Intervention de Laurence Boone

Commission des affaires européennes — Réunion du 8 novembre 2023 à 13h30
Institutions européennes — Conseil européen des 26 et 27 octobre 2023 - Audition de Mme Laurence Boone secrétaire d'état auprès de la ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée de l'europe

Laurence Boone, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de l'Europe :

Monsieur le président, Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs, c'est un grand plaisir de retrouver la commission des affaires européennes. C'est aussi un honneur d'être ici comme de coutume, après chaque Conseil européen, afin de vous en narrer les principaux développements. Depuis l'année écoulée, j'ai pu revoir certains d'entre vous, mais je voudrais aussi saluer les nouveaux membres de cette commission que je rencontre avec plaisir et vous dire à toutes et à tous, ma disponibilité et celle de mon équipe.

Lors de la rencontre avec les membres du Bureau de votre commission, Monsieur le président, que vous m'avez permis de faire, vous aviez également insisté sur le fait qu'il fallait essayer autant que possible d'organiser des auditions plus rapprochées de la date des réunions du Conseil européen. Nous pouvons donc nous réjouir que le prochain débat de ce type en séance soit prévu au Sénat le 13 décembre, juste après la réunion du Conseil des affaires générales et avant celle du Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023.

Vous avez évoqué les questions qui étaient à l'ordre du jour du dernier Conseil européen, qui a évidemment été marqué par les deux crises géopolitiques majeures auxquelles nous devons faire face. Ainsi que vous l'avez relevé, une grande partie du premier après-midi a été dédiée au conflit au Proche-Orient. Ont été traités également le dossier de la guerre en Ukraine ainsi que d'autres dossiers internationaux tels que celui de la Serbie et du Kosovo, l'élargissement, la guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et le Sahel.

Les échanges ont également porté sur les migrations. Le Conseil est en voie de trouver un accord sur le nouveau pacte portant sur la migration et l'asile, ce qui est positif. Le sort de ce dernier se joue désormais avec le Parlement européen.

Le Conseil européen a également traité des dossiers suivants : les questions économiques sous l'angle de la compétitivité, avec la réponse à l'Inflation Reduction Act (IRA) et son évaluation par la Commission, la politique industrielle et l'énergie, et enfin la politique budgétaire, c'est-à-dire, le cadre financier pluriannuel et la révision des règles de gouvernance économique. À cet égard, puisque vous le mentionnez, se dérouleront cette semaine une réunion de l'Eurogroupe ainsi que du Conseil affaires économiques et financières (ECOFIN). Nous attendons la réalisation d'avancées importantes car les chefs d'État ou de gouvernement ont mandaté leurs ministres afin de conclure un accord avant la fin de l'année pour éviter l'application de règles anciennes qui n'ont plus beaucoup de sens.

En ce qui concerne la situation au Proche-Orient que vous avez évoquée, la priorité était d'afficher une convergence européenne. Nous pouvons nous féliciter d'y être parvenus puisque le Conseil européen a condamné sans équivoque les attaques terroristes du Hamas contre Israël, exigé la libération des otages et demandé le respect par tous du droit international humanitaire, au titre duquel Israël a le droit de se défendre, en appelant à des pauses humanitaires ainsi qu'à l'ouverture urgente d'un accès humanitaire complet, sûr et sans entraves pour les civils de Gaza. Nous allons maintenir notre aide et notre lien avec l'autorité palestinienne et continuons d'oeuvrer pour restaurer un horizon politique qui préserve la solution à deux États. Vous l'avez mentionné, demain à l'initiative du Président de la République, et dans le cadre du forum pour la paix, la France accueille une conférence internationale humanitaire qui permettra de se concentrer sur l'aide humanitaire pour les civils de Gaza.

S'agissant de l'Ukraine qui craint que les événements au Proche-Orient n'occultent ceux qui se déroulent à l'Est de notre continent, le Conseil européen a rappelé que nous la soutiendrions aussi longtemps que nécessaire, en démentant l'effet de fatigue escompté par la Russie. Le Conseil a donc renouvelé son appel à renforcer l'aide à l'Ukraine, dans toutes ses dimensions, économique, politique, militaire, humanitaire ainsi qu'en matière de sécurité alimentaire. Par ailleurs, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, M. Marc Fesneau, se rendra dans une semaine au sommet « Céréales d'Ukraine ». En lien avec le G7, la Commission européenne et les États membres sont en train de préparer un douzième paquet de sanctions qui sera discuté au Conseil des affaires étrangères, lundi prochain. Celui-ci vise à lutter beaucoup plus efficacement contre le contournement des sanctions, en particulier pour les biens à haut risque ainsi qu'à réduire les recettes que la Russie tire des exportations, notamment de diamants. En outre, ainsi que nous l'avons évoqué de nombreuses fois devant votre commission, le Conseil étudie également les voies et moyens d'utiliser les profits tirés des avoirs russes gelés et immobilisés afin de les mettre à la disposition de l'Ukraine, dans un cadre juridique sécurisé.

Parmi les autres sujets, le Conseil européen poursuit ses efforts visant à promouvoir la paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, tout en explorant les pistes d'un renforcement des relations entre l'Union européenne et l'Arménie. Nous plaidons toujours pour la reconnaissance des fondamentaux du droit international, c'est-à-dire la reconnaissance de la souveraineté, l'inviolabilité des frontières, et l'intégrité territoriale. Il est crucial de garantir les droits à la sécurité des Arméniens du Haut Karabakh. La France tient réellement le rôle de pays leader sur ce sujet, en parvenant à mobiliser l'ensemble des acteurs ainsi qu'en travaillant, s'il le faut, à des sanctions contre l'Azerbaïdjan. Je rappelle également que la France n'importe pas de gaz d'Azerbaïdjan.

Quant à la situation entre la Serbie et le Kosovo, le Conseil européen se heurte à l'absence d'efforts de la part des deux parties pour réduire les tensions. Cela aura naturellement des conséquences, notamment dans le cadre de l'élargissement puisque le Conseil a rappelé que la normalisation des relations demeure la priorité. Pour mémoire, cela devrait passer par la création de l'Association des municipalités à majorité serbe au Kosovo, la reconnaissance de facto par la Serbie du Kosovo ainsi que par l'organisation de nouvelles élections dans le Nord du Kosovo, avec la participation des Serbes et leur retour dans les institutions kosovares.

Le Conseil européen a également examiné la situation au Sahel. Il a souligné la nécessité de revoir notre approche en Afrique de l'Ouest, en particulier dans cette région. Le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité devrait proposer des axes d'action concrets, en accord avec la Commission européenne, tels que le renforcement de la coopération avec les États partenaires dans la lutte contre le terrorisme, que sont la Mauritanie, le Tchad, les États du Golfe de Guinée et, bien évidemment, la lutte contre l'influence russe dans la région.

Outre les dossiers relevant de la situation internationale, les échanges ont également porté sur la question des migrations, selon toujours les mêmes principes : des partenariats stratégiques globaux et mutuellement bénéfiques, un dialogue équilibré et exigeant à l'égard des pays partenaires, des contreparties claires ainsi que des objectifs précis mesurables. Le Conseil européen, a appelé, dans ce cadre, à mettre en oeuvre rapidement le partenariat conclu avec la Tunisie ainsi qu'à élargir cette méthode à d'autres pays tiers d'origine et de transit. La Commission européenne travaille ainsi à l'élaboration d'un partenariat global avec l'Égypte, particulièrement nécessaire dans le contexte actuel. D'une manière générale, un vrai consensus se dégage sur la nécessité de lutter contre les entrées irrégulières et de renforcer la politique des retours, en agissant ensemble.

Ces objectifs nécessitent que nous révisions, en parallèle notre cadre législatif en matière d'asile et de gestion des migrations, d'où l'importance des trilogues que vous souligniez, Monsieur le président et dont l'objectif est évidemment de parvenir à un accord global sur le nouveau pacte sur la migration et l'asile d'ici à la fin de la mandature. Je souhaite rappeler que ce dernier concerne la sécurité des frontières extérieures, compétence de l'Union européenne avec les visas de touristes de moins de 90 jours, le reste relevant des politiques nationales.

Le Conseil européen a également abordé un certain nombre de sujets économiques et industriels, dont l'énergie. Nous pouvons saluer l'accord du Conseil Énergie sur la réforme du marché européen de l'électricité puisque celui-ci vise à assurer à la fois la transition, les investissements pour la transition ainsi que des prix prévisibles, stables et compétitifs.

Le Conseil européen a ensuite rappelé la nécessité d'adopter les textes législatifs en cours de négociation sur l'industrie zéro émission ainsi que sur les matières premières critiques. Dans un contexte géopolitique tendu, il est absolument crucial que nous parvenions à conclure un accord à la fin de l'année.

S'agissant de la réponse européenne à l'IRA, en particulier par la réduction des charges qui pèsent sur nos entreprises, le Conseil européen a étudié ce dossier, mais son évaluation par la Commission européenne ne répond pas à nos attentes. Nous oeuvrons à une amélioration, puisque notre intérêt est de soutenir de matière durable la compétitivité de nos économies.

Enfin, en ce qui concerne la révision du cadre financier pluriannuel, un consensus très clair s'est dégagé au Conseil européen sur la poursuite du soutien à l'Ukraine. Quant aux autres aspects de ce cadre, nous cherchons en priorité des redéploiements. L'enveloppe totale que demande la Commission européenne est trop élevée, notamment les frais administratifs, incluant sa masse salariale. Je crois que votre commission a auditionné deux représentants de la direction du budget et évoqué ces enjeux. J'espère ne pas trop m'avancer sur la convergence de nos vues sur ce sujet.

En matière de révision des règles de gouvernance économique, la France est pleinement engagée dans la recherche d'un compromis, notamment avec l'Allemagne. Le Conseil européen lui a rappelé la nécessité de « conclure le travail législatif en 2023 ». Il est impossible de revenir aux règles qui datent d'avant le Covid, d'avant la guerre en Ukraine, ou d'avant la transition énergétique accélérée.

Je conclurai mon propos par les préparatifs de la Conférence des Parties, COP 28. L'Union européenne a confirmé qu'elle sera le premier continent à atteindre la neutralité climatique d'ici 2050. On peut affirmer que nous sommes un des acteurs les plus ambitieux de toute la COP. Nous reviendrons certainement en détail sur un grand nombre de ces points.

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