Intervention de Jean-Michel Arnaud

Réunion du 6 décembre 2023 à 21h15
Loi de finances pour 2024 — Administration générale et territoriale de l'état

Photo de Jean-Michel ArnaudJean-Michel Arnaud :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans ce marathon budgétaire, nous voici ce soir réunis pour examiner la mission « Administration générale et territoriale de l’État », qui couvre l’un des champs d’action du ministère de l’intérieur et des outre-mer. Les crédits de cette mission permettent la mise en œuvre de trois de ses responsabilités fondamentales : garantir aux citoyens l’exercice des libertés publiques, notamment par le suffrage universel ; assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République ; décliner localement les politiques publiques nationales.

Le montant des crédits du budget général s’élève pour cette mission à 5, 6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 4, 66 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 15 % et de 2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, conformes aux engagements pris par le Gouvernement dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur pour la période 2023-2027.

Après des années de baisse des effectifs, puis deux années de stabilisation, le Gouvernement a enfin corrigé la trajectoire de dépouillement des moyens de l’État dans les territoires : il a décidé l’an dernier de mettre fin à l’hémorragie des effectifs des services déconcentrés de l’État, et en particulier des préfectures.

Le PLF pour 2023 prévoyait ainsi, chose inédite depuis dix ans, une hausse des effectifs des préfectures et des sous-préfectures. Aussi légère fût-elle – +104 ETP, dont 48 postes destinés à renforcer les effectifs des préfectures et sous-préfectures –, cette orientation concrétisait une inflexion de la politique menée par le Gouvernement en direction de l’administration territoriale de l’État, le leitmotiv étant désormais, et depuis 2020, de « réarmer les territoires ».

Il s’avère néanmoins que dans les territoires, et notamment dans nos préfectures et sous-préfectures, la pression est très forte sur le personnel ; les services chargés du contrôle de légalité dans les petits départements peinent par exemple à assumer pleinement leurs missions. Il peut s’ensuivre des contentieux et des difficultés pour les élus locaux.

Pour l’année 2024, le programme 354 « Administration territoriale de l’État » alloue environ 2, 63 milliards d’euros aux services déconcentrés, ce qui représente une diminution des crédits de 5, 6 %. Cette baisse entre évidemment en contradiction avec la volonté affichée par le Gouvernement de « réarmer » l’État territorial.

Ainsi, alors qu’au cours des dix dernières années plus de 11 000 ETP ont été supprimés, le schéma d’emploi du programme 354 ne prévoit la création que de 232 ETP. Si un tel solde est appréciable, puisqu’il est positif, les effectifs restent insuffisants pour mener à bien l’ensemble des tâches qui incombent aux services déconcentrés.

Comme l’a indiqué dans son rapport Mme la rapporteure spéciale, les délais de délivrance des titres sécurisés continuent de s’allonger et la saturation des services des préfectures, notamment ceux qui sont destinés aux étrangers, ne fait qu’empirer.

Je puis en donner la confirmation personnelle à propos de mon département des Hautes-Alpes, qui est particulièrement exposé aux migrations au long cours, en particulier à la frontière avec l’Italie : la préfecture y dispose de 3 ETP théoriques pour traiter les dossiers de près de 1 500 à 2 000 étrangers qui passent chaque année la frontière ; encore est-on, dans la réalité, plus proche de 2 ETP, puisqu’il arrive régulièrement qu’un poste reste vacant…

Vous comprendrez aisément qu’il soit difficile, dans ces conditions, de mener une politique qui ait quelque chance d’être perçue comme structurée et positive. Nombre de nos concitoyens peinent ainsi à comprendre que l’État soit si impuissant à traiter les demandes, au demeurant légales, déposées par des étrangers à leur entrée sur notre territoire.

Le réarmement des territoires que le Gouvernement appelle de ses vœux doit donc se concrétiser dans les faits. L’État territorial n’est pas un concept théorique : il doit se traduire sur le terrain par un renforcement des moyens humains et financiers.

Vous le savez tous ici, le couple préfet-maire, auquel il faut ajouter les élus locaux, est essentiel pour faire face aux difficultés que connaissent les populations. Je l’ai encore constaté ce week-end dans mon département, qui a été touché par les aléas climatiques ; je ne doute pas que Mme la ministre, qui s’y rendra demain, partage mon point de vue.

Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » connaît, quant à lui, un accroissement d’environ 38 % de ses crédits.

Ce programme budgétaire porte les fonctions de pilotage du ministère de l’intérieur et des outre-mer au travers des activités d’état-major, d’expertise, de conseil et de contrôle qu’il assure. La hausse de ses crédits s’explique par la poursuite de deux projets d’ampleur en 2024 : la création d’un site unique du renseignement intérieur et l’installation à Saint-Denis d’un pôle transversal des directions supports du ministère.

Le programme 232 « Vie politique » finance l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des élections.

Si les moyens affectés audit programme ne s’élèvent qu’à 257 millions d’euros, on constate une forte augmentation des crédits – +127 % – liée à la conjoncture électorale de l’année prochaine, et notamment à l’organisation des élections européennes.

Mon souhait est que les moyens mobilisés pour accompagner l’action territoriale de l’État nous permettent d’améliorer la situation constatée dans nos territoires et de faire en sorte que le service rendu à nos concitoyens, à nos entreprises et à nos collectivités locales le soit dans de meilleures conditions.

Compte tenu de la dynamique plutôt positive de correction de la tendance très négative qu’a connue la présente mission entre 2012 et 2017, le groupe Union Centriste votera en faveur de ces crédits.

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