Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il nous est demandé aujourd’hui de nous prononcer sur l’approbation de conventions fiscales passées entre l’État et les trois collectivités d’outre-mer de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de la Polynésie française.
Il s’agit de conventions fiscales tendant, pour la plupart, à mettre en place une assistance administrative mutuelle afin de lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales, notamment au travers d’un échange de renseignements renforcé destiné à prévenir toute utilisation abusive des règles fiscales. À l’évidence, il s’agit là d’un objectif louable
Cependant, cette proposition de loi organique prévoit aussi l’approbation d’une convention tendant à éviter les doubles impositions avec la collectivité de Saint-Martin.
Habituellement, le Parlement est amené à s’exprimer sur des conventions signées avec des territoires étrangers.
Il est tout de même assez extraordinaire que des territoires français ne soient pas assujettis aux règles de procédure fiscale en vigueur partout ailleurs en France.
Nous, les sénateurs radicaux de gauche, nous sommes en quelque sorte les inventeurs de la progressivité de l’impôt sur le revenu et nous sommes très attachés à l’équité fiscale. Or nous voilà confrontés à une première entorse à cette équité !
Certes, ces territoires ont acquis, depuis trois ans, un nouveau statut constitutionnel, qui rendait nécessaire l’élaboration de nouvelles règles. Mais ces dernières s’accompagnent, à l’évidence, d’une très grande complexité.
Ces territoires sont ceux de la diversité, mais s’ajoute à ces diversités multiples une diversité fiscale. C’est un nouveau concept que nous n’apprécions que modérément.
Enfin, est-il normal qu’il existe des « trous noirs » fiscaux, pour reprendre une expression employée par certains, permettant à de riches contribuables ou à des entreprises bien conseillées d’utiliser la « polyrésidence fiscale » ? D’une manière générale, cela ne nous dit rien qui vaille ! En définitive, c’est une façon d’échapper à la rigueur de certaines impositions.
Cette situation est d’autant plus insolite que la proposition de loi nous apprend qu’il n’y a pour ainsi dire que très peu d’échanges entre les administrations déconcentrées de ces territoires et le ministère du budget.
Ces conventions sont écrites dans des termes identiques à celles qui sont conclues avec des territoires comme les Bahamas et d’autres zones fiscales particulièrement attractives.
Au travers de ces conventions, quels qu’en soient les mérites, on prend le risque d’ouvrir une brèche. On nous rétorquera bien sûr que ces territoires présentent des problématiques que nous ne méconnaissons pas, notamment celle d’une vie chère, et que tous leurs habitants ne sont pas fortunés.
Tout cela est exact, mais, comme l’a signalé mon excellente collègue Mme Nicole Bricq, nous aurions préféré à ce système de ravaudage fiscal un système de subventions, de manière que l’équité soit maintenue sans règles dérogatoires.
Autrement dit, ces conventions comportent de nombreux paradoxes. On nous demande d’approuver des textes qui ressemblent à ceux qui sont passés avec des ports de l’économie souterraine, des havres de la spéculation ou encore des blanchisseries industrielles de l’argent sale, sans parler des poumons de l’économie criminelle que l’on trouve dans ces zones, comme chacun le sait. Et ce n’est pas parce que l’on est en territoire français que le drapeau tricolore devient systématiquement synonyme de vertu !