Alors que l’inflation demeure, et qu’elle pourrait même atteindre 6 % selon le Gouvernement, les budgets, eux, ne suivent pas.
Entre la loi de finances initiale pour 2023 et ce PLF pour 2024, les crédits du programme 119 sont quasi stables en autorisations d’engagement (AE), mais enregistrent une baisse de 3, 15 %, soit de 132, 1 millions d’euros, en CP.
Pour le Comité des finances locales, ce budget acte en réalité une perte de ressources de 2, 2 milliards d’euros pour les collectivités territoriales, si l’on prend en compte la non-compensation des effets de l’inflation. Oui, 2, 2 milliards d’euros !
La hausse de la dotation globale de fonctionnement est limitée de manière presque coupable à 0, 79 %, et ne suit pas l’inflation. Le manque de visibilité et de sécurité dans l’attribution de ces dotations empêche les collectivités de conduire des politiques nécessitant une vision pluriannuelle.
Laissez-moi m’attarder un moment sur cette notion et sur ce besoin de pluriannualité. La création d’une loi de financement des collectivités territoriales faisait partie des mesures portées par le candidat écologiste lors de la dernière élection présidentielle. Elle avait pour objectif d’approfondir la décentralisation dans une triple direction, vers plus de démocratie, plus de justice territoriale et plus d’écologie.
La Cour des comptes suggère fortement un tel approfondissement. Je cite son rapport public annuel : « Par ailleurs, les dotations de l’État sont trop complexes et leur effet péréquateur est insuffisant. […] La restauration d’un dialogue ouvert entre les acteurs suppose la conclusion d’un pacte de confiance fondé sur des engagements réciproques garantissant sa durabilité, l’équité du traitement des différentes collectivités et catégories de collectivités, et le partage confiant des outils et des données dont chacun peut disposer. »
Par ailleurs, ce budget ne répond pas aux enjeux majeurs de la transition environnementale ou à l’imminence de ses besoins. L’Institut de l’économie pour le climat annonce par exemple qu’« au moins 12 milliards d’euros d’investissements climat devraient être réalisés par les collectivités chaque année, soit presque 20 % de leur budget d’investissement ».
Nous saluons, avec toutefois une certaine prudence, le rehaussement de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales, dont le montant atteint 100 millions d’euros en 2024 contre 41, 6 millions d’euros en 2023. Cette trajectoire permet de renforcer le soutien aux petites communes, tout en actant le verdissement des concours financiers de l’État.
Les autres dotations d’investissement destinées au bloc communal, c’est-à-dire la DETR, la DSIL et la DPV, restent stables ou diminuent par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Les crédits de la DPV continuent ainsi de diminuer : ils sont de 127 millions d’euros en 2024, contre 130 millions en 2023 et 133 millions en 2022.
Les travaux de la délégation aux collectivités territoriales, présidée par Françoise Gatel, que je salue, ont pourtant mis en avant l’importance des besoins dans ce domaine, en particulier la mission d’information « Engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité », dont j’ai eu l’honneur de présenter le rapport avec mes collègues Laurent Burgoa et Pascal Martin.
Depuis plusieurs années, nous formulons également le constat d’une raréfaction et d’une complexification des ressources fiscales et financières. Les finances locales sont devenues un système imprévisible, illisible et inaccessible, notamment pour les élus des plus petites collectivités.
La libre administration des collectivités est donc mise à mal par cette perte d’autonomie fiscale. En quinze ans, trois taxes perçues par les collectivités locales ont disparu : la taxe professionnelle, la taxe d’habitation et la CVAE. Rien dans ce budget ne répond à ces problématiques.
En définitive, la seule cohérence de ces PLF successifs réside dans la baisse des moyens des collectivités, dans la réduction de leur autonomie fiscale et de son corollaire, leur libre administration, ainsi que dans l’affaiblissement des compensations qu’elles seraient en droit d’espérer.
Si nous observons une légère amélioration tendancielle des dotations, notre groupe reste toujours critique vis-à-vis de la mainmise des préfets sur les collectivités et de leur pouvoir discrétionnaire pour l’attribution des fonds de soutien. En effet, seules les communes les mieux organisées, qui disposent des moyens techniques et humains suffisants, peuvent déposer une demande et obtenir ces dotations.
Je m’arrêterai un instant autour de la problématique des maisons France Services, qui ont été mises en œuvre pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens, particulièrement les plus démunis, face à la numérisation massive des services publics. Je vous rappelle qu’en France, 13 millions de nos concitoyens souffrent encore d’illectronisme.
L’action au plus proche des citoyens reste au cœur de nos réflexions. Nous pensons aux difficultés récurrentes éprouvées par nos concitoyens pour obtenir de nouveaux papiers d’identité : à la fin du mois d’avril, il fallait compter en moyenne soixante-six jours pour obtenir un rendez-vous !
En reconduisant la même dotation que l’année dernière pour les maisons France Services, vous tentez de résoudre ce problème, mais nous pensons qu’il est essentiel de maintenir un accueil physique.
Pour autant, si l’État et ses services prennent à leur charge une partie des coûts de fonctionnement de ces maisons, les collectivités en financent également une part significative, alors même que les services dus aux usagers ne relèvent pas de leur responsabilité.