Intervention de Philippe Vigier

Réunion du 7 décembre 2023 à 10h30
Loi de finances pour 2024 — Article 55

Philippe Vigier :

L’avis est défavorable, mais je souhaite dire quelques mots sur cet article, dont il est normal qu’il suscite un débat.

Je ne puis tout d’abord vous laisser dire que les sénateurs n’ont pas eu l’occasion de débattre du dispositif prévu à cet article avec Gérald Darmanin et moi-même, monsieur le sénateur Lurel. J’ai reçu au ministère l’ensemble des parlementaires, députés et sénateurs, dans le cadre de la préparation de ce budget. Nous avons eu cette discussion et toutes les questions ont été abordées. Vous ne pouvez pas dire le contraire, monsieur le sénateur. Je peux du reste communiquer à vos collègues la date et l’heure exactes de cette réunion.

Les députés ont ensuite effectivement demandé à nous rencontrer, Gérald Darmanin et moi-même. Nous les avons reçus et – compte tenu des interrogations que suscite l’article 55, je tiens à l’indiquer clairement devant le Sénat – nous leur avons proposé, comme nous vous le proposons, mesdames, messieurs les sénateurs, de se saisir de la question et de se mettre d’accord sur une nouvelle rédaction.

Le président de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale nous a indiqué par courrier que les députés n’étaient pas parvenus à s’entendre sur une rédaction commune. À partir de là, députés et sénateurs ont continué leurs travaux, ce qui est tout à fait normal.

Je souhaite toutefois souligner que la suppression de l’article 55 emporterait la suppression de l’intégralité du dispositif, y compris le soutien à la formation des salariés et des entreprises au travers de la prise en charge du coût de la mobilité qui peut être induite par cette formation. Il faut que chacun ait conscience que serait ainsi supprimée une mesure visant au développement des compétences.

Le dispositif de soutien aux besoins de mobilité des entreprises innovantes, que ceux-ci découlent de la nécessité de se faire connaître ou de trouver des investisseurs, serait lui aussi supprimé.

Compte tenu de l’émoi suscité par l’article 55 et des difficultés rencontrées par les parlementaires à trouver un accord, il eût été facile, pour le Gouvernement, de supprimer cet article. Si nous avions fait cela, les financements mobilisés dans ce cadre, notamment pour les deux dispositifs que je viens de mentionner, auraient également été supprimés.

Vous avez enfin indiqué, monsieur Lurel, que ce dispositif n’avait jamais été évoqué dans le cadre du Ciom.

Sur ce point, je vous renvoie à la proposition 47, « Faciliter l’installation en outre-mer des porteurs de projets professionnels » validée lors du Ciom du 18 juillet 2023 : « Dans le cadre de la nouvelle stratégie de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom), l’État accompagnera les porteurs d’un projet professionnel, résidant dans l’Hexagone, et qui les conduit à s’installer en outre-mer. Les critères de sélection permettront de prioriser les candidats justifiant d’un centre d’intérêts matériels et moraux. Cette mesure sera déclinée dans le cadre d’un partenariat proposé aux collectivités locales. »

Vous ne pouvez donc pas nier que ce débat a eu lieu, monsieur le sénateur, puisque ses résultats sont sanctuarisés parmi les propositions du Ciom qui ont été validées sous l’autorité de la Première ministre le 18 juillet 2023. Le sujet a bien été abordé et le débat a abouti à la proposition susvisée, dont l’article 55 est la traduction.

Les propositions de rédaction qui ont été formulées nous ont amenés à introduire la prise en compte des centres d’intérêts matériels et moraux. Vous souhaitez aller plus loin, madame Micheline Jacques, en conditionnant cette aide à des critères relatifs à l’origine géographique des bénéficiaires. Je ne suis pas – tant s’en faut – membre du Conseil constitutionnel, mais une telle disposition ne me paraît pas compatible avec le principe d’égalité. Le droit sera dit le moment venu, mais j’attire votre attention sur le fait qu’il pourrait en résulter l’annulation pure et simple du dispositif.

Mon objectif est que nous nous dotions de dispositifs efficaces. Lorsque la belle responsabilité de ministre délégué chargé des outre-mer m’a été confiée, je me suis replongé dans l’histoire des territoires ultramarins. J’ai notamment lu que comme vous l’avez indiqué, madame la sénatrice Conconne, certaines années, des financements ont été mis sur la table pour favoriser le départ des jeunes en direction de l’Hexagone.

Nous nous efforçons d’inverser cette logique et d’affirmer que l’on n’a pas le droit de faire cela. J’estime qu’il s’agit d’un acte fondateur républicain. Et nous y allons puissamment, que ce soit en faveur du dispositif « Cadres d’avenir », du soutien à l’ingénierie ou d’un certain nombre d’autres mesures efficaces.

Établissez donc une rédaction consensuelle, mesdames, messieurs les sénateurs : le Gouvernement vous accompagnera. Mais ne prenons pas le risque que, demain, cet article soit supprimé ou amputé. Si tel était le cas, il nous faudrait expliquer à nos concitoyens ultramarins pourquoi nous n’avons pas été au rendez-vous. Pour ma part, je souhaite que nous répondions présent.

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