Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce soir les crédits de la mission qui couvre notamment les moyens alloués à l’administration territoriale de l’État, c’est-à-dire, de facto, aux préfectures.
Les enjeux sont vastes et procèdent de la logique inversée qui a prévalu depuis 2012 : un démantèlement a eu lieu là où était nécessaire une restructuration vertueuse et efficiente de la déconcentration des services de l’État au profit des territoires.
Ce désinvestissement, la Cour des comptes l’a souligné dans son rapport de mai 2022, insistant sur la baisse disproportionnée et irréaliste des crédits de 14 % en l’espace d’une dizaine d’années, à rebours de toute logique et de tous les besoins exprimés dans les territoires.
Si notre groupe a déjà rappelé sa vive opposition à la concentration de trop nombreuses prérogatives dans les mains des préfets, nous voulons ici rappeler la nécessité de veiller à ce que la fonction préfectorale poursuive sa transformation vers un management participatif horizontal, vers davantage de collégialité dans les décisions et vers des moyens plus importants au profit des territoires, au moment décisif d’entrer avec ces derniers dans une logique de confiance.
Réarmer l’État dans les territoires, c’est remettre de l’action publique auprès des citoyens, c’est soutenir en ingénierie les projets de territoire.
Or, malgré l’inflexion décidée par le Gouvernement, qui vise à revenir sur la politique délétère de suppression et de précarisation des postes, le schéma d’emploi pour 2024 étant en hausse de 232 ETP, le réarmement territorial reste parcellaire, lacunaire ; il connaît du reste une érosion de ses crédits, en baisse de 5, 60 %.
L’évolution est donc d’une ampleur limitée au vu des nombreux défis auxquels l’administration territoriale de l’État va faire face dans les prochaines années. À l’heure actuelle, ladite administration fonctionne surtout au moyen de contrats courts, ce qui engendre en son sein une perte de compétences essentielles, car l’expertise comme l’expérience, hélas ! s’étiolent.
Notre groupe a pourtant souvent rappelé ici même combien nous avons besoin d’un État du quotidien, au plus proche des territoires ; et il a dénoncé, dans le même sens, les failles qui grèvent les ambitions entourant le couple maire-préfet.
Parce que nous défendons l’égalité dans l’accès aux services publics, nous avons alerté sur les revers de leur dématérialisation massive : pour certains territoires, en particulier les territoires ruraux, comme pour certaines populations, notamment les 13 millions de nos concitoyens qui sont touchés par l’illectronisme, elle est vectrice d’exclusion davantage que de modernisation.
Nous saluons donc le commencement, attendu mais tardif, de l’augmentation des effectifs d’agents titulaires effectuant des missions d’accueil, qui s’étalera sur les trois prochaines années.
La volonté de remettre de l’humain dans les préfectures et les sous-préfectures existe ; encore faut-il qu’elle soit complètement déployée si l’on veut répondre efficacement – par le biais du fonds vert ou du programme Villages d’avenir – aux besoins croissants d’accompagnement des collectivités territoriales.
Nous comprenons l’augmentation des crédits du programme 232 « Vie politique », compte tenu de l’accélération du calendrier électoral en 2024. Nous continuons de regretter, toutefois, l’absence de fonds fléchés à destination de la démocratie locale et participative, ferment et terreau d’une démocratie vivante, élément indispensable du renouveau démocratique tant asséné, madame la ministre, par votre gouvernement.
En résumé, même si nous notons une inflexion positive qui traduit, nous l’espérons, une prise de conscience de la nécessité d’une déconcentration efficace, le besoin de réforme profond que commande cette exigence reste à notre sens largement sous-estimé au regard de tous les enjeux précédemment évoqués.
Pour ces raisons, nous nous abstiendrons de voter les crédits de cette mission.