Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la traduction budgétaire de l’engagement de « réarmement » de l’État territorial porté par le Gouvernement n’est pas à la hauteur de l’ambition affichée.
Les effectifs du programme 354 « Administration territoriale de l’État » augmenteront de 232 équivalents temps plein (ETP), loin en deçà de ce qui est devenu indispensable pour résoudre les difficultés auxquelles fait face l’administration déconcentrée du ministère de l’intérieur. Au rythme actuel, il faudrait plus d’une vingtaine d’années pour revenir au niveau des effectifs de 2012.
Selon la Cour des comptes, les suppressions de postes mises en œuvre ces dernières années au sein des préfectures « n’ont pas été réalistes », celles-ci ne fonctionnant « qu’au moyen de contrats courts qui précarisent leurs titulaires et désorganisent les services ».
Dans son rapport récent sur la capacité d’action des préfets, la Cour relève cette fois que « les fortes réductions d’effectifs des sous-préfectures compromettent la viabilité de nombre d’entre elles ». Dans ce contexte, la réouverture de six sous-préfectures en 2023, qui peut être appréciée dans les territoires, apparaît en réalité bien symbolique.
Par ailleurs, le ministère de l’intérieur a élaboré l’année dernière un document stratégique intitulé « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 ». Ce document est assez mal nommé : loin d’identifier certaines missions prioritaires par rapport à d’autres, il rappelle l’importance de l’ensemble des missions préfectorales.
Il est donc temps d’acter le caractère essentiel de ces missions, donc l’impossibilité de rogner sur certaines d’entre elles. Plutôt que de mener des chantiers en trompe-l’œil de priorisation, il s’agit désormais d’augmenter les moyens des préfectures et de garantir la mise en œuvre effective des différentes politiques publiques qu’elles portent.
Je souhaite notamment revenir sur la délivrance des titres.
Après le pic inacceptable atteint en 2022, les délais ont aujourd’hui été en grande partie résorbés : nous sommes revenus à des délais moyens d’obtention d’un rendez-vous inférieurs à vingt jours. Cette évolution a été permise par une augmentation significative – +40 % – du nombre de dispositifs de recueil déployés dans les communes et par une hausse des effectifs au sein des services instructeurs des préfectures.
En revanche, le nombre de contractuels y a été multiplié par onze. Je déplore ce choix de recourir encore une fois à des effectifs contractuels, alors que l’augmentation des demandes de titres est d’ordre structurel.
Les services chargés de l’accueil et du traitement des demandes de titres étrangers sont confrontés à des problématiques similaires. Ils sont toujours en grande difficulté et les délais n’ont pas été réduits sur les principales procédures. Dans un rapport publié le mois dernier, la Cour des comptes relève que « les services des étrangers souffrent non seulement d’effectifs insuffisants […], mais aussi du recours massif à des contractuels de courte durée, dont le recrutement, la formation et le suivi au quotidien absorbent une grande part du temps de travail de l’encadrement ». Une réponse à la crise de ces services doit impérativement être apportée au plus vite.
Je souhaite, en conclusion, revenir sur le rôle du secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR), une structure qui a particulièrement occupé notre commission des finances à l’occasion des travaux de sa mission sur le fonds Marianne.
La tutelle « rapprochée » de la ministre déléguée sur le SG-CIPDR a mis à mal la vocation interministérielle de cette structure : cette situation a conduit, selon les termes du rapport de la mission d’information de la commission des finances, à un « mélange des genres regrettable ».
Au-delà des recommandations figurant dans ce rapport, il me semble indispensable de tirer des enseignements sur le rôle et le positionnement du SG-CIPDR. Je souhaiterais notamment entendre Mme la ministre sur l’engagement qu’avait pris Mme Sonia Backès, avant sa démission du Gouvernement, de transformer le secrétariat général en délégation, ce qui me paraît constituer une évolution indispensable.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, je propose le rejet des crédits de la mission.