Intervention de Monique de Marco

Réunion du 7 décembre 2023 à 21h30
Loi de finances pour 2024 — Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public

Photo de Monique de MarcoMonique de Marco :

« Le principe de la liberté de la presse n’est pas moins essentiel, n’est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. Ce sont les deux côtés du même fait. Ces deux principes s’appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l’un, c’est attenter à l’autre. » Ces mots empruntés à Victor Hugo sauront rappeler, je l’espère, l’importance des crédits de la mission examinée à présent.

Sans presse libre, point de débat d’idées, point de démocratie. On mesure aujourd’hui toutes les conséquences sur le débat public des financements de la presse d’information politique et générale par le déclin des abonnements. Celui-ci s’est accéléré depuis l’avènement d’internet. Les rédactions françaises ont tardé à prendre conscience de la nécessité du tournant numérique. L’augmentation du nombre de journalistes en freelance et la dégradation des conditions d’exercice de la profession en sont aussi la conséquence.

Désormais, les rédactions sont devenues plus dépendantes des sources de financement alternatif, c’est-à-dire de la publicité et des aides à la presse, financées par les pouvoirs publics.

En 2022, la commission d’enquête sénatoriale sur la concentration des médias en France a montré l’impact de ces changements sur la confiance des citoyens dans l’information journalistique, en forte baisse ; je rappelle le chiffre de 62 %. En parallèle de ce déclin d’influence de la presse de qualité, la diffusion d’informations non vérifiées sur les réseaux sociaux n’a cessé d’augmenter, au détriment du débat public, donc de la démocratie.

Je crains que la diffusion de fausses informations ne soit une guerre perdue d’avance. La priorité est désormais au rétablissement de la confiance dans l’information produite par les journalistes.

C’est le sens des propositions de loi que nous avons déposées en juin dernier, dont l’une portait sur le financement de l’audiovisuel public, l’autre sur le renforcement des exigences en matière d’information et d’indépendance des médias.

Le rapporteur pour avis Michel Laugier a rappelé le consensus qui s’est formé pour renforcer la conditionnalité des aides à la presse. Une décision du Conseil d’État sur la part de journalistes professionnels dans les rédactions nous obligera de toute façon à le faire.

Malheureusement, madame la ministre, le sujet paraît secondaire pour votre gouvernement. La réduction d’impôt pour la souscription d’un abonnement à la presse d’information politique et générale (IPG) a été supprimée quelques années après sa création. Il aurait été peut-être plus pertinent de la renforcer et de l’étendre.

Que deviendront aussi les états généraux de l’information, qui ont commencé dans le désordre plus d’un an après leur annonce lors de la campagne présidentielle de 2022, en réaction à la mobilisation des journalistes du Journal du dimanche ? S’agit-il d’une énième opération de communication, destinée à subir la même trajectoire que la Convention citoyenne pour le climat ? En réalité, madame la ministre, des propositions législatives sont déjà sur la table. Il vous appartient de vous en saisir.

En septembre dernier, on apprenait la garde à vue de la journaliste Ariane Lavrilleux. En octobre, on découvrait la volonté et la demande simultanée du Gouvernement français de prévoir des dérogations au secret des sources lors de l’examen du Media Freedom Act européen, qui se tient en ce moment. Ce sont deux signaux inquiétants.

Madame la ministre, on ne peut pas prendre le nom de « Renaissance », qui renvoie directement à l’invention de l’imprimerie par Gutenberg et à la diffusion des idées des Lumières, et contribuer activement à affaiblir la presse.

Vous avez fait preuve de plus de diligence pour la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, à l’été 2022. L’information de qualité a un coût. Il en va de même pour l’audiovisuel public.

Il est irresponsable de laisser planer le doute sur le financement de ces grands services publics de l’information. Le Conseil constitutionnel a rappelé que des normes fondamentales les protègent. À quoi sert le programme 848, si ce n’est à préparer la fusion à laquelle vous vous opposiez, ici même, aux mois de mai et juin derniers ?

Quant à nos collègues de la majorité sénatoriale, qui proposent de réduire le budget de l’audiovisuel public de 209 millions d’euros, je regrette qu’ils s’éloignent de l’esprit de la Résistance et du combat de Jean-Louis Crémieux-Brilhac pour l’information de citoyens éclairés.

Madame la ministre, vous dites que le combat contre l’extrême droite est au cœur de votre engagement politique. Il y a urgence. Pour revenir à la citation de Victor Hugo, notre démocratie ne marche plus que sur une jambe. Le populisme se nourrit des espaces laissés vides par la fragilisation de la pensée critique. Historiquement, populisme et suffrage universel n’ont jamais fait bon ménage.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion