Intervention de Annick Petrus

Réunion du 7 décembre 2023 à 10h30
Loi de finances pour 2024 — Demande de priorité

Photo de Annick PetrusAnnick Petrus :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, gouverner c’est choisir ses combats et c’est établir ses priorités.

La mission « Outre-mer » bénéficie, au sein du projet de loi de finances pour 2024, d’une hausse de ses crédits, dont je me félicite.

Cependant, si cette hausse reflète certains besoins de financement de nos territoires ainsi que les engagements pris dans le cadre du comité interministériel des outre-mer, elle ne constitue qu’une réponse partielle aux retards de développement de nos collectivités ultramarines. Rattraper ce retard doit demeurer une priorité pour la France. Mais, nous le savons, tout ne peut pas se faire en un an.

Le territoire de Saint-Martin, que j’ai l’honneur de représenter à la Haute Assemblée, a besoin de cette solidarité nationale.

Collectivité d’outre-mer de 32 000 habitants et de 53 kilomètres carrés, frappée par deux crises majeures, l’une climatique, en 2017, l’autre sanitaire, en 2020 et 2021, Saint-Martin continue de souffrir d’un trouble post-traumatique !

À cela s’ajoutent des handicaps structurels : une immigration importante, un chômage de masse – plus de 30 % –, une pauvreté endémique. Notre PIB par habitant, qui équivaut à 45 % du PIB par habitant hexagonal, fait de Saint-Martin la troisième collectivité la plus pauvre de France !

Ces réalités sont peu connues, faute de statistiques fiables et actualisées : Saint-Martin se trouve donc trop souvent dans un angle mort de nos politiques publiques – je sais, monsieur le ministre, que vous en avez pleinement conscience.

Mon territoire s’inscrit pleinement dans la logique de rattrapage que j’ai évoquée, qu’il s’agisse des équipements structurants, construits à une époque où notre population était quatre fois moins importante qu’aujourd’hui, ou des politiques de cohésion sociale, c’est-à-dire de l’accès au logement et à l’ensemble des services publics.

De surcroît, les charges transférées n’ont été que peu ou pas compensées par l’État, comme l’a remarqué dans un rapport de mai 2018 la chambre territoriale des comptes, qui a évalué le préjudice financier cumulé sur seize ans à plus de 100 millions d’euros.

Saint-Martin pâtit d’un déficit de logement social comme de logement intermédiaire. Songez qu’aucun logement social n’y a été construit depuis 2016 !

À Saint-Martin, le logement social représente seulement un peu plus de 10 % du parc de logement total, proportion qui reste très inférieure à la moyenne nationale.

Il en résulte que la collectivité reste sous-dotée en matière de logements sociaux : le ratio y est de 5, 2 logements pour 100 habitants, contre 7, 6 logements pour 100 habitants en Hexagone et plus de 10 logements pour 100 habitants chez nos voisins guadeloupéens.

Cette situation n’est pas tolérable pour la population saint-martinoise.

Il est donc nécessaire, j’en suis convaincue, de refonder les cadres d’action de la politique du logement à Saint-Martin, avec l’aide de l’État, par le biais de conventionnements sur des programmes spécifiques.

C’est pourquoi je suis plus que favorable à l’adoption de l’article 55 bis de ce projet de loi de finances, qui permettra l’extension du périmètre d’intervention d’Action Logement à Saint-Martin, conformément aux dispositions de la convention quinquennale 2023-2027 signée le 16 juin dernier entre l’État et Action Logement.

Nous devons également proroger la convention entre la collectivité de Saint-Martin, l’État et l’Anah. En ce domaine, nous aurons besoin de l’ingénierie administrative de l’État, mais aussi de votre appui, monsieur le ministre, pour avancer.

Enfin, notre collectivité pourrait être attributaire, à l’instar de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, elle aussi régie par l’article 74 de la Constitution, de crédits d’État au titre de la RHI. Le problème du logement insalubre à Saint-Martin justifierait cet effort supplémentaire, les besoins étant évalués par la collectivité à 2, 5 millions d’euros par an. Plus de 5 400 résidences principales n’y sont pas raccordées au réseau de tout-à-l’égout, et seulement 39 % des ménages saint-martinois disposent de l’eau chaude.

En outre, afin de garantir un accès à l’eau potable et un traitement des eaux usées dans les normes pour tous les usagers ultramarins, il a été annoncé une révision et un renforcement du plan Eau-DOM d’ici à six mois. Cette nouvelle mouture doit intégrer les nouvelles mesures du plan Eau annoncées par le Président de la République le 30 mars dernier, notamment l’augmentation des moyens dévolus à l’Office français de la biodiversité (OFB), un soutien de 35 millions d’euros par an aux réseaux d’eau outre-mer et le renforcement des aides à l’ingénierie.

Saint-Martin continue de s’inscrire dans une logique de rattrapage et l’établissement des eaux et de l’assainissement de Saint-Martin (EEASM) reste dépendant des subventions publiques pour le financement de ses investissements, lesquels devront être amplifiés durant la prochaine décennie. Certes, dans un contexte très difficile, l’EEASM est parvenue à investir en moyenne 9, 3 millions d’euros par an au cours de la période 2016-2020, mais cet effort devra être renforcé : dans les dix prochaines années, il faudra à tout le moins investir plus de 15 millions d’euros par an. Nous espérons donc la confirmation de l’inclusion de Saint-Martin dans le Plan Eau-DOM.

Je ne dis qu’un mot, pour conclure, de l’extension outre-mer du crédit d’impôt de rénovation des logements sociaux hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Monsieur le ministre, votre gouvernement a bien saisi les enjeux auxquels est confrontée la collectivité de Saint-Martin, et commence à y apporter des réponses. Nous comptons sur vous !

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