Intervention de Éric Kerrouche

Réunion du 6 décembre 2023 à 10h30
Loi de finances pour 2024 — Compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales

Photo de Éric KerroucheÉric Kerrouche :

La restriction des moyens financiers n’est pas récente : depuis 2010, à force de diminution et de non-indexation, les collectivités locales ont perdu 62 milliards d’euros de DGF. Mais depuis 2017, cette restriction s’est accélérée. L’an dernier, le manque à gagner lié au défaut d’indexation de la DGF sur l’inflation a été plus important que lorsque cette dotation était gelée et l’inflation quasi nulle.

Depuis 2017, cette restriction des moyens financiers s’est doublée d’une forme d’« infantilisation » des collectivités et d’une recentralisation rampante. Au-delà des pactes de Cahors de première et seconde générations, elle s’opère notamment par une nationalisation d’impôts qui ne sont jamais compensés à l’euro près – taxe d’habitation, foncier d’entreprise et désormais CVAE –, laquelle abîme le lien entre les collectivités et leurs territoires.

La soutenabilité de la compensation par la TVA est tout autant injuste que risquée en cas de ralentissement de l’activité économique. La Cour des comptes ne s’y trompe pas et « invite à ne pas réduire davantage le panier d’impôts locaux des collectivités ».

L’année 2024 n’échappe pas à la tendance qui se dessine depuis 2017. Alors que le contexte économique est marqué par l’incertitude et la persistance de l’inflation, le budget alloué aux collectivités locales est de nouveau marqué par une baisse de moyens et une recentralisation. Pourtant, les besoins de financement sont nombreux, qu’il s’agisse des dépenses de solidarité pour les départements, ou, plus structurellement, des dépenses nécessaires à la transition écologique.

La Cour des comptes alerte sur des perspectives en demi-teinte, soulignant un besoin de financement de 2, 6 milliards d’euros en 2023, puis de 2, 9 milliards d’euros en 2024. Avec l’inflation, la hausse des dépenses d’énergie et la hausse – nécessaire, mais non compensée – du point d’indice, les dépenses de fonctionnement pourraient augmenter de 5, 8 %, soit le plus fort taux d’évolution depuis seize ans.

En face, le ralentissement économique freine le dynamisme de la TVA et celui des DMTO. Selon la direction des études de la Banque postale, « l’effet de ciseau », apparu en 2022, persiste, avec un différentiel de 2, 6 points entre les dépenses et les recettes, et même de 5, 4 points pour les départements. Cet effet entraîne, bien entendu, une diminution de l’autofinancement.

Force est de constater que le projet de loi de finances pour 2024 ne répond que très partiellement aux défis auxquels les collectivités françaises sont confrontées. Une fois de plus, nous observons une perte de leurs marges de manœuvre financières et fiscales. L’augmentation de la DGF concédée par le Gouvernement ne compense pas l’inflation, et vous avez de nouveau refusé l’indexation proposée par notre groupe, alors que celle-ci donnerait davantage de visibilité.

Après la suppression de la taxe d’habitation, vous parachevez celle de la CVAE, coupant encore davantage le lien entre les collectivités et les entreprises de leurs territoires. Contrairement à ce qui a été affirmé, cette suppression n’est pas compensée à l’euro près, et elle est recyclée dans le fonds vert tout en étant, par un tour de passe-passe, présentée comme une ressource nouvelle.

Quant au filet de sécurité électricité, il n’a pas répondu à la situation d’urgence. Il avait été annoncé que 22 000 collectivités seraient concernées ; finalement, 2 941 en ont bénéficié, et 2 531 communes devront rembourser l’avance reçue à la fin de 2022. Cherchez l’erreur…

Au final, toutes données confondues, les collectivités perdraient 2, 2 milliards d’euros de ressources en 2024. Alors qu’elles ne sont responsables que de 8 % de la dette publique locale et qu’elles assument 70 % de l’investissement public, l’État les soumet à des injonctions contradictoires : économiser, au travers d’une baisse annuelle des dépenses de fonctionnement de 0, 5 %, mais investir davantage.

Selon l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), pour respecter la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), les collectivités devraient doubler leur investissement annuel d’ici à 2030. Les marges de manœuvre concédées par le Gouvernement classent cette hypothèse au rang de fiction.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » est donc à replacer dans ce contexte plus large, qui a été débattu en première partie de ce projet de budget. Ses crédits représentent 8 % des concours financiers de l’État aux collectivités et 4 % du total des transferts financiers. Cette mission n’intègre donc qu’une faible partie des crédits pour les collectivités locales.

Le budget de cette mission s’inscrit en baisse, principalement en raison de l’extinction de plusieurs dispositifs exceptionnels du programme 122. On soulignera néanmoins l’ouverture de 5 millions d’euros pour la mise en œuvre des mesures dans le cadre du plan national de prévention et de lutte contre les violences faites aux élus.

Le programme 119 se caractérise par la stabilité de ses crédits, à relativiser toutefois au regard du contexte inflationniste.

Ce programme est marqué, à la fois, par une extinction des dispositifs de soutien exceptionnels aux collectivités, par exemple la DSIL exceptionnelle, partiellement compensée par une hausse des dotations de soutien aux projets des communes, à savoir : la dotation forfaitaire relative à la délivrance des titres sécurisés, en augmentation de 47, 6 millions d’euros, ce dont on peut se féliciter au vu des attentes locales que nous connaissons tous ; et la dotation de soutien pour la protection de la biodiversité, en augmentation d’à peu près 60 millions d’euros.

Nous accueillons favorablement, par ailleurs, la reconduction du fonds vert, instrument destiné à soutenir la transition écologique. Toutefois, nous tenons à souligner le manque d’informations destinées aux élus locaux, qui affecte très fortement l’efficacité et l’utilisation de ce dispositif. Par ailleurs, il existe une hétérogénéité dans l’application dudit dispositif entre les territoires.

Nous notons à regret que les montants de la DETR et de la DSIL ne connaissent pas d’évolution positive.

Nous souhaitons que la DETR soit ciblée prioritairement sur les territoires ruraux, et que la DSIL soit décidée au niveau départemental, après avis de la commission départementale.

Enfin, s’agissant des articles rattachés à la mission, ils prévoient, d’une part, des mesures relatives à la répartition de la DGF, et, d’autre part, des mesures relatives aux modalités de calcul et de répartition de divers concours financiers.

Pour ce qui concerne la DGF, nous saluons la mise en place de la dotation en faveur des communes nouvelles, actée à l’article 25 ter. Il s’agit du fruit d’un rapport flash de Françoise Gatel et de votre serviteur portant sur les communes nouvelles.

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