Intervention de Clément Beaune

Réunion du 13 décembre 2023 à 15h00
Réemploi des véhicules — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Clément Beaune , ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission de l'aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs – je salue en particulier M. le président Gontard –, je vous remercie tout d'abord de votre initiative et du travail qui a été conduit, dans un esprit de dialogue, et même de consensus, comme en témoigne le vote unanime du texte en commission.

Monsieur le rapporteur, au moins trois points essentiels caractérisent l'esprit dans lequel a été préparé le texte que vous défendez aujourd'hui.

Premièrement, vous dressez un constat de la réalité, qu'on l'aime ou non : 85 % des Français utilisent la voiture pour accomplir leurs trajets du quotidien, qu'il s'agisse de se rendre au travail, chez le médecin ou dans un lieu culturel, ou d'accomplir toute autre activité.

La transition vers un autre modèle de mobilité doit certainement être accélérée et accompagnée, mais, pour l'heure, l'usage de la voiture est une réalité vécue par un grand nombre de citoyens, notamment par les plus modestes et ceux qui vivent en zone rurale.

Deuxièmement, pour répondre à l'urgence climatique, nous devons assumer une logique de transition ; celle-ci se situe d'ailleurs au cœur de votre initiative, qui se révèle concrète et pragmatique. Nous ne passerons pas du jour au lendemain d'un monde de voitures individuelles, encore souvent polluantes, à un monde où chaque Français, partout sur le territoire, pourra utiliser un transport public ou des modes de transports dits doux ou actifs.

Nous devons donc franchir des étapes, là aussi en accélérant, mais surtout en assumant une logique de progressivité et de transition.

Troisièmement, il faut assurer l'accompagnement social, qui est indispensable à la réussite de cette transition écologique. Si nous ne tenons pas compte des besoins et des contraintes particulières des Français les plus modestes, ceux des classes moyennes et des territoires ruraux, nous aurons les plus grandes difficultés à susciter l'adhésion à cette transition écologique.

On l'a vu, l'indifférence à ces problèmes peut aboutir à un ralentissement de la transition, voire à une contestation de l'urgence climatique et des politiques publiques qui ont vocation à y répondre.

Je veux saluer explicitement et directement l'esprit de consensus qui, je le disais, a animé les travaux de la commission et a permis de faire évoluer le texte. Pour en avoir discuté avec le rapporteur, je pense même que le texte a été nettement amélioré, dans la mesure où il a été tenu compte d'un certain nombre d'arguments pratiques.

Sur le fond, la proposition de loi qui nous rassemble cette après-midi s'intéresse en particulier au dispositif de prime à la conversion.

Vous le savez, c'est un outil que le Gouvernement soutient fortement, en tant que levier de décarbonation très rapide et nécessaire de nos mobilités routières, dans une société où la voiture est appelée à rester inévitable pour une partie de la population, au moins pour une certaine durée.

Le texte prévoit en effet d'allonger la durée de vie des véhicules les moins polluants voués à la destruction, en application de la prime à la conversion. Ces véhicules pourraient alors être utilisés pour quelques années par des services de location sociale et solidaire, gérés par les AOM, au profit des personnes les plus défavorisées.

En effet, le parc des acteurs de la location sociale et solidaire est ancien et globalement plus polluant que celui des véhicules classés Crit'Air 3, qui viendra en remplacement.

Nous comprenons donc la logique de la démarche proposée par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, dont je tiens à saluer l'engagement en faveur de la mobilité sociale, mais aussi le pragmatisme, dont cette initiative concrète est le reflet.

Je salue également l'action du rapporteur Fernique, qui, à la suite des échanges auxquels je faisais référence, a utilement encadré le dispositif initial lors des travaux en commission.

Dans sa version originelle, le texte comportait quelques effets de bord négatifs pour l'environnement. Je sais bien que ces effets n'étaient pas dans l'intention de l'auteur de la proposition de loi, mais ils étaient bien réels. La limitation aux seuls véhicules classés Crit'Air 3 ou moins, adoptée en commission, est ainsi bienvenue.

Vous le savez, l'objectif premier de la prime à la conversion, défendue par le Gouvernement, est bien de sortir du parc roulant les véhicules polluants. Dès lors, prolonger leur durée de vie, même pour un temps limité et dans le cadre d'un objectif social, nous semble porter atteinte au moins partiellement à l'esprit et aux principes qui fondent la prime à la conversion.

En outre, même si la prime à la conversion présente une grande importance pour l'amélioration de la qualité de l'air, il existe aujourd'hui d'autres dispositifs visant à rendre plus accessibles des véhicules moins émetteurs. Tel est le cas du leasing social, qui, je vous le confirme, sera effectif avant la fin de l'année 2023 pour la réservation des véhicules.

C'est pourquoi je vous proposerai, dans l'esprit de nos échanges et au nom du Gouvernement, un amendement visant à rendre le texte davantage compatible avec les attendus de la prime à la conversion.

Ainsi, nous souhaitons autoriser la prolongation de la durée de vie des véhicules destinés au rebut pour les louer à des personnes précaires à condition qu'ils soient au préalable rétrofités. Ce rétrofit pourrait être électrique – ce serait bien sûr la meilleure solution –, mais le pragmatisme nous impose aussi d'envisager, le cas échéant, le gaz naturel liquéfié (GNL) ou la motorisation hybride rechargeable.

Le rétrofit électrique est encore relativement onéreux. Aussi, je tiens à préciser que les coûts en seraient pour partie supportés par la prime au rétrofit prévue aux articles D. 251-5 et suivants du code de l'énergie.

Ajoutons que cette transformation préalable permettrait également au public le plus précaire, ciblé par votre texte, de réaliser des économies considérables en matière de carburant et d'entretien.

Dans un souci de cohérence vis-à-vis de la prime à la conversion, nous espérons que la proposition du Gouvernement recevra l'approbation de votre assemblée. Je serai en tout cas engagé de manière constructive dans le débat. En fonction du texte qui sera issu de nos échanges, je préciserai la position du Gouvernement, mais vous aurez compris mon intérêt et ma bienveillance à l'égard de votre initiative.

J'en profite pour saluer l'ancien sénateur Joël Labbé, qui a contribué, tant dans l'esprit que sur le fond, à cette proposition de loi pragmatique.

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