Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous en rendons compte chaque jour en lisant notre journal, en regardant la télévision ou en écoutant la radio, les sondages prennent de plus en plus de place dans le débat public.
En cinquante ans, notre pays est même devenu l’un des plus gros producteurs et, donc, l’un des plus gros consommateurs de sondages au monde, en particulier de sondages politiques. Les grands rendez-vous électoraux sont, de ce point de vue, tout à fait symptomatiques.
En 2007, la commission des sondages avait dénombré près de trois cents enquêtes pour les élections présidentielles, soit deux fois plus qu’en 1995. À ce rythme, on peut craindre que le scrutin de l’année prochaine et les suivants ne soient pollués par les sondages.
Depuis plusieurs mois, alors que nous sommes encore à plus d’un an de la nouvelle échéance présidentielle, les pronostics vont déjà bon train dans les médias. Les candidats ne sont pas encore tous déclarés, les programmes sont loin d’être finalisés, et pourtant nous sommes déjà abreuvés de sondages d’opinion, plus ou moins réalistes au demeurant, sur les différents cas de figure possibles.
Le sondage n’a jamais pour ambition – on l’oublie trop souvent ! – de prévoir l’avenir et, en l’espèce, le résultat d’une élection. Il se veut une photographie, plus ou moins exacte, de l’opinion à un moment précis, moment qui précède parfois très largement la date de l’échéance électorale.
Loin de nous l’idée de brider la liberté d’expression, encore moins la liberté de la presse ! À cet égard, monsieur le ministre, j’ai trouvé votre argument assez spécieux, voire un peu tiré par les cheveux ! Mais peut-être suis-je un citoyen atypique… Quoi qu’il en soit, vous ne m’avez pas convaincu !
Pour préserver la qualité de notre débat démocratique, il est notamment indispensable de renforcer l’encadrement et le contrôle des sondages et de mieux informer la population sur les conditions de production de ces sondages, voire sur leurs commanditaires. Pour cela, nous devons mettre à jour notre législation en la matière.
La transparence et la sincérité sont les qualités indispensables des sondages politiques. Ainsi, l’excellent rapport d’information présenté par nos collègues Sueur et Portelli confirme de façon très étayée que la loi de 1977 sur les sondages d’opinion n’est plus satisfaisante et qu’elle est manifestement obsolète.
Cette loi était néanmoins la première à traiter de la question des sondages et de leur encadrement juridique. N’oublions donc pas qu’elle était novatrice en son temps et que, déjà, elle avait pris naissance au Sénat.
Nous nous réjouissons donc de l’initiative éclairée qu’a prise la commission des lois de la Haute Assemblée en étudiant ce sujet et en nous présentant aujourd’hui un texte précis et équilibré. Une fois de plus, notre assemblée s’illustre par la qualité de son travail et donne tout son sens à la notion d’initiative parlementaire. Quelles que soient nos sensibilités politiques, nous y sommes particulièrement attachés.
Notre satisfaction est augmentée par le fait que ce travail a été accompli d’une manière non partisane puisque majorité et opposition sénatoriale ont œuvré de concert sur le rapport d’information comme sur la proposition de loi qui en découle.
L’objectif est d’améliorer l’encadrement démocratique et la transparence des sondages politiques, en s’efforçant de les préserver de toute manipulation. Cet engagement est bien tenu tout au long de cette proposition de loi, forte de plus de vingt articles. C’est la raison pour laquelle mes collègues du RDSE et moi-même la soutiendrons.
Ce travail accompli, il nous reste à nous interroger sur le rôle de plus en plus important que les sondages ont dans la vie politique.
Une influence possiblement excessive sur la sélection des candidats et le déroulement même de la campagne peut être néfaste.
Les sondages nuisent et biaisent l’élection en ce qu’ils agissent sur le comportement des acteurs politiques mais aussi des électeurs. Cet effet pervers est particulièrement dangereux pour l’exercice de la démocratie, car on voit bien combien il est possible, en s’appuyant sur des sondages, de manipuler l’opinion publique. Cela rend d’autant plus nécessaire un encadrement. À l’évidence, la proposition de loi qui nous est soumise apporte quelques garanties en la matière.
Un responsable politique digne de ce nom ne doit pas gouverner avec des sondages. Je formule là une réflexion de citoyen : après tout, si nous sommes des parlementaires, nous sommes d’abord des citoyens. À mon sens, tous les hommes politiques de ce pays devraient se garder de gouverner avec les sondages. Je pense que le premier d’entre eux, s’il tenait beaucoup moins compte des sondages, éviterait de proférer un certain nombre de billevesées ! Vous ne manquerez pas de noter, monsieur le ministre, que je suis d’une courtoisie extrême en utilisant le terme de « billevesées » !