Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le réveil de l'Europe a été aussi tardif que brutal !
Pendant des années, voire des décennies, la France était bien seule, lorsqu'elle exhortait ses partenaires à bâtir une autonomie stratégique. Cela a été le cas en 2016, lorsque la puissance militaire et nucléaire qu'est le Royaume-Uni s'est désolidarisée de l'Union européenne. Cela a encore été le cas lorsque le président Trump a marchandé la protection accordée à l'Europe.
Dans toutes ces occasions, alors que les djihadistes gagnaient du terrain en Afrique et au Levant, nous étions bien seuls à affirmer que notre sécurité n'était pas garantie et que nous devions l'assurer nous-mêmes.
Nos partenaires n'ont pas vu la nécessité d'une telle autonomie stratégique, mais leurs illusions ont été dissipées par l'invasion de l'Ukraine. Depuis le 24 février 2022, les Européens tentent de rebâtir une défense digne de ce nom, tout en soutenant autant que faire se peut, l'Ukraine agressée.
Relever ce double défi nous oblige à prendre conscience de nos lacunes. Nos partenaires partent de très loin, mais il faut reconnaître que même l'armée française fait face à des difficultés. Nous n'avons pas investi autant que nous aurions dû dans notre armée. Le Gouvernement avait entrepris de corriger cela bien avant l'agression russe.
Néanmoins, le fait nouveau du retour de la guerre sur le continent européen a imposé la réévaluation de nos objectifs.
La guerre de haute intensité n'a pas les mêmes implications que les conflits asymétriques. Notre modèle d'armée doit évoluer pour nous permettre de faire face aux nouvelles menaces ; plus simple à dire qu'à faire ! Cela nécessite en effet de faire évoluer notre base industrielle et technologique de défense (BITD).
Notre industrie s'était adaptée et dimensionnée, afin de répondre aux demandes de nos armées, orientées vers des missions expéditionnaires. L'emploi de très grands volumes de munitions et les taux élevés d'attrition, caractéristiques des conflits de haute intensité, imposent un changement d'échelle.
Cette année, le budget de la défense approche les 2 % du PIB. L'effort consenti par l'État est considérable. De 32 milliards d'euros en 2017, le budget est passé à près de 44 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2023. La progression se poursuit cette année encore, puisque le projet de loi de finances pour 2024 prévoit plus de 47 milliards d'euros, dans la droite ligne des objectifs fixés par la loi de programmation militaire (LPM).
Nous nous félicitons que les engagements pris devant nous par le Gouvernement soient tenus. Les défis qui nous attendent sont gigantesques. Il nous faut tout à la fois moderniser, massifier et soutenir.
Moderniser d'abord, car nos infrastructures militaires sont vétustes au point qu'elles deviennent dangereuses. Il faut aussi continuer à moderniser notre arsenal pour rester crédibles.
Cela vaut bien sûr pour nos capacités nucléaires, mais plus largement pour l'ensemble de notre matériel et de nos savoir-faire. Ainsi, 9 milliards d'euros seront consacrés à la modernisation.
Massifier, ensuite, car affronter un État dans un conflit de haute intensité implique une forte attrition. Nous devons être capables d'y faire face en gagnant en épaisseur. Il s'agit là d'un véritable défi. Nos armées ont cédé certains de leurs appareils pour répondre à des commandes d'export. Simultanément, nous devons continuer à soutenir nos amis ukrainiens, notamment en leur fournissant de l'armement.
Inutile de dire que notre BITD a bien du mal à faire face à ces nouveaux besoins. Pour qu'elle y parvienne, elle doit être sécurisée et accompagnée par des commandes claires.
Au-delà du matériel, nous avons également besoin de femmes et d'hommes. Le budget pour 2024 permettra, cela a été rappelé, de procéder à 456 recrutements. Du reste, notre rapporteur spécial a souligné les difficultés liées au recrutement : une chose est de recruter – c'est délicat –, une autre est de fidéliser.
Nous l'avons dit, les infrastructures dans lesquelles nos militaires travaillent et vivent doivent être modernisées. Ainsi, 70 millions d'euros seront consacrés à l'amélioration de leurs conditions de vie.
Il est également nécessaire de renforcer l'attractivité de ces métiers et la reconnaissance de l'engagement de nos soldats, ce à quoi seront consacrés 184 millions d'euros.
Une armée forte constitue l'un des meilleurs atouts pour une paix solide !
Confrontée à de multiples défis, notre armée entre dans une période de profonde transformation.
Il nous faut veiller à ce que les femmes et les hommes engagés pour la défense de la patrie disposent des moyens nécessaires à l'accomplissement de leurs missions.
Mes chers collègues, vous l'aurez compris, le groupe Les Indépendants votera en faveur de l'adoption de ces crédits.