Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que je vous parle de forêt. Je dépasserai même peut-être le cadre des strictes compétences du ministère de l'agriculture.
Cette année encore, je débute en regrettant l'architecture actuelle des missions budgétaires. Définitivement, je suis persuadé qu'il est nécessaire d'attribuer à la forêt, sous l'égide du ministère de l'agriculture, des crédits qui lui soient spécifiquement dédiés. La forêt n'est pas une variable d'ajustement de l'équilibre budgétaire. La question est multidimensionnelle : elle embrasse des problématiques économiques, environnementales, agricoles ou encore de sécurité civile.
Or les informations et les crédits sont dilués, ce qui ne contribue pas à récompenser tous ceux qui ont accompli ces derniers mois un travail considérable dans ce dossier.
Avec mes collègues Anne-Catherine Loisier, Pascal Martin et Olivier Rietmann, j'ai été à l'origine d'une loi, adoptée en juillet 2023, visant à lutter contre l'intensification et l'extension du risque incendie. L'enjeu était de reconsidérer l'ensemble des moyens nécessaires à la prévention et à la lutte contre les incendies.
Notre objectif était double : limiter le risque qu'un feu devienne un incendie hors norme, en musclant les dispositifs de la défense de la forêt contre les incendies (DFCI), et donner un cadre légal aux politiques intégrant l'importance de la valeur du sauvé.
J'ai aujourd'hui quelques motifs de satisfaction.
Tout d'abord, l'ensemble des décrets d'application est publié ou en cours de publication. Votre ministère nous a consultés pour leur rédaction, monsieur le ministre, une démarche suffisamment rare pour être soulignée.
Ensuite, je me félicite du niveau des moyens alloués à la forêt, qu'ils soient budgétaires, matériels ou humains. Je regrette néanmoins qu'il n'y ait pas de différenciation territoriale quant aux besoins et aux moyens mis en œuvre. La forêt méditerranéenne, non productive, ne ressemble pas à la forêt des Landes, qui est encore différente de celle du Grand Est, mais elles jouent toutes un rôle dans le stockage du CO2. Il y a encore des améliorations à apporter dans le pilotage de la gestion.
En outre, je constate que les demandes formulées par l'ONF et le CNPF ont été satisfaites. Le plan de restructuration de l'ONF prévoyant la suppression de 95 ETP est suspendu cette année encore. Quant au CNPF, il a obtenu le financement de 16 ETP en 2024 pour mettre en œuvre les nouvelles missions issues de la loi du 10 juillet 2023.
Enfin, je dois saluer l'effort budgétaire fourni par le Gouvernement en matière de sécurité civile. Les crédits du programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités » ont ainsi été majorés, sur sa proposition, de 215 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 145 millions d'euros en crédits de paiement (CP).
En outre, une somme de 39 millions d'euros est allouée en CP au financement de camions-citernes pour les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), contre 7, 4 millions d'euros dans le texte initial. C'est un geste fort qui est très apprécié par les acteurs de terrain en première ligne.
Je me réjouis aussi que le Gouvernement ait entendu les demandes convergentes des députés et des sénateurs. L'amendement, déposé par la députée Panonacle, majorant de 3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement les crédits visant à renforcer le dispositif de DFCI a été retenu dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité.
Monsieur le ministre, vous ne serez pas étonné que, après avoir accordé des bons points, j'attire votre attention sur les insuffisances de ce budget et formule quelques regrets.
Du côté des regrets, très clairement, il y a le fait que le ministère de l'économie et des finances ne prenne pas la mesure du concept de « valeur du sauvé », qui, pourtant, a fait l'objet de plusieurs travaux académiques récents.
Pour illustration, je rappelle que le texte initial de la première partie du PLF prévoyait en son article 12 de supprimer deux dispositions créées sur l'initiative du Sénat par la loi du 10 juillet 2023 : l'exonération de l'ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les véhicules des Sdis ; l'exonération de malus CO2 et de malus au poids pour l'ensemble des véhicules opérationnels des acteurs de la DFCI.
Je salue la lucidité de Matignon, qui a su écouter nos inquiétudes et a rétabli ces dispositions dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité.
Ensuite, je note des insuffisances auxquelles il faut remédier dès ce budget.
Lors du vote de la loi du 10 juillet 2023, le Gouvernement s'est opposé à deux mesures fondamentales.
D'abord, il n'a pas voulu entendre parler de l'instauration d'un crédit d'impôt pour la réalisation des obligations légales de débroussaillement (OLD). Cette disposition avait été adoptée par le Sénat dans l'objectif d'encourager le débroussaillement et de renforcer la « défendabilité » de la forêt. Elle avait toutefois été retirée du texte de la commission mixte paritaire, sur l'initiative de son rapporteur pour l'Assemblée nationale. Mon collègue Rietmann l'a représentée par amendement au présent budget et j'appelle de mes vœux un avis favorable de la part du Gouvernement sur cette mesure incitative.
Ensuite, nous avions proposé d'inclure les employeurs publics dans le dispositif de réduction de cotisations patronales accordée en contrepartie de la mise à disposition de leurs employés sapeurs-pompiers volontaires au bénéfice des Sdis. Cette mesure a été supprimée lors de la commission mixte paritaire à la demande du Gouvernement. Notre collègue Pascal Martin l'a de nouveau proposée, sous forme d'amendement, dans le cadre de l'examen du PLFSS, et cet amendement a été voté.
Nous invitons le Gouvernement à garder dans les textes définitifs ces deux dispositions.
Enfin, et j'en terminerai par-là, il faut améliorer le soutien au financement des Sdis tout autant que les ressources allouées au déploiement de l'intelligence artificielle et des solutions géospatiales au bénéfice de la prévention et de la lutte contre les incendies, sachant qu'il s'agit d'investissements également utiles dans le cadre des enjeux de planification écologique.
De plus, l'augmentation du nombre des véhicules d'intervention est une condition de réussite de notre doctrine d'attaque des feux naissants, comme l'est notre engagement dans une politique industrielle aéronautique, sinon franco-française, du moins communautaire, qui nous assurerait une indépendance en matière de moyens de lutte aériens.
Nous ne devons pas penser à la protection de la forêt uniquement lorsqu'elle est en flammes. J'y insiste, un dispositif d'exonérations fiscales doit être vu comme un investissement de nature à éviter vingt à vingt-cinq fois plus de dépenses dans le cas où la forêt part en fumée.