Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, selon André Malraux, « la culture, c’est ce qui répond à l’homme quand il se demande ce qu’il fait sur la terre ».
Comme les formes d’expression pour le dire sont multiples et diverses, qu’elles traversent les âges, les frontières, les ethnies et les religions, la culture est œuvre de communion universelle et intemporelle entre les êtres humains.
Par conséquent, l’œuvre des politiques publiques devrait être de permettre à chacune et à chacun de s’inviter à cette table de la communion universelle.
De ce point de vue, il est positif que les équipements d’enseignement supérieur d’art aient bénéficié d’une aide exceptionnelle de 2 millions d’euros en 2023 pour faire face à la crise et que cette dotation soit pérennisée pour 2024, mais on peut craindre que ce soit insuffisant. Bien entendu, nous soutenons tout ce qui peut les conforter !
La politique culturelle est essentiellement non pas une politique d’offre de biens culturels à consommer, mais une politique d’appropriation de ces biens par le plus grand nombre, afin de permettre à chacune et à chacun de s’instruire, avec plaisir, à partir de la diversité des créations et des productions et – pourquoi pas ? – d’en devenir soi-même un acteur.
Cela appelle à encourager et à garantir une diversification des politiques de sensibilisation en direction des jeunes.
Une approche éducative artistique et culturelle me paraît donc indispensable si nous ne voulons pas que le pass Culture, par exemple, se transforme en une plateforme de réservation et d’achat de places de spectacle, dont un des premiers écueils serait ce que l’on nomme en bon Français, le no show, à savoir réserver l’accès à un spectacle subventionné par de l’argent public pour, finalement, ne pas s’y rendre.
Bref, des progrès restent à accomplir pour que ce dispositif, qui demeure un simple outil de politique culturelle, puisse atteindre ses objectifs en matière de démocratisation culturelle.
Les crédits du ministère de la culture affichent une hausse de 6 %. Aux côtés de la transition écologique, la lecture, le patrimoine local et la diffusion artistique paraissent en constituer les priorités.
La crise sanitaire a durablement affaibli le secteur, que l’inflation fragilise encore davantage. Si la hausse de 6 % du budget est une tendance positive, il convient tout de même de la pondérer en y apportant deux nuances : premièrement, la compensation de l’inflation tend à conférer au présent budget une certaine stabilité par rapport à 2023 ; deuxièmement, il ne faut pas oublier de souligner l’importance de la contribution des collectivités.
En effet, ce sont elles qui fournissent la majeure partie des subventions et des fonds permettant le développement d’une offre de culture variée dans les territoires. Or, nous le savons, elles connaissent toutes une situation de tension budgétaire.
Nous le percevons au travers des difficultés que traversent les scènes de musiques actuelles (Smac). Depuis 2017, leur financement par l’État est ainsi fixé à 100 000 euros par lieu labellisé. Si ces lieux sont majoritairement financés par les collectivités territoriales – en moyenne quatre fois plus que par l’État –, leurs subventions stagnent ou baissent, soit parce que les collectivités sont elles-mêmes en difficulté, soit pour des raisons politiques.
Pour ce qui concerne le patrimoine des petites communes rurales, le fonds incitatif et partenarial, destiné aux biens protégés des communes disposant de faibles ressources, atteindra 24 millions d’euros ; c’est une bonne chose. Néanmoins, la restauration du patrimoine de ces communes, notamment du patrimoine religieux, nécessitera un engagement budgétaire spécifique – nous le disons clairement –, en souhaitant, bien entendu, que les dispositions spécifiques annoncées par le Président de la République trouvent leur pleine efficience.
Enfin, je pointerai un léger regret, celui de l’absence de référence au nécessaire effort à produire pour défendre nos langues et cultures régionales ou minoritaires.
La mondialisation et l’uniformisation des standards culturels n’aident pas à la préservation de nos langues. Les locuteurs sont de moins en moins nombreux, aussi peut-on craindre une éradication de ces langues, qui participent pourtant de la diversité culturelle du pays.
Qu’il me soit permis d’avoir ici une pensée toute particulière pour Édouard Glissant et Eugène Guillevic : l’un, pour son engagement en faveur de la mise en relation de toutes les cultures du monde et l’autre, pour lequel « plus on est enraciné, plus on est universel » ; l’un Créole et l’autre Breton.