les 340 millions d'euros restants ? Le plus grand flou règne sur l'utilisation de ce fonds, ce qui suscite l'incompréhension légitime du monde agricole.
En outre, ce fonds n'est pas rattaché à la mission, mais au plan France 2030, ce qui a pour effet collatéral bien dommageable de disjoindre les réflexions sur cet outil des autres débats sur la politique agricole.
Aussi, pour en parler ce soir et obtenir des précisions sur son utilisation, à désormais trois semaines de la date annoncée de son lancement, la commission des affaires économiques a déposé un amendement d'appel.
Monsieur le ministre, nous ne sommes pas dupes des effets d'annonce, pas plus que les agriculteurs. Le constat est sans appel : les paysans acceptent volontiers de s'engager dans la transition agroécologique, mais on leur enlève les financements qui leur seraient nécessaires. La mise en œuvre de la nouvelle PAC a confirmé que les enveloppes dédiées à cette transition agroécologique accusaient une baisse très importante. Comment répondrez-vous à ce hiatus ?
En réalité, la création de multiples fonds auxquels on attribue des crédits dont l'affectation demeure inconnue masque mal votre manque d'ambition environnementale et climatique. Cette inaction nous coûtera cher au regard des enjeux cruciaux qui attendent notre pays en matière agricole.
L'augmentation globale des crédits de la mission est significative, ce dont nous nous félicitons. Mais nous émettons des réserves sur votre stratégie à long terme. Nous ne manquerons pas de le rappeler et de formuler nos contre-propositions lors des débats sur la future loi d'orientation agricole, dont on sait déjà que la question du foncier sera malheureusement absente, ce qui nous paraît totalement aberrant.
Malgré tout, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est prêt à voter les crédits de la mission, mais nous serons attentifs au sort qui sera réservé aux amendements que nous allons défendre dans quelques instants.