Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’an dernier, l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » n’appelle pas d’observations particulières en ce qui concerne le programme 232 « Vie politique ». L’explosion des crédits – +127, 35 % en autorisations d’engagement et +115, 38 % en crédits de paiement – s’explique en effet par le calendrier électoral chargé de 2024, marqué par la tenue des élections européennes en juin et des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie en mai.
Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » connaît également une forte augmentation de ses crédits – +38, 26 % en autorisations d’engagement –, destinée à financer notamment la création d’un site unique du renseignement intérieur et l’installation d’un pôle transversal des directions supports du ministère de l’intérieur et des outre-mer au sein du futur village olympique de Saint-Denis. Sans remettre en cause le bien-fondé de ces aménagements, j’appelle le ministère à faire preuve de vigilance et à ne pas réduire sa stratégie immobilière à la conduite de projets structurants au détriment de l’adaptation et de l’entretien du parc existant.
L’enjeu majeur de cette mission demeure, à mes yeux, le montant des crédits alloués au programme 354 « Administration territoriale de l’État » ; ils diminuent de 5, 6 % en autorisations d’engagement.
Cette baisse s’inscrit à contre-courant du « réarmement » de l’État territorial annoncé par le Gouvernement et des ambitions affichées dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi).
Certes, le projet de loi de finances prévoit la création de 232 postes au sein de l’administration déconcentrée, dont 110 seront dédiés au soutien aux missions préfectorales en tension. Mais cette évolution ne représente que 0, 41 % des ETP de l’administration territoriale de l’État, qui a perdu 14 % de ses effectifs entre 2010 et 2021 ! Bien que je salue les efforts consentis par le Gouvernement – ils marquent un véritable changement de paradigme après plus d’une décennie de coupes budgétaires drastiques –, je ne peux évidemment me satisfaire d’une telle augmentation, qui relève plus de l’affichage politique que d’une véritable solution au désengagement de l’État dans les territoires.
Cette situation est d’autant plus problématique que l’État territorial est confronté à des défis nouveaux à l’approche des jeux Olympiques et Paralympiques et ne parvient toujours pas à remplir correctement certaines de ses missions.
À cet égard, je citerai l’exemple emblématique de la délivrance des titres sécurisés. Bien que la situation ne soit plus aussi critique qu’elle l’a été au printemps de 2022, de nombreux points de vigilance demeurent, toutes les étapes de la chaîne de délivrance étant encore soumises à de fortes tensions. L’objectif d’un délai de vingt jours pour obtenir un rendez-vous en mairie n’est toujours pas atteint et, en juillet 2023, près de 99 % des passeports n’étaient pas produits dans les délais contractuels.
Ces indicateurs font craindre le pire, d’autant que la demande de titres sécurisés tend à se maintenir à un niveau très élevé ; elle risque du reste de s’accroître avec la généralisation en 2024 de l’identité numérique régalienne.
Eu égard à la décorrélation persistante entre les crédits alloués à l’administration territoriale de l’État et les défis auxquels celle-ci doit répondre, la commission des lois a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » du projet de loi de finances pour 2024.