Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Aide publique au développement » doivent être analysés au regard des défis mondiaux, qui invitent à agir en urgence.
Près de 700 millions de personnes sont en situation d'extrême pauvreté dans le monde, c'est-à-dire qu'ils vivent avec environ 2 dollars par jour. Plus de 60 % des personnes vivant dans l'extrême pauvreté sont des femmes et, selon les projections, l'écart de pauvreté entre les femmes et les hommes va se creuser. Plus de 60 % des pauvres de la planète vivent en Afrique subsaharienne. Faute d'une action urgente, il y aura plus de pauvres en 2030 qu'en 2020 !
Par ailleurs, au cours de la dernière décennie, il y a eu en moyenne 21, 5 millions de déplacés climatiques chaque année. Avec un réchauffement planétaire de 2 degrés Celsius, entre 100 millions et 400 millions de personnes supplémentaires pourraient courir un risque de famine ; entre 1 milliard et 2 milliards de personnes supplémentaires pourraient ne plus disposer de suffisamment d'eau.
De plus, ces populations ont des difficultés d'accès à l'éducation, à la santé ou à la sécurité. Pour répondre à la satisfaction des besoins fondamentaux, l'aide publique au développement, au travers des dons, est essentielle.
C'est pourquoi les pays riches se sont engagés, voilà plus de cinquante ans déjà, à allouer 0, 7 % de leur RNB à l'aide publique au développement pour financer les services publics essentiels. Jusqu'ici, cette promesse de solidarité n'a jamais été tenue : l'APD a atteint en moyenne 0, 33 % du RNB cumulé en 2021, ratio qui atteint 0, 56 % pour la France.
Si je ne méconnais pas le fait que la France est le quatrième donateur au monde, je regrette toutefois le maintien de ce taux en 2024. La France renonce ainsi à atteindre l'objectif d'un taux d'APD équivalent à 0, 7 % du RNB, et le reporte à 2030. Cela contrevient à l'objectif de la loi de 2021, que le Parlement a fixé !
De plus, les besoins de développement décarboné et d'adaptation pour atteindre les objectifs de l'Agenda 2030 des Nations unies nécessitent des investissements estimés à 2 400 milliards de dollars.
Pour financer ces actions, les prêts permettent un effet levier – c'est évident – et ceux de l'AFD ont toute leur place, mais il faut porter une attention particulière à la solvabilité des États. Certains sont déjà en grande difficulté et la récente conférence des financeurs n'a du reste pas trouvé de solution pour eux.
La liste des regrets est longue, madame la ministre !
Je regrette la suspension de l'aide aux pays du Sahel, qui affecte moins les putschistes que la population, mettant à l'arrêt des projets de santé ou d'accès à l'eau, ainsi que l'activité de nombreuses ONG.
Je regrette le choix de la France de ne pas doter l'AFD de crédits supplémentaires pour lui permettre d'augmenter la part de ses interventions sous forme de dons. Sur ce point, je m'inquiète de l'amendement n° II-32 de la commission des finances, qui vise à supprimer 200 millions d'euros de crédits sur la mission, dont 150 millions de dons ! Son adoption mettrait en péril les engagements déjà signés par l'AFD et représenterait un risque certain en terme juridique et de réputation.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s'abstiendra sur le vote des crédits de cette mission ; il votera contre, si l'amendement que j'ai cité est adopté. §