Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour l'année 2024 est caractérisé par une augmentation historique, peut-on lire dans les communications du ministre. Nous ne pouvons que nous en réjouir, mais dites-moi, monsieur le ministre, quelle est, au juste, votre vision ?
Le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles me fait penser à l'Arlésienne : on en parle à longueur de temps, mais on ne le voit jamais arriver ! Il semblerait que même Aurélien Rousseau ait plus d'informations que les parlementaires à ce sujet !
Allez-vous simplement toiletter la dernière grande loi agricole, défendue par Stéphane Le Foll en 2014, ou bien aurez-vous le courage de réformer en profondeur un modèle à bout de souffle ?
Le temps presse et le monde agricole veut des réponses claires sur nombre de sujets : simplification administrative et normative, clarification des aides publiques, accès au foncier et à l'eau, transmission des exploitations, régulation des marchés, clauses miroirs, protection contre les aléas climatiques, économiques et sanitaires, obtention de prix rémunérateurs – autant de points qui appellent l'action d'une puissance publique forte, prompte à reconnaître et à promouvoir une véritable exception agricole à la loi du marché.
Ces derniers temps, beaucoup trop de textes en lien avec l'agriculture ont été examinés, à tel point qu'une brebis n'y retrouverait pas ses agneaux : lois Égalim 1, 2 et 3, réforme de l'assurance récolte, loi Climat et résilience, loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, Varenne de l'eau – et j'en passe. La réglementation en vient à devenir l'ennemie de l'action publique et surtout des paysans qui, chaque jour, subissent jusqu'à l'écœurement son extravagance et son incohérence.
Pendant que la technostructure s'évertue à construire des usines à gaz réglementaires, la ferme France dévisse. En vingt ans, nous sommes passés du second au cinquième rang des exportateurs mondiaux de produits agricoles et plus de la moitié de ce que l'on mange est importé.
Point positif, j'apprends que le Gouvernement fait marche arrière sur les redevances du plan eau et les redevances pour pollutions diffuses (RDP), comme pour le projet de relever les accises sur le vin présenté par Bruno Le Maire l'été dernier.
Parfois, je me demande si votre ministère n'est pas sous la tutelle de Bercy. Heureusement que Matignon arbitre du bon côté ! Je vous plains, monsieur le ministre, ce ne doit pas être facile tous les jours de négocier… §
Oui, les agriculteurs ont raison de dire, en retournant symboliquement les panneaux d'agglomération, qu'on marche sur la tête. Ils sont au bord de la crise de nerfs, croulant sous les normes et l'inflation. Ils sont en plus taxés de tous les maux – pollution, empoisonnement… – par une minorité active d'intégristes ignorant le fonctionnement de la société rurale et qui, par leurs provocations, alimentent l'agribashing et le misérabilisme !
Je suis très en colère, car chaque jour un agriculteur se donne la mort par désespoir. C'est inacceptable ! J'habite et vis à la campagne ; je vois et partage la détresse de mes collègues agriculteurs et la colère du monde rural. Aussi, je me refuse à léguer aux futures générations une situation et une pression aussi irrationnelles.
Ensuite, j'insisterai sur les crises à répétition subies par un secteur viticole abîmé. Le mildiou et la sécheresse ne sont que les marqueurs visibles de l'ampleur du changement climatique affectant la ferme France, dont le nouveau système assurantiel, censé la protéger, est encore perfectible.
Il y a quinze jours, je me tenais aux côtés des 5 000 viticulteurs du sud de la France qui manifestaient leur désarroi à Narbonne. Il me semble que vous avez écouté leurs réclamations, puisque vous avez annoncé des aides bancaires et fiscales et que vous étudiez l'opportunité d'un arrachage différé. Comment, et surtout quand, comptez-vous financer ces mesures d'urgence ?
Monsieur le ministre, pas de feintes entre nous : les 20 millions d'euros du fonds d'urgence rattrapés in extremis à la fin de l'exercice 2023 n'y suffiront pas – on vous l'a dit et même écrit. Et quel est le lascar…